Une affaire « sexiste » ?
Qui date un peu, mais je ne l’ai retrouvée que
récemment.
Je résume : Tu fais les choses bien. Tu es
convaincu qu’il faut une « parité » « homme/femme » dans
tes ateliers.
En l’occurrence de « découpe » de bidoche.
Et pour faire les choses « bien », tu
investis dans des couteaux tout-neuf que tu confies à ton personnel sans
distinction ni d’ethnie, ni de religion, ni d’âge, ni de lieu de résidence
habituelle, ni de genre, de sexe ou d’orientation sexuelle.
Le patron idéal, quoi, puisque tu payes tout le monde au
même prix, à la pièce de boucherie tailladée.
Paf, un accident : Une donzelle se blesse
bêtement avec ses outils de travail, et tu te retrouves trainé devant les
tribunaux comme un sale malfrat exploiteur du labeur d’autrui !
Ce qui me choque, c’est que le gars est condamné parce
que sa victime est une femme qui ne sait pas utiliser correctement un couteaux
de découpe de cadavre animal :
Cour de cassation, deuxième chambre civile
Audience publique du jeudi 11 octobre 2018
N° de pourvoi :17-23694
Mme Flise (président), président
SCP Coutard et Munier-Apaire, SCP Thouvenin, Coudray
et Grévy, avocat(s)
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu
l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 21 juin 2017),
qu’ayant été victime, le 21 octobre 2005, d’un accident du travail, alors qu’elle
effectuait une mission au sein de la société Presta Breizh, Mme X…, salariée de
la société Breizh interim, entreprise de travail temporaire, a saisi une
juridiction de sécurité sociale en reconnaissance de la faute inexcusable de
son employeur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Presta Breizh fait grief à l’arrêt
d’accueillir la demande de Mme X…, alors, selon le moyen :
1°/ que la présomption de faute inexcusable de l’employeur
instituée par l’article L. 4154-3 du code de la sécurité sociale au bénéfice
des salariés intérimaires est une présomption simple qui peut être renversée
lorsque l’employeur établit avoir pris les mesures nécessaires pour préserver
le salarié des risques auxquels il était exposé ; qu’en jugeant que la
présomption de faute inexcusable n’était pas renversée et que la survenance de
l’accident était entièrement imputable à la faute inexcusable de l’entreprise
utilisatrice, tout en constatant que la société Presta Breizh avait
institutionnalisé un système de remplacement automatique sur simple demande du
salarié et des couteaux usés, remplacé les couteaux à neuf quatre jours avant l’accident,
ce qui était conforté par deux attestations, et qu’elle mettait à disposition
de chaque employé des gants de protection anti-coupure et anti-piqûre dont l’usage
leur avait été expliqué, ce dont il résultait que les mesures nécessaires
avaient été mises en place pour prévenir les risques liés au poste de pareur et
que l’employeur ne paraît pas avoir conscience du danger, la cour d’appel n’a
pas tiré les conséquences de ses allégations en violation des articles L. 452-1
du code de la sécurité sociale et L. 4154-3 du code travail ;
2°/ que la présomption de faute inexcusable de l’employeur
instituée par l’article L. 4154-3 du code de la sécurité sociale au bénéfice
des salariés temporaires est une présomption simple qui peut être renversée par
l’employeur qui établit avoir pris les mesures nécessaires pour préserver le
salarié des risques auxquels il était exposé ; qu’il est constant et constaté
par la cour d’appel que les couteaux avaient été changés à neuf quatre jours
avant l’accident, ce que Mme X… ne contestait pas et ce dont il se déduisait
que la société Presta Breizh avait mis à disposition des salariés des outils
aux normes, de sorte qu’il appartenait à Mme X…, qui indiquait que son couteau
était usé et qu’il n’avait pas été changé, de rapporter la preuve de ses
allégations ; en tenant pour acquises les allégations de Mme X… selon
lesquelles elle avait utilisé le jour de l’accident un couteau usé dont le
remplacement lui aurait été refusé, quand elle ne rapportait pas le moindre
élément de preuve de nature à appuyer de telles allégations, et exigeant
parallèlement de la société Presta Breizh – qui démontrent qu’il existait une
procédure de remplacement automatique des couteaux usés sur simple demande du
salarié et que les couteaux avaient été changés par des couteaux neufs
seulement quatre jours avant l’accident – qu’elle justifie que « le couteau
utilisé lors des faits, 04 jours plus tard, était toujours « aux normes » »,
la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation des articles L.
452-1 du code de la sécurité sociale et L. 4154-3 du code du travail ;
3°/ que la cassation qui ne manquera pas d’intervenir
sur les branches précédentes en ce qu’elles critiquent les chefs du dispositifs
par lesquels la cour d’appel a jugé que l’accident du travail dont Mme X… a été
victime le 21 octobre 2005 est imputable entièrement à la faute inexcusable de
la société utilisatrice, emportera par voie de conséquence et en application de
l’article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs du dispositif
de l’arrêt attaqué relatifs aux conséquences de la faute inexcusable et en
particulier à la fixation au maximum prévu par la loi de la majoration de la
rente sur la base d’une incapacité permanente partielle de 70 %, à l’ordre de
procéder à une expertise médicale, à l’allocation à Mme X… d’une indemnité
provisionnelle d’un montant de 5.000 euros et à la condamnation de la société Presta Breizh à garantir la société Breizh Interim des
conséquences financières de la faute inexcusable mises à sa charge ;
Mais attendu que la présomption de faute inexcusable
instituée par l’article L. 4154-3 du code du travail ne peut être renversée que
par la preuve que l’employeur a dispensé au salarié la formation renforcée à la
sécurité prévue par l’article L. 4154-2 du même code ;
Et attendu que l’arrêt constate, d’une part, que Mme X…,
salariée d’une entreprise de travail temporaire, mise à disposition de la
société Presta Breizh était affectée, en qualité d’ouvrière pareuse, à un poste
de travail présentant des risques particuliers pour la santé et la sécurité des
salariés, d’autre part, que cette société ne justifie pas lui avoir dispensé
une formation renforcée à la sécurité au sens de l’article L. 4153 du code du
travail ;
D’où il suit que le moyen est inopérant ;
Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une
décision spécialement motivée sur le second moyen annexé qui n’est
manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Presta Breizh aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette
la demande de la société Presta Breizh et la condamne à verser la somme de 3.000
euros à Mme X… ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième
chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze
octobre deux mille dix-huit.
Autrement dit, dans cet arrêt, la Cour de cassation a
jugé que lorsque l’intérimaire victime d’un accident du travail n’a pas
bénéficié d’une formation renforcée à la sécurité pour les nouveaux
couteaux, dès lors, l’employeur commet une faute inexcusable !
À croire que parce que c’est une femme, il lui faut
nécessairement une formation « renforcée » à l’usage du coutelas.
Les meks, ils apprennent son usage dans les combats de
rue, peut-être ?
Affectée à un poste de découpe de viande (poste présentant
des risques particuliers pour la santé et la sécurité), la salariée s’est
blessée probablement du fait que l’employeur avait renouvelé quelques jours
avant l’accident les couteaux utilisés et avait mis à la disposition des
salariés des gants de protection anti-coupure et anti-piqûre.
Il estimait avoir rempli ses obligations en matière de
sécurité.
Que nenni : Malgré ses arguments, la Cour de
cassation juge pourtant que l’employeur n’a pas apporté la preuve d’avoir
dispensé la formation renforcée à la sécurité et commet par conséquent une
faute inexcusable entraînant l’indemnisation spécifique du préjudice subi.
La conclusion juridique est parfaitement logique.
En revanche, je note de mon côté que si un accident
entraînant une invalidité permanente de 70 % est toujours inexcusable (le bonhomme
– ou la femme – ne valant plus que 30 % d’une vie normale), aucun autre salarié
n’est heureusement signalé, même en le déplorant, dans la boutique de découpage
de bidoche.
Serait-ce que la salariée était particulièrement
maladroite ?
De toute façon, confier un couteau à un tiers, même
une dame, reste toujours dangereux.
Chez les « bons découpeurs-bouchers », ils emmènent
avec eux leur matériel sur leur lieu de travail affecté : Un bon ouvrier
se reconnaît à ses bons outils.
Quitte à indemniser (hors cotisations sociales) les
renouvellements de matériel.
Peut-être que les sociétés Presta Breizh et Breizh
Interim devraient en tirer les conséquences idoines : Si tu n’es pas
qualifié, pas d’embauche.
Va repasser ton permis de port de couteaux !
Mais ce que j’en dis ou rien, une fois de plus…
Bonne fin de week-end tout de même à toute et à tous :
Méfiez-vous seulement des lames bien aiguisées !
I3
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