Chapitre cinquantième
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est
qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout
droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
« Monsieur
le Président, « Haddock » est soutenu par la grande-muette et sa
corporation des pilotes de ligne, fieu. Il a menacé de tirer son missile en
1998. Le gouvernement de l’époque, pris à l’improviste et démuni face à la menace,
a plié, une fois, à l’occasion des grèves d’Air-France en amont du mondial de
foot, le bon prétexte. Depuis lors, fieu, il ne le sait pas, mais il est
« cramé ». »
C’est un missile « one-shot » :
depuis les parades juridiques et politiques sont en place.
Même Krasosky a dû ranger l’artillerie en son temps…
« Son
avocat le sait très bien, fieu. Laissez les mourir en paix, ils sont
« endormis », il ne s’agit pas de réveiller les fauves, une fois !
« Basanix » n’en fera pas beaucoup plus : il est passé « à
côté » de sa chance. Quant à « I-Cube », les Services ont laissé
pisser pour tester jusqu’où ça ira, une fois. Et ça a fait pschitt, alors,
hein… »
Et puis lui, il en a besoin : pour l’heure, c’est
sa principale source de renseignement « des détails » à venir.
« Alors
quoi ? Je ne suis pas arrivé jusqu’ici par hasard au bon moment, fieu,
celui où vous alliez trépasser. C’est vous qui avez le calendrier en main et
vous seul, une fois. En tout cas pour la partie française. Vous n’avez rien à
craindre de tous ceux-là, je m’en porte garant, fieu. »
Bien, s’il l’affirme.
« Et
maintenant, on fait quoi ? »
Paul ? Il s’en va par où il est venu. « En revanche, vous, je vous enferme tous les
deux cinq minutes, une fois, dans la chambre d’à-côté, pas plus, et vous feriez
bien de passer un savon à vos services de sécurité : cette bicoque est une
véritable passoire, fieu ! Même un djihadiste peut venir vous menacer
jusqu’ici ! »
Un savon ? Ce sera même pire que ça.
Le couple n’oppose pas de résistance à passer dans la
chambre d’angle, s’y laisser enfermer à clé, à remettre tous leurs téléphones
portables, et laisse Paul arracher les fils du téléphone de service de la
chambre.
Quelques enjambées plus tard, une traction des bras et
Paul se retrouve sur le toit du palais. Une minute plus tard encore, il se
laissera glisser souplement dans la rue, passant inaperçu dans la nuit aux yeux
du garde de la « porte dérobée » sur rue, celle par où sont filtrés
les « visiteurs du soir » où, bienheureusement les journalistes qui
avaient l’habitude de « planquer » pour faire des shoots
photographiques desdits visiteurs, avaient été priés quelques jours auparavant
d’aller voir ailleurs : c’est de là d’où avaient été tirés les clichés
ayant fait la Une des aventures sexuelles de « Landau » et encore
bien plus avant des déboires routiers de « Giclard » rentrant brutalement
et maladroitement à potron-minet, particulièrement éméché, dans un camion-benne-à-ordure.
Une mine d’informations inestimable sur la « vie
du Palais »…
Marion, « le chinois » du groupe HLM, avec
un bonnet noir sur la tête, est là au coin de la rue Gabriel que rejoint Paul
d’un pas presque nonchalant – pour ne pas attirer l’attention – zigzagant entre
les voitures banalisées de police en stationnement de l’autre côté de la rue.
Il dépose « le patron » à la gare Saint-Lazare en faisant le tour du
palais par la place Beauvau, juste le temps pour Paul de se changer « en
civil » et d’attendre sagement son train pour Lisieux où normalement
Alexis, le maître d’hôtel des « Les collines de Cabourg » - l’hôtel-Résidence
– l’attend avec la nouvelle navette de l’hôtel, ainsi que quelques autres
voyageurs nocturnes pris en charge qui ont retenu leur nuitée : une
facilité pour les clients « lointains ».
Normalement, l’hydravion rentre vendredi : Paul ira se réfugier avec à
Reykjavik, inondée de lumière 20 heures par jour, dans les locaux de Huyck. Le
temps que les choses se tassent à Paris.
Cinq minutes plus tard, « Makarond » a enfin réussi à se faire
entendre d’un des gendarmes mobiles qui patrouille sous ses fenêtres, dans le
parc. C’est aussitôt le branle-bas le combat à l’Élysée : il est dans une
colère noire et froide. Les plus terribles. Une flopée d’officiers de police et
de sécurité se précipite sur le cadavre encore chaud de Mourad, mort en martyr
du djihad.
Il leur faut seulement un quart-d’heure pour repérer les suspentes qui
pendouillent rue de l’Élysée et comprendre comment « Charlotte » est
arrivé et comment il est reparti sans aucune difficulté.
Confirmation des agents restés en planque : ils ont bien vu une
silhouette, mais parmi d’autres, filer vers les Champs-Élysées. Mais sans
alerte ni consigne, ça ne les avait pas choqués plus que ça derrière leur café
nocturne.
Un sacré phénomène ce « Charlotte », qui attire même la
sympathie et une certaine admiration des personnes qui ne comprennent pas bien
l’attitude du président sauvé là où tout le monde avait failli, à l’occasion
d’une de ses actions « tordues », ce qui du coup le calme, même s’il
prend lourdement sur lui pour ne rien laisser paraître.
C’est « Bibi » qui aura le mot qu’il faut, mi-vacharde, mi-goguenarde » :
« Pas mal ce gars-là ! Bel
homme et efficace… J’en ferai bien mon garde-du-corps personnel… »
lâche-t-elle nettement plus détendue que précédemment après l’heure
épouvantable qu’elle a passé à attendre dans le noir, totalement impuissante à
donner l’alarme.
Non mais…
La soirée se terminera par une veillée d’armes et une réunion des
officiers de sécurité : il y a manifestement de la mutation disciplinaire
dans l’air.
Et en attendant, il va falloir refaire tous les CV du
« petit-personnel » : qu’on ait laissé passer un
« radicalisé » jusque dans les couloirs du palais, c’est effectivement
absolument inconcevable !
D’autant que la menace était connue depuis 64 jours, comme l’avait indiqué
le tract reçu le 8 mai par le commissariat du 8ème arrondissement…
il y a deux mois de ça !
« Mourad » se révèlera un « Blanc-furtif » selon la
classification « BBR 2.0 ». Même pas un « Z » (pour
Zombie), les « invisibles » qui ne laissent aucune trace détectable
dans leur sillage. Fils de harki, né en France, Marc Legermain à l’état-civil,
vit à Vincennes, est marié à une contractuelle de l’Unesco-Paris, a une fille
de 14 ans régulièrement inscrite au collège de la République, scolarité
normale, aucun signe de radicalisation.
C’est son père qui a francisé son nom en 1962, lors de sa migration pour
avoir été en désaccord avec le FNL dont il aura été membre actif précédemment,
avant de devenir un ancien militant du parti communiste français. Mourad
El-Djermani est ainsi né « Marc Legermain ».
Études jusqu’à l’école des « métiers de bouche » de la rue
Ferrandi à Paris-6ème, il aura pu intégrer les services élyséens
sous Krasoski en qualité de stagiaire, puis de contractuel, puis il y est
resté, « titularisé » à l’occasion d’une « sapinade ».
Personne n’avait imaginé qu’il puisse être « un bon musulman »,
imberbe, saluant les femmes, toujours poli et manipulant du porc sans aucune réticence.
Encore moins radicalisé, pour un type qui ne fréquente aucune mosquée,
aucun imam, aucun « réseau » : il n’a même pas de compte
Facebook et il est passé à travers toutes les « enquêtes de
moralité » des services de sécurité.
Orphelin de père et de mère, c’est sa belle-mère, elle-même veuve, celle
qui garde « la petite » qui lui aura monté la tête. Tchador, Burka,
Coran, elle profitait des tensions et difficultés au sein du couple formé avec
sa fille, pour inciter son gendre à faire preuve de virilité et
d’autoritarisme. À défaut, il fallait qu’il se « purifie » en
rejoignant le djihad des « frères-combattants ».
Quoi d’autres qu’un suicide en martyr ?
À lui les 70 vierges promises par les sourates, une vie plus heureuse au
paradis d’Allah que sur cette pauvre planète, dans un pays d’impies et
d’apostats, de juifs et de païens !
« Ce qu’il ne sait pas »
argumentera son épouse interpelée, « c’est
que pour rester vierge jusqu’au paradis du Coran, une femme doit être
particulièrement moche et repoussante ! »
C’est dire l’embarras des enquêteurs…
« J’exige votre
démission ! »
C’est juste après la fin du conseil des ministres. « Makarond »
ce sera levé tôt et aura convoqué en urgence son chef des armées, le général
« Devil-Y’est ». Naturellement, l’ordonnance de ce dernier l’aura informé
des événements de la soirée.
Pas un bon karma en perspective : on aura échappé au pire grâce à ce
« Charlotte » du diable, mais il aurait pu faire plus discret et plus
facile. Qu’est-ce qui a bien pu lui passer par la tête ?
A-t-il bien mesuré l’ampleur du tsunami qu’il provoque ainsi jusqu’à la
tête de l’État alors qu’il aurait été si simple de lancer une alerte issue
de son logiciel « BBR » ?
Mais il a été décisif et on a effectivement évité pire encore, malgré la
mobilisation permanente de tous les services de sécurité du pays, restés
impuissants à prévoir quoique ce soit…
Le général passe d’abord au ministère, prendre ses notes pour son
intervention devant la commission défense de l’Assemblée Nationale, jette un
œil sur les rapports de la nuit et les comptes rendus de la soirée de l’Élysée.
Quand il arrive, le Président n’est pas encore en Conseil pour présider
les travaux « d’avant-conseil » avec une poignée de
« fidèles » à qui il ne raconte strictement rien de son incroyable
soirée.
Ils se croisent en bas du « grand-escalier » et c’est là que le
Président invective son chef d’état-major.
« Vous, je vous vois tout de
suite après le conseil ! » lance-t-il ensuite sur un ton
menaçant.
Et « Devil-Y’est » poireaute en révisant ses notes et feuilletant ses
dossiers.
Il essaye plusieurs fois de joindre l’amiral Morthe-l’Argentière, pour
avoir quelques précisions sur les alertes de la Cisa, qui auront manqué, mais
en vain.
Cette fois, c’est clair, c’est la fin prématurée de ses fonctions.
« Bien entendu, Monsieur le
Président : ma démission est à votre disposition. Laissez-moi finir, je
vous prie : j’ai trois choses à vous dire. Puisqu’il me semble sage de ne
pas faire état de l’attentat dont vous avez été victime hier soir, je vous
propose de laisser passer le défilé du 14 juillet sans rien en laisser paraître.
Ça vous laissera le temps de choisir mon successeur et la continuité du service
sera sauve aux yeux des troupes. Je vous propose d’ailleurs mon collègue sis à
Matignon. Un excellent élément. »
Le président s’assied dans son fauteuil sans rien dire, alors que son
vis-à-vis reste debout, raide comme un piquet, le képi sous le bras.
« Deuxième chose : si vous
le permettez, la presse semble nous indiquer une piste quant à nos différents
budgétaires. Je vous propose de faire un « petit-dérapage » contrôlé
devant les parlementaires que je vais rencontrer à huis-clos tout prochainement.
Vous organisez une fuite et on laisse monter la mayonnaise. Vous ferez les
déclarations qu’il vous plaira pour attiser les braises, me convoquerez ensuite
et je vous remettrai ma démission un peu avant d’avoir à m’y rendre, le temps
de préparer le relai dans les meilleures conditions possibles. Est-ce que cela
vous convient, Monsieur le Président ? »
Ce n’est pas idiot : ce serait vraiment contreproductif, sur le plan
intérieur et sur le plan international, que de laisser « fuiter » que
la sécurité du « château » n’est pas à la hauteur…
Une bonne tactique, même, en pense-t-il.
« Enfin, Monsieur le Président,
je ne suis pas responsable de votre sécurité, ni même de l’agent
« Charlotte ». Mais vous aurez noté que vous lui devez une fière
chandelle. Et vous savez mon opposition à sa neutralisation. Vous allez
recevoir d’ailleurs quelques confirmations de nos frères de la veuve et de
l’orphelin qui partagent nos valeurs républicaines communes : c’est un
« intouchable » et un de nos meilleurs éléments. Inutile de vous
préciser que si vous passez outre, ça pourrait provoquer des incendies
ravageurs pour tout le monde. »
« Makarond » a déjà reçu « ces messages-là ».
« Dans ce cas, Monsieur le
Président, je n’ai plus rien à vous dire. Je prépare mes dossiers pour mon
successeur et mon petit… « dérapage ». Merci de votre confiance. »
Le 19 juillet, quand le chef d’état-major des armées, présentera sa
démission au président de la République un acte inédit –, c’est bien la
conclusion d’une crise majeure en diront les commentateurs qui n’y verrons
« que du feu » ! Les relations entre les politiques et les
militaires ont certes connu d’autres « coups de chaud », mais cette
démission marque une rupture irréparable entre deux hommes qui avaient eu l’occasion
de se côtoyer et de s’apprécier au cours des années précédant l’accès de
« Makarond » à la magistrature suprême, notamment quand il était
secrétaire général adjoint de l’Élysée sous « Francis Landau », en
dira-t-on.
Une semaine qui se clôt donc le 19 juillet pour avoir commencé, le 12 du
même mois par une annonce qui avait tout pour satisfaire le général. Ce
jour-là, le Journal officiel publie un décret prolongeant le général d’un an à
son poste, alors que la date fatidique de son 61ème anniversaire
intervenait le 26 juillet : le décret avait été signé avant le départ de
« Makarond » pour Genève, la décision définitive prise en fin de
semaine précédente. C’était une indiscutable marque de confiance présidentielle,
qui n’y était nullement contraint.
Ce même 12 juillet, un conseil de défense consacré aux affaires
budgétaires se tient à l’Élysée. « Devil-Y’est », après son entrevue avec le
Président, vers 18 heures, y entend le Premier ministre officialiser une
coupe en principe inattendue de 850 millions d’euros dans le budget militaire
pour 2018, ce qui rompt avec les engagements préalables du chef de l’État, mais
reste conforme à sa proposition matinale : le Président lui fait ainsi
savoir qu’il consent au « plan proposé » de son départ en lui donnant
« des billes ».
Décision actée, sans discussion, en un mot, en Conseil. Ce qui en a
surpris plus d’un, notamment la ministre de la défense, précisément en charge
du dossier, qui ne s’y attendait pas du tout : « Makarond »
était encore sous le coup de la colère et ne savait pas comment sanctionner son
chef-d’état-major. C’est lui qui donnera la clé de sortie tout de suite après,
ce qui tombait très bien…
Circonstance aggravante : de toute façon cette coupe avait été dévoilée la
veille de façon abrupte par le ministre de l’Action et des Comptes publics dans
une interview au Parisien : « l’idiot-utile » qui plaidait
depuis le début pour cette mesure et qui avait ainsi reçu pour mission de
« tester les résistances » en faisant ses déclarations.
Le général est un spécialiste chevronné des affaires budgétaires, dans
lesquelles il a baigné durant toute sa carrière. Pour cette raison, il prend
sur lui de « rentrer dans la combine » tendue à portée de main et
fait mine de ne rien lâcher lors de ce conseil de défense « truqué ».
Se montrant plus convaincant que jamais, il reprend un par un les arguments qu’il
fait valoir depuis des mois, combat pied à pied et se bat comme un beau diable
lors de cette ultime réunion, alors qu’il est le seul à savoir son sort déjà
réglé.
Comme il l’écrira dans un livre publié en novembre : « On ne peut pas vouloir tout et son
contraire. En l’occurrence, jouir de la paix sans préparer la guerre. »
Traduire dans son langage de militaire loyal aux institutions : avoir
le beurre et l’argent du beurre, les responsabilités sans la confiance absolue.
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