Un « truc » débile à valeur d’avertissement
Décidément, « fesse-book » de chez la « montagne-de-sucre », ça aura eu des
conséquences inattendues. D’abord quand j’étais jeune (il y a une éternité…) j’ai
toujours cru que c’était un site de kul.
C’est comme « hotmail » : Je pensais qu’il
s’agissait d’un accès à du porno via Microsoft.
Faut vous dire que j’ai été élevé à une époque où on s’échangeait
des fichiers avec des adresses internet type « CompuServe », avec des
chiffres et des codes chiffrés.
Avec AOL, j’avais pigé qu’on pouvait aussi avoir des
lettres. Avec les autres, comme « Liberty surf » ou « easyjet »,
« Freebox », j’avais enfin compris comment ça marchait… Et « fesse-book »,
quand je m’y suis mis après avoir avalé mes appréhensions, j’ai été très déçu :
Pas de porno là-dessus…
Les autres « twister », « Line-kel »,
je ne sais toujours pas : Passons.
Il aura fallu l’arrêt, récent, ci-dessous reproduit pour
que je confirme que c’est de toute façon très dangereux…d’autant que ça a fait
le tour de la planète toute la semaine dernière avant que ça ne me parvienne :
Faudrait que j’améliore la réactivité de mes sources…
Notez, je savais déjà pour suivre le contentieux (de
loin) sur les messages infamants, mais bon, c’était juste pour me tenir au
courant.
Lisez donc : C’est passionnant !
Cour d’appel de Toulouse, 4ème ch. – Sec.
2, arrêt du 2 février 2018
Mme X. / Autour du bain
Mme X. a été embauchée par la société Sarl Autour du
bain en qualité de préparatrice suivant contrat à durée indéterminée depuis le
1er février 2011, coefficient 100 de la convention collective
“parfumerie-esthétique”.
Il était contractuellement prévu un taux horaire de 9
€ pour 35 heures hebdomadaires.
Mme X. a été placée en arrêt maladie du 22 janvier
2014 au 11 juin 2014. Elle a repris le travail le 12 juin 2014.
Le 18 juin 2014, Mme X. a été convoquée avec une autre
salariée Mme Y. par leur supérieure hiérarchique, Mme Z., afin qu’elles
s’expliquent sur des discussions tenues sur le média Facebook.
Le 19 juin 2014, une mise à pied à effet immédiat a
été notifiée verbalement par l’employeur à Mme X., laquelle a été placée en
arrêt de travail suite à cette annonce.
Par courrier du 24 juin 2014, Mme X. a été convoquée à
un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé le 4 juillet
suivant. À l’issue de cet entretien, une mise à pied conservatoire lui a été
notifiée avec effet immédiat.
La salariée a été licenciée pour faute grave suivant
courrier du 10 juillet 2014, pour dénigrement et injures dont elle serait
l’auteur à l’égard de la société Sarl Autour du bain, de ses collègues de
travail et de sa supérieure hiérarchique.
Mme X. a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse
le 4 août 2014 de la contestation de son licenciement.
Par jugement du 13 septembre 2016, le conseil de
prud’hommes de Toulouse a :
– dit et jugé que le licenciement de Mme X. repose sur
une faute grave,
– débouté celle-ci de l’ensemble de ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de
l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné Mme X. aux dépens.
Mme X. a relevé appel dans des conditions de délai et
de forme non discutées.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 05
janvier 2017, auxquelles il est fait expressément référence, Mme X. demande à
la cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire
que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et de condamner la
société Sarl Autour du bain au paiement des sommes suivantes :
– 39.060 € au titre de dommages et intérêts pour
“rupture abusive”,
– 1.085 € au titre de paiement de la période de mise à
pied,
– 6.944 € au titre de l’indemnité de congés payés,
– 4.340 € au titre de l’indemnité compensatrice de
préavis,
– 1.736 € au titre de l’indemnité conventionnelle de
licenciement,
– 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de
procédure civile, outre les entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 08
mars 2017, auxquelles il est fait expressément référence, la société Sarl
Autour du bain demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses
dispositions,
– condamner Mme X. au paiement de 3 000 € au titre de
l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 28 novembre
2017.
DISCUSSION
Sur la mise à pied à titre conservatoire :
Il est constant entre les parties que Mme X. s’est vue
notifier verbalement par sa supérieure hiérarchique Mme Z. une mise à pied le
19 juin 2014.
Le courrier de convocation à l’entretien préalable du
24 juin 2014 mentionne la « confirmation de la mise à pied conservatoire ».
La salariée, sans soutenir l’existence d’une ambiguïté
lors de la notification verbale, estime que cette mise à pied confirmée par
écrit comme étant conservatoire, doit être en réalité considérée comme
disciplinaire compte tenu du délai écoulé entre son prononcé verbal et sa
notification écrite concomittammente à l’engagement de la procédure de
licenciement.
Aucun formalisme n’entoure le prononcé d’une mise à
pied conservatoire qui, dès lors qu’elle est prononcée concomittamment à
l’engagement de la procédure de licenciement, peut être notifiée verbalement
puis confirmée par écrit dans le courrier de convocation à l’entretien
préalable au licenciement.
La cour observe qu’il s’est écoulé 4 jours ouvrés
entre la notification verbale de cette mise à pied le 19 juin et sa
confirmation écrite portant également engagement de la procédure de
licenciement le 24 juin 2014.
Les premiers juges seront donc confirmés en ce qu’ils
ont considéré, au regard des auditions du personnel rendues nécessaires par les
faits reprochés à la salariée, que cette mise à pied avait un caractère
conservatoire compte tenu de la concomittance de sa notification avec
l’engagement de la procédure de licenciement.
Sur le licenciement pour faute grave :
Il appartient à la Sarl Autour du bain qui a procédé
au licenciement pour faute grave de Mme X. de rapporter la preuve de la faute
grave qu’elle a invoquée à l’encontre de sa salariée, étant rappelé que la
faute grave se définit comme un manquement ou un ensemble de manquements qui
rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; la cour examinera
les motifs du licenciement énoncés dans la lettre de licenciement qui fixe les
limites du litige.
La lettre de licenciement fait grief à la salariée de
manière circonstanciée :
-d’avoir échangé des propos inacceptables sur Facebook
sur Mme Z., ses collègues, ainsi que l’entreprise, propos découverts alors que
la salariée avait laissé sa session Facebook ouverte sur l’ordinateur de
l’entreprise,
-d’avoir, au sujet de ces propos, répondu à sa
supérieure hiérarchique qu’il s’agissait de ce qu’elle pensait d’elle et de
l’entreprise, et qu’elle avait laissé sa session ouverte afin qu’elle en prenne
connaissance,
-d’avoir également tenu des propos insultants et
dénigrants sur l’entreprise et sur ses collègues, à certaines d’entre elles,
-d’avoir ainsi fait preuve de déloyauté vis-à-vis de
l’employeur, rompu le lien de confiance et généré une souffrance pour les
salariées ayant subi l’attitude de Mme X.
Sur la loyauté de la preuve des faits reprochés :
Mme X. fait grief au jugement entrepris d’avoir retenu
que les messages échangés avec sa collègue sur la messagerie de son compte
Facebook n’étaient pas des messages privés, alors que la mise à disposition du
compte Facebook sur le lieu de travail ne signifie nullement que l’employeur
puisse s’approprier le contenu des conversations privées échangées et que,
puisqu’il est établi que la plupart des conversations ont été échangées lorsque
la salarié se trouvait placée en arrêt de travail, ces conversations étaient
nécessairement privées.
Toutefois, la Sarl Autour du bain produit
l’attestation circonstanciée de Mme Z. selon laquelle la session Facebook de Mme
X. était volontairement restée ouverte sur l’ordinateur de l’entreprise,
rendant les conversations publiques et visibles de l’ensemble des salariés
du magasin. Mme X. ne produit aucun élément de nature à remettre en cause la
sincérité de cette attestation ni à démontrer que l’employeur aurait usé d’un
stratagème pour accéder à la messagerie Facebook de la salariée qui, à défaut
d’être ouverte, est protégée par un login et un mot de passe.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont
considéré que les propos tenus par Mme X. sur son compte Facebook, affichés
sur l’écran de l’ordinateur de l’entreprise et visibles de toutes les personnes
présentes dans le magasin, avaient perdu leur caractère privé.
Sur les faits fautifs :
L’examen des messages produits aux débats démontre que
Mme X., lors de conversations sur Facebook avec une autre ancienne salariée Mme
Y., tenait de manière régulière des propos irrespectueux, injurieux et
malveillants à l’égard de sa supérieure, de ses collègues du magasin, ainsi
que de la gérante de l’entreprise, pendant son arrêt maladie précédent sa
reprise du 12 juin 2014, et durant les quelques jours de travail précédent
sa mise à pied.
Il ressort notamment de ces messages, dont la teneur
n’est pas contestée par Mme X., que ses collègues sont qualifiées par elle de “grosses
merdes”, qu’elle souhaite à sa collègue une “bonne journée chez les
fous”, qu’elle approuve sa collègue de traiter leur supérieure Mme Z. de “grosse
conne stupide” et indique “elle est dégueulasse avec moi mais son
entreprise ne va pas aller bien loin”, ajoutant qu’elle “travaille avec
des grosses brêles”. Simultanément, Mme X. indiquait dans ses messages
rechercher un autre emploi.
Ce comportement irrespectueux envers les autres
salariées du magasin et déloyal vis-à-vis de l’employeur est également confirmé
par les attestations circonstanciées de Mesdames V. et W., témoins de propos
tenus méprisants et injurieux tenus par Mme X. à l’égard de Mesdames Z.
Mme W. confirme par ailleurs avoir régulièrement subi
les remarques dénigrantes et méchantes de Mme X., l’affectant psychologiquement
et la conduisant à venir travailler “la boule au ventre”.
Mme V. indique quant à elle avoir été insultée de
“grosse merde” par Mme X. le 18 juin 2014 après son entretien avec Mme Z.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a
considéré ces agissements comme constitutifs d’une faute grave justifiant le
licenciement et débouté Mme X. de ses demandes afférentes à la rupture.
Sur la demande au titre des congés payés :
Ainsi que l’ont relevé les premiers juges, Mme X.
sollicite la somme de 6.944 € au titre de congés payés sans expliciter cette
demande ni apporter une quelconque méthode de calcul afin que la société Sarl
Autour du bain puisse prendre position.
Aucun élément n’étant davantage produit en cause
d’appel pour étayer cette demande, le jugement entrepris sera confirmé sur ce
point.
Il sera également confirmé en ce qu’il a condamné Mme
X. aux dépens.
En revanche, il sera alloué à la Sarl Autour du bain,
par infirmation du jugement entrepris et y ajoutant, la somme de 1.500 € au
titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
DÉCISION
Confirme le jugement entrepris en toutes ses
dispositions, hormis en ce qu’il a débouté la Sarl Autour du bain de sa demande
au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
Statuant à nouveau du chef infirmé, et y ajoutant,
Condamne Mme X. à payer à la Sarl Autour du bain la
somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme X. aux dépens.
La Cour : Caroline Parant (présidente), Alexandra
Pierre-Blanchard (conseillère), Sonia Del Arco Salcedo (conseillère), Brigitte
Couttenier (Greffière).
Avocats : Me Jean Fabry-Lagarde, Me Anne-Laure Derrien.
Plusieurs points : D’abord, il n’y a pas que « Trompe » pour raconter des konneries sur les réseaux sociaux ; ensuite ne jamais employer des
mots comme « trou-du-kul », « grosses merdes », « bonne
journée chez les fous », « grosse conne stupide », « elle
est dégueulasse avec moi mais son entreprise ne va pas aller bien loin », ou
encore « grosses brêles ». C’est injurieux.
Il vaut mieux employer les termes de « abysse-des-Ducs »,
« gros étron », « bonne année de super-démence », « gros
koniklos » pour les hellénistes (ou « cuniculus » pour les
latinistes) plutôt que « konne » (c’est toujours la même chose), « ignoble »
(sans noblesse : Je sais de quoi que je cause… mais moi j’en suis
infreequentable) ou « révoltant » plutôt que « dégueulasse »
et « incapable », « incompétent », voire « nul »
plutôt que « brêle », c’est plus soft et ça veut encore dire la même
chose.
Personnellement, je préfère « autiste » ou « trisomique »,
c’est un peu injurieux à l’égard des personnes qui en sont malades. Mais comme
ça me rend malade tout autant quand j’en croise, y’a pas de raison, puisque c’est
déjà réciproque…
Et puis au pire, une femme n’est jamais « grosse »,
elle reste seulement « enveloppée » (parfois beaucoup, mais ça
devient une mappemonde), c’est plus seyant.
Quant à émettre des jugements sur l’avenir d’une
boîte, quelle qu’elle soit, j’ai toujours trouvé ça déplacé : Globalement,
on se trompe tout le temps (sauf quand on en a fait revivre… mais ce n’est pas
donné à tout le monde : Et je sais encore de quoi je cause !)
Autre remarque : Je suis resté scotché par les
commentaires de la « grande-presse ». J’ai relevé pour vous ce monument
d’anthologie :
« La scène
est simple : vous quittez l’open space durant un laps de temps restreint pour
aller vous laver les mains, participer à une réunion ou bien passer votre
entretien annuel. C’est en quittant votre bureau que vous commettez cette
erreur fatale : Vous oubliez de verrouiller votre ordinateur, laissant ainsi
ouverte votre page Facebook personnelle, et tous les propos que vous y tenez !
Ce simple oubli, selon la justice, fait perdre à vos propos la totalité de leur
caractère privé. »
Fabuleux, d’autant que la Cour relève que ça restait
intentionnel, et non pas « un simple oubli »…
En revanche, elle affirme bien que « affichés sur l’écran de l’ordinateur de
l’entreprise et visibles de toutes les personnes présentes dans le magasin
(les propos), avaient perdu leur
caractère privé »…
Logique, tout de même.
Notez d’ailleurs que la nature humaine n’étant pas
toujours bienveillante, pensez d’une part à toujours verrouiller votre machine
même quand vous allez pisser, à ne jamais laisser vos boîtes-à-mimile personnelles
ouvertes (ne les consultez même pas au boulot), fermez toutes les applications
en cours quand vous allez à la machine à café (c’est pause du même nom), et d’une
façon générale éviter d’utiliser la machine du bureau pour vos cancans
personnels qui ne regardent pas la marche du service : Ça peut vous
retomber sur la tronche un jour ou l’autre.
Notez également que le vrai danger, c’est qu’un tiers
s’empare de vos codes et envoie des messages insultants depuis votre
adresse-courrielle dans le cadre de votre boulot…
Je ne vous raconte pas les dégâts. Je vous conseille
signale d’ailleurs une excellente façon de se séparer d’un collaborateur
irréprochable mais que vous ne pouvez pas pifer, parce qu’il n’a pas la même
carte syndicale que vous : Envoyez donc un courriel à caractère raciste à
un « black » de la boutique, antisémite à un « feuj » de la
boutique, ou un message type « harcèlement-sexuel » à une misandrie-déchaînée
avec son adresse quand il va pisser !…
Enfin techniquement, ce qu’il y a à en retenir (on est
tout de même dans la rubrique « Le coin du juriste-fiscaliste »), c’est que cet
arrêt pose encore une fois la question de la distinction du caractère public ou
privé de propos tenus sur un réseau social. Sur ce point, la jurisprudence n’est
pas encore unanime. « En droit du
travail, la question s’était principalement posée jusqu’à présent concernant
des injures contre l’employeur proférées sur le mur Facebook d’un salarié. Dans
une telle hypothèse, le paramétrage du compte, le fait d’avoir ou non restreint
l’accès de son mur à ses seuls amis, est un critère couramment utilisé devant
les tribunaux pour qualifier les propos de privés ou publics. »
Or, dans cette affaire, c’est le fait que la salariée
ait volontairement laissé sa messagerie ouverte sur un ordinateur d’entreprise,
laissant les injures – dont elle ne conteste pas la teneur – visibles et
accessibles à tous, qui a certainement constitué un critère déterminant.
« C’est un cas
très circonstanciel. De nombreux éléments, outre les seuls propos sur la
messagerie Facebook (les témoignages joints), étaient réunis en l’espèce pour caractériser une faute grave. »
Pour ma part je rajoute – pour savoir un peu comment
fonctionne un juge, même prud’homal – que les prétentions de la dame ont dû en
épouvanter plus d’un. Si vous comptez bien, elle est restée 3,5 ans à l’indice
100 et 9 €/h. Plus bas, on ne peut pas… C’est dire le niveau de la dame qui n’a
même pas eu l’occasion de quelques primes ou promotions…
Et elle réclamait 56.165 € d’indemnités diverses, soit…
3,5 ans de salaire !
Fort la groβ…
Bonne fin de journée à toutes et à tous !
I3
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