Arrêt de la Cour de
cassation, Chambre sociale, du 09
septembre 2015 (n° 14-12779)
Moi, j’adore !
Tu prends un conflit social dans une « boutique » qui fait en l’occurrence
dans la vente de papiers-imprimés.
Conflit qui dégénère en grève.
Normalement et comme partout ailleurs, la grève ce n’est pas le
« Club-Med » : Tu fais retenue sur salaire pour les journées
d’arrêt de travail.
Juste pour les grévistes, les autres sont payés normalement.
Logique.
Mais comme tu es un « patron-social-avancé », tu constates que
parmi tes « canards » mis en vente, certains, malgré la grève, sont
sortis en temps et en heure des imprimeries, alors que d’autres équipes n’ont
pas pu faire.
Alors, généreux avec tes lecteurs, tu « discrimines » et payes
quand même la moitié des retenues aux salariés qui n’ont pas gâché tes
« temps-machine » pour sortir à l’heure.
Bé non, nous dit la cour de Cass : La retenue sur salaire ne peut
être fonction ni du degré de mobilisation du salarié gréviste, ni des
conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise.
« Attendu, selon les arrêts
attaqués, qu'à la suite d'un mouvement de grève ayant eu lieu du 21 au 26
octobre 2010, la société Mondadori Magazines France a décidé que les salariés
des titres qui avaient "bouclé" en temps et en heure subiront une
retenue de 50 % tandis que ceux dont les titres avaient "bouclé" en
retard subiront une retenue de 100 % ; que onze salariés dont Mme De X...,
travaillant au sein du magazine "Science et vie junior", qui ont subi
une retenue de 100% pour les jours de grève, ont saisi le 11 mars 2011 la
juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que la société Mondadori Magazines France fait grief
aux arrêts de la condamner à payer aux salariés un rappel de salaire pour les
jours de grève et les congés payés afférents alors, selon le moyen :
1) que ne constitue pas une mesure discriminatoire en raison
de l'exercice du droit de grève une mesure qui n'opère pas de distinction entre
salariés grévistes et non-grévistes mais seulement parmi les salariés
grévistes, une telle mesure étant par hypothèse indépendante de la
participation du salarié au mouvement de grève ; qu'en l'espèce, il résulte de
l'arrêt qu'à l'issue de la grève, l'employeur a décidé d'effectuer une retenu
de 50 % de leur rémunération aux grévistes travaillant au sein de publications
parues à temps et une retenue de 100 % aux grévistes travaillant au sein de
publications parues en retard ; qu'en jugeant que cette mesure constituait une
discrimination indirecte à raison de l'exercice du droit de grève, la cour
d'appel a violé les articles L2511-1 et L1132-2 du code du travail ;
2) que ne constitue pas une mesure discriminatoire en raison
de l'exercice du droit de grève une mesure qui opère une distinction entre
salariés grévistes en fonction d'un critère objectif indépendant de la volonté
de l'employeur ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt qu'à l'issue de la
grève, l'employeur a décidé d'effectuer une retenue de 50 % de leur rémunération
aux grévistes travaillant au sein de publications parues à temps et une retenue
de 100 % aux grévistes travaillant au sein de publications parues en retard ;
qu'en énonçant que ce motif de différenciation prétendument objectif entre
grévistes procédait, en réalité, de la prise en considération de l'exercice de
son droit de grève par le salarié gréviste au prétexte que l'impossibilité pour
certains grévistes d'être parvenus "à boucler en temps et heure" leur
magazine ne résultait que de l'exercice normal du droit de grève de sorte que
le traitement inégal ainsi réservé par l'employeur à ces deux catégories de
salariés grévistes procédait d'une discrimination indirecte à raison de
l'exercice du droit de grève, la cour d'appel a violé les articles L2511-1 et
L1132-2 du code du travail ;
Mais attendu que les arrêts retiennent à bon droit que la
mesure en cause institue une discrimination indirecte en raison de l'exercice
normal du droit de grève en ce qu'elle prend en compte le degré de mobilisation
des salariés, selon les services, et ses conséquences sur le fonctionnement de
l'entreprise et qu'elle ne peut être justifiée par des éléments objectifs
étrangers à toute discrimination en raison de la grève dès lors que la parution
en retard des magazines résulte des conséquences inhérentes à la cessation
collective du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 1153 du code civil ;
Attendu que, pour condamner l'employeur au paiement de
dommages-intérêts, les arrêts retiennent que le comportement illicite et
insidieux de la société constitue un manquement de l'intéressée à ses
obligations de loyauté envers ses salariés ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à
caractériser l'existence pour les salariés d'un préjudice indépendant du retard
apporté au paiement par l'employeur et causé par sa mauvaise foi, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : casse et annule, mais seulement en ce
qu'ils condamnent la société Mondadori Magazines France à payer aux salariés la
somme de 200 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 19 décembre
2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en
conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d'appel de Versailles, autrement composée.
M. Frouin, Président »
Conclusion : Dès lors que la parution en retard des magazines résulte
des conséquences inhérentes à la cessation collective du travail de
l'entreprise, la différence de traitement ne peut être justifiée par des
éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de la grève.
De plus, ce n’est même pas – pour 200 euros – un comportement « illicite
ou insidieux » !
Donc… tu retiens 100 % à tout le monde et il y en a onze, sur les 3.200 salariés du groupe en comptant les pigistes, qui se sont faits plein de copains !
Je vous l’ai dit d’emblée : Moi, j’adore…
Et qu'y a -t-il à redire à ça? Depuis quand un SALARIE est-il payé parce qu'il obtient des résultats? Un SALARIE est payé dès lors qu'il met ses compétences professionnelles (autrement dit sa force de travail) à la disposition de la personne qui l'emploie. Point barre! Jusqu'à preuve du contraire, le lock out (la grève des patrons) est strictement interdit en France.
RépondreSupprimerDétrompez-vous : Le lock-out est possible et légitime, même en "Gauloisie-du-labeur", quand un mouvement de grève paralyse le bon fonctionnement de l'entreprise depuis un arrêt de la Cour de Cassation de juillet 2000 si je me souviens bien : 15 ans déjà.
SupprimerMais il y avait déjà eu d'autres décisions dans ce sens dans d'autres circonstances auparavant.
Ceci étant dit, rien n'empêche nullement à un employeur de payer, en plus du salaire convenu, des primes, "à la gueule", de performance, de résultat, exceptionnelles, etc.
Ce que nous savions déjà, c'est qu'elles ne peuvent pas être de "présentéisme", notamment en cas de grève pour les non-grévistes, et quelle que soit le libellé de la dite prime.
Donc globalement, la Cour de cassation ne change pas de jurisprudence, et c'est ce que vous notez : Rien à redire !
En revanche, ce qui est assez drôle, c'est la tronche des "grévistes" qui reçoivent la prime et qui devront la rendre.
Ils sont grévistes, n'est-ce pas, et c'était la question de droit : Est-ce que parmi eux, on peut faire "discrimination" par le salaire et les primes sur des critères objectifs (en principe non-discriminants ?)
Eh bien non !
Quand tu ne bosses pas, tu n'es pas payé.
Personnellement, si j'étais l'employeur, je me poserai la question de savoir si je dois payer des meks qui, qu'ils bossent ou non, font quand même le travail ?
Comme vous le dites, ils sont à la disposition de l'employeur, mais trop de temps pour telles tâches, c'est manifestement trop !
Y'a de "l'optimisation" dans l'air à faire !
Trop drôle finalement.
Bonne journée à vous !
I-Cube