Début de
saison en demi-teinte
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Avec le recul, c’est finalement une véritable descente aux enfers qui
durera plusieurs mois qui commence pour Paul, après la quinzaine « paradisiaque
» à bord du « Lisbeth », son ketch méditerranéen, avec Shirley !
Première déconvenue, une histoire qui remonte à la surface après l’épisode
de la fin de la fondation Risle : Le « Nivelle 001 », le prototype d’avion
hypersonique en céramique avait été ramené de Solenzara à Aubenas dans un vol
chaotique à bord duquel se trouvait le « Capitaine Haddock [1] » et aurait dû
atterrir à Orange, sa destination première décidée par le ministère, après le «
loupé » qui a failli tourner à la catastrophe aérienne lors du vol inaugural.
Et comme bêtement, Paul oublie sa mission pour ramener le prototype à
Aubenas, c’est un déluge furibard qui avait déferlé dès le lendemain sur le
standard de l’usine.
D’abord les responsables de l’aéroport, qui voient d’un mauvais œil le
retour d’un prototype qui n’a rien à faire dans leurs hangars ; ensuite
l’équipe de soutien des rampants partie à Orange un dimanche qui se retrouvait
à faire le chemin en sens inverse sur les routes aléatoires de l’Ardèche pour
rien.
Enfin, le ministère qui se réveille, manifestement sur ordre, hurle à la
mort traitant Paul de tous les noms et d’incompétence notoire.
Il est d’ailleurs priés de se présenter boulevard Saint-Germain au plus
tôt et dès le lundi suivant.
Paul se rend compte enfin alors que pour eux, le passage au-dessus du sud
de la méditerranée, sous le nez des radars libyens, tunisiens et algériens,
sans compter ceux de l’Italie, c’est du suicide militaire : Ils ont
parfaitement raison de l’engueuler sur ce point.
Tous ont cru à un bug informatique des radars, mais chacun a déclenché une
enquête de leurs services de renseignements militaires.
Un avion piloté à Mach 5, c’est assez rare pour aiguiser tous les appétits
de tous les curieux de la planète.
Même les « alliés » de l’Otan ont questionné leurs collègues français sur
l’existence de ce prototype qui n’ont pas su répondre quoique ce soit pour ne
pas être au courant, mettant dans l’embarras toute la hiérarchie très … «
embêtée ».
Quant à Miho, l’agent-double coréenne du nord, « casernée » jusque-là sur
la péniche de Mylène, elle s’est alors débrouillée pour revenir sur Paris à
faire le siège de l’appartement de fonction au-dessus des bureaux de la MAPEA.
Et il ne faut pas rêver, sur ordre, naturellement.
Au lundi soir, le prototype est sauvé : Il ne sera pas confisqué ni
démonté tout de suite, mais gardé au chaud par la gendarmerie militaire pour
examen minutieux sur place, avant de finir sa carrière à Orange «
Caritat-Air-Base », BA 115.
Un dernier vol à programmer, peut-être même « par la route ».
« Mais sans histoire ni prouesse,
cette fois-ci ! » lui a-t-on fait promettre.
Il n’en sera rien, mais sur ordre contraire et supérieur, vu le tohu-bohu
déclenché dans les chancelleries par ses deux brèves apparitions dans le ciel…
Une belle esbroufe, comme les aime parfois Paul, quand elles viennent «
d’en haut ».
Le deuxième sujet de contrariété, ça reste Hélène Trois-Dom, la juge
instructrice de l’affaire « ARRCO ». Pas tant de savoir que les organisateurs
et maître d’œuvre sont désormais dans un autre monde, la police montée
canadienne ayant confirmé à la fois le caractère illégal des travaux sur les
greffes de la fondation dissoute, le trafic d’organes sous-jacent avec sa
ribambelle de meurtres et l’existence d’un complot visant à obtenir une loi
bioéthique bienveillante des autorités françaises. Les documents saisis en attestent.
Mais bien plus dans la relation de leur décès fait par Paul aux autorités
canadiennes.
Elle, elle sait, enfin elle suppute, un autre rapport existant entre Risle
et le juge De Bréveuil, le père décédé de Jacques et de Paul.
« Je suis parfaitement d’accord sur
le fait de savoir si tu étais ou non en état de légitime défense quand tu as
abattu Priscilla, le colonel Frank et ses sbires. C’est évident : Tu avais été
kidnappé. Tu cherchais à fuir très logiquement et très légitimement pour
échapper à tes bourreaux ainsi qu’au sort qu’ils te réservaient.
Personne ne te le reproche.
Mais… »
Car il y a un « mais » dans son esprit.
Il y avait eu la « mort fictive » de Jacques, où Paul a baladé la juge et
les flics, même si c’est du passé en voie de métabolisation définitive.
En revanche, pourquoi avoir abattu le Professeur Risle, malade, alité,
quasiment infirme, alors qu’il aurait pu et dû être jugé pour ses nombreux
crimes, ça ne se fait pas. « On ne
peut plus parler de légitime défense pour un homme moribond ! »
Derrière sa question, c’est en fait la motivation de Paul qu’elle
recherche.
Une vengeance personnelle, faire rendre gorge de l’assassinat de son
propre père, il y a plusieurs décennies sur un moribond ou un coup de feu
inopportun… dans le feu de l’action ?
« En fait, je ne sais pas trop.
J’avais besoin de l’hélico pour m’échapper avec Shirley. C’était dans mon
intention première et je n’avais objectivement aucune raison de le détruire.
C’est quand le pilote et le co-pilote ont
tenté de m’abattre que j’ai tiré à travers le cockpit.
Je me souviens de trois coups. Je ne
suis pas un tireur d’élite, quoiqu’en disent mes chefs militaires », qui comptent au moins un obus sur un drap de 25 m²
étalé au sol depuis un avion qui rafale…
Un tireur d’élite, bien installé, bien calé, son arme bien réglée, il met
« carreau » à tous les coups, même sur une cible mouvante.
« Au tir instinctif, tu vises « au
plus proche » et tu corriges ton axe de tir en fonction du premier impact. Les
coups suivants sont au but.
Là, je ne sais pas si ce n’est pas mon
premier tir qui a touché ou non Risle. En revanche, je suis sûr d’avoir touché
les deux autres en plein poitrine après coup.
Et ce n’est que quand je me suis
approché de Risle que j’ai vu qu’il était mort. En fait je parlais à un mort,
mais je ne m’en suis pas aperçu tout de suite.
En revanche, quand j’ai vu sa grenade
dégoupillée choir d’entre ses doigts, là j’ai flippé un max et j’ai entraîné
Shirley à l’abri.
Je n’en sais pas plus. »
Après, c’est le bruit assourdissant de l’explosion qui maltraite les
tympans devenus « cotonneux »
Exit la piste de la vengeance privée ?
Pas si sûr dans l’esprit de la juge.
« Non ! Tu vois, si je dois de me
venger, ce serait plutôt contre les Liamone, Parepoux et l’autre, le sénateur
Lacuistre. Eux, ce sont bien les auteurs directs de l’assassinat de papa, si
celui-ci était confirmé. Mais là, je sais que tu ne feras rien contre ces gens
et j’irai les voir pour leur dire tout le bien que je pense d’eux.
En revanche, si un jour je décide de
faire justice à ta place, premièrement, ce ne sera pas moi, deuxièmement, tu ne
prouveras rien. Troisièmement, je ne serai même pas sur place. »
Et comme pour être plus convaincant, de changer de sujet.
« Mais tu as raison : Je me pose la
question moi-même. N’était-ce pas un tir « involontaire », commandé par mon
subconscient. Je crois que je vais devoir vivre avec cette question sans
réponse le reste de mes jours ! »
Seul lui sait la réponse et s'en porte très bien : Un tir volontaire et direct. Risle était bien
vivant, agonisant peut-être, mais bien vivant quand il l’a exécuté.
Et la grenade qui a fait sauter l’appareil, c’était la sienne, pas celle
du père de Priscilla.
Madame la juge Trois-Dom insistant, Paul finit par se défausser bêtement :
« Tu sais quoi, y’en a une qui peut
m’éclairer sur le sujet… »
Ah oui ? Qui donc à part un bon psychiatre ?
« Tu te souviens de l’affaire du
juge Féyard [2]. » Elle se souvient, puisque c’est à cette occasion-là
qu’elle a fait connaissance de Paul et de ses deux associées, Aurélie et « la
vraie » Charlotte.
« Il y avait deux sœurs. Je crois
que l’une est internée et que l’autre coule des jours heureux dans une prison
du pays pour avoir tué le juge et l’autre baveux. »
Exact !
La Cour d’assises avait été « clémente » : perpétuité avec 22 ans de
peine de sûreté pour la mort du juge, assassiné à coup de couteau de cuisine dans sa
retraite Chartraine, 15 ans pour l’avocat empoisonné à la faculté de Paris, en
tenant compte de larges circonstances atténuantes, les deux peines se
confondant en une seule.
Sa sœur cadette, elle en était devenue « folle à lier », alors même que
c’était son intervention auprès du curé de la paroisse qui avait permis de
mettre fin au bain de sang.
Une histoire affreuse où les deux filles, alors gamines, avaient vu leur
mère violée sur la table d’un restaurant où ils fêtaient en famille
l’anniversaire de l’aînée, viol commis par le fils d’un caïd de la drogue,
complétement shooté à la cocaïne et à l’alcool, avec sa bande.
Leur père avait été tué aussi sec alors qu’il tentait de s’interposer, une
fusillade avait éclatée à travers tout le restaurant faisant 8 autres blessés,
avant que la bande ne se rende sur intervention des forces de l’ordre locales.
Pendant la fusillade, une fois son « affaire » terminée, le gars avait
froidement abattu la mère et avait fait face à la police qui venait d’investir
la salle à grands coups d’armes à feu.
Les fillettes avaient été placées en famille d’accueil, mais bien plus
tard, elles avaient appris que le « big-boss » et père de l’ado tueur-violeur
avait fait des pieds et des mains pour faire innocenter son fils unique.
Une histoire vraiment sordide.
Celui-là, sitôt sorti de prison, il s’est fait allumer par la BRI à
l’occasion d’un braquage raté, sous les ordres de Scorff monté en grade après
l’affaire des bijoux volés de la Guilde.
Un autre carnage, puisque toute la bande y est passée.
En revanche, pour comprendre comment l’institution judiciaire peut
relâcher un coupable, elles l’ont vu faire de leur propres yeux, les deux
filles en ont répondu par ce besoin irrépressible de « se faire justice »,
rendant responsable le juge d’assises, l’avocat et devait y passer aussi le
commissaire Scorff, le alors petit-lieutenant de police judiciaire, enquêteur
sur ce dossier, les assesseurs et tous les jurés.
« Eh bien, tu sais quoi, je me
demande si je ne me retrouve pas dans la même situation qu’elles ? »
Pour savoir, il faudrait qu’elle lui arrange une visite en prison.
« Tu n’y penses pas ! Tu es
responsable de son arrestation ! »
Si, il y songe !
Elle, elle est déjà passé par-là.
Elle saura m’ouvrir les yeux sur mes pulsions inconscientes ou sur leur
inconsistance ».
En fait sur le moment, Paul, bien malgré lui, se sent finalement «
complice » de cette femme-là.
Ils ont, quelle que part, agit tous les deux de la même façon, dans la
même situation, au moins approximativement, mais elle est en prison pour de
longues décennies, alors que lui est libre de ses mouvements…
Totalement incohérent.
Faut dire aussi qu’elle s’était trompée de cible.
Pas lui.
La juge Trois-Dom ne promet rien. Mais elle essayera.
Puis rapidement, il faut se rendre à Montréal. La fondation et les
autorités locales réclament sa dissolution effective. Les papiers sont prêts,
les autorités judiciaires ayant déjà achevé de sceller son sort et ses actifs :
Il ne manque plus que les mandats et pouvoirs qu’il est le seul à posséder.
Ça tombe bien, il compte revenir par Londres pour croiser le destin de «
Lady Joan », comme promis et aller saluer Sir McShiant une dernière fois.
Les canadiens, une fois les papiers signés l’avertissent alors de
l’existence d’une bombe… placée sous le tapis.
« Vous rigolez, j’espère ? »
Pas du tout.
« Votre problème, c’est qu’en
anéantissant la fondation, vous n’allez pas faire plaisir à votre Président. Il
a payé pour son intervention et il ne va pas aimer l’arrêt des activités !
»
Le Président ? Quelle intervention ? Et puis qu’il se démerde : Rien à
battre du « nabot à talonnettes ».
Une histoire démente, à tel point que Paul se l’est fait répéter deux
fois, croyant fermement à une blague de potache, même après le deuxième récit.
Hélas, elle se confirmera, mais un peu plus tard…
De retour en Europe, après avoir reçu les honneurs de l’équipage, comme
souvent à son habitude quand il vole sur des compagnies qui ont des commandants
de bord qui « se souviennent » de ses exploits en Atlantique, il se rend au
chevet de lord McShiant, avant son rendez-vous prévu et confirmé, non plus à
Orly mais à Heathrow, avec la belle « Lady Joan ».
L’homme est épuisé de rejeter son rein greffé depuis de si nombreuses
années par les équipes de Risle, dont il était devenu un des administrateurs de
sa fondation.
Le vieux Lord a le teint cireux, l’œil un peu glauque, les séances de
dialyse incessantes le font souffrir car il a fallu lui ôter son greffon, mais
il reste à avoir toute sa tête. Il s’inquiète pour ses travaux qui n’aboutiront
pas.
Sa « Z-Machine », son moteur sur-unitaire, les recherches de sa
petite-fille Margaret sur les nano-batteries, l’usine de puces électroniques de
son autre petite-fille « Lady Catherin, » l’usine à whisky familiale…
« Ne vous en faites pas. Vous aurez
un rein de substitution. Ils parviendront à vous stabiliser. »
Oui, mais dans quel état ?
Et pour combien de temps ?
« Tout cela est-il bien nécessaire ?
»
Ce qu’il veut, c’est que tout ça ne soit pas détruit. L’usine de whisky,
c’est un héritage familial, tout comme le château. Celle de puces
électroniques, c’est le « joujou » des deux héritières.
« Mais mon laboratoire, il n’y a que
vous pour en comprendre l’intérêt, dans l’immédiat. Pourriez-vous vous en
occuper ? »
C’est forcément plus compliqué que ça : Il va y avoir nécessairement des
droits de successions à payer et donc des financements à trouver. Et Paul n’est
pas sûr d’avoir ni le temps ni les compétences, voire ni l’envie, de reprendre
les travaux du vieux chercheur.
« Lady Joan, l’épouse de mon ami
Thornner, sera une bonne conseillère. »
Avant que Paul ne prenne congé, McShiant le félicite d’avoir mis fin aux
activités de la Fondation.
« Mais je crois que si c’était une
décision nécessaire, elle va vous apporter de nombreux désagréments… »
Pour quelles raisons ?
« Les chinois trafiquaient en
premier, et contre argent sonnant et trébuchant, les organes de leurs condamnés
politiques. Une source de devises en moins, une source de corruption qui
disparaît. Je pense aussi que les chirurgiens qui pratiquaient des greffes ne
vont pas apprécier. Même s’ils sont moins dangereux que les chinois.
Quant aux « clients », certains vous en
voudront, c’est sûr. »
Paul ne lâche pas l’histoire de la « bombe sous le paillasson » dont on
venait de lui faire part. Mais il y pense très fort quand même…
Le vol pour Nice, puis celui pour Bastia, se déroule à merveille. « Lady
Joan » est aux anges, radieuse comme pas deux, d’autant que les équipages sont aux « petits-oignons »
pour elle et Paul. Toute une semaine avec son « french-stalion » rien que pour
elle, sans même être dérangée par les téléphones portables, le rêve.
Pourtant elle a une ambition chevillée au ventre qui pourrait la
contrarier si elle échoue : Faire un enfant à Paul.
Il faut qu’il y consente, maintenant. C’est l’occasion.
La route qui escalade le col de Teghime et redescend sur Patrimonio la
rend un peu nauséeuse. Et le parcours en mer sur la barque de pêche prêtée par
l’ami Vecchia depuis le port de Saint-Florent l’achève.
C’est rompue, fatiguée, l’estomac troublé qu’elle aborde le sémaphore
promis par Paul.
Le temps reste au beau, mais la nuit est fraîche à souhait, d’autant que
le jour décline rapidement. Le cadre est splendide.
Elle adore être prise par Paul, qui sait décidément y faire pour la faire
jouir comme jamais en de longs ébats sensuels.
Fin de la « période faste », commencement de la « période néfaste »…
[1] Cf. L’épisode des enquêtes de Charlotte : « L’opération
Juliette-Sierra » (les derniers chapitres).
2] Cf. L’épisode des enquêtes de Charlotte : « L’affaire du juge Féyard
», à paraître aux éditions I-Cube.
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