Précisions en la matière…
En application des règles de droit commun régissant l’obligation
de sécurité de l’employeur, le salarié qui justifie d’une exposition au benzène
ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de
développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement
de ce dernier à son obligation de sécurité.
Mais le salarié est tenu de justifier d’un préjudice d’anxiété personnellement subi.
Justifie légalement sa décision, la Cour d’appel qui déduit l’existence d’un tel préjudice des attestations de proches faisant état de crises d’angoisse régulières, de la peur de se soumettre à des examens médicaux, d’insomnies et d'un état anxiodépressif.
Ok…
COUR DE CASSATION
Audience publique du 15 décembre 2021
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15
DÉCEMBRE 2021
La société Alstom Power Systems, société par actions
simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° V 20-11.046
contre les arrêts rendus le 30 avril et 26 novembre 2019 par la cour d'appel de
Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [U] [G], domicilié
[Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les
deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Silhol, conseiller référendaire,
les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Alstom Power Systems,
de Me Haas, avocat de M. [G], et l'avis de M. Desplan, avocat général, après
débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M.
Cathala, président, M. Silhol, conseiller référendaire rapporteur, Mme
Farthouat-Danon, conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Van Ruymbeke,
Capitaine, Gilibert, Lacquemant, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume,
conseillers référendaires, M. Desplan, avocat général, et Mme Pontonnier,
greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée,
en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des
président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la
loi, a rendu le présent arrêt.
Exposé du litige
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Besançon, 30 avril 2019
et 26 novembre 2019), M. [G], salarié jusqu'au 25 avril 1978 de la société
Alstom Power Turbomachines, aux droits de laquelle vient la société Alstom
Power Systems (la société), a travaillé au sein de l'établissement de [Localité
3].
2. En exécution d'un jugement rendu le 26 juin 2007
par le tribunal administratif de Besançon, cet établissement a, selon arrêté
ministériel du 30 octobre 2007, été inscrit sur la liste des établissements
susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité
des travailleurs de l'amiante (ACAATA) pour la période de 1965 à 1985. Ce
jugement a été annulé par un arrêt prononcé le 22 juin 2009 par la cour
administrative d'appel de Nancy.
3. Le 17 juin 2013, M. [G] a saisi la juridiction
prud'homale d'une demande en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice
d'anxiété.
4. Après avoir rejeté la demande en réparation d'un
préjudice d'anxiété formée sur le fondement de l'article 41 de la loi n°
98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée, la cour d'appel a écarté la fin de
non-recevoir tirée de la prescription de la demande du salarié au titre de la
violation de l'obligation de sécurité et a condamné la société au paiement de
dommages-intérêts de ce chef.
Moyens
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, et
le second moyen, pris en ses trois premières branches, ci-après annexés
Motivation
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code
de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement
motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la
cassation.
Moyens
Sur le premier moyen, pris en ses quatre premières
branches
Énoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt du 26 novembre 2019
de rejeter « l'exception de prescription » et de la condamner au paiement de dommages-intérêts
au titre de la violation de l'obligation de sécurité, alors :
« 1°/ que le point de départ du délai de prescription
de l'action par laquelle un salarié demande à son employeur, auquel il reproche
un manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice
d'anxiété, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé
de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l'amiante ;
qu'en jugeant, en l'espèce, que ''seule l'inscription sur la liste des
établissements permettant la mise en œuvre du régime général de l'ACAATA
publiée au journal officiel du 6 novembre 2017, et ce peu importe que cette
décision ait ensuite été remise en cause par la juridiction administrative, a
donné à M. [G] une connaissance des faits lui permettant d'exercer son
action'', pour en déduire que celle-ci n'est pas prescrite, quand il lui
appartenait de rechercher, in concreto, à quelle date le salarié a eu
connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de
son exposition à l'amiante, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code
civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
2°/ que le régime du préjudice d'anxiété fondé sur le
droit commun de l'obligation de sécurité de l'employeur ne se confond pas avec
le régime du préjudice spécifique d'anxiété applicable au salarié ayant
travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n°
98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel
; qu'en se prononçant de la sorte et en ayant adopté les motifs de son arrêt
précédent du 30 avril 2019 ayant rejeté l'exception de prescription de l'action
en réparation du préjudice spécifique d'anxiété, sans rechercher à quelle date
le salarié avait eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie
grave résultant de son exposition à l'amiante, la cour d'appel a privé sa
décision de base légale au regard de l'article 2224 du code civil, dans sa
rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
3°/ que la connaissance qu'a eue le salarié du risque
élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à
l'amiante peut résulter des diverses mesures mises en œuvre par l'employeur au
cours de l'exécution du contrat de travail et des réglementations
successivement adoptées en matière d'utilisation de l'amiante jusqu'à son
interdiction par le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 ; qu'en l'espèce, en
décidant de manière péremptoire que ''seule l'inscription sur la liste des
établissements permettant la mise en œuvre du régime général de l'ACAATA
publiée au journal officiel du 6 novembre 2017 a donné à M. [G] une
connaissance des faits lui permettant d'exercer son action'', sans rechercher,
comme il lui était pourtant demandé, si la réglementation de l'amiante dès 1977
et les mesures mises en œuvre par l'employeur au cours de la relation de
travail, ayant pris fin en 1978, n'étaient de nature à justifier de
l'apparition de la situation d'inquiétude permanente du salarié face au risque
de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, constitutive du
préjudice d'anxiété, antérieurement à la date de l'inscription sur la liste des
établissements permettant la mise en œuvre du régime général de l'ACAATA, la cour
d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 2224
du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;
4°/ qu'en considérant que l'employeur ne justifie pas
que le salarié avait une connaissance personnelle des risques liés à
l'utilisation de l'amiante au cours de l'exécution du contrat de travail, lors
même qu'il appartenait à ce dernier de justifier de la date à laquelle il a eu
connaissance du dommage dont il demandait réparation, la cour d'appel a inversé
la charge de la preuve, en violation de l'article 1353 du code civil, ensemble
l'article 2224 du même code, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-561 du
17 juin 2008. »
Motivation
Réponse de la Cour
7. Le point de départ du délai de prescription de
l'action par laquelle un salarié demande à son employeur, auquel il reproche un
manquement à son obligation de sécurité, réparation de son préjudice d'anxiété,
est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de
développer une pathologie grave résultant de son exposition à l'amiante. Ce
point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a
pris fin.
8. Appréciant les éléments de fait et de preuve qui
lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté que seule l'inscription publiée
au Journal officiel du 6 novembre 2007 de l'établissement de [Localité 3] sur
la liste permettant la mise en œuvre du régime ACAATA avait, peu important la
remise en cause de cet arrêté par la juridiction administrative, donné au
salarié une connaissance des faits lui permettant d'exercer son action.
9. Par de tels motifs, la cour d'appel, qui a ainsi
accompli les recherches prétendument omises, a légalement justifié sa décision.
Moyens
Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche
Énoncé du moyen
10. La société fait grief à l'arrêt du 26 novembre
2019 de la condamner au paiement de dommages-intérêts au titre de la violation
de l'obligation de sécurité, alors « que le salarié qui [a] sollicité la
réparation d'un préjudice d'anxiété sur le fondement du droit commun de
l'obligation de sécurité doit prouver l'existence de ce préjudice qu'il a
personnellement subi, celui-ci ne se déduisant pas nécessairement de
l'exposition au risque mais devant ressortir d'un trouble dans ses conditions
d'existence ; que la cour d'appel, qui a simplement estimé que la prétendue
exposition du salarié à l'amiante générait un préjudice d'anxiété dont
l'existence était établi par des attestations produites par le salarié
desquelles il ne ressortait pourtant qu'une inquiétude du salarié face au
risque de déclaration à tout moment d'une maladie grave en raison de
l'exposition à l'amiante, mais non d'un trouble dans ses conditions
d'existence, n'a pas légalement caractérisé le préjudice d'anxiété et n'a pas
donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1231-1 du code civil.
»
Motivation
Réponse de la Cour
11. En application des règles de droit commun
régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie
d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une
pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier
à son obligation de sécurité.
12. Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété
personnellement subi résultant d'un tel risque.
13. Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la
seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est
constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance du risque
élevé de développer une pathologie grave par les salariés.
14. Après avoir rappelé que, compte tenu de son
exposition avérée à l'amiante et des délais de latence propres aux maladies
liées à l'exposition de ce matériau, le salarié devait faire face au risque
élevé de développer une pathologie grave, la cour d'appel a constaté qu'il
produisait des attestations de proches faisant état de crises d'angoisse
régulières, de peur de se soumettre aux examens médicaux, d'insomnies et d'un
état anxiodépressif, et en a déduit que l'existence d'un préjudice
personnellement subi était avérée.
15. Par de tels motifs, elle a, sans être tenue de
procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement
justifié sa décision.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Alstom Power Systems aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alstom Power Systems et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze
décembre deux mille vingt et un.
Dans cet arrêt du 15 décembre 2021, la Haute Cour
apporte donc des précisions sur le point de départ du délai de prescription de
l’action en reconnaissance du préjudice d’anxiété. Dans ce même arrêt et un
autre de la même date, elle fournit des exemples d'éléments établissant ou non
un tel préjudice personnel subi par le salarié.
Dans l’arrêt n° 20-11.046, la chambre sociale de la
Cour de cassation réaffirme, comme elle l’avait fait dans un précédent arrêt
(Cass. soc. 8-7-2020 n° 18-26.585 FS-PB), que le point de départ du délai de
prescription de l’action par laquelle un salarié demande à son employeur,
auquel il reproche un manquement à son obligation de sécurité, réparation de
son préjudice d’anxiété, est la date à laquelle le salarié a eu connaissance du
risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante.
Ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin.
La Haute Cour valide ici la décision de la Cour d’appel
ayant considéré que l’inscription, par arrêté publié au Journal officiel, de l’établissement
dans lequel travaillait le salarié sur la liste permettant la mise en œuvre du
régime de préretraite amiante (régime Acaata) avait, peu important la remise en
cause de cet arrêté par la juridiction administrative, donné à l’intéressé une
connaissance des faits lui permettant d’exercer son action.
En conséquence, le point de départ du délai de prescription pouvait être fixé à la date de cette inscription.
En effet, l’arrêté inscrivant l’établissement sur la
liste prévue à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 avait été annulé par
la juridiction administrative. Mais, même si le salarié ne relevait plus des
dispositions de la loi précitée, rien n’interdisait au juge de prendre en considération
l’arrêté annulé pour apprécier, dans l’exercice de son pouvoir souverain
d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la
date à laquelle le salarié avait eu connaissance du risque élevé de développer
une pathologie grave liée à l’inhalation de poussières d’amiante.
Il en découle qu’il est possible de retenir un point
de départ identique du délai de prescription à l’égard de tous les salariés
ayant travaillé dans un même établissement, quand bien même ces travailleurs
relèveraient de régimes différents. Cette solution est d’autant plus
intéressante que, dans les deux cas, l’action en réparation du préjudice
d’anxiété est soumise au délai de prescription fixé par l’article L 1471-1 du
Code du travail (Cass. soc. 8-7- 2020 n° 18-26.585 précité).
Dans la pratique, comment le salarié peut-il démontrer
son préjudice personnel ?
Dans les deux arrêts du 15 décembre, la Haute Cour rappelle que le salarié doit justifier d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant du risque élevé de développer une pathologie grave. Le préjudice d’anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés.
Des crises d’angoisse, des insomnies et un état dépressif peuvent caractériser un préjudice d’anxiété
Dans l’arrêt n° 20-11.046, la cour d’appel, ayant constaté que le salarié produisait des attestations de proches faisant état de crises d’angoisse régulières, de peur de se soumettre aux examens médicaux, d’insomnies et d’un état anxiodépressif, a pu en déduire que l’existence d'un préjudice personnellement subi était avérée.
En revanche, dans l’arrêt n° 20-15.878 ci-dessous
reproduit (deux pour le prix - gratuit - d’un seul…) la Haute Cour juge que la Cour
d’appel ne pouvait pas, pour condamner l’employeur à payer au salarié une
indemnité en réparation de son préjudice d’anxiété, retenir que la relation de
type causal entre l’inhalation de poussières ou fibres d’amiante et les risques
pour la santé du salarié exposé, notamment ceux de développer des lésions
pleurales et des pathologies comme le mésothéliome engageant le pronostic
vital, était établie par les études scientifiques et épidémiologiques menées
depuis plus d’un siècle, que le salarié produisait le compte-rendu d’une
scanographie du thorax et justifiait d’un suivi médical post exposition à
l’amiante, que par ces éléments, il établissait souffrir d’une inquiétude
permanente de voir se déclencher chez lui à tout moment une pathologie
engageant son pronostic vital, réactivée par les examens médicaux et que
d’anciens collègues de travail déclaraient une maladie professionnelle liée à
l’amiante. En effet, ces éléments sont considérés comme insuffisants à
caractériser un tel préjudice.
COUR DE CASSATION
Audience publique du 15 décembre 2021
M. CATHALA, président
Arrêt n° 1341 FS-D
Pourvoi n° X 20-15.878
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15
DÉCEMBRE 2021
La société Arcelormittal France, société par actions
simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la société
Arcelormittal Atlantique et Lorraine, a formé le pourvoi n° X 20-15.878 contre
l'arrêt rendu le 12 mars 2020 par la cour d'appel d'Amiens (5ème chambre
prud'homale), dans le litige l'opposant à M. [H] [B], domicilié [Adresse 1],
défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le
moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Van Ruymbeke, conseiller, les
observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Arcelormittal
France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [B], après débats
en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M. Cathala,
président, Mme Van Ruymbeke, conseiller rapporteur, Mme Farthouat-Danon,
conseiller doyen, MM. Pion, Ricour, Mmes Capitaine, Gilibert, Lacquemant,
conseillers, M. Silhol, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, conseillers
référendaires, M. Desplan, avocat général et Mme Pontonnier, greffier de
chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée,
en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des
président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la
loi, a rendu le présent arrêt.
Exposé du litige
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 12 mars 2020), M.
[B] a travaillé en qualité d'électricien, du 7 août 1978 au 30 avril 2012, sur
le site de Montataire, exploité par la société Arcelormittal France venant aux
droits de la société Arcelormittal Atlantique et Lorraine.
2. Il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir
l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété.
Moyens
Examen du moyen
Énoncé du moyen
3. La société fait grief à l'arrêt de la condamner à
verser au salarié une somme en réparation de son préjudice d'anxiété, alors «
que l'indemnisation accordée au titre du préjudice d'anxiété répare l'ensemble
des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les
conditions d'existence, résultant du risque de déclaration à tout moment d'une
maladie liée à l'amiante ; qu'il appartient donc au salarié, qui sollicite
l'indemnisation d'un préjudice d'anxiété, de justifier de tels éléments
personnels et circonstanciés établissant la réalité de son anxiété, qui ne
peuvent se déduire de la seule exposition à l'amiante et de l'existence d'un
suivi médical post-exposition à l'amiante ; qu'au cas présent, la société
exposante faisait valoir que le défendeur au pourvoi n'établissait pas la
réalité du préjudice d'anxiété dont il demandait la réparation ; qu'en se
bornant à relever que le salarié justifiait d'un suivi médical post-exposition
à l'amiante, la cour d'appel, qui n'a relevé aucun des éléments personnels et
circonstanciés de nature à établir l'anxiété du salarié, a statué par des
motifs impropres à caractériser un préjudice d'anxiété personnellement subi par
le salarié et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave et a
donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code
civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131
du 10 février 2016. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du
travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du
22 septembre 2017, applicable au litige et l'article 1147 du code civil, dans
sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février
2016 :
4. En application des règles de droit commun régissant
l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une
exposition à l'amiante ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un
risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur
pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.
5. Le salarié doit justifier d'un préjudice d'anxiété
personnellement subi résultant d'un tel risque.
6. Le préjudice d'anxiété, qui ne résulte pas de la
seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est
constitué par les troubles psychologiques qu'engendre la connaissance du risque
élevé de développer une pathologie grave par les salariés.
7. Pour condamner la société à payer au salarié une
indemnité en réparation de son préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que la
relation de type causal entre l'inhalation de poussières ou fibres d'amiante et
les risques pour la santé du salarié exposé, notamment ceux de développer des
lésions pleurales et des pathologies comme le mésothéliome engageant le
pronostic vital, est établie par les études scientifiques et épidémiologiques menées
depuis plus d'un siècle évoquées par le salarié, que le salarié produit le
compte-rendu d'une scanographie du thorax et justifie d'un suivi médical post
exposition à l'amiante, que par ces éléments, il établit souffrir d'une
inquiétude permanente de voir se déclencher chez lui à tout moment une
pathologie engageant son pronostic vital, réactivée par les examens médicaux et
le fait que d'anciens collègues de travail déclarent une maladie
professionnelle liée à l'amiante, qu'il caractérise ainsi un préjudice
d'anxiété personnel, actuel et certain.
8. En se déterminant ainsi, par des motifs
insuffisants à caractériser le préjudice d'anxiété personnellement subi par le
salarié et résultant du risque élevé de développer une pathologie grave, la
cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près
la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en
marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
Bref, ce
15 décembre, la chambre sociale n’aura pas chômé et émis des précisions utiles
pour dire le droit !
Bon
week-end à toutes et tous !
I3
Mais le salarié est tenu de justifier d’un préjudice d’anxiété personnellement subi.
Justifie légalement sa décision, la Cour d’appel qui déduit l’existence d’un tel préjudice des attestations de proches faisant état de crises d’angoisse régulières, de la peur de se soumettre à des examens médicaux, d’insomnies et d'un état anxiodépressif.
Ok…
Audience publique du 15 décembre 2021
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S
E
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
Faits et procédure
Examen des moyens
Motivation
Moyens
Réponse de la Cour
Sur le second moyen, pris en sa quatrième branche
Réponse de la Cour
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Alstom Power Systems aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Alstom Power Systems et la condamne à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros ;
Ce point de départ ne peut être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin.
En conséquence, le point de départ du délai de prescription pouvait être fixé à la date de cette inscription.
Dans les deux arrêts du 15 décembre, la Haute Cour rappelle que le salarié doit justifier d’un préjudice d’anxiété personnellement subi résultant du risque élevé de développer une pathologie grave. Le préjudice d’anxiété, qui ne résulte pas de la seule exposition au risque créé par une substance nocive ou toxique, est constitué par les troubles psychologiques qu’engendre la connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave par les salariés.
Des crises d’angoisse, des insomnies et un état dépressif peuvent caractériser un préjudice d’anxiété
Dans l’arrêt n° 20-11.046, la cour d’appel, ayant constaté que le salarié produisait des attestations de proches faisant état de crises d’angoisse régulières, de peur de se soumettre aux examens médicaux, d’insomnies et d’un état anxiodépressif, a pu en déduire que l’existence d'un préjudice personnellement subi était avérée.
Audience publique du 15 décembre 2021
Arrêt n° 1341 FS-D
Pourvoi n° X 20-15.878
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S
E
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
Faits et procédure
Examen du moyen
Réponse de la Cour
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un.
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