Révocation
pour adultère de la donation entre époux
Il s’agit d’une histoire « Corsa » : L’adultère de l’épouse
avec un ami du couple est une injure grave autorisant la révocation de la
donation, l’action engagée moins d’un an après le décès du mari étant recevable
dès lors que l’adultère a continué jusque-là et que le mari l’a connu moins
d’un an avant son suicide a pu juger la Cour de Cassation.
Une histoire sordide : Un homme, remarié, consent à sa seconde épouse
une donation au dernier vivant. Après son suicide, ses enfants, issus d’une
première union, invoquent l’infidélité de leur belle-mère et obtiennent la
révocation de la donation pour ingratitude. Celle-ci, pas contente, se pourvoit
en cassation.
Et la Cour confirme l’arrêt de la Cour d’Appel de Bastia en tous points,
ce qui est l’occasion d’une petite leçon de droit relative aux effets de
l’infidélité conjugale.
Décision fondée d’une part, sur le fait que l’action n’est pas prescrite :
Les juges ont souverainement considéré que les relations extra-conjugales
entretenues par l’épouse avaient duré jusqu’au décès du mari, qui n’en avait
pas connaissance plus d’un an avant sa disparition.
Et d’autre part, parce que le caractère de gravité de l’injure que
constitue l’adultère est caractérisé : Les relations adultères, entretenues par
l’épouse avec un ami intime de son couple, ont suscité des rumeurs dans leur
village ; les relations conjugales s’étaient détériorées depuis un an, ce que
le mari, très attaché à son épouse, a vécu douloureusement ainsi qu’il s’en
était ouvert auprès de ses proches.
D’autant que l’adultère étant une injure continue, le délai de
prescription ne commence à courir que lorsqu’il cesse, peu important le moment
auquel le donateur l’a connu.
Cour de cassation, chambre civile 1
Audience publique du mercredi 25 octobre 2017, n° de
pourvoi: 16-21136
Publié au bulletin
Rejet
Mme Batut (président), président
SCP Piwnica et Molinié, SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu
l'arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Bastia, 25 mai 2016), que
Didier X… s’est donné la mort le 7 août 2011 ; que MM. Charles et Thomas X…,
(les consorts X…), enfants du défunt issus d’un précédent mariage, ont assigné
Mme Y…, épouse de leur père, en révocation de la donation entre époux au
dernier vivant que ce dernier lui avait consentie le 20 juin 2002 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt de déclarer
recevable l’action en révocation introduite par les consorts X…, alors, selon
le moyen :
1°/ que la prescription de l’action en révocation d’une
donation pour ingratitude est acquise à l’expiration d’un délai d’un an à
compter du fait reproché au gratifié ou de sa connaissance par le donateur ;
qu’en affirmant que l’action n’était pas prescrite au motif que l’adultère
étant un fait d’ingratitude prolongé, le point de départ du délai de
prescription du délai était le moment où ce fait avait cessé, cependant que le
fait d’adultère revêt un caractère instantané, la cour d’appel a violé l’article
957 du code civil ;
2°/ qu’en se bornant à affirmer, pour déclarer l’action
recevable, que le point de départ de la prescription annale était le moment ou
l’adultère avait cessé, sans déterminer la date à laquelle les relations
adultérines supposées avaient cessé, la cour d’appel a privé sa décision de
base légale au regard de l’article 957 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé, dans l’exercice de son pouvoir
souverain d’appréciation, que les relations extra-conjugales entretenues par
Mme Y… avaient perduré jusqu’au décès, le 7 août 2011, de Didier X…, qui n’en avait
pas eu connaissance plus d’un an avant sa disparition, la cour d’appel en a exactement
déduit que l’action en révocation de la donation, introduite par acte du 26
juillet 2012, n’était pas prescrite ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que Mme Y… fait grief à l’arrêt de prononcer la
révocation de la donation pour cause d’ingratitude, alors, selon le moyen, que
la donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d’ingratitude si le
donataire s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves
; que seul l’adultère qui présente le caractère d’injure grave au sens de l’article
955 du code civil, peut entraîner la révocation de la donation ; qu’en se
bornant à relever l’existence d’un adultère, sans caractériser en quoi, au
regard des relations existantes entre Didier X… et son épouse, cet adultère
présentait le caractère d’injure grave, la cour d'appel a privé sa décision de
base légale au regard de l’article 955 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que les relations adultères,
entretenues par Mme Y… avec un ami intime de son couple, avaient suscité des
rumeurs dans leur village et que, depuis août 2010, les relations conjugales s’étaient
détériorées, ce que Didier X…, très attaché à son épouse, avait vécu
douloureusement ainsi qu’il s’en était ouvert auprès de ses proches auxquels il
avait confié ses doutes, la cour d’appel, qui a caractérisé la gravité de l’injure
faite à ce dernier, a légalement justifié sa décision ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n’est manifestement pas de nature à
entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa
demande et la condamne à payer à MM. X… la somme globale de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du
vingt-cinq octobre deux mille dix-sept.
En bref, une femme volage ne peut décidément pas avoir le beurre et
l’argent du beurre du crémier quand elle se fait sauter par le boucher.
Qu’on vive ou non
en « Corsica-Bella-Tchi-Tchi ».
Mais c’est une affaire qui est à rapprocher d’une autre du même genre (et
parité obligeant), plus ancienne :
Cour de cassation, chambre civile 1
Audience publique du mardi 19 mars 1985, n° de pourvoi:
84-10237
Publié au bulletin
Rejet
Pdt. M. Joubrel, président
Rapp. Mme Delaroche, conseiller rapporteur
P.Av.Gén. M. Sadon, avocat général
Av. demandeur : Me Boulloche, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
SUR LE MOYEN UNIQUE, PRIS EN SES DEUX BRANCHES : ATTENDU,
SELON L’ARRET ATTAQUE, QUE LES EPOUX X…, Y… SOUS LE REGIME DE LA COMMUNAUTE
REDUITE AUX ACQUETS S’ETAIENT CONSENTIS UNE DONATION AU PROFIT DU SURVIVANT PAR
ACTE NOTARIE DU 14 OCTOBRE 1947 ;
QUE PAR JUGEMENT DU 17 DECEMBRE 1977 LA SEPARATION DE CORPS
DES EPOUX A ETE PRONONCEE, SUR LA DEMANDE DE LA FEMME, AUX TORTS EXCLUSIFS DU
MARI ;
QUE LE 3 MAI 1979, AU COURS DE L’INSTANCE D’APPEL, MME X…
EST DECEDEE LAISSANT POUR LUI SUCCEDER SON MARI ET SES QUATRE ENFANTS, NICOLE
EPOUSE PORTE, BERNARD, DIDIER ET THIERRY ;
QU’AYANT APPRIS QUE LEUR PERE ENTENDAIT SE PREVALOIR DE LA
DONATION DONT L’EXISTENCE LEUR AVAIT ETE REVELEE LE 20 OCTOBRE 1979, LES
CONSORTS X… L’ONT ASSIGNE LE 22 SEPTEMBRE 1980 AUX FINS DE REVOCATION DE LA
DONATION POUR CAUSE D’INGRATITUDE ;
ATTENDU QUE M. RENE X… FAIT GRIEF A L’ARRET ATTAQUE D’AVOIR
ACCUEILLI CETTE DEMANDE ALORS, SELON LE MOYEN, QUE, D’UNE PART, LE DECES D’UN
EPOUX EN COURS DE PROCEDURE DE DIVORCE EMPORTE L’EXTINCTION DE CETTE DERNIERE AINSI
QUE DES CONSEQUENCES PATRIMONIALES QU’AURAIT COMPORTEES LA DECISION PRONONCANT
DE FACON DEFINITIVE LE DIVORCE OU LA SEPARATION DE CORPS ;
QUE CETTE EXTINCTION DE PLEIN DROIT EMPORTE QUE L’ACTION EN SEPARATION
DE CORPS DE L’EPOUX A… NE SAURAIT ETRE CONSIDEREE COMME POUVANT FAIRE L’OBJET
D'UNE REPRISE PAR SES HERITIERS SOUS FORME D’ACTION EN REVOCATION POUR CAUSE
D’INGRATITUDE CONTRE L’EPOUX B…, LAQUELLE NE PEUT LUI ETRE ASSIMILEE ETANT
DISTINCTE PAR SON OBJET ET SES CONDITIONS D’EXERCICE ;
QU’AINSI L'ARRET ATTAQUE A VIOLE LES ARTICLES 227, 957 ET
1134 DU CODE CIVIL ET 12 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE, ALORS QUE,
D’AUTRE PART, L’ACTION EN REVOCATION D’UNE DONATION CONSENTIE AVANT COMME APRES
LE MARIAGE N’EST OUVERTE AUX HERITIERS DE L’EPOUX A… CONTRE SON CONJOINT
DONATAIRE QU’AUX CONDITIONS PREVUES PAR L’ARTICLE 957 DU CODE CIVIL, DONT
L’ALINEA 2 DISPOSE QU’ELLE DEVRA AVOIR ETE INTENTEE PAR LE DONATEUR OU QU’IL NE
SOIT DECEDE DANS LE DELAI D’UN AN ;
QU’AINSI, EN CONSTATANT QUE L’ADULTERE DU MARI REMONTAIT A
1975, CEPENDANT QUE L’EPOUSE N’AVAIT PAS EXERCE AVANT SON DECES EN 1979
L’ACTION REVOCATOIRE DE L’ARTICLE 955 DU CODE CIVIL, LA COUR D’APPEL A VIOLE CE
TEXTE ET L’ARTICLE 957 DU CODE CIVIL ;
MAIS ATTENDU D’ABORD, QUE LA COUR D’APPEL A CONSIDERE
QU’ETAIT RECEVABLE L’ACTION EN REVOCATION DE LA DONATION FORMEE PAR MME Z… ET
MM. BERNARD ET DIDIER X…, SANS QU’IL AIT ETE BESOIN D’EXAMINER SI CETTE ACTION
ETAIT OU NON LA CONTINUATION DE L’INSTANCE EN SEPARATION DE CORPS INTRODUITE
PAR LEUR MERE ;
QU’AINSI LE PREMIER GRIEF MANQUE PAR LE FAIT QUI LUI SERT DE
BASE ;
QU’ENSUITE, C’EST EN VERTU DE LEUR POUVOIR SOUVERAIN D’APPRECIATION
QUE LES JUGES DU SECOND DEGRE QUI ONT RECONNU A L’ADULTERE DU MARI LE CARACTERE
D’INJURES GRAVES AU SENS DE L’ARTICLE 955 DU CODE CIVIL, CE QUE LE MOYEN NE
CRITIQUE PAS ONT CONSIDERE QUE CES INJURES AVAIENT DURE JUSQU’AU DECES DE LA
TESTATRICE ;
QU’ILS EN ONT JUSTEMENT DEDUIT QUE JUSQU’A CETTE DATE MME X…
ETAIT EN POSSESSION DE SON DROIT D’AGIR, DROIT QUI AVAIT ETE TRANSMIS A SES
HERITIERS ;
D’OU IL SUIT QUE LE MOYEN N’EST FONDE EN AUCUNE DE SES
BRANCHES ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI.
Plus radical, mais même solution, sauf que là, une action en divorce
n’avait pas pu aboutir pour cause de décès, ce qui n’avait finalement aucune
incidence sur la procédure de révocation pour « injures graves »
d’adultère.
Vous aurez d’ailleurs noté que la révocation « pour
ingratitude » est évoquée et, sans en débattre, est repoussée pour
requalifier les faits en « injures graves ».
Ce qui ne souffre d’ailleurs pas de contestation.
Attends, y’a quand même des cochons sur la planète à planter la mère de
ses gosses après 30 ans de vie commune ! Au moins Elizabeth et Phillip,
ils ont tenu ensemble 70 ans sans le moindre coup de canif révélé à leurs
britanniques-sujets…
Finalement, là encore, on ne pouvait déjà pas avoir l’argent du beurre et
le kul de la crémière quand on joue l’andouille dans celui de la charcutière.
Vous voilà avertis, à vous d’en faire le meilleur usage possible.
Bonne fin de week-end à toutes et à tous !
Toujours d'aussi belles perles. "Prescription annale"... c'est amusant...
RépondreSupprimerHein, l'air de rien, ce sont (parfois) des lectures "passionnantes" !
SupprimerBien à toi, Vlad !
I-Cube