Détour
par l’Université.
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Après ce vol sur le J 20, prototype du fleuron des avions de chasse de la
Chine, un peu décevant mais Ô combien révélateur à la fois des progrès des
ingénieurs chinois et de leurs faiblesses, ce qui n’est pas prévu, c’est qu’on
emmène Paul dans le grand amphithéâtre de l’université attenante, un peu à
l’écart des pistes de l’aérodrome. Il s’est ainsi retrouvé face à un bon
millier d’étudiants et de cadets, certains en uniforme, jeunes et imberbes,
d’autres aussi nombreux qu’en « civil » dont un petit nombre a été vu sur la
piste ou hier soir.
Les tympans encore un peu martyrisés par les dépressions engendrées dans
le cockpit de l’appareil dont ils sont si fiers des évolutions du pilote qui a
manifestement « fait cracher » ses tripes au prototype de tout ce qu’il peut avoir
dans le ventre dans les limites du domaine de vol connu, quelques courbettes et
salamalecs plus tard, il en vient à être introduit sur l’immense estrade de
l’amphithéâtre. En fait, on pourrait penser à un vrai théâtre reconverti en
salle de cours magistral où, aux horaires vespéraux, se produiraient des
troupes artistiques qu’aiment tant les chinois avec ses danses traditionnelles.
Il n’aura pas droit à ces agapes-là ce soir-là en ce lieu.
Ce qui semble être le directeur de l’académie, dont le nom reste
imprononçable pour un francophone, du type à « coucher dehors avec un ticket de
logement » en main et en bonne et due forme, présente son invité.
Paul se fait traduire par « Yi-tchu », du mandarin en anglais : Ce sera
elle qui traduira de l’anglais en mandarin, mais les organisateurs ont aussi
prévue une interprète « franco-chinois » qui ânonne un français approximatif.
Bref, il perd plus de la moitié du dire du monsieur si affable à son égard
qui lui fait les honneurs de son pays devant ses étudiants.
« Mesdemoiselles, Mesdames,
Messieurs… Jeunes gens !
Je suis très ému, à mon jeune âge, de
me retrouver devant vous : Je ne sais pas qui de vous ou de moi sont les plus
chanceux… »
Ça cafouille dans la traduction, alors il fait signe à « Yi-tchu » de
s’approcher : Il parlera anglais, elle traduira et il reprend…
« Parce que pour tout vous dire, il
n’y a même pas 15 ans, j’étais à votre place dans des écoles équivalentes à la
vôtre, dans mon pays et dans quelques-unes de pays alliés du mien : Je
n’imaginais pas une seule seconde que 15 ans plus tard, je ferai conférencier
dans « l’Empire du milieu ».
Vous le savez peut-être, votre pays est vraiment très beau : Un vraie
carte postale où l’on aimerait flâner.
« Mais chacune et chacun le
sait, je dois ce grand honneur de l’avoir entraperçu parce qu’il y a quelques
semaines, je pilotais un prototype fabriqué dans mon pays, dans mes ateliers,
pour un tour du monde complet et sans ravitaillement en douze heures… et trois
minutes.
Chacune et chacun considère que c’est
un exploit !
Pas du tout, pas du tout ! C’est à
peine un calcul bien fait, de ses équations que j’imagine que vous avez tous en
tête. Je n’ai jamais fait que les transposer de la feuille de papier à la
réalité concrète : Un jeu d’enfant pour des étudiants comme vous, et je
l’espère, dès demain.
Mais je ne suis pas venu pour en
cueillir auprès de vous quelques gloires : En fait, ce n’est pas mon chemin,
parce que je vise les étoiles. En revanche, les autorités de mon pays et je
l’ai affirmé aux autorités de votre pays avant de venir jusqu’ici, ont souhaité
que je vienne à vous sous ce prétexte pour vous… « espionner ».
Oui, vous espionner, venir « tester »
vos avancées technologiques mieux que ce que les satellites-espions où des «
informateurs » pourraient le rapporter sur dossier. Vous me montrez un avion,
rien qu’en le voyant, forcément, je sais ce qu’il y a dedans et ce dont il est
capable.
Et les autorités de votre pays y ont
consenti et même m’ont laissé le piloter.
Merci très vivement, très
chaleureusement et très sincèrement à tous !
En retour, je vais vous dire, ici et en
avant-première, ce que je rapporterai à mes autorités politiques et militaires
sur mon court séjour parmi vous et sur le J20, le fleuron de votre industrie
aéronautique militaire.
Globalement, c’est un bon avion de ce
que j’ai pu en voir. Mais il est trop lourd et pas assez puissant, question de
motorisation, pour rivaliser avec ce que nous savons faire en occident.
Trop petit, ça veut dire pas assez «
d’allonge », défaut rédhibitoire quand on ne maîtrise pas les techniques de
ravitaillement en vol, défaut qui peut à peine être corrigé par la
multiplication des bases et des escadrilles sur un territoire comme le vôtre
qui est par ailleurs immense, même si l’essentiel de l’appareil économique de
votre pays est cantonné sur sa bande côtière.
Pas assez puissant ça implique qu’il ne
peut emporter qu’une charge militaire et des instruments de contre-mesure
insuffisants. Que celle-ci aura donc une faiblesse dans sa capacité à frapper
sa cible, à la neutraliser. Faiblesses qui peuvent être compensées, au moins
partiellement et dans une première frappe par la multiplication des vecteurs,
et jusqu’à saturation de la cible visée.
Ne vous leurrez pas : Cet avion est
bon, mais il ne me semble pas assez véloce aux faibles altitudes et pas assez
agile pour échapper aux défenses d’une cible bien préparée.
Votre pays doit fournir un gros effort
militaire pour « faire peur ». Et je sais, rien qu’en regardant une carte, que
vous vous sentez « sous la menace » : Formose, la Corée, la proximité relative
du Japon, votre flanc sud encore en gestation d’une consolidation, vos immenses
frontières nord et leurs peuples… « agités » dirons-nous, ne vous abritent de
rien : Ce n’est pas avec 2,25 millions d’hommes en arme, dont on m’a dit qu’ils
étaient en « réduction », comme partout dans le monde, que vous pourrez mener
une politique militaire agressive de « surnombre ».
C’est vrai que ça peut faire peur vu
d’occident : Bien des experts soulignent cette « immense armée ».
Mais c’est une naine. Avec un ratio la
rapportant à votre population totale, même mon pays, si petit par rapport au
vôtre, a déjà une armée doublement supérieure en nombre. Et pourtant, soyez
convaincus que les français ne sont pas des belliqueux : C’est tout juste s’ils
tiennent leur rang d’allié intégré à l’OTAN en envoyant quelques corps
expéditionnaires en Afghanistan.
Parce qu’il faut une logistique
impressionnante pour cela et c’est OTAN qui la lui fournit.
Votre armée reste une armée défensive :
Vous ne maîtrisez pas la technologie du catapultage d’avions aéroportés alors
que vous êtes capables de faire de l’interception de satellite. Vous maîtrisez
l’arme nucléaire et quelques-uns de ses vecteurs, mais vous ne savez pas
maîtriser les réacteurs nucléaires, ni sur votre porte-avions, ni dans vos
sous-marins : Il faut dire que ce n’est pas un élément décisif dans une
éventuelle guerre défensive, qui se mènerait à proximité de chez soi,
naturellement.
Le J20 est lui-même et manifestement,
une solution « copiée » du F 35 ou du F 22 américain, et les américains,
notamment les lobbies militaires qui œuvrent au Pentagone en tirent profit pour
réclamer toujours plus de budgets pour garder une avance technologique sur tout
le monde. C’est d’ailleurs comme ça et leur « guerre des étoiles » qu’ils ont
fait tomber le mur de Berlin sans tirer un seul coup de fusil !
Vous ne m’avez rien montré quant à la
furtivité du J20. Mais j’ai lu des rapports sur vos tentatives d’espionnage des
techniques américaines, dont j’ignore le détail de leurs mises au point.
Cessez de « copier » : Il y a des
solutions différentes ! Faites preuve d’imagination.
Par exemple, les américains sont persuadés
que mon avion expérimental, celui sur lequel j’ai fait ce fameux « tour du
monde » à des vitesses hypersoniques, possède un « secret » qui lui permet de
supporter des températures extrêmes sur les bords d’attaque des ailes.
Ce n’est d’ailleurs qu’une aile
volante, cet engin.
Je vous rassure, il n’y a aucun secret
qui ne soit déjà dans vos bouquins : Les américains ont été les premiers, pour
leurs programmes spatiaux, de Mercury à la navette-spatiale, à avoir mis au
point des céramiques assez réfractaires pour supporter des températures cinq
fois supérieures à ce qu’a eu à encaisser mon prototype !
Je n’ai fait que reprendre ce que j’ai
appris dans des amphithéâtres tels que celui où nous nous trouvons ce soir : Je
n’ai rien inventé, on m’a tout appris et je n’ai fait que passer « du papier à
la réalité » !
À vous d’en faire autant demain.
J’en profite aussi pour vous dire mon
sentiment sur l’avenir militaire de votre pays : Jusque-là, je peux vous
assurer qu’aucun pays au monde, absolument aucun, même pas les USA, n’envisage
à un moment quelconque du futur, de remettre en cause votre indépendance ou
celui de votre gouvernement.
En revanche, si vous ne le savez pas
déjà, je vous confirme que les USA se considèrent comme le dépositaire et gardien
du monde d’après-guerre mondial, des accords de Yalta.
Traumatisé par la guerre froide d’avec
l’ex-URSS, ils en gardent une profonde aversion du communisme. Disons du
communisme impérialiste.
Alors, ils poursuivent avec plus ou
moins de bonheur, une politique contre-impérialiste qui se traduit par une
présence militaire du type « canonnière » : Un incendie ici, ils appuieront
toujours « leur diplomatie », quand ils estimeront leurs « intérêts vitaux »
menacés, par la présence de systèmes d’armes, fixes ou navigants.
Ce qui n’a jamais empêché leurs échecs
tant dans les montagnes afghanes ou les plaines d’Iran, qu’au Vietnam ou qu’en
Corée, voire en Afrique : C’est un peuple-continent comme vous, qui n’aspire
qu’à la paix, au commerce et à l’essor économique des populations.
Simplement, leurs voies ne sont pas les
mêmes que les vôtres, par la force des circonstances et vos histoires
réciproques.
Tendez la main vers la Paix, elle vous
la rendra au centuple. N’ayez pas peur de l’avenir, gardez-vous de vous-mêmes,
écoutez les aspirations de vos populations, anticipez-les si possibles et
protégez-les au mieux de ce qu'elles peuvent endurer.
Pour ne pas l’avoir fait, je vous
rappelle que le « bloc de l’est » est tombé tout seul.
Pour l’avoir fait, je vous rappelle que
les britanniques vous ont rétrocédé plus que les îles concédées autour de
Hong-Kong, là où ils ont été capables de bouter des Argentins revendicatifs à
l’autre bout de l’océan.
Que l’Histoire et l’amitié des peuples
préparent notre avenir commun sur cette si petite planète, c’est mon vœu ce
jour devant vous ! »
Pas terrible se dit-il quand il en a fini.
Il ne va pas en faire des tartines non plus : Pour une improvisation en «
terrain hostile », il ne faut pas lui en demander plus…
Tonnerre d’applaudissements après la fin de la traduction de sa logorrhée,
suivi d’une « standing-ovation ».
Sympa les étudiants chinois.
Suit naturellement un jeu de question-réponse auquel Paul se plie
volontiers…
Il refait pour la énième fois son baratin sur la conception du « 001 », un
démonstrateur de 16 tonnes tout compris à l’origine, et sur les difficultés du
profil de son vol circumterrestre, avec ses 30 tonnes de carburant.
« Cet avion, en fait, il ne sert à
rien d’autre que de tester en conditions réelles les fameuses céramiques : Il
ne vole bien que « toujours tout droit » devant lui ! C’est vous dire qu’il
n’est absolument pas opérationnel. »
Et de faire la liste de ses défauts de conception.
« Je sais qu’il n’aura pas d’avenir.
Je n’ai pas l’argent pour construire un second prototype. En revanche j’aimerai
bien qu’il ait un grand-frère.
Je vais vous dire, le « 002 », si un
jour il voit le jour, il aura tout son intrados en céramique, fait d’une seule
pièce pour pouvoir éviter de perdre des tuiles comme la navette, et être
capable de s’affranchir du mur de la chaleur en rentrée atmosphérique.
Vous imaginez, un appareil qui descend
normalement mais qui doit atterrir sur le dos pour éviter de mettre les trappes
du train d’atterrissage sur l’intrados ? »
Non bien sûr.
« Eh bien moi si ! C’est la seule
façon logique pour éviter les accidents et défaillances dans ce parcours
crucial de la rentrée dans l’atmosphère lancé à Mach 25. Car le « 002 », il ira
en orbite d’un seul tenant, vraisemblablement avec un « porteur » pour
s’affranchir de la première dizaine de kilomètres de couche dense de
l’atmosphère : Je ne sais pas encore comment.
Je ne sais pas encore si il sera
assisté de booster, mais en tout cas, je ne vois pas d’autre solution fiable
pour son retour sur Terre. »
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