Une
histoire Corsa absolument authentique !
« – Ayo Dùmé ! Pari ùn pudete
travaglià ?
– Ao, Angù ! È iè !
Ghjudici parisian mi hanu pruibita ! »
Démonstration :
M. Ludet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président),
président ;
SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP
Spinosi et Sureau, avocat(s).
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt
suivant :
Sur le moyen unique :
Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité
professionnelle, ensemble l'article L. 1121-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par
la société BCA expertise (la société), le 19 mars 2007, en qualité de stagiaire
expert en automobile ; que par avenant à son contrat de travail du 1er mars
2011 et suite à l'obtention de son diplôme d'expert en automobile, il a obtenu
la modification de ses fonctions en cette qualité ; qu'il a démissionné de
l'entreprise le 30 mai 2011 et que la société lui a opposé la clause de non
concurrence, dont l'intéressé a contesté la validité ; que la société a saisi
la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour juger illicite la clause de non-concurrence,
l'arrêt retient qu'il doit être tenu compte de l'étendue et de la spécificité
de la zone géographique visée par l'interdiction d'exercer la fonction d'expert
en automobile en Corse, en ce sens qu'il s'agit d'une île de plus de 8.000 km²
et que l'exercice de cette profession à l'extérieur de cette région entraîne
nécessairement un déménagement en France continentale ainsi qu'une séparation
familiale, et ce alors même que la spécificité de la profession exercée
n'impose en elle-même aucune mobilité ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la
clause de non-concurrence contestée était limitée à une durée d'un an et au
territoire de la Corse et comportait une contrepartie financière s'élevant au
quart du salaire moyen des six derniers mois, et que ces constatations étaient
impropres à caractériser une atteinte excessive au libre exercice d'une
activité professionnelle par le salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base
légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu
le 29 octobre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet,
en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel
d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les
demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour
de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à
la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un
mars deux mille seize.
Voilà comment Dùmé s’est retrouvé condamné à l’inactivité forcée ou à
l’exil…
« La valise ou le
cercueil ! », le « choix-local »…
Ceci dit, c’est une décision issue d’une jurisprudence constante depuis
des années où l’arrêt suivant a précisé sa portée :
Cour de cassation,
chambre sociale, audience publique du mercredi 10 juillet 2002, n° de pourvoi :
00-45135
M. Sargos,
président :
Rapporteur : Mme Quenson
(arrêt n° 1), Mme Lemoine Jeanjean (arrêts n°s 2 et 3), Conseiller
rapporteur ;
M. Kehrig, avocat général ;
La SCP Thomas-Raquin et
Bénabent, la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin (arrêt n° 1), la SCP
Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez (arrêt n° 2), avocat(s).
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt
suivant :
Attendu que M. X… est entré au service de la société
d'assurance La Mondiale le 1er décembre 1993 ; qu'il occupait un emploi d'agent
producteur ; que, le 7 mars 1995, l'employeur lui a ordonné de remettre le
matériel professionnel dont il disposait et de cesser d'exécuter le contrat de
travail en lui reprochant de s'être introduit irrégulièrement, en août 1994,
dans le bureau de son supérieur hiérarchique ; que, le 5 avril 1995, le salarié
a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande tendant au paiement d'une
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts
pour clause de non-concurrence, ainsi que d'un rappel de commissions ;
Sur le second moyen, relatif au rappel de commissions, tel
qu'il figure en annexe :
Vu l'article L. 131-6 du Code de l'organisation judiciaire ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne
serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen, relatif à l'indemnité pour clause
de non-concurrence :
Vu le principe fondamental de libre exercice d'une activité
professionnelle, ensemble l'article L. 120-2 du Code du travail ;
Attendu qu'une clause
de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection
des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace,
qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte
l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière,
ces conditions étant cumulatives ;
Attendu que pour rejeter la demande de dommages-intérêts
pour clause de non-concurrence, la cour d'appel a énoncé que la clause
litigieuse était licite et régulière ; qu'elle ne comportait aucune
contrepartie financière, ce qui était conforme à la convention collective
applicable ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, en déclarant licite une
clause de non-concurrence qui ne comportait pas de contrepartie financière, la
cour d'appel a violé le principe ci-dessus énoncé et le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition rejetant
la demande de dommages-intérêts pour clause de non-concurrence, l'arrêt rendu
le 28 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en
conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d'appel de Metz ;
Condamne la société La Mondiale aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour
de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à
la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre
sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet
deux mille deux.
Depuis, tout le monde sait pour n’avoir pas à ignorer la Loi qu’une clause
de non-concurrence doit remplir plusieurs conditions pour être valide :
– Elle doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de
l’entreprise ;
– Comporter l’obligation pour l’employeur de verser à l’intéressé une
contrepartie financière ;
– Elle doit par ailleurs être limitée dans le temps et dans l'espace de
manière à permettre au salarié d'exercer une activité correspondant à sa
qualification et à son expérience professionnelle après la rupture de son
contrat de travail ;
– Et ces conditions sont cumulatives !
Les autres sont illicites.
Alors prévoir une clause interdisant à un expert automobile toute
concurrence pendant un an sur le territoire corse (deux départements quand
même) en contrepartie d’une indemnité s’élevant au quart du salaire moyen des
six derniers mois (pas grand-chose), est-il licite ?
Pas pour la Cour d’Appel locale qui sait tout le poids de la « peine
d’exil » (Bastia est posé devant l’Île d’Elbe… elle-même située à environ 100
jours de Sainte-Hélène) pour un natif îlien.
Ces derniers avaient en effet estimé que la clause était excessive car
elle recouvrait une superficie de plus de 8.000 km² et obligeait le salarié à
un déménagement en France continentale et à une séparation familiale.
La Cour de cassation censure ces arguments et cette décision : Elle
considère qu'en l'espèce la clause était impropre à caractériser une atteinte
excessive au libre exercice d'une activité professionnelle par le salarié.
Rappelons d’ailleurs à ce sujet qu'ont été jugées illicites la clause
empêchant le salarié d'entrer au service, sur toute la France et pendant un an,
d'une entreprise ayant la même activité que son employeur (Cass. soc. 18-9-2002 n° 99-46.136) et celle lui interdisant toute
activité similaire en France métropolitaine pendant 2 ans, l'obligeant ainsi à
s'expatrier (Cass. soc. 28-10-1997 n° 94-43.792).
Confirmation parfaitement logique.
Bien à toutes et tous !
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