La
discrète réforme de la phase de budgétisation
C’est une réforme en cours sans tambour ni trompette qu’est en train de
mettre en place le nouvel exécutif, et en particulier le « Premier-des-sinistres »
ainsi que celui de l’Action et des comptes publics « Gégé-Demain »,
tous deux des transfuges des « Républicains-démocrates », ce
nid de…
En effet, cette réforme découle du principe de « collégialité » mis en
avant par le Chef de l’exécutif dans sa circulaire du 24 mai 2017 relative à
une méthode de travail gouvernemental exemplaire, collégiale et efficace. Elle a ensuite été déclinée dans la
lettre de cadrage du 2 juin 2017, au travers d’une réforme du processus de
décision interministériel en matière budgétaire, qui modifie substantiellement
le contenu des conférences budgétaires et par là même le pilotage des finances
publiques.
Traditionnellement, les conférences budgétaires s’organisent en trois
temps :
– Les conférences de performance qui se tiennent au printemps : Elles
réunissent les directions financières des différents ministères et leurs
homologues de la Direction du Budget (DB). Il s’agit de déterminer la liste des
indicateurs de performance pour le prochain budget. Elles visent également à
préparer la maquette des PAP (projets annuels de performance) annexés au projet
de loi de finances.
– Les conférences de budgétisation qui se tiennent traditionnellement en
avril et mai entre les ministères et la DB. Un examen contradictoire des
demandes de crédits (au premier euro) et des effectifs est effectué, en tenant
compte de l’exécution des deux derniers budgets (résultats définitifs en n – 1
et le prévisionnel en n). Les discussions suivent les directives posées par le
« Premier-ses-sinistres » dans sa lettre de cadrage. Un compte-rendu
permet de faire apparaître les convergences et les divergences qui seront
ensuite soumises à arbitrage.
– La phase d’arbitrage elle-même, qui se décline en deux sous-ensembles. Les
réunions de restitution qui ont lieu entre le ministre en charge du Budget et
des comptes publics et les ministres concernés afin de passer en revue les
propositions et les options possibles ;
Et l’arbitrage est rendu ensuite par le « chef-aux-ordres » sis
à Matignon, arbitrage qui se matérialise au travers des lettres-plafonds qui
sont envoyées à chaque ministre, arrêtant les plafonds de crédits et les
réformes structurelles engagées.
Les lettres-plafonds sont transmises aux commissions des finances des deux
assemblées et débouchent sur des réunions de répartition (des crédits et des
plafonds d’emplois) en juillet et août.
Or c’est dans la phase centrale de « budgétisation » que la DB remplit la
mission de « gardien du temple » de l’orthodoxie budgétaire. Elle est en charge
du respect du cadrage macro-économique arrêté par le gouvernement, veille à ce
que les économies soient dûment implémentées, et à l’inverse, que les priorités
gouvernementales et leur financement soient respectés dans la limite des
crédits disponibles.
En sens inverse, les ministères « dépensiers » sont généralement soutenus
par leurs ministres qui se font les avocats de leur ministère afin de
sanctuariser les « priorités » et les intérêts de leurs services. L’examen des
crédits prévisionnels est donc contradictoire et fait l’objet d’âpres
négociations où chaque partie prenante doit conserver la face, alors que le jeu
budgétaire est nécessairement à somme nulle.
Les sujets les plus sensibles sont arbitrés à Matignon, voire à l’Élysée.
Or, comme l’indique la circulaire de la Directrice du Budget du 7 juin 2017, la lettre de cadrage du 2 juin 2017 a
modifié sensiblement « les orientations
(…) [et] renouvellent profondément les
modalités de préparation du budget à venir en modifiant les étapes et les
attendus de la procédure jusqu’ici appliquée. »
En effet, l’objet des conférences budgétaires
devient « un travail technique partagé », permettant d’arrêter « définitivement l’ensemble des
sous-jacents chiffrés de la programmation budgétaire à venir. »
Et ces sous-jacents sont clairement énumérés :
– Évaluation de l’évolution spontanée de la dépense (le tendanciel) qui
devra être conjointe entre les services techniques des ministères et la DB ;
– Évaluation là aussi conjointe du chiffrage des mesures nouvelles
envisagées ;
– Évaluation conjointe, enfin, des mesures d’économies possibles, qu’elles
soient proposées par les services des ministères dépensiers ou par la DB.
Afin de faciliter cette phase de co-production des sous-jacents, « un cadrage méthodologique renforcé » de
leur calcul est alors proposé.
L’objectif est désormais de proposer à chaque ministre un dossier unique
d’arbitrage dévoilant les options disponibles et partagées entre la DB et les
services techniques ministériels.
Étant établi que chaque ministère n’a pas à « construire une position d’ensemble du budget dont vous êtes chargés
» et que la DB ne présentera pas à la conférence de position d’ensemble non
plus sur ce même sujet, mais « examinera
(…) le champ des possibles. »
Ces dossiers d’arbitrage sont ensuite discutés au cours du mois de juillet
entre les ministres et le ministre du Budget (de l’action et des comptes
publics) quant à l’opportunité des options retenues et « de leur caractère prioritaire, réaliste et soutenable ».
C’est dans ce dispositif-là que le général « Deux-Villes-Liées »
s’est fait remettre les pendules à l’heure…
Et qu’il en a tiré les conclusions qui s’imposaient à lui, pas vraiment soutenu pas on ministre.
Le ministre de l’action et des comptes publics fait ensuite son rapport au
« Premier-des-sinistres » « en
vue des arbitrages gouvernementaux sur les plafonds de crédits » ; mais
l’équilibre entre mesures sous-jacentes, économies et mesures nouvelles « fera l’objet d’une discussion collégiale du
gouvernement », à l’issue de laquelle, fin juillet, des arbitrages
définitifs seront rendus et des lettres-plafonds émises servant de base aux
réunions de répartition.
On constate donc que la position de chaque « sinistre dépensier »,
comme des acteurs, change profondément par rapport à ce qui prévalait encore en
2016 pour le PLF 2017.
La refonte de la procédure budgétaire conduit les services techniques et
la DB à ne pas proposer de budgets concurrents : L’un maximaliste, l’autre
minimaliste, avec une perspective d’ensemble et des convergences possibles
dégagées de façon incrémentale au cours de la négociation.
Au contraire, les ministères sont associés à une élaboration conjointe des
sous-jacents, et tout particulièrement du tendanciel des dépenses, par rapports
auquel des économies seront dégagées. Cela évite donc des estimations
contradictoires qui brouillent ou « antagonisent » les remontées aux
ministres concernés.
Un diagnostic partagé y compris sur les points de désaccords ou les
options, permet de clarifier le débat désormais plus partenarial.
Mais ce n’est pas tout, même si c’est déjà novateur !
Car ensuite, chaque « sinistre » devient progressivement son
propre ministre du budget. En effet, le
dossier unique d’arbitrage qui lui est transmis est une coproduction de ses
services financiers et de la DB. Par ailleurs, la lettre de cadrage du 2 juin
2017 précise que « un mouvement de
recentralisation sur le budget général des outils extrabudgétaires »
(recettes affectées, fonds sans personnalité morale), devrait permettre au « sinistre »
de disposer d’une vision consolidée efficace des finances de ses services et
d’assurer efficacement sa tutelle sur ses opérateurs.
Ces éléments lui permettent d’être responsable devant le « Premier-des-sinistres »
et la Représentation Nationale des objectifs de son ministère, avec des moyens
de pilotage suffisants (et de se faire éventuellement sanctionner pour dérapage),
comme promis par ailleurs ;
Et le « sinistre » du budget devient « coproducteur » du budget : Il
s’agit bien en effet d’une évolution majeure !
Il reste responsable de la prévision macro-économique, du cadrage
budgétaire global, de la collecte et de la centralisation des fonds, de la
sécurisation des dépenses, mais il partage sa fonction de budgétisation
désormais avec les autres « sinistres ».
Ce qui aurait manqué à « Tagada-à-la-fraise-des-bois » et son « sinistre »
de la finance, un dénommé « Manu-Mak-Rond »…
Cette position nouvelle devrait lui permettre d’asseoir davantage un rôle
prospectif et un pilotage efficace de la dépense en lien avec les autres
administrations publiques : Opérateurs, AAI, collectivités territoriales, organismes
de sécurité sociale, etc.…
Enfin la mise en cohérence des différents arbitrages budgétaires
ministériels est réalisée non plus uniquement par le « sinistre » des
finances, qui n’est plus mis en porte-à-faux par rapport au « Premier-des-sinistres »
ou à l’Élysée, mais par Matignon soi-même sur une base collégiale (via une « discussion collégiale du Gouvernement
»).
Objectivement, ces éléments sont donc de très bonne augure pour un
pilotage plus efficace et un respect mieux assuré des engagements posés par la
programmation pluriannuelle à venir. Ils devraient déboucher par ailleurs sur
d’autres éléments qui pourraient leur être associés et en découler.
À se demander pourquoi on n’y avait pas pensé plus tôt…
En effet, la réforme du processus de budgétisation est un élément
important pour mettre en place une responsabilité financière individuelle et collective
de l’exécutif.
On se souvient que des réformes similaires ont notamment été mises en
place dans certains pays anglo-saxons mais surtout nordiques comme la Suède.
Elle s’est développée généralement de concert avec la mise en place de
mécanismes de pilotage de la dépense publique comme des « freins à l’endettement », ou des normes de dépenses englobant
l’ensemble des APU (administrations publiques).
La suite probable serait la mise en place et le développement de la
comptabilité analytique dans les trois sphères d’administration publique.
Aujourd’hui la CAC (la comptabilité d’analyse des coûts) se fait au niveau
de l’État encore bien trop peu développé, alors que cela fait 11 ans maintenant
que la LOLF est pleinement déployée !
La mise en place d’une comptabilité analytique performante et centralisée
devrait permettre notamment de connaître l’ensemble des coûts de production des
services publics, action par action, ou programme par programme au niveau de l’État,
mais également au niveau des collectivités territoriales (à l’instar de la
« Ritalie », avec la mise en place des « fabbisogni »
standard (compte notamment tenu des évolutions législatives qui ont touché la
« Ritalie » après 2015), où il a été déterminé qu’il serait
nécessaire de faire une séparation entre l’analyse développée par le Sénat,
dans le cadre du rapport d’information Guenée Raynal du 9 septembre 2015, sur l’association
des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques et les
derniers développements « simplifiant
» la mise en place du dispositif dans le cadre plus global d’une péréquation
progressivement intégralement « horizontalisée », à compter de 2021,
ou des hôpitaux et des organismes de sécurité sociale (ASSO).
Et puis cette faculté accrue de pilotage devrait permettre l’introduction
en « Gauloisie-dépensière » des « automatic productivity cuts »,
technique qui pourrait autoriser la mise en place d’objectifs beaucoup plus
fins et contraignants que la pratique actuelle.
En effet et plus tard, le dégagement de gains de productivité récurrents
pourrait conduire à un cycle de réforme permanente de l’État et dégager de
nouvelles économies aujourd’hui impossibles à isoler et en tout cas
complémentaires de la revue générale des dépenses afin de redéfinir
régulièrement le périmètre de l’action publique.
On vous avait dit : « Une gouvernance d’experts ».
Eh bien, ce n’est pas encore très bien assimilé, mais on pourrait s’en
approcher, finalement…
Alors, pourquoi pas ?
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