En avant pour un démantèlement et une grève !
Remis il y a huit jours, le rapport de 127 pages sur
l’avenir de l’industrie ferroviaire rédigé par l’ex-patron « d’Air-trans »
(toujours aussi « pétillant » malgré ses 74 balais au compteur) propose
quarante-trois mesures pour réformer le système de transport ferroviaire et
sauver un système en faillite depuis des années.
« Ça va
décoiffer ! », avait prévenu « Babeth-Borgne », la « sinistre
des Transports ».
« Force est de
constater, aujourd’hui, que les performances ne sont pas toujours
satisfaisantes, en termes de régularité ou d’information voyageurs, par
exemple, que les besoins de modernisation du réseau restent considérables, et
que le financement de l’ensemble du système est gravement déséquilibré »,
assène-t-il d’emblée.
« La situation
est donc aussi préoccupante, et le système doit se réformer dans l’intérêt de
tout le monde : les usagers comme les personnels ».
(Moi, ça me fâche quand on parle d’usager et pas de
« client », mais passons !)
Pour rappel, le gouvernement doit décider d’en
reprendre ou non les propositions : Rien n’est donc joué. Et Matignon a
indiqué alors que le gouvernement allait ouvrir « une première phase » de concertation avec les syndicats et la direction
de la SNCF, les régions et les … usagers.
Ce qui a déjà été fait entre-temps…
À l’issue de cette première étape de concertation,
seront ensuite précisés « les thèmes
abordés » et « la méthode de
concertation » de la réforme, selon le cabinet du Premier ministre. « (Le
gouvernement) mettra tout sur la table
» pour « trouver un nouveau modèle
économique » pour la SNCF, a indiqué « Ben-Grivois », le
porte-la-parole du gouvernement. Et de se rassurer : « On est lucide, on est responsable, et on n’avance
pas en ayant la peur au ventre. On avance de manière sérieuse ». Notez que
de son côté le président de l’Assemblée nationale encore en exercice, l’a
ramené en faisant savoir qu’il estime « le
système ferroviaire est un bel exemple de chose qu’on a “laissé pourrir” depuis
trente ans ».
Inutile de vous dire que les syndicats-locaux comptent
bien « pourrir » la vie des ministères et ont déjà lancé un appel à
la grève pour le 22 mars prochain : Tu penses donc, un bastion, un
« fromage » pareil, ils ne vont pas l’abandonner comme ça…
Et il dit quoi, ce « rapport » ?
Bé que le statut de cheminot disparaîtra à l'embauche…
« Droits acquis » ainsi préservés…
Le passage de la SNCF au statut de SA permettrait, comme
ce fut le cas à La Poste, d’abandonner le recrutement de cheminot « au cadre
permanent » avec un régime de Sécurité sociale et de retraite spécifiques. « Dans le cadre de la loi, il pourrait être
mis un terme au recrutement au statut des nouveaux embauchés, en préservant
strictement les droits individuels des personnels en bénéficiant. Les nouveaux
recrutements devront s’opérer (…) dans
un cadre conventionnel à parachever » (comme quoi, toute reste entre points
de suspension), de façon à ce que la SNCF puisse « recourir pendant deux ans à la procédure des plans de départs
volontaires » : On dégraisse (du mauvais gras) et on embauche du
« tout-nouveau/tout-kon » (moins cher) « effet de noria »
garanti pour réduire la masse salariale : Logique.
Quant au recrutement de nouveaux « agents »,
il s’agira de généraliser les emplois contractuels de droit commun, en CDI ou
en CDD. Ainsi, le statut de cheminot s’éteindrait tranquillement au fil des
départs en retraite et sans faire de vague.
Mais c’est quoi ce fameux statut ? Bé on ne peut
pas dire qu’ils sont maltraités :
Le régime des cheminots a été fixé par la loi en 1909.
En 1945, malgré l’adoption du régime général de Sécurité sociale, le régime
spécial de la SNCF subsiste du fait de son antériorité. Dans les évolutions
récentes, en 2008 (« Bling-Bling »), a notamment été décidée la
hausse de la durée de cotisation pour la retraite, passant de 37,5 à 41,5
années lors de son entrée en application en 2017. (Idem chez EDF et encore plus
fortement à « La Poste »).
Jusqu’en 2016 les cheminots ont eu la possibilité d’un
départ à la retraite dès 50 ans pour les conducteurs de trains et à 55 ans pour
les travailleurs sédentaires. Depuis le 1er janvier 2017, cette
limite d’âge augmente de quatre mois par an pour atteindre, en 2024,
respectivement 52 et 57 ans.
Dans le même temps, la durée de service minimum va, de
son côté, passer de 25 à 27 ans. Leur pension, à taux plein, représente 75 % du
salaire des six derniers mois. Dans le « secteur privé », rappelons
qu’elle est calculée en fonction des 25 meilleures années…
Mais ce n’est pas qu’un « régime spécial de
retraite » : C’est quantité de mesures « hors du droit
commun » comme le « régime spécial de sécurité sociale » qui donne
notamment accès aux cheminots à des centres médicaux gratuits (tout comme celui
réservés aux agents de la RATP), sauf que pour les cheminots, c’est n’importe
quel centre médical conventionné, y compris pour les ayants-droit (hors celui
de la RATP… !).
Les salariés de la SNCF au statut de cheminot
bénéficient également de l’emploi à vie, comme c’est le cas dans d’autres
entreprises publiques.
Autre avantage : Les facilités de circulation, soit la
gratuité des billets de train et la possibilité d’obtenir des billets à prix
réduit pour leurs proches. Ces billets, dont seule la réservation est payante,
sont accessibles à tous les salariés de la SNCF, qu’ils soient cadre permanent,
contractuels ou retraités.
Vous noterez que les agents EDF/GDF ont de leur côté
des compteurs électriques « gratuit »… logique !
Les agents SNCF ont 28 jours de congés payés par an,
contre 27 selon le code du travail. Ils disposent aussi d’un nombre variable de
RTT selon leur durée de travail journalière : Lorsqu’ils dépassent les 7 heures
de travail, des RTT leur sont octroyées. Si les personnels administratifs ont
10 RTT, les personnels roulants et agents travaillant de nuit bénéficient
respectivement de 22 et 28 jours correspondant aux contraintes qu’ils subissent
pour assurer un service 7 jours sur 7.
Là encore… logique !
Évidemment, on ne dira rien des accès aux logements du
parc SNCF à des loyers qui vont encore baisser (l’effet de la baisse des APL,
même quand les agents ne sont pas concernés et des injonctions gouvernementales
de l’automne dernier pour « sauvegarder » du pouvoir d’achat…) et des
logements de fonction…
Rappelons à l’occasion que 92 % des quelque 150.000
salariés de la SNCF relèvent du « statut de cheminot » : Ce sont les
« agents du cadre permanent ».
Pour en bénéficier, il faut avoir moins de 30 ans au
moment de l’embauche. Les jeunes salariés non-cadres passent ensuite un « stage
obligatoire » d’un an alors que les jeunes cadres embauchés font l’objet d’une
période d’essai de deux ans et demi durant lesquels leur contrat de travail
peut être rompu sans indemnité.
Ils sont également évalués trois fois par leur manager
durant cette période, sur leurs aptitudes professionnelles et sur leur
comportement, explique le site de la SNCF : Une formule totalement dérogatoire
au droit commun…
Le reste des salariés de la SNCF (8 %) sont des « agents
contractuels », en CDD ou CDI, liés à l’entreprise par un contrat de travail
conforme, lui, à votre code du travail et ne bénéficiant donc pas du statut de
cheminot.
Notons par ailleurs que l’embauche au statut cheminot
est réservée aux ressortissants de l’UE. C’était ainsi l’argument avancé par la
SNCF pour se défendre dans l’affaire des « chibanis », ces cheminots marocains
arrivés dans les années 70 et restés contractuels toute leur carrière… Mais la
compagnie ferroviaire a été condamnée fin janvier en appel pour « discrimination
» salariale et professionnelle à l’encontre de ces cheminots marocains :
Il est donc temps de revenir au droit commun…
Tout cela a un coût phénoménal : La preuve,
quelle que soit la façon dont on compte, la compagnie perd un pognon monstrueux
et s’endette pour faire les échéances. SNCF Réseau, gestionnaire de l’infrastructure
qui assure la rénovation et l’entretien du réseau ferroviaire, croule sous une
dette de 45 milliards d’euros. Et celle-ci augmente de 3 milliards d’euros
supplémentaires chaque année et la seule charge d’intérêt s’élève à 1,5
milliard/an.
Cette fois, la reprise de la dette par l’État est
programmée et devrait être échelonnée. « Le
traitement de la dette est une condition préalable et nécessaire à un retour à
l’équilibre du gestionnaire d’infrastructures », dit le rapport, sans plus
de précisions.
Les gouvernements précédents avaient promis
courageusement de s’y atteler tout en repoussant, tout autant courageusement,
l’échéance d’une reprise même partielle de cette dette.
Il faut dire que pour l’heure, cette dette est assez
mal-gérée, pour se faire « au jour-le-jour » en fonction des besoins
de trésorerie.
C’était déjà le cas il y a 30 ans : Je me
souviens parfaitement d’avoir acheté des bons de caisse-SNCF quand j’étais à la
tête d’une boutique que j’avais réussi à faire ruisseler sous le pognon (qu’il
y en avait partout, même caché dans les stocks). À 9 % de taux d’intérêt, c’était
une excellente façon de financer l’apéro là où les banques ne m’offraient que
du 3 % à vue…
Ceci dit, il y a aussi les dettes d’exploitation…
Justement, le « cousin » pointe le
problème (sans le chiffrer) : « Recentrer
le transport ferroviaire sur son domaine de pertinence » ! Je n’aurai
pas dit mieux…
« Les 30.000
kilomètres du réseau ferroviaire français sont utilisés de manière très
différente : 30 % du réseau voit passer 90 % du trafic voyageurs, quand, à l’autre
bout, 45 % des voies ne sont empruntées que par 2 % des voyageurs ».
Ça, c’est une remarque « à la kon » :
Ce n’est pas le trafic qui compte, mais
la marge opérationnelle des uns et des autres types de trafic !
Si les deux payent le « bon prix » (celui
d’équilibre d’exploitation), il ne devrait pas y avoir de soucis.
Mais dans les faits, ce n’est pas le cas : Les
tarifs de base (hors promotions pour remplir les trains) est le même au
kilomètre. Une ânerie, mais bon, service public oblige, n’est-ce pas.
Pour le « cousin », il s’agit donc de
concentrer l’activité de la SNCF sur les transports du quotidien autour des
agglomérations et les dessertes TGV entre les principales métropoles Gauloisiennes.
Il estime ainsi que « le réseau à grande vitesse peut être considéré comme abouti » et que
construire de nouvelles lignes « entraînerait
le TGV au-delà de sa zone de pertinence économique, c'est-à-dire les dessertes
de très grandes agglomérations avec des trajets durant jusqu'à trois heures
».
Il n’a pas oublié qu’il a été PDG de l’avionneur national :
Les lignes « à une heure » de vol, c’est limite… parce que justement
ça fait 3 heures de porte-à-porte.
Et que faire voler un avion durant 3 heures, ça met à
portée toutes les capitales (et grandes-villes) d’Europe à portée…
Au-delà, c’est du « long-courrier ».
Pour ma part, j’aurai plutôt pris le pari de mettre
Berlin, Milan, Turin voire seulement Barcelone ou Madrid « à trois
heures » par le rail avec de nouvelles lignes à ouvrir.
Je rappelle au passage que Toulouse, Pau, Montpellier,
Brest dans une moindre mesure, et surtout Nice, sont encore « à
perpète »…
Et que l’avion ne peut pas non plus tout assumer…
Ceci laisse présager également la suppression des
petites lignes ferroviaires – qui mobilisent 16 % des moyens consacrés au
ferroviaire – ainsi que de petites gares. Les lignes les moins fréquentées
pourraient ainsi être confiées aux régions dans le cadre de la libération du
rail, mais alors, ça pourrait « coûter bonbon » aux kontribuables
locaux…
À suivre.
D’autant que je n’ai rien lu sur la CFC (Chemin de Fer
Corse), une sous-filiale locale, déjà financée par la communauté territoriale,
et son TGV (train à grandes vibrations)…
Le cadet des soucis pour un
« cousin-natif »…
« Ceci implique
une filialisation qui sera exigée par Bruxelles car une recapitalisation a déjà
eu lieu en 2005 », explique-t-il pour justifier de la libération du fret.
Pour rappel, la dette d’exploitation du transport de marchandises de la SNCF s’élève
à elle seule à plus de 4 milliards d’euros. Mais elle devrait être conservée
par SNCF Mobilités.
Du coup, il va falloir changer de statut : La
SNCF devient une société anonyme.
Je rappelle qu’avant les nationalisations antérieures
(d’une part pour cause de faillites diverses et variées due notamment aux
« régimes sociaux » d’avant-guerre et, d’autre part à la vague de
1945 et des « sinistres communistes » du moment qui voulaient en
faire une « vitrine-sociale »), c’était déjà une myriade de SA.
Donc, retour au régime d’antan (et enterrement de
première classe des « hérésies post-cocos »), mais avec des
spécificités qui font tout le « charme discret de la
Gauloisie ».
Le rapport préconise effectivement de changer à
nouveau le statut de l’entreprise ferroviaire, en modifiant ses deux
principales composantes, SNCF Mobilités et SNCF Réseau, en sociétés anonymes à
capitaux publics. Pour rappel, une SA peut être détenue à 100 % par des
capitaux publics comme c’est le cas avec La Poste, détenue à 73,68 % par l’État
et à 26,32 % par la Caisse des dépôts (elle-même détenue par…).
À l’heure actuelle, le groupe SNCF est constitué de
trois établissements publics industriels et commerciaux (Épic). C’est le fruit
de la réforme ferroviaire de « Tagada-à-la-fraise-des-bois » de 2014
qui a de nouveau réuni les deux branches du ferroviaire : Le réseau – SNCF Réseau
– et les services – SNCF Mobilités – chapeautés par un Épic de tête qui fait
office de holding.
« Le statut d’EPIC
procure une facilité mais qui est aussi un défaut : l’établissement est relié
organiquement à l’État », estime-t-il. « Il peut donc s’endetter sans limites. Cette facilité de la dette doit être
stoppée ».
D’autant que l’ouverture à la concurrence va aller plus
vite que prévue initialement.
Pour Bruxelles, elle doit avoir lieu au plus tard fin
2023 pour les TER et les Intercités et fin 2020 pour les TGV.
Or, plusieurs régions ont fait part de leur souhait de
ne plus confier à la SNCF leurs TER dès 2019.
Les négociations de concertation doivent préciser les
conditions de transferts de personnels aux éventuels concurrents de la SNCF.
Pour les lignes à grande vitesse, le rapport opte pour
une concurrence en accès libre. Autrement dit, il y aurait plusieurs opérateurs
sur une même ligne, mais les personnels (navigants et sédentaires) pourraient
rester les mêmes « aux manettes ».
Je ne te raconte pas les embrouilles à venir…
Car ça tombe bien : Un statut de droit-privé pour
le « bidule », une ouverture des lignes à la concurrence (celles qui
rapportent mais surtout celles qui plombent), un statut des agents qui revient
dans le giron du droit commun, ça donne un plan de départ volontaire à
venir.
« La SNCF doit
pouvoir recourir pendant 2 ans à des plans de départs volontaires »…
Chose jusque-là impensable (et illégal) pour
incompatibilité avec « le statut »…
On ouvrira le capital social plus tard, au moment où
il faudra des « capitaux frais » pour refaire les installations
ferrées, sujet à peine évoqué, alors que bon… ça défaille plutôt assez
fréquemment…
En effet le recours au financement public pour
reconstituer une dette publique reste « non soutenable », selon son rapport.
Reste maintenant à savoir la réaction des personnels
concernés : Régulièrement remise sur la table, la réforme, qui était
notamment l’un des déclencheurs des grèves de 1995, est devenue au fil des
décennies un enjeu social.
« Jupiter » saura-t-il déminer ce dossier…
« en même temps » qu’un autre, celui des retraites (on y
reviendra) qui reste explosif, avec ce rapport « pro domo » ?
C’est à suivre, mais c’est bien essayé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire