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Oui, entrez, entrez, dans le « Blog » de « l’Incroyable Ignoble Infreequentable » ! Vous y découvrirez un univers parfaitement irréel, décrit par petites touches quotidiennes d’un nouvel art : le « pointillisme littéraire » sur Internet. Certes, pour être « I-Cube », il écrit dans un style vague, maîtrisant mal l’orthographe et les règles grammaticales. Son vocabulaire y est pauvre et ses pointes « d’esprit » parfaitement quelconques. Ses « convictions » y sont tout autant approximatives, changeantes… et sans intérêt : Il ne concoure à aucun prix littéraire, aucun éloge, aucune reconnaissance ! Soyez sûr que le monde qu’il évoque au fil des jours n’est que purement imaginaire. Les noms de lieu ou de bipède et autres « sobriquets éventuels » ne désignent absolument personne en particulier. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies) y est donc purement et totalement fortuite ! En guise d’avertissement à tous « les mauvais esprits » et autres grincheux, on peut affirmer, sans pouvoir se tromper aucunement, que tout rapprochement des personnages qui sont dépeints dans ce « blog », avec tel ou tel personnage réel ou ayant existé sur la planète « Terre », par exemple, ne peut qu’être hasardeux et ne saurait que dénoncer et démontrer la véritable intention de nuire de l’auteur de ce rapprochement ou mise en parallèle ! Ces « grincheux » là seront SEULS à en assumer l’éventuelle responsabilité devant leurs contemporains…

samedi 25 juin 2022

Voilà bien une question essentielle

Photographies d’art et taux réduit de TVA !
 
La Cour administrative d’appel de Douai vient de rendre un arrêt intéressant à propos de la possibilité pour un photographe de bénéficier du taux réduit de TVA à 5,5 %.
Et elle est une parfaite illustration des confusions récurrentes entre la notion d’œuvre d’art définie en droit d’auteur et la notion d’œuvre d’art définie en droit fiscal.
 
Pour bénéficier des taux réduits de TVA lorsqu’on vend une œuvre d’art ou lorsque l’on cède des droits d’auteur, encore faut-il répondre aux exigences posées par la loi fiscale, puisque, par principe, les autres livraisons de biens ou prestations de services sont assujetties au taux commun de TVA, soit 20 %.
C’est précisément cette question que la Cour administrative d’appel de Douai, dans un arrêt du 19 mai 2022, avait à trancher en l’espèce.
 
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2011.
Par un jugement n° 1604650 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020, M. A..., représenté par la SELARL Quintuor, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
Il soutient que :
- pour remettre en cause, en ce qui concerne l'essentiel des travaux qu'il a réalisés au cours de la période vérifiée, le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, prévu au 2° de l'article 278 septies du code général des impôts, sous lequel il avait placé ces travaux, l'administration a retenu à tort qu'il n'avait pas réalisé des photographies répondant à la définition donnée par le 7° du II de l'article 98 A de l'annexe III à ce code ; en effet, ce texte, auquel l'article 278 septies du code général des impôts ne renvoie d'ailleurs pas et qui concerne le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge et non le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, ne saurait restreindre la reconnaissance du caractère d'œuvre d'art à une photographie, quel que soit son sujet ou la motivation de son auteur, les seuls critères valables étant ceux, relevant du droit de la propriété intellectuelle, définis au 9° de l'article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle, au regard desquels il convient d'analyser concrètement les photographies ; la doctrine administrative publiée sous la référence BOI 3 C-3-03 conforte sa position sur ce point ;
- ses photographies répondent aux critères propres à permettre de les qualifier d'œuvres de l'esprit, selon les éléments d'appréciation retenus par cette doctrine administrative ; en effet, elles ont un caractère original et artistique, témoignent d'une véritable intention créative et portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur ; ses donneurs d'ordres ne lui donnent d'ailleurs aucune directive en ce qui concerne l'angle de vue, l'éclairage, le choix des figurants, la pose des personnes photographiées ou la mise en scène, qui relèvent de sa seule initiative ; le Département du Nord, qui est l'un de ses donneurs d'ordres, dispose d'ailleurs de photographes salariés, mais fait cependant appel à lui lorsqu'il estime que la mise en valeur du patrimoine départemental ou de la culture locale sera mieux assurée par le recours à un artiste et non à un technicien ; il effectue, pour réaliser chacune de ses photographies, toutes tirées en un exemplaire original signé, un travail en profondeur en ce qui concerne notamment le choix du thème et du matériel, qui est un matériel professionnel, la mise en scène, les particularités de prise de vue, la qualité du cadrage et de l'exposition ou les jeux de lumière ; il est d'ailleurs affilié à l'association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA), ce que la doctrine administrative, plus précisément l'instruction publiée sous la référence n°3 C-3-03, retient au nombre des éléments d'appréciation ; saisie dans le cadre d'un litige concernant cette affiliation, la juridiction judiciaire a d'ailleurs retenu, par une décision du 21 février 2014, qu'il est un professionnel indépendant, dont la plupart des réalisations présentent un caractère original inhérent à l'expression artistique de leur auteur ; outre les travaux qu'il réalise pour ses donneurs d'ordres habituels, il vend d'ailleurs des œuvres à l'unité et participe à des expositions ;
- les indices retenus par l'administration pour lui dénier la qualité d'artiste, tels son mode de rémunération, le nombre de photographies réalisées pour un même client ou l'usage auquel ce dernier destine les photographies, ne sont pas pertinents ;
- dès lors que les photographies qu'il a réalisées, notamment pour le compte du Département du Nord, au cours de la période en litige doivent être regardées comme ayant la nature de photographies d'art, le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, prévu au 2° de l'article 278 septies du code général des impôts, sous lequel il avait placé ces travaux, a été remis en cause à tort par l'administration.
 
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- M. A..., qui, dans le délai qui lui était imparti, n'a présenté aucune observation sur les rehaussements qui lui ont été notifiés en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, supporte, en vertu de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de prouver le caractère exagéré des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de cette période ;
- contrairement à ce que soutient à tort M. A..., les dispositions de l'article 98 A de l'annexe III au code général des impôts posent une définition de l'œuvre d'art originale qui est applicable en ce qui concerne le bénéfice du régime de taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit ;
- le point 7 de la partie A de l'annexe IX à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, auquel renvoie l'article 311 de cette directive, relatif au taux réduit, retient que constituent notamment des objets d'art les photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus ; le 2° de l'article 278 septies du code général des impôts, ainsi que le 7° du II de l'article 98 A de l'annexe III à ce code, qui ont assuré la transposition de ces dispositions de la directive en droit interne, retiennent les mêmes critères ; dès lors, pour apprécier si les opérations en litige peuvent bénéficier du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, il convient uniquement d'examiner si les photographies réalisées par M. A... sont tirées par lui ou sous son contrôle et si elles sont signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus ;
- M. A... a réalisé, durant la période vérifiée, des reportages photographiques pour le compte du Département du Nord, client avec lequel l'intéressé a réalisé, durant cette période, 96,92 % de son chiffre d'affaires, pour un prestataire de cette collectivité territoriale, dans le cadre d'une sous-traitance, pour une pharmacie, dans le cadre d'une mise à jour de son site internet, pour le journal d'une commune de la métropole lilloise, pour le groupe (PSEUDO(Moniteur(/PSEUDO), pour une fabrique de meubles, afin de réaliser un livre publicitaire ; or, il ressort des clauses du cahier des charges de l'un des marchés conclus par M. A... avec le Département du Nord que l'intéressé ne réalise ni ne contrôle le tirage des photographies destinées à être reproduites dans les publications diffusées par cette collectivité territoriale ; en effet, les clichés qu'il réalise, en plusieurs exemplaires par sujet traité, sont adressés, sous forme dématérialisée, au Département du Nord, qui en assure le tri, retouche leur cadrage et assure leur développement ; en outre, ces clichés ne sont pas signés, les publications du département se bornant à mentionner son nom en marge des photographies, comme est mentionné le nom des photographes salariés du département en marge des clichés qu'ils ont réalisés ; par ailleurs, M. A... et les deux collègues du groupe de photographes auquel il appartient et avec lesquels il se partage géographiquement la couverture du département, sont rémunérés par le Département du Nord en fonction d'un taux horaire, c'est-à-dire à raison de la réalisation de prestations de service et non en contrepartie de la vente de photographies ; enfin, l'administration a procédé à l'examen des photographies qui lui ont été soumises et dont certaines, notamment des photographies numérotées vendues dans le cadre d'une exposition de la Cité de la dentelle de Calais, ont été regardées comme constituant des œuvres d'art et ont, par suite, été admises au bénéfice du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- M. A... n'est pas fondé à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction publiée le 25 juin 2003 au bulletin officiel des impôts sous la référence n°3 C-3-03, dès lors que les photographies qu'il réalise, dans le cadre de reportages dont il ne maîtrise pas le thème traité, ni les sujets photographiés et en contrepartie desquels il perçoit, de même que ses collègues, une rémunération au taux horaire augmentée d'un remboursement de frais, ont pour seul objet la fixation mécanique d'un événement et ne procèdent d'aucune démarche artistique, de sorte qu'elles ne peuvent être regardées comme des photographies d'article ; la circonstance que M. A... est adhérent de l'association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) ne saurait permettre de retenir une appréciation différente.
 
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 267 ;
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt n° C-145/18 du 5 septembre 2019 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
 
1. M. B... A... exerce, à titre individuel, l'activité de photographe professionnel. Cette activité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, étendue au 30 septembre 2011 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. À l'issue de ce contrôle, l'administration a entendu remettre en cause, en ce qui concerne l'essentiel des travaux de photographie réalisés par l'intéressé au cours de la période vérifiée, le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, prévu au 2° de l'article 278 septies du code général des impôts, sous lequel M. A... avait placé ces travaux. Elle a fait connaître à l'intéressé sa position sur ce point par deux propositions de rectification qu'elle lui a adressées le 20 décembre 2011, en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, et le 26 mars 2012, en ce qui concerne la période allant du 1er janvier 2009 au 30 septembre 2011. M. A... a présenté, par un courrier daté du 26 avril 2012, des observations que l'administration a rejetées comme tardives en tant qu'elles concernaient les rehaussements notifiés par la première proposition de rectification et qui n'ont pas amené l'administration à revoir son appréciation en ce qui concerne les rehaussements ayant fait l'objet de la seconde proposition de rectification. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rectifications notifiées ont été mis en recouvrement le 11 décembre 2013, à hauteur d'un montant total de 34.453 euros en droits et pénalités. L'administration n'ayant pas apporté de réponse expresse à sa réclamation, M. A... a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2011. Il relève appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
 
Sur l'application de la loi fiscale :
2. D'une part, aux termes de l'article 103 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Les États membres peuvent prévoir que le taux réduit, ou l'un des taux réduits, qu'ils appliquent conformément aux articles 98 et 99 s'applique également aux importations d'objets d'art, de collection ou d'antiquité tels que définis à l'article 311, paragraphe 1, points 2), 3) et 4). / 2. Lorsqu'ils font usage de la faculté prévue au paragraphe 1, les États membres peuvent également appliquer le taux réduit aux livraisons suivantes : / a) les livraisons d'objets d'art effectuées par leur auteur ou par ses ayants droit ; / (...) ". Aux termes de l'article 311 de la même directive : " 1. Aux fins du présent chapitre, et sans préjudice d'autres dispositions communautaires, sont considérés comme : / (...) 2) "'objets d'art'", les biens figurant à l'annexe IX, partie A " ; / (...) 2. Les États membres peuvent ne pas considérer comme objets d'art, les objets figurant à l'annexe IX, partie A, points 5), 6) et 7). / (...) ". Selon le point 7 de la partie A de l'annexe IX à cette directive, constituent notamment des objets d'art les " photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus ".
3. Par son arrêt du 5 septembre 2019, par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'État, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, aux points 29 et 31 de cet arrêt, qu'en se référant aux termes " auteur " et " artiste ", les dispositions précitées de l'article 103 et du point 7 de la partie A de l'annexe IX à la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 visent la même personne, à savoir la personne qui a la qualité d'auteur d'une photographie remplissant les conditions explicitement prévues au point 7 et que, par suite, il ne saurait être déduit de l'emploi du terme " artiste " figurant au point 7 que, au-delà des conditions que ce point énumère, une photographie devrait également présenter un caractère artistique aux fins de pouvoir bénéficier du taux réduit au titre de l'article 103, paragraphe 2, a).
4. D'autre part, en vertu, des dispositions, applicables au présent litige, du 2º de l'article 278 septies du code général des impôts, aujourd'hui reprises au 3º du I de l'article 278-0 bis du même code, transposant les dispositions citées au point 2, les livraisons d'œuvres d'art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit sont imposables au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée. Aux termes du II de l'article 98 A de l'annexe III au même code : " Sont considérées comme œuvres d'art les réalisations ci-après : / (...) 7º Photographies prises par l'artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus. ". La notion de photographies, qui est prévue par ces dispositions, est reprise de celle qui figure dans la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et doit, dès lors, être interprétée comme indiqué au point 3. Il en résulte que, pour être regardées comme des œuvres d'art, au sens de ces dispositions, les photographies doivent être tirées par leur auteur ou sous son contrôle et être numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus, mais qu'en revanche, cette qualification ne dépend pas d'une appréciation de la valeur artistique des photographies.
5. Pour l'exécution, au cours de la période vérifiée, allant du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2011, du contrat qui le liait, de même que deux autres photographes indépendants, au Département du Nord, M. A... a réalisé des photographies destinées à faire l'objet d'une publication dans un magazine d'information diffusé auprès des habitants du département. Il n'est pas contesté que, dans le cadre de l'exercice de cette activité, M. A... adressait au Département du Nord, sous une forme dématérialisée, les clichés qu'il réalisait, en plusieurs exemplaires par sujet traité, et que ce sont les services du Département qui en assuraient le tri, puis le développement, après, le cas échéant, des retouches au niveau du cadrage. Dès lors, les photographies que M. A... a réalisées pour ce client, laquelle activité a représenté plus de 96 % de son chiffre d'affaires durant l'ensemble de la période vérifiée, ne peuvent être regardées, au sens et pour l'application des dispositions citées au point 4, comme ayant été tirées par leur auteur ou sous son contrôle. Par suite, l'administration était légalement fondée à remettre en cause le bénéfice du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée, sous lequel M. A... avait placé les travaux réalisés par lui, au cours de la période vérifiée, pour le compte du Département du Nord.
 
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ".
7. M. A... invoque, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de l'instruction publiée le 25 juin 2003 au bulletin officiel des impôts sous la référence n°3  C-3-03. Selon le 1. du I de cette instruction : " Ne peuvent être considérées comme des œuvres d'art susceptibles de bénéficier du taux réduit de la TVA que les photographies qui portent témoignage d'une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur. / Tel est le cas lorsque le photographe, par le choix du thème, les conditions de mise en scène, les particularités de prise de vue ou toute autre spécificité de son travail touchant notamment à la qualité du cadrage, de la composition, de l'exposition, des éclairages, des contrastes, des couleurs et des reliefs, du jeu de la lumière et des volumes, du choix de l'objectif et de la pellicule ou aux conditions particulières du développement du négatif, réalise un travail qui dépasse la simple fixation mécanique du souvenir d'un événement, d'un voyage ou de personnages et qui présente donc un intérêt pour tout public. ". Cette instruction ajoute, au 3. de son II, que : " (...) l'intention créatrice de l'auteur résultant des critères déjà énumérés et le caractère d'intérêt pour tout public peuvent être confortés par les indices suivants. / a) Le photographe justifie de l'exposition de ses œuvres dans des institutions culturelles (régionales, nationales ou internationales), muséales (musées, expositions temporaires ou permanentes) ou commerciales (foires, salons, galeries, etc...), voire de leur présentation dans des publications spécialisées. / La preuve de ces expositions ou présentations peut être apportée par tout moyen, indépendamment du volume d'affaires réalisées par le photographe. / A cet égard, l'affiliation à l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) est significative car elle témoigne de la démarche d'auteur du photographe. Elle n'est toutefois pas suffisante pour conférer, par elle-même, aux travaux photographiques le caractère d'œuvre d'art au sens des dispositions déjà citées. / b) L'utilisation de matériels spécifiques tant en termes de prise de vue que de développement. / (...) ".
8. Il résulte de l'examen des photographies produites par M. A... devant les premiers juges que ces clichés, qui ont été publiés dans un magazine d'informations locales adressé aux habitants par le Département du Nord, témoignent, eu égard au choix des personnages ou scènes photographiées, au caractère élaboré de la mise en scène ou de la composition, aux particularités de certaines prises de vue ou encore aux jeux sur les contrastes et la lumière, d'une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur. Ces photographies doivent donc être considérées comme présentant un intérêt pour tout public et ne peuvent être tenues, quand bien même M. A... ne choisissait pas le thème des reportages dans lesquels les vues avaient vocation à s'insérer, comme ayant pour seul objet la fixation mécanique d'un événement ou d'un lieu. En outre, M. A... soutient, sans être contredit, qu'il participe régulièrement à des expositions au cours desquelles certaines de ses œuvres sont exposées ou proposées à la vente à l'unité. Il est, par ailleurs, constant que M. A... est adhérent de l'association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA), lequel critère, s'il ne peut suffire à lui seul, est cité par la doctrine administrative comme constituant un indice de la démarche d'auteur du photographe. Dans ces conditions, et quel que soit le mode de rémunération de l'intéressé par le Département du Nord, qui n'est pas au nombre des critères retenus par la doctrine, M. A... est fondé à soutenir, au regard des énonciations de la doctrine citée au point 6, que l'administration a remis en cause à tort le taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée sous lequel il avait placé ces travaux et à demander, en conséquence, la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
 
DÉCIDE :
Article 1er : M. A... est déchargé, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 30 septembre 2011.
Article 2 : Le jugement n° 1604650 du 23 janvier 2020 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 3 : L'État versera à M. A... la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 5 mai 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.
Le rapporteur, signé : J.-F. Papin, Le président de chambre, signé : C. Heu.
La greffière, signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière, Nathalie Roméro
Composition de la juridiction : M. Heu, M. Jean-François Papin, M. Arruebo-Mannier, SELARL QUINTUOR
 
Ah ces infernales distinctions fiscales entre « artiste », « artisan » et « industriel »…
Le premier « crée » un « boulon de 12 » innovant.
Le second « crée » le même « boulon de 12 » sur une commande innovante.
Le troisième exploite le « boulon de 12 » innovant en quantité pour ses nombreux clients ébahis qu’il multiplie (tellement c’est « innovant ») avec des machines spécifiques et un personnel formé pour ça…
Bé le « boulon de 12 » n’engendrera pas la même fiscalité, directe et en l’occurrence ici, indirecte (la TVA) !
Des distinctions qui remontent à la Patente de l’Ancien régime, reprises et complétées au moins dans la doctrine relative à la Taxe Professionnelle elle-même abrogée par « Bling-bling ».
 
Pour résumer, un photographe avait demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer une décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA mis à sa charge par l’administration fiscale au titre d’une période de trois ans (entre 2008 et 2011). L’administration avait retenu qu’il ne pouvait bénéficier du taux réduit de TVA au motif qu’il n’avait pas réalisé de photographies répondant à la définition donnée par le code général des impôts (CGI, art. 98, A, II, 7°, annexe III).
Selon elle, seules les « photographies prises par l’artiste, tirées par lui ou sous son contrôle, signées et numérotées dans la limite de trente exemplaires, tous formats et supports confondus » étaient concernées par le taux réduit de TVA.
Or, le travail du photographe échappant dans le cas de l’administré à cette définition numérique dans une publication du département, il ne pouvait bénéficier du taux réduit.
 
Le tribunal ayant rejeté sa demande dans une décision du 23 janvier 2020, le photographe fit appel pour obtenir de la Cour administrative d’appel de Douai l’annulation du jugement, une petite leçon de droit positif administré aux agents des impôts « en leur fonctions et grades » et la prononciation de la décharge de rappels de TVA.
 
Une demande du photographe fondée sur la doctrine administrative qui reste opposable à l’administration fiscale tant qu’elle n’est pas rapportée (ce qui est le cas dans l’affaire).
L’appelant soutient en demande que l’article 278 septies du code général des impôts, fondement du taux réduit, « ne saurait restreindre la reconnaissance du caractère d’œuvre d’art à une photographie, quel que soit son sujet ou la motivation de son auteur ».
Les seuls critères valables relèveraient, selon lui, du code de la propriété intellectuelle, lequel vise précisément au point 9° de l’article L. 112-2 : « Les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie », définition confortée par « la doctrine administrative publiée sous la référence BOI 3 C-3-03 ».
 
En ce sens, il soutient qu’une instruction administrative du 25 juin 2003 apporte des précisions sur les conditions d’application du taux réduit de la TVA. Et celle-ci atteste que « ne peuvent être considérées comme des œuvres d’art susceptibles de bénéficier du taux réduit de la TVA que les photographies qui portent témoignage d’une intention créatrice manifeste de la part de leur auteur ».
Il en résulte que le photographe serait autorisé à utiliser le taux réduit lorsqu’il est concerné par le choix du thème, les conditions de mise en scène, les particularités de prise de vue ou toute autre spécificité de son travail touchant notamment à la qualité du cadrage, de la composition, de l’exposition, etc.
 
Il argue donc, pour le dire autrement, qu’il est bien à l’origine d’une œuvre de l’esprit au sens du droit d’auteur, sans pour autant justifier être à l’origine d’une œuvre d’art au sens du droit fiscal.
Et ses photographies litigieuses répondraient, selon l’appelant, aux critères propres à permettre une qualification d’œuvre de l’esprit : Elles auraient « un caractère original et artistique », elles témoigneraient « d’une véritable intention créative » et – critère ô combien important en droit d’auteur – elles porteraient « l’empreinte de la personnalité de leur auteur ».
 
Respectant la méthodologie indiquée dans l’instruction du 25 juin 2003, le photographe constitue alors un faisceau d’indices tentant de démontrer l’originalité des photographies.
Et, parmi les indices les plus intéressants, il soutient qu’il ne reçoit aucune directive concernant l’angle de vue, l’éclairage, le choix des figurants, la pose des personnes photographiées ou la mise en scène, tout cela relevant non pas de ses donneurs d’ordre, mais de sa seule initiative, caractérisant une liberté de création pleine et entière.
Il ajoute qu’il effectue « un travail en profondeur en ce qui concerne notamment le choix du thème et du matériel, qui est un matériel professionnel, la mise en scène, les particularités de prise de vue, la qualité du cadrage et de l’exposition ou les jeux de lumière ».
Il souligne enfin être affilié à l’Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA, qui est chargée de la gestion du régime de sécurité sociale des artistes-auteurs avec la Maison des artistes, régime encadré par les articles L. 382-1 et suivants du code de la sécurité sociale) ce que la doctrine administrative retiendrait au nombre des éléments d’appréciation.
 
Argumentation assez concluante en apparence après lecture attentive de l’instruction du 25 juin 2003, qui a toutefois bien du mal à convaincre lorsque, comme le ministère de l’Action et des Comptes publics, l’on saisit le problème par le prisme du droit de l’Union européenne.
En droit d’auteur, la notion d’œuvre d’art est une sous-catégorie d’œuvre de l’esprit devant répondre à un critère « d’originalité » – au sens « empreinte de la personnalité » de l’artiste-auteur – pour être protégée.
Mais, en droit fiscal, l’œuvre d’art a une autre signification : L’originalité ne renvoie pas à l’acte créatif quand il s’agit de répondre à une commande précise.
Ce ne serait plus un artiste, mais un « artisan ».
 
La Cour d’appel de Douai l’aura rétabli dans son statut « d’artiste » : L’exploitation que fait le donneur d’ordre de la création unique, est donc sans conséquence au regard de la TVA due par le créateur du cliché…
D’autant que la décision reste conforme non seulement à la doctrine établie par l’administration fiscale elle-même et à la directive européenne applicable.
 
Ça va mieux en le disant, n’est-ce pas ?
Bonne fin de week-end à toutes et à tous !
 
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