Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une
fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de
l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Alors là, la réponse reçue, c’est comme un coup de poing au plexus
solaire : le capitaine Igor en a le souffle coupé.
Ce n’est pas possible !
Il aurait transporté deux flacons depuis Moscou avec mille précautions
alors que ce n’était que du parfum inoffensif ?
Trahi par ses propres services ? Absolument impossible !
Ou alors… ou alors… c’est abyssal !
« L’avantage de savoir le
détail de l’avenir quand il va se passer, c’est pour moi de savoir qui vous
êtes et de pouvoir vérifier par la suite ce que vous en faites. »
Igor est complètement perdu : qu’est-ce que raconte donc « sa
cible A » avec un joli sourire sur les trottoirs de Londres ?
« Or, je savais que les Skripal
allaient être victime d’un attentat, c’était marqué dans mes livres d’histoire
et le récit qu’en va en faire mon biographe « officieux ». Mais je
savais également qu’ils s’en sortiraient.
En revanche, je ne savais pas comment,
sauf à admettre que forcément, le poison servi n’en était pas un, mais avait pu
être remplacé par les services britanniques par un ersatz assez puissant pour
faire illusion et passer le cap du contrôle de qualité de vos militaires à Londres,
mais dont les laboratoire britaniques disposaient du contre-poison.
Ce qui a été fait, puisque j’ai prévenu
mes correspondants dans les semaines qui ont suivi mon premier retour des
Chagos.
Comment croyez-vous que j’aie pu
obtenir aussi facilement cette concession sur ces atolls de l’Océan
Indien ? »
Explication encore plus hallucinante qu’imaginable…
Ce qui veut dire que les filières du FSB au Royaume-Uni, et notamment « Ninja »,
sont « retournées » malgré elles…
Ce qui veut dire que toutes les opérations en cours seront éventées à tout
jamais…
« Tenez-le-vous pour dit,
effectivement. Mais pas seulement en UK. Vous, vous ne le savez pas
nécessairement, mais vos chefs savent toutes les opérations
« tordues » en cours, en France, en Europe, au Royaume-Uni, aux USA
et d’une façon générale en occident, en Orient et même en Afrique ou en
Amérique du sud. Eh bien dites-vous que moi aussi et pour quelques décennies
encore.
Alors méfiez-vous… »
Les français auraient-ils mis au point un logiciel prédictif
efficace ?
« Il existe depuis la guerre du
Koweït[1].
J’en ai fait une démonstration fulgurante au Général Ali. Mais il est
mort : il ne pourra pas en témoigner. Et puis ça ne marche pas comme d’un
logiciel, mais plutôt comme des sondes spatiales… Juste un jeu de « flèche
du temps ».
Je ne vous en dirai pas plus, même le
Président Makarond n’en sait pas plus. En revanche, moi je sais à quelle sauce
vous allez le cuisiner dans les mois qui viennent, entre l’affaire « Ben-Balla »
et vos « gilets-jaunes », voire jusqu’après l’apothéose de l’incendie
de Notre-Dame de Paris… »
S’il sait, ou si un service sait, ils peuvent empêcher…
« Non, on n’empêche rien :
on nuit seulement… Vous allez voir les représailles, à l’occasion.
Jusqu’à ce que vous vous calmiez,
naturellement. Après, vous finirez par faire la « Grande Europe »,
quand tout sera rentré dans l’ordre. »
Quelle part de bluff dans ces propos, se questionne Alexis ?
Le capitaine Igor n’a plus qu’à rentrer à Moscou et faire un rapport
circonstancié et détaillé : ça en vaut la peine, même si ce n’est pas le
résultat espéré depuis des mois. Forcément, il sera explosif, sauf si ses chefs
n’en tiennent pas compte.
Comme il se doit.
Dans l’avion, n’y tenant plus, Alexis questionne Paul à ce sujet.
« Ce n’est pas du bluff, mais
je reconnais que c’était très incomplet. »
Comment ça ?
« Je vous explique, ce n’est
pas parce qu’on revient de l’avenir en connaissant les détails de celui-ci,
enfin… quand on s’en rappelle, qu’on peut le changer le moment venu. »
Pourtant…
« C’est une question de
logique : tout le monde sait que Ravaillac va tuer le roi Henry IV. On
sait le jour, l’heure et le lieu avec précision. »
Oui et alors ?
« Et alors, si on empêche
Ravaillac de porter son coup fatal en l’arrêtant la veille ou n’importe quand
avant, Henry IV ne meurt pas. Donc il ne s’est rien passé à l’endroit et au
moment précis où ça devait se passer. Du coup, ce n’est plus dans les livres
d’Histoire, dans aucune biographie, dans aucune mémoire et par conséquent
Ravaillac ne sera pas arrêté même par un agent venu du futur, puisqu’il
n’y a plus aucune raison. Personne ne sait ce qui n’existe pas…
Vous comprenez ? »
Présenté comme ça, ça peut paraître logique. Mais pourtant… Elle a dû
louper deux ou trois étapes dans le raisonnement.
« On ne peut pas changer le
passé ? »
Non jamais.
« À quelques exceptions près
qui n’en sont pas vraiment et vous allez en faire l’expérience dès la semaine
prochaine. Car, comme on ignore ce qui aurait pu se passer sans l’intervention
du futur, on ne fait jamais que conforter le passé tel qu’il a été vécu et
s’inscrit ensuite dans le déroulé historique. Bref, on se conforme à ce qui
existe, rien de plus : on ne réécrit pas le présent, on le vit, c’est
tout. »
Pas clair du tout.
« Et le type qui tue son
grand-père avant même que celui-ci rencontre sa grand-mère… que du coup son
père ne peut pas naître et donc lui non plus… »
Et donc… « S’il n’est pas né de
son père, il n’existe pas non plus. Donc il ne peut pas tuer son
grand-père ! Restez logique, Alex. Le reste c’est de la science-fiction ! »
Et on peut même retourner l’argument : « S’il n’existe pas,
il ne peut pas aller tuer son grand-père. De toute façon dans tous les cas, il
ne pourra pas aller dans le passé tuer son grand-père, sauf si justement il
doit « écarter » un autre prétendant de sa grand-mère. Car s’il ne le
fait pas, il ne naît pas.
Vous suivez, Alex ? »
Pas vraiment…
« Prenez un exemple. Mon
biographe en a déjà rapporté deux. Le premier, c’est la catastrophe du vol de
la Germanwing. J’étais à Barcelone ce jour-là. Je savais que ce vol
n’arriverait pas à destination. Tout ce que j’ai réussi à faire, c’est de le
retarder d’une demi-heure. Et c’est historique, vous pourrez vérifier. Le
second reste le déclenchement de la guerre du Koweït. Là encore, j’ai prévenu
les autorités locales. Très clairement et avec témoins.
On ne m’a pas cru… Personne !
De toute façon, ce jour-là, tout le
monde pensait qu’un accord serait trouvé à la dernière minute, que le pire
saurait être évité et que toute le reste c’était du bluff. »
Sa mère était sur place…
« Je sais. Je l’ai pilotée sur
la future autoroute de la mort. Avec une teuf-teuf qui ne démarrait pas quand
le moteur était chaud. C’est comme ça qu’elle a pu faire son scoop
mondial ! Si je n’étais pas passé, elle n’aurait jamais été la journaliste
qu’elle fut. C’est comme ça. »
Ça alors… « Vous connaissiez ma
mère, alors ? » C’est tout ce qui l’intéresse sur le moment, la
bougresse !
Il avait déjà laissé supposer que oui.
« Bien sûr ! »
Mais Paul avait quel âge à ce moment-là ?
« En 1991, j’avais 16 ans et
j’étais au lycée. Mais un quart de siècle plus tard, je suis retourné en 1991.
Flûte quoi, si vous aviez lu mon biographe, vous sauriez ces détails ! »
fait Paul presque contrarié.
« Je n’aurai pas à vous
expliquer tout ça… ! »
« Prenons un autre exemple :
je savais tout de cette affaire de Skripal et de Charlotte devant servir de
monnaie d’échange, parce que je l’ai lu sur le blog d’I-Cube et dans le bouquin
que vous allez sortir avec la signature de son « Gardien ». Donc pas
très difficile d’en savoir le dénouement, puisque c’est dedans. Il m’a suffi de
lire et de me conformer à ce qui est écrit et puis c’est tout, sans insister.
Vous-même, vous aller en faire
l’expérience. À deux reprises. Je vous dis ce soir que la Cathédrale de Paris
va brûler. Enfin juste son toit. »
Ça se passera quand ?
« Le 15 avril prochain sur le
coup des 18 heures. »
Déclencher
par quoi ?
« Ah bé là, c’est compliqué…
parce que je n’en sais rien. Probablement par un « agent du futur »
qu’on va dire que c’est accidentel, à cause des cloches dont les moteurs auront
fait court-circuit, mais on ne saura jamais la cause première malgré
différentes hypothèses qui seront émises.
Je vais vous dire, comme vous êtes une
personne consciencieuse, vous allez faire des pieds et des mains pour
l’empêcher. Je vous y encourage d’ailleurs.
Et il va se passer cette chose
incroyable, c’est qu’il y aura des « agents-furtifs » sur place pour
sonner l’alarme voire empêcher un « attentat ».
L’alarme sonnera, mais personne ne
verra d’où partira l’incendie qui couvait sans laisser de trace, jusqu’à ce que
tout s’embrase.
Incroyable mais ni vous ni personne
n’aura rien empêché ! »
Mais si, elle y arrivera, elle…
Le 15 dans 5 mois, dit-il ?
« Vous verrez que non. Ceci
dit, c’est comme le décès de mon biographe, voire le mien que vous rapporterez,
plus tard. Il faut bien mourir un jour. Que voulez-vous faire pour retarder ce
moment-là, d’autant que vous ne saurez pas les détails puisque personne ne
pourra vous les rapporter : il vous faudra les inventer…
Eh bien rien. Même Charlotte, je lui
dis où et quand, de quelle façon et dans quelles circonstances elle va décéder,
que peut-elle faire contre la maladie pourtant traitée ?
Rien.
C’est comme ça. »
Alors pourquoi en dire plus ?
« Ah en revanche, on sait ce qu’on
fait entre temps et comment. Pourquoi croyez-vous que je fasse des trous dans
l’océan Indien ou que je bluffe notre capitaine du FSB ?
Je n’en sais rien : c’est tout
simplement marqué comme ça. Il me croit ou non, ça a des conséquences positives
ou négatives ou aucune, peu importe, c’est marqué comme ça et en plus c’était
facile parce que c’est venu naturellement. Mais ça n’a strictement aucune
importance. »
Vertigineux.
Admettons. « Mais de là à prédire la disparition d’officiers
supérieurs chez les russes en représailles… »
Ce ne sont pas des représailles mais des informations destinées à
conforter ses dires tels qu’ils laissent supposer que Paul aura toujours une
longueur d’avance sur n’importe qui.
« De toute façon, c’est un peu gratuit de ma part. Les russes se
font tellement peu confiance entre eux qu’ils liquident tous ceux sur qui plane
un doute de déloyauté.
Même notre capitaine en fera les frais. »
Comment ça ?
D’abord, la piscine parisienne est éventée dès le premier usage. « Mais
ce n’est pas lui qui en avait décidé. Il était partisan d’un équivalent en
Sibérie. »
Elle devait servir à quoi ?
« À faire croire à Charlotte et Aurélie qu’elles avaient été
enlevées par les services secrets de l’armée russe et qu’elles étaient
confinées au fond de l’atlantique sans issue possible hors une adhésion sans
limite au FSB. Une façon extrême de s’assurer de la loyauté d’un espion
retourné. »
Ça aura foiré…
« Notre capitaine fera son rapport. Mais il ne sera pas
cru. Et comme les services secrets et les forces armées sont l’ultime rempart
qui protège Poutine de la colère du peuple, celui-là fera le ménage. Les
défections dans leurs rangs sont autant de brèches qui affaiblissent le
Kremlin. Alors les trahisons sont impitoyablement punies. Question de survie ».
Plus tard, Alexis en fera une vérification et relèvera, les noms
d’officiers supérieurs décédés de façon étrange : Le général Lebed,
candidat à la présidence (accident d’avion). Le commandant général dans le
Caucase Troshev (accident d’avion). Le général Baranov (grièvement blessé dans
un attentat). Le général Romanov (lui aussi grièvement blessé dans un attentat).
Le général Rokhlin (assassiné). Le général Shamanov (blessé dans un accident de
voiture). Le général Dubrov mort sous un train après être tombé du quai. Le général
Debashvili dont le corps a été retrouvé dans une rue de Moscou. Le général
Gusev tué dans un accident de voiture. Le général Barannikov mort subitement en
recevant un paquet. Le Major-général Victor Chevrizov « suicidé ». Le
Major-général Iouri Ivanov, chef adjoint du GRU, mort dans des circonstances
mystérieuses. Anton Sourikov, officier du GRU, mort énigmatique. Le Général
Petrov mort dans des conditions suspectes. Le général du FSB Alexander Rogachev,
mort d’une crise cardiaque au volant de sa voiture. Plus tard, on aura appris
que les enquêteurs ont « trouvé » une balle dans sa tête.
Le colonel parachutiste Valentin Polyansky, « suicidé » en
janvier 2009. Une première balle s’est logée dans le plancher. La seconde l’a
atteint. Le général Chebarchine, chef du renseignement étranger du KGB,
suicidé. Oleg Erovinkin (61 ans) retrouvé à Moscou à l’arrière d’une voiture de
fonction Lexus de la société Rosneft, par son chauffeur.
L’homme est un ancien officier général qui a servi au sein du KGB puis du
FSB avant d’être nommé, en mai 2008, chef de cabinet au sein de la société
d’État russe Rosneft, spécialisée dans le traitement des hydrocarbures.
Son dirigeant est Igor Sechin, ancien Premier ministre adjoint et proche
conseiller du président Vladimir Poutine. Or, l’ex-officier était une des
principales sources russes de Christopher Steele, l’ancien officier du Secret
Intelligence Service britannique qui a rédigé un rapport controversé sur Donald
Tremp, daté du 19 juillet 2016, là où on en revient à l’affaire Skripal.
Mais aussi le procureur Ilyukhin mort d’une crise cardiaque, un mois après
avoir requis pour trahison contre Poutine…
Et on ne compte pas les journalistes assassinés en pleine rue à Moscou,
plus quelques opposants plus ou moins notoires.
Et c’est avec stupéfaction qu’Alexis apprendra plus tard que le Directeur
du GRU Igor Korobov sera décédé des suites d’une « longue maladie ». Il
s’agit du second décès d’un directeur du GRU en près de trois ans, son
prédécesseur, le général Igor Sergoun, étant lui-même subitement décédé à l’âge
de 58 ans, le 3 janvier 2016. Ce dernier avait remplacé, cinq ans plus tôt, le
général Alexandre Chliakhtourov.
Et que le Capitaine Igor était à bord du vol Moscou-Mourmansk qui se sera
enflammé sur la piste à l’occasion d’un décollage devant un orage : 41
morts y sont restés sur les 92 passagers à bord.
Mais à ce moment-là, plus rien n’étonne Alexis.
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