La
piqûre de rappel de « Jupiter »
Il lui fallait la remettre vu que, d’une part, le monde a changé depuis
son premier exercice du genre et que, d’autre part, c’est comme si, la première
fois, il avait pissé dans un violon en espérant qu’il danse la polka.
Moi, ça m’amuse.
En attendant, son exercice du pouvoir a évidemment renforcé sa familiarité
avec les affaires internationales. Il sait de mieux en mieux de quoi il parle.
Pas comme le « ricain » qui n’apprend décidément rien à rien (cf.
post précédent : http://flibustier20260.blogspot.com/2018/09/le-scoop-du-jour.html).
Enclin initialement à se défier des « postures moralisatrices », il
n’hésite plus désormais à assumer les principes qui guident l’action de la « Gauloisie-des-Lumières »
: « Nous n’avons pas à céder à (…) ces fascinations que nous voyons poindre un
peu partout à travers l’Union européenne, pour les démocraties illibérales ou
pour une forme d’efficacité qui passerait par le renoncement à tous nos
principes. Non. Notre sécurité passe par la réaffirmation de nos valeurs, des
Droits de l’Homme, qui sont au fondement même de l’Union européenne ».
Pas du tout acoquiné « frangins-trois-points » sur ce dire,
voyons donc !
On peut dire qu’il reste constant…
Mais pas seulement. Sur un sujet qui a souvent (à tort) servi de test dans
le débat sur le réalisme et les principes, à savoir la Syrie, le Président est
allé plus loin qu’auparavant dans le rejet de « El-Assad-le-chimique »
: « Nous voyons bien ceux qui voudraient,
une fois la guerre contre Daech achevée, faciliter ce que d’aucuns appellent un
retour à la normale. Bachar al-Assad resterait au pouvoir, les réfugiés de
Jordanie, du Liban, de Turquie, retourneraient chez eux, et l’Europe et
quelques autres reconstruiraient. Si je considère depuis le premier jour que
notre premier ennemi est Daech et que je n’ai jamais fait de la destitution de
Bachar al-Assad une condition préalable à notre action diplomatique ou
humanitaire, je pense qu’un tel scénario serait néanmoins une erreur funeste.
Qui a provoqué ces millions de réfugiés ? Qui a massacré son propre peuple ?
»
Changement de cap ?
Léger infléchissement dans la continuité, alors.
En fait, c’est bien plus compliqué que ça : On le découvre au fil du
temps à travers les informations, contre-informations, intox, fakes-news et
postures et impostures médiatiques que la situation est nettement plus complexe
que dans les tragédies antiques, avec les « bons » d’un côté, les
« vilains » de l’autre.
Tout le monde semble endosser tour à tour les deux costumes et des
« forces parallèles » n’hésitent pas à saboter dans l’ombre tel ou tel.
Un thème que j’aborderai peut-être l’été prochain à travers un nouveau
roman qui se forme dans mon esprit…
Dans son exposé devant les Ambassadeurs et Ambassadrices, le président a
pourtant accordé cette année une place
moins saillante au Proche-Orient. Il a indiqué qu’il allait revenir
prochainement, avec des propositions concrètes, sur plusieurs sujets, à savoir le
Yémen, la crise dans le Golfe et les relations israélo-palestiniennes.
Il a rappelé longuement sa priorité que le pays accorde à la crise
libyenne – « je crois profondément à la
restauration de la souveraineté libyenne et à l’unité du pays » – et a réitéré
sa volonté de préserver les acquis de l’accord nucléaire avec l’Iran à travers
une renégociation générale des équilibres de la région.
On sait désormais que s’agissant de la Syrie, la ligne demeure de
poursuivre la lutte contre le djihadisme, de chercher à assister les
populations et de pousser une solution politique dite « inclusive ».
La trame de son discours, ce qui lui a donné son ton de gravité et conféré
une indéniable portée, était surtout constituée par la prise en compte lucide
de deux nouveaux facteurs qui « testent »
notre politique : La montée des populistes en Europe et la crise du
multilatéralisme, en raison notamment de l’attitude de l’administration « Trompe ».
Les choix ne sont pourtant pas difficiles à faire…
Dès son propos liminaire, « Jupiter » aura fixé avec clarté les
données du problème : « La France a proposé
une Europe qui protège, plus souveraine, unie et démocratique mais, dans le
même temps, les extrêmes ont progressé et les nationalismes se sont réveillés.
Est-ce une raison pour abandonner ? Certainement pas. Serait-ce une raison pour
dire que nous avons tort ? Tout le contraire. Nous payons là plusieurs
décennies d’une Europe qui, il faut le regarder en face, s’est parfois affadie,
affaiblie, qui n’a peut-être pas toujours suffisamment proposé ».
Lucide.
Un peu après, il marque ce qui doit être la bonne réponse : « Ne rien renoncer de l’ambition exprimée il y
a un an. Rien. Au contraire, apporter davantage de clarté et quelques angles,
que je veux ici partager avec vous ». Le choix du mot « angle » ne serait pas
fortuit, se posant en architecte des affaires du monde.
Référence maçonnique, s’il en faut encore…
Il en aura donné plusieurs exemples dans le champ européen. Pour lui, la
crise politique qui se greffe sur la question des migrations doit être gérée
par un meilleur équilibre entre la solidarité interne entre les pays européen
et un meilleur contrôle aux frontières extérieures de l’Union, dans le respect
du droit d’asile.
À propos de la Turquie, il estime nécessaire de substituer le projet d’un
partenariat stratégique à celui – devenu irréaliste et donc hypocrite – d’une
adhésion. Même proposition de partenariat stratégique avec la Russie même si ces
idées étaient déjà celles de « Bling-Bling », avec un argumentaire
presque identique.
Lui refuse, par ailleurs, à l’heure du « Brexit », d’envisager à
ce stade des négociations d’adhésion avec des pays comme l’Albanie ou « tel ou tel autre pays des Balkans ».
À suivre…
S’agissant de sécurité – et de cette « autonomie
stratégique de l’Europe » dont plus personne ne conteste désormais la
nécessité – le Président avance l’idée de débattre entre Européens d’une
évolution de l’actuel article 42.7 du Traité de l’Union, qui pourrait devenir
un équivalent de ce qu’est l’article V pour l’Alliance Atlantique, c’est-à-dire
une clause de solidarité militaire en cas d’agression. Il remet sur le métier
le concept d’un réexamen de l’architecture européenne de sécurité et de
défense. À cette fin, il aura préconisé un « dialogue rénové sur la cybersécurité, les armes chimiques, les
armements classiques, les conflits territoriaux, la sécurité spatiale ou la
protection des zones polaires ».
En fait, on sait depuis que les services de renseignements pâtissent d’un
manque d’élan pour collaborer étroitement dans la lutte contre le terrorisme
sur le territoire national de la part des « ricains »: Le
« Big-Data » de Palentir, malgré les contrats signés, reste aux mains
exclusives des agences étatsuniennes…
Souvenez-vous, cet été et une fois de plus en avance
sur mon époque (ce post-là et les quatre suivants qui prennent corps) quand je l’ai écrit,
j’avançais que le logiciel « BBR » de « Charlotte » avait
été cédé pour financer la campagne électorale de « Jupiter ».
C’était une fois de plus abandonner un outil de souveraineté et ça se
confirme.
Désormais, dans les milieux autorisés, on avance la somme de plusieurs
milliards d’euros pour rebâtir l’équivalent, mais au niveau européen…
Fallait y réfléchir avant, n’est-ce pas.
Et le Président d’insister pour que la Russie soit associée à ce dialogue
sur l’architecture de défense et de sécurité de l’Europe mais il ajoute
aussitôt : « Des progrès substantiels
vers la résolution de la crise ukrainienne, tout comme le respect du cadre de
l’OSCE – je pense en particulier à la situation des observateurs dans le
Donbass – seront bien entendu des conditions préalables à des avancées réelles
avec Moscou. Mais cela ne doit pas nous empêcher de travailler dès maintenant
entre Européens ».
On peut toujours rêver d’une Europe qui aille au-delà de l’Oural…
Plus généralement il prêche « l’humilité
» : La mondialisation mal maîtrisée a fait resurgir la « psyché des peuples, c’est une bonne chose » et il faut en tenir
compte. Au total, c’est en retrouvant sa capacité à apporter des réponses
concrètes aux préoccupations des citoyens que l’Europe retrouvera grâce à leurs
yeux : « Je crois qu’il y a la
possibilité pour un chemin qui permettra de faire pleinement percevoir à nos
concitoyens que l’Europe, sur nombre de sujets qui les inquiètent, n’est pas
simplement une partie de la réponse, mais le cœur de notre autonomie
stratégique, le cœur de la réponse que nous pouvons apporter à nos peuples, et
vis-à-vis de nos partenaires ».
Une lapalissade…
« Jupiter » ne dissimule pas que l’actuelle administration
américaine porte une grande part de responsabilité dans la dégradation des
cadres de la coopération internationale. Cependant, en politique, il défend
sans état d’âme la relation de proximité qu’il entretient avec le
« dingue-de-Washington ». Et, en homme d’idées, il veut voir dans
l’évolution de l’Amérique un symptôme d’un phénomène plus large, « la crise de la mondialisation capitaliste
contemporaine et du modèle libéral westphalien multilatéral qui l’accompagne
». Ainsi, selon « Jupiter », « la
véritable question n’est pas tant de savoir si je vais prendre Donald Trump par
le bras au prochain sommet mais bien comment nous allons collectivement
appréhender ce moment de grandes transformations que nous vivons et auxquelles
nos sociétés sont toutes confrontées ».
Pour lui « la réponse ne passe pas
par l’unilatéralisme mais bien par la réorganisation de notre action autour de
quelques biens communs stratégiques, et par la construction de nouvelles
alliances ».
Au titre des « biens communs stratégiques » (sa lubie), il déroule alors
les positions et propositions qu’il fait en votre nom, sur la lutte contre le
changement climatique, l’éducation, la culture et le savoir, la santé, l’espace
numérique, enfin le commerce. Ainsi, il a convié le 11 novembre, en marge des
commémorations de la fin de la Première Guerre mondiale, un groupe de travail
sur la révision des règles de l’OMC, composé de l’Union européenne, des États-Unis,
de la Chine et du Japon. Il rappelle que le même 11 novembre, il inaugurera la
première rencontre du « Forum de Paris sur la paix » qui « vise à renforcer notre action collective en
associant États et organisations internationales, au premier rang desquels
l’ONU, avec la société civile : les ONG, les entreprises, les syndicats, les
experts, les intellectuels, les groupes religieux. La gouvernance
internationale doit se décliner concrètement, et chaque citoyen peut y prendre
part ».
Ça va être fort drôle, tout ça.
Au titre national, il développe la nécessité pour la « Gauloisie-impécunieuse »
de davantage s’investir d’une part sur l’axe « indo-pacifique (Inde-Australie-Japon) », complémentaire évidemment
d’un dialogue dense avec la Chine (où il se rendra chaque année), et d’autre
part dans le dialogue avec l’Afrique.
L’Afrique est l’un des sujets sur lequel « Jupiter » se montre
passionné, défendant ses propos souvent critiqués sur la fécondité des femmes
africaines (elles aiment ça), ou élevant le débat sur les vrais enjeux de la
relation Gauloiso-africaine : « Ce que
nous construisons touche par touche, c’est en quelque sorte la conversion d’un
regard réciproque. Celui qui va permettre à la France de regarder différemment
l’Afrique mais à l’Afrique également de se dire différemment, de raconter son
propre passé, son propre présent différemment à la face du monde, et de
construire un nouvel imaginaire entre la France et le continent africain ».
Sur le plan de la gouvernance globale, l’opportunité et la difficulté que
représente pour la « Gauloisie-lumineuse » la présidence du G7 en
2019 (suivie par les États-Unis en 2020) ne lui a pas échappé. Il ne cède ni
aux injonctions de l’américain qui voulait une réintégration dans ce club de la
Russie, ni aux sirènes de ceux qui pensent que devant le repli des États-Unis,
l’avenir passe par la reconnaissance d’un rôle de leader pour la Chine, ni non
plus à la facilité qui aurait consisté à préserver le statu-quo en laissant à son successeur programmé le soin de démolir
cette enceinte de concertation selon ses humeurs du moment.
Il propose le maintien du « format » d’un groupe homogène sur le plan du
développement économique et de l’adhésion à la démocratie (l’actuel G7) mais
orientant son activité différemment : Le G7 proposerait un dialogue permanent
avec la Chine sur le climat et le commerce, avec l’Inde sur le numérique, avec
l’Afrique sur la jeunesse. Si cette proposition était acceptée par les
différents acteurs concernés, on peut penser que le G7 réinventé permettrait de
replacer un groupe d’Européens et de puissances modérées et/ou libérales au
centre de la coopération internationale sur les grands enjeux globaux.
Dans ce discours aux Ambassadeurs et Ambassadrices, « Jupiter »
aura bien souligné que ce n’est pas la « Gauloisie » seule mais
l’Europe qui peut contribuer à « refonder
» l’ordre mondial, en se plaçant en position centrale dans les nouveaux
équilibres du monde, et qu’inversement, un rôle de cette nature pour l’Europe
constituerait un élément de réponse à la crise européenne : « Et donc comment construire cette véritable
souveraineté européenne ? Eh bien en répondant aux défis dont j’ai parlé depuis
tout à l’heure, en faisant de l’Europe le modèle de cette refondation humaniste
de la mondialisation. C’est ça le défi qui est le nôtre et c’est ça exactement
le débat qui est posé aujourd'hui au peuple européen dans le cadre des
élections qui adviennent ».
Même discours que l’année précédente, mais en plus urgent…
Il va de soi que l’Europe qu’imagine « Jupiter » est une
Europe-puissance, mais une Europe-puissance au contenu adapté au monde actuel :
L’Europe doit être « une puissance
économique et commerciale qui construira la convergence fiscale et sociale en
son sein. Je veux une Europe qui soit puissance numérique, et de l’intelligence
artificielle, à travers les initiatives que nous avons commencé à prendre, d’un
fonds pour les innovations de rupture, d’un vrai marché unique du digital,
d’une taxation juste des acteurs du numérique. Une Europe puissance écologique,
alimentaire, et sanitaire, qui permette partout en Europe de garantir les mêmes
droits d’accès à une nourriture saine et à un environnement plus sain ».
Du pain sur la planche !
Il lui faudra bien un second mandat pour commencer à en voir le bout.
C’est finalement un discours de combat qu’aura prononcé « Jupiter »,
indiquant d’emblée que « oui, plus qu’il
y a un an, nous sommes aujourd’hui à un moment de vérité ». Sur le plan
politique, les thèmes développés sont évidemment liés à l’échéance des
élections européennes dans sept mois.
Il choisit la confrontation ouverte avec la ligne Orbán-Salvini. Ceux-ci,
de leur côté, l’identifient comme leur principal ennemi. Son discours est finalement
en partie une tentative de récupération de certaines critiques formulées par
les eurosceptiques tout en réaffirmant la capacité de l’Union européenne à
apporter des réponses aux préoccupations des citoyens.
L’affrontement sera difficile : D’ores et déjà, ses adversaires présentent
« Jupiter » comme « le candidat
de l’immigration », alors que lui-même se définit comme celui du droit
d’asile et d’une politique migratoire strictement maîtrisée. Or, dans ce
domaine, il faut bien admettre, les excès se révèlent souvent payant dans les
urnes.
Tout est en train de se mettre en place pour le grand combat en vue des
élections européennes du mois de mai 2019. Les adversaires s’échauffent pour
mieux s’affronter. D’un côté, Matteo Salvini et Viktor Orbán, de l’autre
« Jupiter ».
Dans ces conditions, rien de nouveau sous le soleil de ce point de vue-là :
On ne pourra pas lui reprocher de ne pas être constant dans ces devoirs à
assumer.
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