En
est-on bien certain ?
Ce que redoutaient les défenseurs de la neutralité du Net est arrivé : Jeudi
dernier, le 14 décembre, la Commission fédérale des communications (FCC) a mis
fin aux États-Unis à ce grand principe. Les cinq commissaires ont exposé leurs
points de vue avant de voter le texte, comme prévu, à trois voix contre deux.
« Fondateur » d’Internet, le principe de la neutralité du Net
veut que tous les contenus mis en ligne sur le réseau soient traités de la même
manière, sans discrimination. Il interdit par exemple à un fournisseur d’accès
à Internet (FAI) de transporter les flux vidéo provenant d’un service donné
plus rapidement que ceux d’un autre. Il lui interdit aussi de bloquer l’accès à
certains sites ou à un certain type de contenus (sauf intervention d’un juge ou
d’une autorité habilitée). Concrètement, sous l’empire de la neutralité du Net,
un FAI américain n’avait pas le droit de faire payer davantage ses
consommateurs pour un accès plus rapide à YouTube ou à Netflix, par exemple, ni
de censurer les messages de Daech.
Les défenseurs de la neutralité du Net craignent que cela signifie pour
les internautes des accès à Internet différenciés, aussi bien s’agissant de
coût et de vitesse que de contenu – avec un risque pour la liberté d’expression.
Ils arguent aussi que la neutralité du Net permet à de petits acteurs de
grandir, en bénéficiant d’un accès égal à celui des géants sans devoir payer de
frais exorbitants pour accéder à des « tuyaux » performants. Certains
prétendent même que Google ou Netflix n’auraient pas pu émerger sans ce
principe…
Pas certain, parce que moâ, je me souviens.
« Qui sera le plus affecté [par
la fin de la neutralité du Net] ? Les
consommateurs et les petites entreprises ! », a déploré « Mignonne-Cly-Burne »,
l’une des deux commissaires opposées à la décision. « Les conséquences de la fin de la neutralité du Net ne se feront pas
sentir tout de suite. Mais j’ai peur qu’un jour nous nous réveillions et que,
voyant ce qui a changé, il soit trop tard pour faire quoi que ce soit. »
Je ne sais pas d’où elle sort, mais elle ne connaît manifestement pas ou
plus la préhistoire du web, quand on s’envoyait des messages sur
« compuserve », que c’était « imbitable » avec des ID et
des mots de passe imposés comme d’une succession de chiffres difficile à
retenir…
Elle ne sait plus que du temps des modems et des minitels (qui en sont
morts) les FAI limitaient déjà les débits à 20 puis 100 Mo/mois et que c’est
encore le cas avec la 3G et la 4G (à plusieurs Go)…
Vous me direz, c’est le fait des Fournisseurs d’Accès à Internet (pour
tous), pas ni des gouvernements (sauf en Islande et quelques théocraties qui
bloquent les contenus pornographiques), ni des réseaux de contenus…
Eux, ils vivent de meks comme moi qui donnent gratuitement de leur temps
pour fournir du « contenu » que viennent visiter, butiner, des
dizaines de milliers d’internautes sis n’importe où sur le globe (mais beaucoup
plus de l’hémisphère nord que celui du sud en ce qui concerne ce blog).
« Les petites entreprises se
fourvoient si elles pensent qu’elles vont devoir payer plus pour accéder au Net
», a répondu Michael O’Rielly, favorable au texte de la FCC. « Respirez-bien. Cette décision ne va pas
casser Internet. »
Les adversaires de la neutralité du Net, généralement représentés par les
opérateurs des télécoms, martèlent que l’infrastructure des réseaux a un coût,
d’autant plus que celle-ci nécessite d’être modernisée en permanence, à mesure
que les usages d’Internet évoluent et que la demande augmente, notamment avec
la vidéo. Selon eux, expérimenter de nouvelles offres et faire payer davantage
les utilisateurs pour des services de plus grande qualité leur permettra
d’assumer ces investissements et d’innover davantage.
C’est Ajit Pai, le président de la FCC, qui a parlé en dernier pour
défendre son texte. « Cela ne va pas
mettre fin à l’Internet tel que nous le connaissons. Cela ne va pas tuer la
démocratie. Cela ne va pas étouffer la liberté d’expression en ligne »,
a-t-il prétendu.
« Il est temps pour Internet d’être
à nouveau piloté par les ingénieurs, les entrepreneurs et les consommateurs,
plutôt que par les avocats, les comptables et les bureaucrates. Il est temps
pour nous d’apporter un meilleur accès à Internet, plus rapide et moins cher, à
tous les Américains. (…) Il est temps
pour nous de restaurer la liberté d’Internet. »
Le grand foutoir des arguties contradictoires, me semble-t-il…
L’idée, c’est ce concept selon lequel chaque utilisateur a le droit
d’avoir accès à un internet dont le contenu n’est pas filtré en fonction de son
fournisseur d’accès, son appareil ou son prestataire de service. Depuis 2015,
grâce à une petite régulation de la FCC d’à peine plus de 300 pages, tout
prestataire de télécommunication qui fait transiter ces petits paquets tous
égaux n’a plus le droit de les trier en fonction de la source, de la
destination ou (surtout) du contenu de ces paquets. Il était désormais interdit
aux fournisseurs d’accès de bloquer arbitrairement des contenus légaux et
surtout, surtout, de ralentir ou d’accélérer les flux de données sans
justification ou de prioriser certains contenus transitant par leur réseau
moyennant paiement. D’où parfois les « dénis d’accès » et les
coupures-sauvages (script trop long).
Rassurez-vous, tout le monde sait que les intertubes doivent être neutres,
dès le départ ! Tout le monde sait que c’est grâce aux gouvernements et à des
législations finement étudiées que tout s’est bien passé jusqu’à présent ! Tout
le monde sait que si on laisse les opérateurs libres de faire ce qu’ils
veulent, ce sera la loi du plus fort, celle de la jungle, du renard libre dans
un poulailler et que les petits internautes n’auront plus accès à tout
internet, que les petits sites seront inaccessibles et que tout ira forcément
très mal en conclue-t-on.
Tout le monde sait aussi que si des grandes entreprises comme « Fesse-book »,
« Gogole », « Net-inflixible » et « Lou-lou-tube »
(avec leurs 54 % de bande passante à eux deux) et tant d’autres ont pris
vocalement position en faveur de cette neutralité du net, c’est que c’est
forcément pour l’intérêt des petits internautes, n’est-ce pas ! Et ce, même si « Fesse-book »
a eu une attitude équivoque à ce sujet et trimbale des « fakes-news »
en pagaille. Et ce, même si les études économiques montrent que les investissements
ont ralenti (3,6 milliards de dollars en moins en 2016, par exemple) à la suite
du passage de la « neutralité du net » en 2015.
Il est vrai qu’un fournisseur d’accès pourrait se demander pourquoi
innover s’il lui est impossible de différentier son offre et de s’adapter à
l’utilisation de sa bande passante. Mais les soldats de l’internet neutre n’ont
que faire des études économiques puisqu’il s’agit d’une question de principes :
Internet doit être neutre, c’est comme ça, même que d’abord, c’est « un principe
fondateur », ce même si cette notion n’existait pas avant 2015 et que ça
marchait quand même très bien.
Parce qu’en fait de principe fondateur du Net, cette loi était surtout le
résultat d’une nouvelle connivence capitalistique entre le gouvernement fédéral
américain et de gros fournisseurs de contenu qui n’entendent pas trop se
retrouver coincés dans des accords de peering coûteux avec … des gros
fournisseurs de tuyaux, généralement eux aussi en situation de monopole de
droit grâce à de précédentes prébendes législatives et de fait comme
conséquence des faramineux investissements que cela représente.
Pensez donc à la fibre, qu’on vous vend avec des forfaits hauts-débits… de
votre compte-banque, alors que l’autorité publique a déjà subventionné par vos
impôts et taxes les raccordements.
Eh oui : En février 2015, l’administration « Haut-bas-mât »
s’est réveillée avec la grande frousse de voir Comcast (un des principaux ISP
américains) donner la priorité à certains paquets plutôt qu’à d’autres. Ce
n’était pas le cas, mais… on ne sait jamais et il ne faut jamais laisser passer
l’occasion d’une belle régulation supplémentaire.
Depuis, tous les paquets devinrent égaux de naissance.
C’est bien sûr une idée idiote, d’abord parce que les fournisseurs ne le
faisaient pas en 2014 et ensuite parce que si l’un d’entre eux le fait, le risque
est grand de voir le consommateur aller chez son concurrent.
Dès que l’offre peut être diversifiée, des concurrents au statu quo apparaissent : En
l’occurrence, il n’y a pas un moyen unique d’amener l’Internet à un client. On
peut passer par autre chose que le câble… Fibre, 5G, réseaux existants
(téléphone et câbles électriques), satellite, radio en ligne de vue, … Rien n’empêche
de dégrouper le câble…
En pratique, les règles de « neutralité du net » permettaient probablement
de ne pas innover et les faire tomber permet de revenir aux bons vieux jours où
les fournisseurs d’Internet avaient aussi leurs portails web et offraient
quelques services dont les geeks ne se servaient pas mais qui étaient le
produit le plus utilisé par le consommateur moyen.
Bref, imposer la neutralité du net, c’était surtout se tromper
d’interlocuteur et résoudre un non-problème sans résoudre celui qui existait
vraiment : Corriger des monopoles locaux – garantis par les lois locales – par
une réglementation nationale qui bride l’investissement est économiquement
parfaitement idiot.
La solution est bien évidemment de supprimer la réglementation nationale
et la réglementation locale. La nationale vient donc de sauter, les États et
les communes doivent à présent s’occuper
de la locale…
En outre, il y avait du favoritisme qui est bon pour le consommateur. Par
exemple, pourquoi les paquets de peer-to-peer devraient avoir la même priorité
que les paquets de jeux vidéos ? Pourquoi ne pas offrir au consommateur cette
possibilité de prioriser ses paquets ? Un gamer trouvera plus intéressant que
ses paquets UDP soient bien mieux routés que les paquets TCP pour du HTML ou du
« Ton-tube » dont il n’a pas usage le plus fréquent. Du reste, cette
qualité de service et le « traffic shaping » (mise en forme du trafic) existent
depuis des lustres et la « neutralité » n’y a rien changé.
Mieux : Pourquoi demander à un internaute pauvre de payer finalement le
même forfait qu’un riche alors qu’en segmentant, il pourrait économiser et ne
payer que ce dont il a vraiment besoin ? Pourquoi, en somme, faire payer aux
pauvres l’internet dont les riches ont envie ?
Pourquoi lui vendre un truc qu’il n’utilisera jamais ?
Encore une fois, derrière les belles paroles, les beaux principes et les
belles intentions, on a créé un fantasme, celui d’un internet où tout le monde
aurait accès à tout de façon indifférenciée et sans que les coûts réels ne
soient effectivement supportés par ceux qui les engendrent en premier lieu. Ce
type de paradigme, où tout le monde bénéficie d’un service qui n’est jamais
payé par ceux qui l’utilise vraiment, a un nom : Le collectivisme forcé !
Internet n’a jamais été un paradis collectiviste mais bien une
construction produite par le marché libre. La bande passante, ça se paye et si,
actuellement, de grosses entreprises milliardaires et gourmandes en bande
passante ou en infrastructure réseau sont pour cette neutralité du net, c’est
que le capitalisme de connivence est déjà là.
Inversement, depuis 2015, on ne distinguait plus entre le coût des
« tuyaux » à entretenir et améliorer (un doublement des capacités au
moins tous les 5 ans) et le fournisseur de contenu. Celui-là fait payer – par
la pub – le trafic généré par les internautes, alors que les premiers se font
payer par le forfait du droit d’accès, quel que soit le trafic.
Moâ, ce que j’aime bien dans l’internet, ce n’est pas tant que tout soit
accessible depuis un portable, mais bien que si l’imprimerie a permis et même
imposé de savoir lire, internet a obligé de savoir écrire.
D’ailleurs, l’écriture a diablement évolué : Il suffit de lire les
textos envoyés par les « poucettes » (textes tapés avec les pouces)
et leurs abréviations intempestives qu’on retrouve parfois dans des copies de
droit à corriger…
Quant à la censure que certains redoutent, c’est assez facile : Le
Gouvernement chinois ne se gênait pas pour couper les lignes au moment de la
révolution des parapluies, les égyptiens également, et les russes pareil quand
il a fallu « isoler » la Crimée en 2013… Souvenez-vous donc.
D’ailleurs, à ce sujet, dans « ma » presse-locale, il a été fait
mention du message de Stuart Peach, le chef d’État-Major des armées
britanniques : « Une nouvelle
menace potentiellement catastrophique ». À elle seule, la Russie serait en
mesure de suspendre les connexions internet du Royaume-Uni et d’autres pays
occidentaux.
Comment ? Mais en coupant des câbles de communication sous-marins liant l’Europe
aux États-Unis, ainsi qu’à d'autres régions du monde. L’inquiétude monte alors
que des navires russes ont récemment été repérés, à plusieurs reprises, aux
abords des câbles dans l’océan Atlantique.
« Notre prospérité et notre mode de
vie encourent un nouveau risque à savoir le sectionnement de ces câbles qui
sillonnent nos mers ». Je serai à sa place, je commencerai par m’inquiéter
des conséquences du « Brexit », mais je ne suis pas à sa place.
Un avertissement qui surgit juste après la publication d’un rapport rédigé
par le think-tank Policy Exchange, d’après lequel 97 % du réseau de
télécommunications mondiale passerait par les câbles en question.
The Guardian se veut quant à lui plus prudent et souligne que les navires
russes pourraient en réalité ne faire « que
» puiser dans ces câbles, « comme le font
les Américains et les Britanniques depuis fort longtemps », afin d’intercepter
des données.
En bref, une révolution internétique ? Pas du tout : Une simple
bataille rangée entre fournisseurs du « hard » (les câbles, fibres et
antennes-relai) et du « soft », le contenu qu’on met dans lesdits
tuyaux.
Et de vous à moi, payer pour pouvoir faire passer des vidéos-pornos alors
que je n’en regarde jamais ou même seulement la télé alors que j’ai un poste
adéquat pour ça, ça me rend nerveux.
Ma seule consolation, c’est de pouvoir écouter « Air-Tchi-Tchi »
en non-stop du matin au soir, quel que soit l’endroit où j’ouvre ma machine
(quand je ne suis pas terré au fond d’un trou en « apnée-profonde ») :
Mon seul luxe à moi… Globalement, moins d’1 Go/jour.
Mais je l’aurai mauvaise si « McDo-Trompe » me prive un jour de
ce « petit-plaisir-là ».
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