Où quand on déplace les bornes…
… Il n’y a plus de limite !
Vous voilà prévenu : Vous êtes propriétaire d’un terrain et votre voisin
utilise une partie de votre bien pour y garer sa voiture.
Jusque-là, pas de motif de contentieux : Ce sont de « bons rapports de voisinage ».
Mais attention, car si vous le laissez dépasser ses limites de parcelle sans rien dire, il pourrait au bout de 30 ans revendiquer en justice la propriété de la partie du terrain occupé.
Et ce, malgré un bornage réalisé entre vous.
C’est la décision que vient de rendre la Cour de cassation dans un arrêt du 7 septembre 2023.
Cour de cassation, civile, Troisième chambre civile, 7
septembre 2023, n° 21-25.779
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 14 octobre 2021
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Waquet, Farge et Hazan
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a
rendu l'arrêt suivant :
Arrêt n° 591 F-D
Pourvoi n° E 21-25.779
1°/ Mme [E] [P],
2°/ Mme [D] [P],
3°/ M. [G] [P],
domiciliés tous trois [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° E 21-25.779 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (2ème chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à [R] [P], épouse [Z], ayant demeuré [Adresse 3], décédée le 10 mars 2022,
2°/ à Mme [B] [Z], domiciliée [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi,
un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mmes [E] et [D] [P] et de M. [G] [P], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [B] [Z], après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à Mmes [E] et [D] [P] et M. [G] [P] (les consorts [P]) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre [R] [P], décédée le 10 mars 2022.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 14 octobre 2021), [R] [P] et Mme [B] [Z], respectivement usufruitière et nue-propriétaire de la parcelle cadastrée G n° [Cadastre 2], ont assigné les consorts [P], propriétaires de la parcelle voisine cadastrée G n° [Cadastre 1], en suppression d'un empiétement et paiement de dommages-intérêts.
3. Les consorts [P] ont reconventionnellement revendiqué la propriété d'une partie de cette parcelle par l'effet de la prescription trentenaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
4. Les consorts [P] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en constatation de l'acquisition, par prescription trentenaire, de la partie de parcelle cadastrée section G n° [Cadastre 2], alors « que le bornage, qui a pour seul objet de désigner la ligne divisoire entre deux fonds contigus au regard des titres, est sans influence sur la propriété des fonds considérés, de même que sur les conditions de la prescription acquisitive ; qu'en l'espèce, les consorts [P] invoquaient le bénéfice de la prescription acquisitive sur une partie de la parcelle G n° [Cadastre 2] qu'ils avaient possédée en qualité de propriétaire pendant plus de trente ans, en l'utilisant notamment aux fins de stockage et d'emplacement de parking ; qu'en retenant que le bornage amiable, constaté par un procès-verbal du 19 mars 1991, rendait leur possession équivoque puisqu'à compter de cette date « le stationnement de leurs véhicules ou l'entrepôt de leurs équipements et matériels se faisaient en partie sur la portion de terrain identifiée par le géomètre comme appartenant à leurs voisins », quand cette circonstance, relative au bornage, était sans incidence sur les caractères de la possession invoquée par les consorts [P] sur un terrain sur lequel ils avaient, avant comme après le bornage, continué à exercer des actes de possession en qualité de propriétaire, la cour d'appel a violé les articles 2261 et 2272 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2261 et 2272 du code civil :
5. Aux termes du premier de ces textes, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. Selon le second, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.
6. Pour rejeter la demande reconventionnelle des consorts [P], l'arrêt relève que les procès-verbaux de bornage amiable, des 19 mars 1991 et 4 juillet 2016, déterminant la limite des parcelles cadastrées G n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], ont été ratifiés sans réserve par les intéressés et n'ont pas été ultérieurement contestés.
7. Il en déduit qu'à compter de 1991, la possession invoquée par les consorts [P] était équivoque, dans la mesure où ils ne pouvaient ignorer que le stationnement de leurs véhicules ou l'entreposage de leurs équipements se faisait en partie sur la portion de terrain identifiée par le géomètre comme ne leur appartenant pas.
8. En statuant ainsi, alors que l'accord des parties sur la délimitation de fonds, qui n'implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses, ne suffit pas à entacher la possession invoquée d'un vice d'équivoque, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer
sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de [R] [P] et de Mme [Z] de réfection du mur de soutènement et de la dalle situés sur la parcelle cadastrée G n° [Cadastre 1], l'arrêt rendu le 14 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-trois.
Je résume : Votre voisin, sis sur un terrain
mitoyen au vôtre et sur lequel il gare sa voiture depuis plus de 30 ans demande
au tribunal de constater à son profit l’acquisition par prescription d’une
partie de cette parcelle.
La Cour d’appel rejette sa demande car elle le considère de mauvaise foi : En effet, malgré un bornage amiable ayant délimité la propriété de chacun en 1991, le voisin a continué à utiliser ce morceau de parcelle pour y installer son véhicule comme avant.
Or, pour pouvoir prescrire, il faut démontrer l’existence d’une possession continue et non-interrompue, paisible, publique, non-équivoque et à titre de propriétaire d’un bien immobilier pendant une durée de 30 ans.
La possession du voisin est, selon la Cour d’appel,
équivoque du fait du bornage car il ne pouvait pas ignorer que le stationnement
des véhicules se faisait en partie sur la portion de terrain identifiée par le
géomètre comme ne lui appartenant pas.
Et là, paf, la Cour de cassation annule la décision d’appel en estimant que le bornage réalisé entre voisins n'implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses et ne suffit pas à établir une possession équivoque.
Autrement dit quand on dépasse les bornes, comme
disait feu mon « Papa-à-moâ », au-delà, il n’y a plus de limite.
En toutes choses.
Bon à retenir dans cette affaire : Le bornage commun de bonne foi entre deux voisins n’implique donc pas une possession « équivoque ».
C’est un peu contre-intuitif, mais c’est la règle du C. Civ.
Lorsque la possession est équivoque, elle est privée de ses effets, point barre, tiret, à la ligne…
Par équivoque il faut entendre ce qui est susceptible
de revêtir plusieurs significations.
Aussi, la possession sera équivoque lorsque les actes matériels accomplis sur la chose par le possesseur seront ambigus quant à son intention de se comporter comme le véritable propriétaire.
À la différence de la discontinuité, de la violence ou encore de la clandestinité qui affectent le corpus de la possession, l’équivoque est un vice qui affecte l’animus.
Le caractère équivoque de la possession va alors faire obstacle au jeu de la prescription posée par l’article 2256 du Code civil qui prévoit que « on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre. »
La raison en est que, la pluralité des significations
susceptibles d’être conférés à l’emprise physique exercée sur la chose est de
nature à créer, dans l’esprit des tiers, un doute quant à la qualité de
propriétaire du possesseur. La présomption d’animus doit donc être écartée.
À l’examen, ce sont surtout les situations de communauté de vie ou d’exercice de droits concurrents sur la chose qui sont les sources des principaux cas de possession équivoque.
Lorsque plusieurs personnes cohabitent sous un même toit, les biens qui garnissent le domicile font très souvent l’objet d’une possession équivoque.
Il peut, en effet, s’avérer délicat, notamment en matière de mariage, pacs ou concubinage, de déterminer si le possesseur détient la chose à titre exclusif ou si la possession est partagée.
Là, entre voisins, il n’y a pas d’incertitude.
Lorsque plusieurs personnes sont titulaires de droits
sur une même chose, la concurrence de ces droits est également de nature à
rendre la possession équivoque.
Tel est le cas de l’indivision qui, en application de l’article 815-9 du Code civil confère à chaque indivisaire le droit d’« user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision ».
Manifestement les actes accomplis sur un bien indivis sont par nature équivoque, car ils peuvent être interprétés de deux manières : Soit ils peuvent être interprétés comme des actes exercés par l’indivisaire qui se considère comme le propriétaire exclusif de la chose et qui, à ce titre, peut en jouir et en percevoir les fruits. Soit ils peuvent également être interprétés comme des actes exercés par un indivisaire au nom et pour le compte de l’indivision, autrement dit pour la collectivité des indivisaires.
Ainsi, la possession est rendue équivoque par l’indivision.
Ce qui n’empêchera pas « mon tonton » (celui
de cette « honteuse famille » qui est une partie de la mienne, un « juriste
+++ ») d’entretenir, d’embellir, d’agrandir à ses frais la maison
familiale de sa belle-famille.
Et que le jour où les frères et sœurs de ma « tata par alliance » se sont avisés de sortir de l’indivision successorale, il leur a présenté une facture (réévaluée par actualisation) telle qu’ils n’avaient plus le choix que de céder à vil prix la maison de leur enfance à leur beau-frère…
Celui-là n’est pas encore mort : C’est qu’il a beaucoup à se faire pardonner !
Revenons à nos moutons pour préciser qu’à l’instar du
vice de discontinuité, le caractère équivoque de la possession est un vice
absolu, de sorte qu’il peut être invoqué par tous.
Il s’agit, par ailleurs, d’un vice relatif, en ce sens que l’équivoque ne fait pas disparaître la possession : Cette dernière redevient utile lorsqu’elle cesse d’être équivoque et, donc que les actes accomplis par le possesseur sur la chose sont dénués d’ambiguïté quant à son intention de se comporter comme le propriétaire de la chose.
Mais bon, je sors un peu du sujet qui reste plus complexe
dans les faits, mais reste assez bien balisé…
J’arrête donc là : Bon week-end à toutes et à tous !
I3
Pour mémoire (n’en déplaise à « Poux-tine ») : « LE
PRÉSENT BILLET A ENCORE ÉTÉ RÉDIGÉ PAR UNE PERSONNE « NON RUSSE » ET MIS EN
LIGNE PAR UN MÉDIA DE MASSE « NON RUSSE », REMPLISSANT DONC LES FONCTIONS D’UN
AGENT « NON RUSSE » !
… Il n’y a plus de limite !
Jusque-là, pas de motif de contentieux : Ce sont de « bons rapports de voisinage ».
Mais attention, car si vous le laissez dépasser ses limites de parcelle sans rien dire, il pourrait au bout de 30 ans revendiquer en justice la propriété de la partie du terrain occupé.
Et ce, malgré un bornage réalisé entre vous.
C’est la décision que vient de rendre la Cour de cassation dans un arrêt du 7 septembre 2023.
Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, du 14 octobre 2021
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Waquet, Farge et Hazan
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
Pourvoi n° E 21-25.779
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE
CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2023
2°/ Mme [D] [P],
3°/ M. [G] [P],
domiciliés tous trois [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° E 21-25.779 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2021 par la cour d'appel de Chambéry (2ème chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à [R] [P], épouse [Z], ayant demeuré [Adresse 3], décédée le 10 mars 2022,
2°/ à Mme [B] [Z], domiciliée [Adresse 3],
défenderesses à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Pons, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mmes [E] et [D] [P] et de M. [G] [P], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [B] [Z], après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pons, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Il est donné acte à Mmes [E] et [D] [P] et M. [G] [P] (les consorts [P]) du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre [R] [P], décédée le 10 mars 2022.
2. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 14 octobre 2021), [R] [P] et Mme [B] [Z], respectivement usufruitière et nue-propriétaire de la parcelle cadastrée G n° [Cadastre 2], ont assigné les consorts [P], propriétaires de la parcelle voisine cadastrée G n° [Cadastre 1], en suppression d'un empiétement et paiement de dommages-intérêts.
3. Les consorts [P] ont reconventionnellement revendiqué la propriété d'une partie de cette parcelle par l'effet de la prescription trentenaire.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Énoncé du moyen
4. Les consorts [P] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en constatation de l'acquisition, par prescription trentenaire, de la partie de parcelle cadastrée section G n° [Cadastre 2], alors « que le bornage, qui a pour seul objet de désigner la ligne divisoire entre deux fonds contigus au regard des titres, est sans influence sur la propriété des fonds considérés, de même que sur les conditions de la prescription acquisitive ; qu'en l'espèce, les consorts [P] invoquaient le bénéfice de la prescription acquisitive sur une partie de la parcelle G n° [Cadastre 2] qu'ils avaient possédée en qualité de propriétaire pendant plus de trente ans, en l'utilisant notamment aux fins de stockage et d'emplacement de parking ; qu'en retenant que le bornage amiable, constaté par un procès-verbal du 19 mars 1991, rendait leur possession équivoque puisqu'à compter de cette date « le stationnement de leurs véhicules ou l'entrepôt de leurs équipements et matériels se faisaient en partie sur la portion de terrain identifiée par le géomètre comme appartenant à leurs voisins », quand cette circonstance, relative au bornage, était sans incidence sur les caractères de la possession invoquée par les consorts [P] sur un terrain sur lequel ils avaient, avant comme après le bornage, continué à exercer des actes de possession en qualité de propriétaire, la cour d'appel a violé les articles 2261 et 2272 du code civil. »
Vu les articles 2261 et 2272 du code civil :
5. Aux termes du premier de ces textes, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire. Selon le second, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.
6. Pour rejeter la demande reconventionnelle des consorts [P], l'arrêt relève que les procès-verbaux de bornage amiable, des 19 mars 1991 et 4 juillet 2016, déterminant la limite des parcelles cadastrées G n° [Cadastre 1] et [Cadastre 2], ont été ratifiés sans réserve par les intéressés et n'ont pas été ultérieurement contestés.
7. Il en déduit qu'à compter de 1991, la possession invoquée par les consorts [P] était équivoque, dans la mesure où ils ne pouvaient ignorer que le stationnement de leurs véhicules ou l'entreposage de leurs équipements se faisait en partie sur la portion de terrain identifiée par le géomètre comme ne leur appartenant pas.
8. En statuant ainsi, alors que l'accord des parties sur la délimitation de fonds, qui n'implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses, ne suffit pas à entacher la possession invoquée d'un vice d'équivoque, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de [R] [P] et de Mme [Z] de réfection du mur de soutènement et de la dalle situés sur la parcelle cadastrée G n° [Cadastre 1], l'arrêt rendu le 14 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne Mme [Z] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-trois.
La Cour d’appel rejette sa demande car elle le considère de mauvaise foi : En effet, malgré un bornage amiable ayant délimité la propriété de chacun en 1991, le voisin a continué à utiliser ce morceau de parcelle pour y installer son véhicule comme avant.
Or, pour pouvoir prescrire, il faut démontrer l’existence d’une possession continue et non-interrompue, paisible, publique, non-équivoque et à titre de propriétaire d’un bien immobilier pendant une durée de 30 ans.
Et là, paf, la Cour de cassation annule la décision d’appel en estimant que le bornage réalisé entre voisins n'implique pas, à lui seul, leur accord sur la propriété des parcelles litigieuses et ne suffit pas à établir une possession équivoque.
En toutes choses.
Bon à retenir dans cette affaire : Le bornage commun de bonne foi entre deux voisins n’implique donc pas une possession « équivoque ».
C’est un peu contre-intuitif, mais c’est la règle du C. Civ.
Lorsque la possession est équivoque, elle est privée de ses effets, point barre, tiret, à la ligne…
Aussi, la possession sera équivoque lorsque les actes matériels accomplis sur la chose par le possesseur seront ambigus quant à son intention de se comporter comme le véritable propriétaire.
À la différence de la discontinuité, de la violence ou encore de la clandestinité qui affectent le corpus de la possession, l’équivoque est un vice qui affecte l’animus.
Le caractère équivoque de la possession va alors faire obstacle au jeu de la prescription posée par l’article 2256 du Code civil qui prévoit que « on est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s’il n’est prouvé qu’on a commencé à posséder pour un autre. »
À l’examen, ce sont surtout les situations de communauté de vie ou d’exercice de droits concurrents sur la chose qui sont les sources des principaux cas de possession équivoque.
Lorsque plusieurs personnes cohabitent sous un même toit, les biens qui garnissent le domicile font très souvent l’objet d’une possession équivoque.
Il peut, en effet, s’avérer délicat, notamment en matière de mariage, pacs ou concubinage, de déterminer si le possesseur détient la chose à titre exclusif ou si la possession est partagée.
Là, entre voisins, il n’y a pas d’incertitude.
Tel est le cas de l’indivision qui, en application de l’article 815-9 du Code civil confère à chaque indivisaire le droit d’« user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l’effet des actes régulièrement passés au cours de l’indivision ».
Manifestement les actes accomplis sur un bien indivis sont par nature équivoque, car ils peuvent être interprétés de deux manières : Soit ils peuvent être interprétés comme des actes exercés par l’indivisaire qui se considère comme le propriétaire exclusif de la chose et qui, à ce titre, peut en jouir et en percevoir les fruits. Soit ils peuvent également être interprétés comme des actes exercés par un indivisaire au nom et pour le compte de l’indivision, autrement dit pour la collectivité des indivisaires.
Ainsi, la possession est rendue équivoque par l’indivision.
Et que le jour où les frères et sœurs de ma « tata par alliance » se sont avisés de sortir de l’indivision successorale, il leur a présenté une facture (réévaluée par actualisation) telle qu’ils n’avaient plus le choix que de céder à vil prix la maison de leur enfance à leur beau-frère…
Celui-là n’est pas encore mort : C’est qu’il a beaucoup à se faire pardonner !
Il s’agit, par ailleurs, d’un vice relatif, en ce sens que l’équivoque ne fait pas disparaître la possession : Cette dernière redevient utile lorsqu’elle cesse d’être équivoque et, donc que les actes accomplis par le possesseur sur la chose sont dénués d’ambiguïté quant à son intention de se comporter comme le propriétaire de la chose.
J’arrête donc là : Bon week-end à toutes et à tous !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire