Vingtième
chapitre : Mi-septembre 1990
Avertissement : Vous l’aviez compris,
ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle »,
sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
Dimanche 9 septembre : Le Conseil suprême de
sécurité nationale, la plus haute autorité politique en Iran, s’est réuni hier,
sous la présidence du chef de l’État Ali Akbar Hachémi-Rafsandjani, pour
examiner « les relations futures
entre l’Iran et l’Irak, ainsi que les conséquences d’un conflit militaire dans
la région », a annoncé Radio-Téhéran.
Il a aussi étudié « les solutions politiques possibles pour prévenir un conflit dans la
région » du Golfe. Le Conseil a souligné « la nécessité de sauvegarder l’indépendance et l’intégrité territoriale
des pays du Golfe persique et l’état actuel de la géographie (politique) de la région ».
Selon la radio, « des décisions appropriées »
ont été prises à l’issue de cette réunion.
Aujourd'hui, 10 ans après le début d'une guerre qui a
fait au moins un million de morts, un ministre irakien a foulé le sol iranien.
Tarek Aziz a dû patienter un quart d'heure dans son avion, immobilisé sur le
tarmac brûlant de l'aéroport de Téhéran, avant d'être accueilli par son
homologue iranien, Ali Akbar Velayati.
Cette discrète arrivée n'en est pas moins historique
puisqu'elle marque la fin d'un des conflits les plus sanglants du siècle.
Bagdad, dont l'invasion du Koweït a suscité un tollé dans le monde entier,
avait bien besoin de ce nouvel allié...
Le pain déjà rationné commence à manquer en Irak. On
n’en sert plus ou presque plus dans les restaurants. Les queues pour le pain et
la farine s’allongent. La viande est retirée peu à peu des menus. Ordre du
gouvernement, explique-t-on dans les restaurants. Le riz, le sucre, le thé et
autre nourriture traditionnelles sont rationnés ; on ne trouve plus de lait en
poudre pour les bébés. Même durant la guerre avec l’Iran, on n’avait pas eu à
subir ici ce début de privations. Toutefois, les rations prévues sont
suffisantes pour nourrir les familles. Et dans certains quartiers, on vend même
encore sans tickets les produits réglementés.
Les prix ont fait un bond dans les magasins du secteur
privé, mais les boutiques du secteur nationalisé vendent aux prix garantis par
l’État.
Ceux qui en ont les moyens ont déjà constitué, dit-on,
d’énormes réserves.
La rumeur de la rue court que l’eau va être coupée
pour 4 jours, faute de produits chimiques importés pour en assurer la
purification. On remplit les casseroles, les baignoires en vue d’attendre des
jours meilleurs.
Ce sont les premiers effets de l’embargo dans un pays
où les réserves sont, semble-t-il, envoyées en priorité aux millions de soldats
mobilisés depuis que les marines s’installent dans le désert d’Arabie Saoudite.
Les hommes ont été rappelés jusqu’à la classe 1953.
Les plus âgés ont donc déjà des années de combat sur la frontière avec l’Iran.
Seuls les étudiants qui rentrent le 1er octobre sont exemptés. On ne
sait rien de ce qui se passe sur le front près de la frontière saoudienne où
sont stationnées plusieurs divisions irakiennes. Même lorsque les journalistes
demandent à se rendre à Bassora, près de la frontière du Koweït, on leur répond
que c’est impossible...
À l’aéroport international d'Amman (Jordanie), sur
l’esplanade de béton qui sépare le hall des arrivées de celui des départs, des
milliers d’hommes attendent en file, d’énormes ballots plus ou moins bien
ficelés rangés autour d’eux. Certains sont couchés à même le sol, d’autres
accablés de fatigue. « Cela fait
bientôt 24 h que j’attends ici », explique un jeune Indien expulsé du
Koweït après son annexion par l'Irak. « Nous devons être à peu près 4.000 dans ce cas. Nous n’avons rien eu à
boire ni à manger depuis hier ».
Tous sont Indiens, chassés par l’invasion du Koweït où
ils travaillaient, certains depuis une dizaine d’années. « On nous traite comme des chiens. Moins bien
que des chiens même », ajoute, fou de colère, un vieil homme. « Notre ambassade ne s’occupe pas de nous. On
nous a donné un billet d’avion, un passeport, c’est tout. Impossible de changer
le peu de monnaie koweitienne que nous avions. Nous ne pouvons rien acheter. Si
notre gouvernement n’a pas les moyens de s’occuper de nous, au moins que les
organisations internationales, l'ONU, le fassent. Et les Américains ? Ils ont
des avions pour transporter leurs GIs, mais nous, on nous laisse crever. »
« Les
Irakiens nous ont tout pris », indique un autre homme. « Eux aussi nous ont traités comme des chiens.
Au bout de quelques semaines nous ne trouvions plus rien à manger à Koweït.
Nous n’avions plus de travail et nous avions peur. » Tous veulent dire
leur indignation, appeler au secours. La plupart ont quitté le Koweït aux
environs du 20 août.
Seule consolation, les femmes et les enfants ont pu
s’en aller hier. À l’intérieur de l’aérogare, le spectacle est tout aussi
navrant. Encore beaucoup d’Indiens mais aussi des Égyptiens et des Pakistanais.
Ceux-là ont eu plus de chance : ils ne sont que 500 et sont arrivés de Bagdad
voici seulement 2 jours. Tous espèrent partir dans les deux avions affichés au
tableau des départs. « Maintenant il
ne reste plus que les Koweïtiens qui ne sortent que pour se procurer de la
nourriture dans des coopératives, contre des jetons, » explique un
Pakistanais. « Mais nous, les immigrés,
n’y avions pas accès. » À l'extérieur, d’autres bus arrivent, bondés,
le toit surchargé de colis et de valises. D’autres hommes épuisés en descendent,
l’air hagard. Quand le service d’ordre les dirige vers les files qui s’étirent
sous le soleil, des cris de protestation s’élèvent, des poings se dressent vers
le ciel. Il n’en faudrait pas beaucoup pour qu’une émeute éclate...
La France franchit un nouveau pas dans la « logique
de guerre » avec l’arrivée d’un contingent d’une centaine d’hommes en
Arabie Saoudite. L’envoi de ce « détachement précurseur » a été
annoncé par le porte-parole de l’Élysée le 27 août dernier, au moment même où
députés et sénateurs étaient réunis pour débattre de la situation dans le
Golfe.
4 avions de transport Transall C-160 et 2 Hercules
C-130 ont été mobilisés pour l’opération.
Hommes et matériels ont été embarqués à leur bord sur
la base d’Étain, près de Verdun, où est stationné le 3ème RHC qui a
fourni le gros du détachement. Le 4ème RHCM de Phalsbourg (Moselle)
a également été mis à contribution. Au total, 55 pilotes et mécaniciens se sont
envolés pour l’Arabie Saoudite. 45 hommes appartenant au 1er RI de
Sarrebourg (unité de fantassins héliportés appartenant à la Force d’Action
Rapide) les accompagnent.
4 hélicoptères de combat Gazelle et 2 hélicoptères de
transport Puma ont été démontés pour être embarqués à bord des Transall.
Par ailleurs, un Boeing 747 cargo décolle de
l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle avec une quinzaine de jeeps et de camions
ainsi qu’un lot de pièces de rechange. Ce détachement doit être stationné à
Yanbu (Arabie Saoudite). Sa mission va consister à aménager une base
susceptible d’accueillir un régiment d’hélicoptères de combat qui pourrait être
le 5ème RHC de Pau embarqué à bord du Clemenceau.
Plusieurs soldats irakiens blessés lors
d'affrontements sont admis dans un hôpital de Koweït-City. L'un d'eux, un
officier, décède des suites de ses blessures : 5 employés administratifs
koweïtiens de l'hôpital sont alignés et abattus à titre de représailles.
Les militaires irakiens accusent en effet l'hôpital de
négligence.
Le 10 septembre, les flottes européennes, américaines
et arabes décident de coordonner leurs actions pour rendre plus efficaces les
sanctions imposées à l'Irak.
Selon l’agence de presse irakienne INA, des Soudanais
regroupés à Kirkouk, un camp situé à 250 km au nord de Bagdad, s’entraîneraient
au combat et devraient être rejoints par des citoyens d’autres pays.
Iris et Myosotis, accompagnés de Zinnia, dragueurs de
mines et navire logistique belges, entrent dans le canal de Suez en direction
du Golfe.
Craignant pour sa sécurité, manquant de vivres et
d’eau, l’ambassadeur Birger Dan Nielsen, seul diplomate du Danemark encore en
poste au Koweït, doit gagner Bagdad où tous ses collègues suédois et norvégiens
l’ont précédé.
La France met en place à Yanbu (Arabie Saoudite) un
détachement de l'Aviation légère de son armée de Terre. Il est composé de 100
hommes et 6 hélicoptères.
Aux cris de « Nous
ne combattrons pas pour Texaco » (compagnie pétrolière américaine), et
de « De l’argent pour l’éducation,
pas pour la guerre », des opposants à l’intervention militaire
manifestent à Seattle (USA), où, depuis le 26 août et jusqu’au « règlement
pacifique » de la crise, des militants maintiennent une présence
permanente.
La CEE affrète un Boeing 747 d'Air France pour
rapatrier vers Dacca environ 2.000 Bangladeshis coincés dans les camps de la
frontière jordano-irakienne.
La Finlande, la Suède et la Norvège décident d'évacuer
leurs ambassades et consulats du Koweït.
L’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis et le
gouvernement koweïtien en exil annoncent pour la première fois la somme qu'ils
s'engagent à verser pour soutenir l'effort militaire américain : 12 milliards
de dollars.
À Bagdad, plusieurs milliers d’Irakiens défilent
contre la guerre devant l’ambassade des USA.
Le 11, à l’hôtel Menial Mansour, les policiers d’un
service spécial vient chercher les 2 derniers Français « hôtes du
président » pour les emmener sur des sites qui pourraient être bombardés
par l’aviation américaine. Ils sont désormais 19, dont 2 femmes qui ont refusé
d’être séparées de leur mari, parmi plusieurs centaines d’étrangers raflés au
Koweït. Des rafles qui peuvent fournir dans des jours prochains de nouveaux « hôtes »
au building moderne du Menial Mansour, gardé militairement et impossible à
approcher.
Les événements se précipitent chaque jour davantage
dans le Golfe. Désormais, 8 divisions irakiennes sont massées à la frontière
turque. Quant à la Syrie, elle décide d'envoyer des forces supplémentaires dans
le Golfe. De son côté, Chedli Klibi démissionne de ses fonctions de secrétaire
général de la ligue Arabe.
Après son discours sur le « nouveau monde »
devant le Congrès à majorité démocrate, le président républicain George Bush
est ovationné par les représentants du peuple américain, debout, 35 fois en 35
minutes. Les observateurs politiques soulignent que cela ne s'était plus vu
depuis le 8 décembre 1941, lors de la déclaration de guerre au Japon de
Franklin Roosevelt après l'attaque de Pearl Harbor.
La Suisse, l'Autriche, le Bangladesh, le Danemark et
la Grèce décident d'évacuer leurs ambassades et consulats du Koweït. Ces 2
derniers pays sont les seuls à avoir rompu l'engagement de la CEE de rester sur
place.
Entrée dans les eaux du Golfe des porte-hélicoptères
américains Guam, Iwo Jima et Nassau qui transporte à lui seul 2.700 hommes, des
hélicoptères et des chasseurs à décollage vertical Harrier.
Une manifestation contre la guerre a lieu à Montreuil
(Seine-Saint-Denis), en France.
Le 12, La Jordanie viole l'embargo international
contre l'Irak.
Bien que l'Irak soit soumis à un embargo
international, la Jordanie importe
toujours d’Irak la quasi-totalité de ses besoins en pétrole et entend bien
continuer à le faire. Elle a une bonne raison pour cela : ce pétrole ne lui
coûte rien.
Facturé en principe au taux préférentiel de 15 dollars
le baril, il est en réalité la contrepartie des dettes irakiennes à l’égard
d’Amman. Interrompre cet approvisionnement serait punir non pas l’Irak mais la
Jordanie et c’est ce que le roi Hussein a fait valoir auprès de l’ONU : aussi
longtemps que la communauté internationale ne trouvera pas le moyen de fournir
les mêmes quantités de pétrole aux mêmes conditions, les camions citernes
continueront leur noria.
La Jordanie est d’autant moins décidée à céder sur ce
point qu’elle doit encore supporter l’essentiel de la charge de plus de 100.000
réfugiés venus du Koweït, 300.000 repas par jour à servir, et 10.000 mètres
cubes d’eau sans compter les frais d’évacuation estimés à 46 millions de
dollars.
Le Sénat américain vote une résolution demandant que
Saddam Hussein soit poursuivi comme
« criminel de guerre » si les hostilités étaient déclenchées dans le
Golfe, pour avoir « violé les normes
de comportement civilisé en mettant volontairement en danger la vie d'étrangers ».
L'ayatollah Ali Khamenei, « guide de la
révolution » iranienne, lance un appel à la guerre sainte contre la présence militaire américaine dans
le Golfe.
Les 12 pays de la CEE décident de coordonner leurs
mesures d’économie d’énergie afin de préserver les stocks de pétrole.
Toutefois, il est décidé de ne prendre aucune mesure immédiate comme la baisse
du chauffage dans les bâtiments publics.
Le président palestinien Yasser Arafat est arrivé
inopinément à Amman (Jordanie) pour rencontrer son homologue jordanien. Selon
l’Agence France-Presse, cette visite n’était pas prévue initialement.
L’Irak refuse de rembourser à la Banque mondiale un
prêt de 2,8 millions de dollars venant à échéance en juin. La somme fait partie
d’un remboursement d’une valeur de 47 millions de dollars remontant aux années
1960.
L'URSS suspend son traité d'amitié qui la liait avec
l'Irak depuis 1972 et de rappeler tous ses conseillers militaires.
L’ambassadeur des USA en Israël annonce que Washington
livrera l’an prochain à Israël 60 chasseurs F-16 C et D de la firme General
Dynamics et une dizaine d’hélicoptères de transport de troupes Sikorsky H-53. « J’espère »,
déclare William Brown, « que le
gouvernement de Tel-Aviv obtiendra également des missiles Stringer (sol-air), des équipements pour améliorer les
performances de ses F-15 et du matériel supplémentaire pour sa marine et son
armée de terre. »
Giulio Andreotti, président du conseil italien, met en
garde, à Strasbourg, contre une intervention militaire contre l’Irak tout en
reconnaissant que la crise du Golfe « risquait d’être longue ».
S’exprimant devant le Parlement européen, il prévient que la communauté
internationale devrait consentir de très lourds sacrifices économiques et
appelle à la patience et au sang-froid.
La Belgique décide l'envoi de 2 C-130 supplémentaires
pour le Proche-Orient.
Jeudi 13 : Le Japon quadruple sa contribution
financière dans le Golfe. Au milliard de dollars déjà promis fin août vont
s'ajouter un milliard destiné à payer le déploiement des forces américaines et
multinationales, et 2 autres milliards de prêt aux pays directement touchés par
la crise, comme l'Égypte ou la Jordanie.
Margaret Thatcher réaffirme son soutien à la politique
de George Bush dans le Golfe et estime, sans les nommer, que certains pays « devraient faire preuve d’un peu plus de
courage ». Le Premier ministre britannique se déclare favorable à un
accord régional de sécurité garantissant le respect des Droits de l’homme. Elle
affirme que le maintien de troupes étrangères pourrait difficilement être évité
si des pays de la région le réclamaient. Une manière de préparer le terrain à
une installation à long terme des Américains dans le Golfe.
Pour accélérer le déploiement de leurs troupes dans le
Golfe, les USA doivent recourir à la réquisition de navires de commerce civils.
Mais malgré les appels d'offre alléchantes (les tarifs ont augmenté de 50 à 100
%) et les primes proposées (couverture risques de guerre, bonus à l'équipage,
risques de blocage dans le canal de Suez à la charge de l'affréteur...), le
Pentagone a beaucoup de mal à trouver des armateurs volontaires, qui préfèrent
préserver à long terme leurs lignes régulières que de faire de gros bénéfices à
très courts termes...
Selon le département d'État américain, l'armée
irakienne a commencé une fouille à Koweït-City, maison par maison, afin d'en
débusquer les ressortissants américains qui s'y cachent encore et étouffer
toute résistance. Ils cherchent en fait le trésor koweïtien…
Le ministère de la Défense nationale canadien étudie
la possibilité de mettre en œuvre des moyens supplémentaires pour renforcer son
engagement dans le Golfe. Il répond ainsi à l’appel lancé il y a quelques jours
par le secrétaire d’État américain aux forces de l’OTAN, pour qu’ils
accroissent leur aide à la Maison Blanche.
Sous la pression des Irakiens, la Roumanie et l'Égypte
décident d'évacuer leur ambassade de Koweït-City.
La Croix-Rouge annonce « un accord de
principe » avec Bagdad pour l'envoi de médicaments « aux groupes civils les plus menacés ».
Dans une note adressée au chargé d'affaires américain
à Bagdad, l'Irak menace les USA d'attaques terroristes en représailles à
l'occupation américaine des Lieux Saints.
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