Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une
fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de
l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Dans quoi elle s’est embarquée, finalement ?
Agent de liaison après avoir aidé à s’évader deux prisonnières d’un
soi-disant sous-marin nucléaire tapis au fond de l’océan, en plein… milieu de
Paris, tout en forçant la propriété d’autrui qui est aussi un lieu de culte,
elle en est devenue complice d’une profanation.
D’un autre côté, devenue libératrice de celle qui connaît son père, elle
n’a même plus besoin d’envisager un « papier » sur sa boutique
minable pour avoir la pièce du puzzle de sa vie qui lui manque : elle est
à sa pogne !
Mais de là à jouer les entremetteuses avec de dangereux criminels qui
viennent de Sibérie tels des Tartares déjantés, il y a une marge tout de même…
Non mais !
Plus de huit heures de route pour plus de huit cents kilomètres : la
voiture a beau être confortable, une BMW série 3 et en avoir dans le moteur,
c’est quand même fatigant.
Heureusement qu’on peut se faire plaisir sur les autoroutes allemandes,
sauf que d’aller trop vite, on passe son temps le pied sur le frein à
l’approche de plus lents qui se doublent.
Direction Dachau, Lindau sur l‘A99 puis l’A8.
Le chemin passe à proximité d’Augsbourg, d’Ulm, de Göppingen, d’Esslingen
am Neckar, et de Stuttgart. Déjà 200 bornes et quantité de radars croisés.
Passage à proximité de Pforzheim, puis l’A5/E35/E52, Baden-Baden et enfin
Iffezheim. Pour finir sur la B500, passer la frontière sans le moindre contrôle
juste après la centrale électrique « au fil de l’eau » posée sur le
Rhin et on entre en France à petite allure, dépassés les 320 km !
Le jour où les chars russes devront aller jusqu’à Brest libérer le pays,
ça sera forcément plus lent, mais probablement tout autant facile.
Là, il s’agit de rattraper l’A35 vers Haguenau puis rejoindre l’A4/E25 en
direction de Paris où il faut prendre un ticket-péage à Schwindratzheim : le
premier après 4 heures de route.
Igor en profite pour s’acheter un sandwich et un café, refaire un plein et
se soulager la vessie un peu plus loin.
Passage à proximité de Sarrebruck : 9 euros laissés au péage de Loupershouse.
De nouveau, 4,60 € à celui de Saint-Avold.
Contournement de Metz, prise de ticket à Beaumont pour un péage de 23,70 €
à Montreuil !
Les français ne pensent vraiment qu’à ça : faire payer le quidam qui
passe !
Et puis encore plus loin, à Coutevroult : 2,30 €…
Pour finalement se retrouver ralenti par les encombrements à l’approche de
la Marne, traversée une dernière fois et continuer vers le Quai de Bercy, puis
le Quai de la Rapée.
Il se guide au GPS avec sa plaque allemande : bien qu’hésitant on ne
le klaxonne finalement pas trop.
Les parisiens sont pourtant des enragés quand ils circulent à la
queue-leu-leu, mais pas plus qu’à Moscou.
Igor remonte successivement les boulevards de l’hôpital, Saint-Marcel,
Port-Royal, Montparnasse, puis à droite le boulevard Raspail jusqu’à l’hôtel
Lutétia, la rue de Sèvres et enfin à gauche la rue Saint-Placide.
Il laisse sa voiture devant le parc de vélib’ désert qui s’étale sur plusieurs
dizaines de mètres, à charge pour le voiturier de l’hôtel d’aller la garer un
peu plus loin dans le parking réservé à l’avance avec un code.
Et il grimpe dans sa chambre, sans prétention, pour brancher son
ordinateur et se signaler sur le site crypté du service.
« RAS. Fatigué. »
Il n’a qu’une envie, c’est de se doucher, de se changer et d’aller prendre
un verre au piano-bar Joséphine du Lutétia qui vient à peine de rouvrir. La
brasserie ne l’est toujours pas…
Il ira manger dans un restaurant voisin, le Rousseau, patronyme du
précédant exploitant, le Daroze étant fermé, à proximité de son hôtel dont la
rue débouche sur le célèbre « Bon Marché ». Qui ne l’est pas du tout…
Qui doit bien avoir également une table à offrir.
Ce sont les bons côtés des missions à l’étranger : on se dépayse
facilement !
Et il rentre dormir de tout son saoul…
Le lendemain, ça se bouscule. À peine le croissant avalé, il ouvre son
portable. Il y a un message de la nuit : « Contacter Nataliya. Urgent. »
Nataliya est en fait, le lieutenant Zinovyi Prokhorovich, attaché « culturel »
de l’ambassade et du bureau local du FSB, l’adjoint du chef de centre. Qui lui
répond par sms en russe, pour retarder l’éventuelle traduction, prélude à une
filature : « Square Boucicaut. 60 u ». Une heure, en somme.
C’est à proximité. Il a le temps de flâner un peu et de repérer les
lieux : quatre entrées-sorties, plus deux accès au parking souterrain
situé en dessous, en revanche des caméras partout au carrefour de
Sèvres-Babylone. Il aurait dû se méfier hier soir.
Il le fera les prochaines fois.
Un moustachu baraqué arrive à l’heure, un journal plié sous le bras.
Il salue de la tête et s’assied sur le banc où a pris place Igor, comme s’ils
ne se connaissaient pas.
Et ouvre son journal.
« Qu’est-ce qui se passe ? »
La cible B s’est évadée.
Comment ça ?
« Ce n’est pas possible ! »
Si ! « Hier matin, pendant
que vous étiez sur la route. »
Toute seule ?
« Probablement pas : ils
sont passés par les égouts pour découvrir « la baignoire » et son
mécanisme. »
Mais comment ont-ils pu faire pour la localiser ?
« Mystère. Une enquête est en
cours et on nous envoie du lourd depuis Moscou pour prendre des mesures. »
Des ordres nouveaux ?
« Pas encore. Restez à l’écoute
mon capitaine, je vous tiens au courant. »
Igor indique qu’il va sur place pour se rendre compte.
« Très bien. » Et il referme
son journal, regarde sa montre et se lève de son banc sans même saluer son
supérieur, comme s’ils ne se connaissaient toujours pas, son journal replié
sous le bras.
Charlotte évadée, son plan B à l’eau, son plan A est vraiment mal en
point !
Incroyable.
Comment ont-elles fait ?
Il faudrait qu’il rentre à Moscou pour s’occuper de ça. Mais justement, puisqu’il
est sur place, ce n’est pas le moment de filer, quitte à se dévoiler.
Il hèle un taxi qui passe : de toute façon, il y a une tête de
station de l’autre côté du « Bon Marché ».
Pendant ce temps-là, Dimitri exulte. La veille, le logiciel a sonné
l’alerte sur plusieurs « Z » en circulation, comme à son habitude.
Nathalie avait commencé à les tracer un à un, qui se sont ensuite révélés
être des « roses », des « fichés » usant de cryptage ou
ayant fréquenté des sites islamiques.
Mais au soir, quand elle est rentrée chez elle, il lui en restait trois
non-identifiés. Et Dimitri, qui ne compte pas ses heures supplémentaires, reprend
les dossiers laissés en jachère.
Et l’un d’eux a basculé « rose » en début de soirée en émettant
depuis un IP inconnu et le wifi d’un hôtel au cœur de Paris, FAI parfaitement
identifié, lui.
Un petit visionnage des caméras du quartier alentour et environ une heure
trente plus tard, la machine « match » toute seule un profil.
Un profil inattendu : probablement celui qui est passé sous les
portiques de péage de l’autoroute A4 dans l’après-midi avec une voiture
immatriculée en Allemagne.
Ce qui fait deux « Z » identifiés d’un seul coup, puisque c’est
le même, un type caucasien portant une petite moustache dont il imprime un
portrait qu’il digitalise ensuite pour torturer le logiciel pendant la nuit.
« Tiens, tiens… Voilà un client
bizarre… »
Aux premières heures de la journée suivante, le logiciel l’aura identifié
comme étant un officier du FSB, le même qui traine sur un des fichiers autour
de la cathédrale de Salisbury, il y a quelques mois de ça, mais « maquillé »
d’un collier de barbe noire.
Ce qui permet, en fouillant les archives des aéroports de Londres, d’avoir
des images plus nettes et d’identifier le bonhomme comme étant le capitaine
Igor du FSB, imberbe dans les fichiers !
« Bonne pioche ! Igor est
sur Paris et crèche rue Saint-Placide. »
Parfait lui répond-elle. « Je
prends les billets en espérant que Paul sera là à temps ! »
Il est arrivé dans la nuit chez lui, quai Montebello.
« Je l’appelle alors ! »
Ce qu’elle fait depuis son bureau.
« Parfait patron. On y
va ! » fait-elle en sortant de sa pièce son portatif encore collé
à l’oreille.
« Je fais la réservation pour
l’Eurostar de 13 heures. Le rapide qui arrive à quatorze heures trente sur
place heure locale. Je l’imprime et j’envoie un coursier à l’adresse de son
hôtel… Toi, Dimitri, tu appelles ADN et Alexis. Qu’elles soient sur le pont. »
Aussi vite dit, aussi vite fait.
« Il vient de se mettre en
« on ». Je peux le suivre en direct. Je ne le lâche plus,
celui-là ! »
Avenue Rapp, Igor entre tranquillement, se signe et file d’un pas
nonchalant vers le bâtiment de gauche, là où se trouve « le bocal ».
Le planton le laisse pénétrer le bâtiment sans qu’il n’ait rien eu d’autre
à faire que de dire son mot de passe. Un sésame.
Et il se présente au responsable qui l’emmène vers les sous-sols à travers
un dédale d’escaliers dérobés.
« La baignoire » est plantée au milieu d’un hall sous-terrain
pas très impressionnant par ses dimensions. C’est en fait une piscine de quatre
mètres de profondeur dans laquelle se tient un étrange cylindre tronqué, monté
sur une série de vérins.
On accède à l’intérieur par un des deux bouts aux entrées articulées depuis
la salle des transmissions qui reste flanquée d’une armurerie et d’un petit
stand de tir qui part en direction de la Seine, et par une série de bureaux et
de salles de réunion et par l’arrivée des fluides de service qui sert d’issue
de secours de l’autre côté.
C’est un vieux concept « amélioré » pour mettre en condition un
suspect qui va être interrogé.
À l’origine, les cachots souterrains de la place Loubianka faisaient à
peine 2 mètres de diagonale, plongés dans l’obscurité totale et on ne pouvait
pas s’y tenir debout.
Par la suite, le procédé de désorientation a été poussé plus avant en
faisant croire au prisonnier qu’il avait été « mis au secret » dans
un endroit inconnu du commun des mortels lui laissant l’impression qu’il ne
serait jamais libéré. Au moins le temps nécessaire pour une introspection
intensive sur lui-même et ce qu’il avait à se reprocher.
Puis, il est apparu indispensable de disposer de « bocal »
hermétique en territoire étranger, coupé du reste du monde. Le FSB s’est alors
inspiré des « caissons » inventés pour les spationautes pour juger de
leur aptitude à la promiscuité et un responsable a dû trouver astucieux d’imaginer
le même dispositif simulant un sous-marin, avec quelques « gadgets »
en plus pour faire plus vrai. L’objectif visé était de laisser supposer au prisonnier
qu’il ne pouvait pas s’évader sous l’océan et que personne ne viendrait le
chercher en grande profondeur : il était ainsi « totalement soumis »
à ses geôliers.
La conversation roule en russe.
« Ils sont passés de l’autre
côté »…
L’accès d’intendance, alors que lui rentre par l’accès principal qui
s’ouvre sur une salle de commandement d’un sous-marin. Tout y est factice, mais
assez étroit et encombré pour donner l’illusion que le pylône du massif des périscopes
n’est pas un leurre.
Et les « cellules » se situent plus loin, vers le fond.
Effectivement, les deux cellules sont vides, les serrures ayant été
forcées au chalumeau, la porte du fond également et le mur d’accès aux égouts
parisiens partiellement démonté.
Comment peut-on repérer cette « baignoire » enterrée sous le
niveau de la Seine, sous un bâtiment protégé et surveillé 24 heures sur 24 pour
y trouver ce qu’on cherche ?
Parce que les filles de la cible B n’ont pas pu sortir toutes seules, sans
outil ni chalumeau, c’est une évidence quand on est sur place.
Comment sans que les détecteurs sismiques n’aient pas vu les travaux
préparatoires ?
L’enquête qui va suivre le dira peut-être.
Décidément une bien mauvaise planque : à peine utilisée, elle est déjà
éventée !
On aurait dû enfermer la « cible B » au fin fond de la Sibérie…
Puisqu’il n’y a rien à tirer de cette inspection sommaire, Igor revient à
l’air libre, estomaqué.
Comment ont-ils fait ?
Le qui, il n’a déjà aucun doute, sauf énorme surprise, puisque ça ne peut
pas être ni des agents complices et traites du service – ils sont assez peu
nombreux à connaître cet endroit « dont on ne s’évade pas » – puisque
même les agents de l’ambassade ignorent son existence, ni même un service
concurrent comme le GRU.
Quant aux services de renseignement et les flics de ce pays, ça reste de
grands naïfs indigents du neurone…
Quant au pourquoi, c’est plus compliqué semble-t-il : comme il
l’avait lui-même suggéré à Charlotte par téléphone quand elle était « sous
l’eau », le GRU aurait immédiatement réagi et aurait décidé de contrarier
les plans du service en s’emparant des prisonnières ?
C’est dans leurs cordes.
Il faut les guetter à leur domicile et bureaux…
Et pour détenir les prisonnières où au juste ?
Ils ne sont en principe pas équipés en France…
Pour en faire quoi ?
Il faudrait qu’il rentre à Moscou pour lancer ses limiers sur cette idée à
creuser.
Soit il s’agit d’une contre-attaque de « Charlotte », la cible
« A »…
Dans quel but ?
Comment aurait-il pu savoir tout du plan élaboré ?
Le connaît-il seulement, voire même imagine-t-il qu’il puisse
exister ?
Ce n’est pas possible : cette opération de manipulation est bien trop
compliquée, trop complexe pour qu’on puisse aligner tous ses éléments dans un
même scénario logique !
C’est justement la spécialité de son service et on avait examiné sous
toutes les coutures l’ensemble de l’opération dans ses moindres détails qui ont
été validés par l’état-major.
Les filles retenues ont bien mordu à l’idée qu’elles étaient retenues
prisonnières par l’armée, la marine, piégées au fond de l’océan dans un
sous-marin…
Elles ne pouvaient pas communiquer et encore moins savoir où elles étaient
en réalité.
Il se décide à rentrer à pied en traversant le quartier du Gros-caillou, à
la fois pour profiter de l’air de la fin de matinée et son temps clément, mais
surtout pour réfléchir sans être dérangé.
Après avoir repris son chemin depuis l’École militaire située au fond du
Champ-de-Mars, il suffit de prendre la rue de Babylone, à contresens de la
circulation automobile, pour revenir dans son quartier et il fait une halte
dans un petit estaminet en face de la caserne de gendarmerie.
Ce n’est pas mauvais, mais c’est bruyant. Et puis, il y a plein de caméras
de surveillance et des flics en faction devant le secrétariat de l’Hôtel
Matignon : pas très sain pour lui.
Au dessert, c’est décidé, sauf contre-ordre de sa hiérarchie, il rentre,
en voiture jusqu’à Bruxelles et après il improvisera : il n’a plus aucun
moyen de contraindre « Charlotte » et si celui-ci veut le rencontrer,
il n’aura qu’à venir à Moscou lui-même !
C’est bien décidé à décamper, alors même que son téléphone reste muet,
qu’une surprise l’attend à la réception de son hôtel.
Et quelle surprise !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire