Le beurre et l’argent du beurre…
Tous les experts nous préviennent depuis plusieurs mois
: Une pénurie de beurre est à craindre et vous vous étonnez ! La disette
annoncée se serait installée dans les supermarchés « Gauloisiens »
depuis quelques jours et inquièterait les consommateurs.
Et pour cause, les « Gauloisiens » sont les
premiers consommateurs de beurre au monde ! Avec 7,9 kilos de beurre par
personne et par an, le pays des viennoiseries devance largement l’Allemagne,
qui s’offre la deuxième place du podium avec 6,2 kg de beurre par personne, et
la République tchèque (5 kilos).
Et depuis, de nombreuses allégations sont avancées sur
les réseaux sociaux pour expliquer cette disette.
Permettez-moi de faire un premier tri entre le vrai et
le faux.
Absolument vrai, 2016 aura été une mauvaise année pour
l’élevage et l’agriculture. La production de lait et la production agricole
(qui permet de nourrir le bétail) ont été plutôt mauvaises en 2016 dans le
monde entier (on en a déjà parlé), notamment en raison de conditions
climatiques pas très favorables. En « Gauloisie-crémière » on a
enregistré une baisse de 3 % de la production de beurre, soit près de 707.000
tonnes de lait en moins. En 2015, 25.374.000 tonnes de lait ont été produites,
contre 24.667.000 en 2016.
Avec moins de beurre à la sortie des « barattes »
et dans le même temps une hausse de la demande mondiale, normalement on devrait
constater une hausse conséquente du prix des beurres.
Or, les prix du beurre ont véritablement explosé à la
production : En avril 2016, la tonne de beurre était vendue 2.500 euros, contre
7.000 euros aujourd’hui. Ces vingt derniers mois, le prix du beurre a augmenté
de plus de 200 %. Seulement, voilà, la fixation des prix des produits en
supermarché est établie de façon annuelle (annualisation des accords
commerciaux des principales enseignes). Il n’est donc, pour l’instant, pas
question de renégocier les prix du beurre avant février 2018.
Et par conséquent, les fournisseurs ont tendance à se
servir directement dans les grandes surfaces devenues moins chères que les
grossistes.
On vous raconte également que les Chinois ont bouffé
tout le beurre de « Gauloisie-campagnarde » : Vaste fumisterie
qui reste vrai à la marge.
S’ils ont effectivement augmenté leur consommation de
beurre à travers les viennoiseries, les États-Unis ont également réhabilité ce
produit longtemps condamné. En 2014, le journal « Time » titre une
couverture « Eat Butter », dans le
cadre d’un hors-série qui regroupe différentes études scientifiques vantant les
bienfaits du beurre, riche en vitamine A et antioxydants.
Aux États-Unis, « la
consommation de beurre a augmenté de 8 % en un an ».
En réalité, la demande
mondiale en beurre (et pas seulement asiatique) aurait « explosé ».
Cette hausse « gigantesque
» selon le directeur des produits grande consommation chez Laïta et la marque
Paysan breton, fait que, aujourd'hui, la production ne peut plus satisfaire la
demande.
Du coup, les fabricants de biscuits bretons se plaignent
d’une pénurie de beurre, les industriels locaux & bretons exportant de plus
en plus, notamment vers la Chine, au détriment du marché national-local.
Un comble chez les bretons…
Les biscuiteries bretonnes ne parviennent plus à
s’approvisionner en quantité suffisante de beurre exclusivement breton,
ingrédient de base dans la fabrication de leurs produits locaux : « Il n’y en a pas beaucoup et surtout il est très
cher. Alors que la poudre de lait, on en trouve partout et à pas cher »,
explique le patron de la biscuiterie Joubard, à Pontivy (Morbihan).
Ah tiens donc : On a du lait « à pas cher », mais pas de beurre,
curieux, non ?
Est-ce que par hasard les industriels des produits
laitiers choisissent de fabriquer moins de beurre, parce qu’ils ne le jugent
pas assez rentable ? À Carhaix, l’entreprise chinoise Synutra a construit
une usine de lait en poudre, présentée comme la plus grande unité de ce type au
monde. Entrée en fonctionnement en avril 2016, elle produit du lait pour
nourrissons à destination de la Chine, avec un objectif de près de 120.000
tonnes de poudre de lait par an. C’est la coopérative laitière Sodiaal, qui lui
fournit son lait.
Au prix du marché, naturellement…
120.000 tonnes sur 24.667.000, c’est quoi au juste ?
0,48 % seulement… !
Mais on vous fait mousser le problème du « demi-point »
jusque dans « La Tribune », où on apprend que les exportations de
lait et de crème « gauloisiens » auraient enregistré une hausse
record de 323 %, et l’exportation vers la Chine de beurre a augmenté de 46 %
entre janvier et août 2016…
Laissez-moi rire : Évidemment, 323 % à partir de
rien – ou pas grand-chose – ça n’explique toujours pas pourquoi, sinon à la
marge pour le moins hyper-mince, pourquoi il n’y a pas de beurre dans vos gondoles.
Personne n’aura noté que la « grande distribution »
importe du beurre depuis la Nouvelle-Zélande comme elle le fait déjà depuis
plusieurs années. Un paradoxe alors que les producteurs laitiers Gauloisiens se
plaignaient il y a encore quelques mois de devoir vendre leur lait à perte…
Souvenez-vous, accusant le leader mondial des produits
laitiers, Lactalis, la boîte de « l’actionnaire » (il n’est même pas
PDG de sa boutique, la bien-nommée « Président », peut-être leader
mondial du secteur, mais avec seulement 2 à 3 point de part de marché), de
maintenir les prix trop bas, ils ont organisé de nombreuses manifestations l’été
précédent, jusqu’à l’obtention d’un accord signé fin août sur une hausse du
prix de la tonne de lait.
Et puis, pour vendre du papier, il faut compter sur un
autre phénomène : La vue d’une gondole vide en magasin accélère la disette !
Comme pour les pénuries annoncées d’essence, les « veaux-Gauloisiens »
ont soudain eu peur de manquer de beurre et ont créé des stocks.
Selon un responsable à l’Idele, l’Institut d’élevage, «
les consommateurs y contribuent en se
précipitant au supermarché pour faire du stock ! (…) On accélère les ruptures de stock ».
Qu’il faut que tout le monde se rassurent : L’actuel
ministre de l’Agriculture « Stéph-de-Travers » a affirmé que la pénurie
« ne va pas durer ».
Puisqu’il le dit…
Alors que d’autres en rajoutent : « Après les prix très bas de l’an dernier, il
y a eu un manque de lait dans le monde entier », indique le PDG d’Arla
Foods, l’une des plus grandes coopératives laitières au monde, détenue par 12.500
agriculteurs dispersés dans l’UE. « Il
sera impossible de répondre à la demande jusqu’à Noël ».
Les producteurs ont limité leur production après la
dégringolade des prix l’an dernier, quand la levée des quotas de production
européens a fait tanguer le marché.
Une stratégie d’équarrissage qui a mené à une
insuffisance de lait, crème et beurre, qui fait aujourd’hui grimper les prix de
manière « significative ». En
septembre, Arla a augmenté pour le troisième mois consécutif le prix payé aux
producteurs, qui atteindra les 38,3 centimes d’euros.
Le beurre est donc aujourd’hui 1,50 fois plus cher
qu’il y a un an, à 6,12 euros/kg et on estime que la demande dépassera l’offre
de 60.000 tonnes d’ici la fin de l’année.
C’est un peu l’objectif de ces annonces, non ?
La Commission européenne estime cependant de son côté qu’il
s’agit moins d’une pénurie que d’une évolution de la demande au sein même du
secteur des produits laitiers : « Au
mois de juin, l’augmentation de la production dans 19 États membres a permis de
corriger, et de dépasser, la réduction qui a eu lieu dans neuf autres, dont la
France et l’Allemagne », a indiqué un représentant européen. L’exécutif
estime donc que la production laitière de 2017 dépassera d’environ un million
de tonnes celle de 2016.
Well ! Où est donc la pénurie ?
« La situation
du beurre est le résultat d’une compétition accrue pour les matières grasses du
lait », explique toujours le représentant européen. « C’est principalement dû au fait que celui-ci est plutôt dirigé vers la
production de fromage pour répondre à une demande forte dans un secteur qui
offre de meilleurs retours que le beurre. »
Bé oui, le beurre, c’est basique. Comme de la poudre à
laver : Aucune valeur ajoutée à en espérer.
Alors que les fromages, les crèmes, les yaourts
aromatisés, je te ne vous raconte pas…
Toutefois, les coopératives agricoles appellent la
Commission à accroître la transparence dans la chaine d’approvisionnement
alimentaire. Et à promulguer une loi européenne pour protéger les producteurs
alimentaires des pratiques commerciales réputées déloyales.
Pour le secrétaire général de la Copa-Cogeca, une
association de représentation des agriculteurs européens, la pénurie de beurre
est plutôt liée à l’explosion de la consommation sur le marché américain, où
les citoyens préfèrent de plus en plus le beurre à la margarine.
Notez qu’on les comprend aisément…
« Et les
producteurs veulent satisfaire la demande de matière grasse laitière sans pour
autant y ajouter les composants qui font baisser les prix d’autres produits,
comme la poudre de lait écrémée », explique-t-il.
« Il faut aussi
résoudre la corrélation entre le prix du beurre payé par le consommateur et le
prix perçu par le producteur », ajoute un représentant des agriculteurs. « Les prix perçus par les producteurs n’ont
pas augmenté autant que les prix payés par les consommateurs finaux. Il faut
faire mieux fonctionner la chaine alimentaire. »
Ok, mais ce n’est pas non plus l’agriculteur qui a les
moyens d’investir dans l’outil industriel indispensable.
Rappelons que côté demande, la progression – « explosive »
estimée par la FAO à… + 2,5 % entre 2013 et 2015 – s’explique par le retour en
grâce de la matière grasse animale, après trente ans de dédain de la part des
nutritionnistes.
En face, la production baisse pour cause de la
disparition des quotas européens laitiers, il y a deux ans.
Ce qui a très logiquement provoqué une réaction en
chaîne : Surproduction,
chute des cours, faillite d’un certain nombre d’éleveurs, baisse de la production.
Et les cours du beurre n’ont jamais été aussi hauts.
Le beau paradoxe des régulations supra-étatiques qui déséquilibrent les marchés.
Face à cette situation, la première réaction est,
simplement, d’augmenter la production de lait. D’autant que la « Gauloisie-rentière »
est l’un des premiers pays producteurs européens de beurre (450.000 tonnes en
2016), elle est loin d’être autosuffisante pour importer environ 200.000 tonnes
par an.
Problème, augmenter la production de lait pour
fabriquer plus de beurre n’est pas sans répercussion sur le marché… du lait.
Car dans un litre de lait, il y a, en moyenne, 42 grammes de matière grasse –
qui servent à faire le beurre et la crème – et 33 grammes de protéines – qui
servent à faire le lait liquide et de la poudre de lait.
Or, ce dernier marché est lourdement excédentaire (d’ailleurs
les prix n’augmentent pas), au point que la Commission a enclenché, depuis deux
ans, un mécanisme de régulation de marché et stocke 380.000 tonnes de poudre de
lait (pour éviter que vous ne payez pas assez cher votre lait).
Soit l’équivalent de 20 % des échanges mondiaux d’une
année.
« En augmentant
la production de lait, on risque d’accroître l’excédent de poudre, faire encore
baisser le prix de ce marché, mettre en difficulté des éleveurs et donc faire
baisser la production », s’inquiète le directeur des affaires économiques à
l’Association de transformation laitière « Gauloisienne » (Atla).
Où quand les « eurocrates » se mêlent
de foutre le boxon sur un marché.
Ils ont pourtant vu ce que ça donnait les quotas et leur
disparition soudaine…
Passons.
D’autres solutions en vue ? À court terme, les
éleveurs plaident pour que la grande distribution accepte d’augmenter les prix
des plaquettes de beurre en rayon – qui ont, il est vrai, assez peu augmenté
quand il s’agit surtout des MDD.
En fait, ils ont peur de ne plus pouvoir en vendre au
consommateur. Résultat, ils ne sont même plus livrés pour ne pas payer le « bon
prix » jusqu’en 2018…
Autre beau paradoxe !
Car plusieurs supermarchés ont des difficultés à s’approvisionner
en beurre, depuis la mi-octobre. Un manque qui s’expliquerait par l’explosion
du prix de ce produit, certes, mais aussi par des négociations tendues entre
grandes surfaces et distributeurs.
La triste conséquence du bras de fer entre industriels
et grande distribution…
Il faudrait une augmentation de 5 à 10 % du prix de la
plaquette en grande surface pour que les industriels y trouvent leur compte. « Les industriels respectent a minima leurs engagements envers les distributeurs ».
Et pour l’instant, les négociations sont au point
mort. « La grande distribution
refuse d’augmenter, en cours de saison, les tarifs négociés en février dernier.
Il y a une trop grande rigidité dans les négociations », détaille un
délégué pour l’Ouest de la Fédération nationale des industries laitières (Fnil).
« Alors qu’en
Allemagne le prix de la plaquette de beurre a augmenté de 50 % en un an, elle n’a
augmenté que de 12 % en France » avance-t-il.
Résultat : « Les
industriels (…) approvisionnent de
préférence leurs clients fidèles, pâtissiers ou grossistes, qui les paient au
prix réel du marché », poursuit le responsable de la Fnil.
Les grandes marques, comme Elle et Vire ou Président,
sont pour l’instant épargnées par ce bras de fer. Leurs contrats avec les distributeurs
sont négociés à l’année : Le prix ne peut pas être discuté pour l’instant et
les industriels ne peuvent donc pas se permettre de ne pas les livrer.
Le phénomène de pénurie qui ne concernerait finalement
et surtout que les marques de distributeurs (MDD). Ces contrats-là avec les
industriels sont en effet assez courts et peuvent être renégociés tous les six
ou trois mois.
« Ces
contrats ne sont pas renouvelés pour l’instant et c’est pour ça que les
distributeurs ne sont plus achalandés », indique le secrétaire général
de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). « On n’approvisionne pas le marché intérieur
car il est moins rémunérateur que le marché mondial. C'est un choix d’industriels. »
Non : Personne n’imagine donc que c’est juste une
question de prix des beurres MDD ?
Mais cela ne va pas durer : Les négociations entre
fournisseurs et grandes marques vont débuter en novembre, pour fixer le nouveau
prix des matières premières. Le tarif du beurre, appliqué à partir de mars
2018, devrait donc prendre en compte la hausse des cours mondiaux.
Quant au « rééquilibrage » à moyen terme,
les solutions passeraient par aussi revoir les pratiques d’élevage : « Pendant des années, nous avons produit trop
de beurre et donc tout mis en œuvre pour inciter les éleveurs à produire un
lait riche en protéines et non en matières grasses » explique-t-on à
l’Institut de l’élevage. « C’est
cela qu’il faut revoir, en réintroduisant de nouvelles races de vaches et en
repensant le système de paiement du lait au moyen d’une prime versée à ceux qui
produisent un lait riche en matières grasses. »
Fallait peut-être y penser un peu avant, parce que
refaire un cheptel, ça demande du temps et de l’argent…
Où quand on est un « sachant » incompétent…
Conclusion provisoire, tant que ni les producteurs, ni
les industriels, ni les distributeurs ne redeviendront pas « normaux »
et raisonnables, vous n’aurez pas plus de beurre.
D’autant que les uns et les autres attendent de vous
que vous payez enfin le vrai « prix du beurre ».
En fait, et pour tout vous dire, à Londres je trouve
du beurre, cher peut-être – les préférences culinaires locales vont plutôt vers
les margarines ou les beurres avec de la flotte dedans (allégés) – mais j’en
consomme si peu… préférant l’huile d’olive (hors de prix).
Et puis les « vaches folles anglaises »
produisent leurs quotas annuels sans difficultés.
En revanche, ce qui pourrait devenir inquiétant, ce
sont les effets du « Brexit » : On s’attend à des « tensions »
sur les droits de douane, notamment sur les bons camemberts (consommation
locale ultraconfidentielle).
Ça et les steaks grillés saignant, franchement, ça me
manque…
Le reste, ce sont des konneries qui emplissent
vos lectures, histoire de bien vous faire trembler de peur avant de vous racketter
au portefeuille !
Et en plus « vous direz merci » :
Promis.
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