« Exit
l’exit-tax », coucou, elle revient…
Vous vous souvenez de « Môa, Lambda le
cocu » de service pour être « ignoble et
infreequentable » ? Eh bien, un « correspondant » s’est bien
marré et m’a fait remarquer que « Jupiter », il dit que des
konneries.
Certes le 1er mai dernier il a accordé une interview au
magazine Forbes dans lequel il explique mettre un terme à « l’exit tax ».
Le dispositif inscrit à l’article 167 bis du CGI qui initialement devait
dégager 200 millions d’euros/an, et ne réussira in fine qu’à rapporter 53 millions en 2012, 63 millions d’euros en
2013, et 70 millions en 2015.
Et « Jupiter » de nous faire la leçon sur le très mauvais coup
porté contre les « start-up » du pays : « Une grave erreur pour nos start-up parce que nombre d’entre elles,
quand elles considéraient la France moins attractive, décidaient de lancer
leurs projets en partant de zéro à l’étranger dans le but d’éviter cet impôt
», tout en n’étant « pas particulièrement
bénéfique pour les finances publiques ».
Bien.
Mais ce qu’il n’a pas dit c’est que cette suppression va s’accompagner
d’une création « fac-similaire »… à un autre niveau. Spécifiquement
pour les soi-disant start-up, ce qu’il supprime au niveau des particuliers, il
le recrée au niveau des entités assujetties à l’IS et ce à l’échelle de
l’Europe !
Car ces dernières se trouvent « spécifiquement » à la
conjonction entre deux taxes. Pour les entrepreneurs qui quittent la « Gauloisie-fiscale »,
entreprise en main (notamment parce qu’elle est en forte croissance et qu’il
faut lever des capitaux à l’étranger avec bien souvent obligation d’y reloger
le siège social), le transfert de capitaux (enfin sa plus-value) sera frappée
par une… nouvelle « exit tax » européenne, cette fois-ci, à travers
l’IS… à partir de 2020 !
À un taux que nous ne connaissons pas encore aujourd’hui car il dépendra
des états membres.
Magnifique, non ?
J’ai vérifié les dires de « mon-correspondant » : Il est
prévu de mettre en place de « l’exit tax » à travers l’article 5 de
la directive du 12 juillet 2016, transcrite en droit-interne par la loi de
finances 2019…
Rentre alors en application, le 1er janvier 2019, la directive
européenne dite « ATAD » (pour Anti-Tax Avoidance Directive) sur la lutte
contre les pratiques d’évasion fiscale en date du 12 juillet 2016 dans
l’ensemble de l’UE et de l’EEE. Il s’agit d’une « exit tax » qui ne
concerne plus les personnes physiques à proprement parler mais les entités
assujetties à l’IS (sociétés personnes morales commerciales). L’article 5 de la
directive consacre à la mise en place d’une « imposition à la sortie » (comprendre une nouvelle « exit Tax »
européenne) dont la transposition par voie dérogatoire est attendue au plus
tard avant le 31 décembre 2019 dans l’ensemble des législations des pays
membres signataires.
Dès les premiers déplacements pérennes de capital, d’activité ou de
résidence fiscale, les plus-values sur les actifs de ces entités deviendront
exigibles ! Si bien qu’indirectement c’est la rémunération de l’actionnaire
qui sera touché (et qu’importe sa propre localisation géographique).
Les stratégies d’optimisations fiscales seront donc rendues plus
difficiles, et significativement dans le cas « Gauloisien » où les
prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises sont notoirement plus
importants qu’ailleurs. Alors évidemment, cette fiscalité vise avant tout à
frapper les « GAFAM » et les grandes entreprises en cas de changement
de domiciliation de la structure de leur capital (bien que les groupes intégrés
ne soient pas concernés).
En revanche, à frapper les gros, on assomme les petits et sans doute les
firmes à fort potentiel de croissance… les licornes de demain qui voudraient se
relocaliser en Irlande par exemple.
J’adore la perspective : Il est urgent de se procurer une structure
« coquille-vide » à Dublin ou Malte (voire de l’autre côté de l’océan
ou à Moscou ou Kiev) si vous avez un « projet-fort » en préparation…
En vertu de la théorie de l’incidence fiscale, le renforcement de la
fiscalité touchant les transferts de capitaux, impactera nécessairement et
symétriquement la rémunération des personnes physiques détentrices de tout ou
partie de ce capital. Si bien que « l’exit tax » supprimée d’un côté
(personnes physiques à un barème jusque-là progressif) sera partiellement
reconstituée de l’autre et sans doute avec une « productivité » plus importante
que la précédente pour les finances publiques nationales (via les déplacements
d’actifs et d’activités).
On ne taxera plus la circulation des personnes physiques mais celle des
personnes morales…
(« Ces êtres qui sont des
fictions juridiques pour ne pas pouvoir déjeuner avec… » en disait un
de mes profs de droit.)
L’ATAD (Anti-Tax Avoidance Directive) vise à reprendre pour partie un
paquet de dispositions relevant des initiatives BEPS (développées par l’OCDE : La
question des dispositifs hybrides élargis aux pays tiers [hybrid mismatches] [action n°2], les déductions d’intérêts [action
n°4] et les CFCs, renforcement des règles fiscales applicables aux entreprises
étrangères contrôlées [action n°3].)
Cette directive met en place un principe général anti-évasion (GAAR [General anti-avoidance rules])
permettant de compléter les lacunes législatives constatées dans les
dispositifs domestiques des pays membres, tel qu’il s’agit de lutter contre les
montages fiscaux jugés « non-authentiques
» par les administrations locales concernées (le pouvoir des « petits-chefs »…),
la clause générale mise en place agissant comme une clause balai lorsqu’il
n’existera pas d’autres règles anti-abus applicables pour le montage considéré.
Une règle très proche de celle applicable par la directive mère-fille…
Mais aussi une « exit tax » (article 5) qui lui sont propres et
autonomes.
Cette disposition qui ne faisait pas partie du programme BEPS (Base erosion profit shifting) trouve ses
origines dans les discussions sur les enjeux internationaux dans la perspective
de la mise en place de la réforme ACCIS (assiette commune consolidée de l’impôt
sur les sociétés), en cours de négociation.
La mise en place disjointe et rapide de ce dispositif d’imposition à la
sortie, recouvrera en réalité 3 types de transfert : Les transferts de
capitaux, les transferts d’activité et les transferts de résidence.
Et il ne devrait pas s’appliquer aux transferts de fonds intragroupes (y
compris en cash). Comme le détaille la directive (§10), « l’imposition à la sortie permet de garantir que lorsqu’un contribuable
transfère des actifs ou sa résidence fiscale hors de la juridiction fiscale
d’un État, ce dernier impose la valeur économique de toute plus-value générée
sur son territoire même si cette plus-value est encore latente au moment de la
sortie. »
Même si par ailleurs, « il est
souhaitable d’autoriser les États membres à se référer au moment où le droit
d’imposer les actifs transférés est perdu. Le droit d’imposition devrait être
défini au niveau national. »
« L’exit tax » de l’article 5 définit une « imposition à la sortie » afin d’empêcher les entreprises (lorsqu’elles
conservent parallèlement le contrôle ou la propriété) de délocaliser leurs
actifs dans le seul but d’éviter l’impôt. Cette « exit tax »
s’appliquera dans l’ensemble des états membres sur les actifs transférés hors
de leur territoire, qu’il s’agisse d’un transfert d’actifs du siège vers un
établissement stable ou l’inverse, d’un transfert de résidence fiscale vers un
autre état membre ou un état tiers, ou d’un transfert d’activité exercé par un
établissement stable vers un autre état membre ou un état tiers.
Et on parle encore de « libre circulation des biens et des
personnes » au sein de l’UE…
La taxation obligatoire sera calculée sur un montant égal à la valeur des
actifs transférés, au moment de la sortie, diminué de la valeur fiscale desdits
actifs. Enfin, les pays de destination des transferts devront accepter la
valeur déterminée par l’État de départ, sauf si celle-ci ne respecte pas
manifestement la valeur de marché.
Le contribuable sera toutefois autorisé à échelonner le paiement de
l’impôt à la sortie sur une durée de cinq ans. Cet échelonnement n’est ouvert
que dans les situations intra-UE et EEE (espace économique européen), moyennant
la constitution éventuelle de garantie en cas de « risque réel et démontrable de non-recouvrement. »
Cependant si le contribuable ne respecte pas ses obligations de paiement,
le sursis de paiement du reste à échoir deviendra immédiatement exigible et
recouvrable.
Par ailleurs il est prévu que les transferts financiers ayant vocation à
revenir à l’État d’initiation du transfert au sein d’une période de 12 mois, ne
sont pas assujettis à la nouvelle taxe.
C’est beau ce chantier « d’harmonisation fiscale » (qui se
réduit actuellement et finalement aux seuls « droits de douane » et
aux assiettes de TVA en attendant autre chose de plus concret)…
La situation est donc particulièrement cocasse. La suppression de « l’exit
tax » Gauloisienne devrait intervenir au sein du PLF 2019, tandis que la
transposition de la directive ATAD devra l’être sans doute dans un collectif du
budget 2018 car la plupart de ses dispositions sont applicables au 1er
janvier 2019, sauf le fameux article 5 de « l’exit tax » européenne
qui peut être transposée au plus tard fin 2019 pour une application au 1er
janvier 2020. Bien entendu le véhicule choisi ne sera pas celui du projet de
loi actuellement en discussion au Sénat sur la fraude fiscale.
Faut-il rapprocher « l’exit tax »
« Bling-Blinguesque », qui pesait sur les individus, de la future « exit
tax » européenne, qui va peser sur les personnes morales ?
Il s’agit de faire jouer les mêmes règles fiscales, à savoir la taxation
par le pays d’origine des plus-values latentes. Mais dans le premier cas, c’est
l’impôt sur le revenu des personnes physiques qui entre en jeu, et dans le
second c’est l’impôt sur les sociétés.
Et l’assiette sera naturellement beaucoup plus importante, puisqu’il
s’agira des plus-values des personnes morales.
L’effet sera aussi différent : Lorsqu’un contribuable personne
physique quitte le pays qui l’a vu naître pour des raisons fiscales, il s’agit
pour une grande majorité de personnes retraitées, qui transfèrent leurs
capitaux mobiliers mais non les biens eux-mêmes : Leur départ n’aura pas
d’effet fiscal au titre de « l’exit tax » européenne.
Inversement, cette dernière entrera en jeu lorsque l’entreprise sera
délocalisée par voie de transfert des biens, alors que ses propriétaires
personnes physiques peuvent ne pas s’être eux-mêmes délocalisés…
J’adore pour tout vous dire.
D’autant que reste pendante la question des propriétaires de start-up qui
ne sont pas forcément des sérials entrepreneurs et pour qui rechercher la
croissance passe par un exil fiscal personnel mais aussi professionnel en
déplaçant l’entreprise dont ils assurent la croissance.
Pour ces derniers… la suppression de « l’exit tax » gauloisienne
est une bonne nouvelle, mais la mise en place de « l’exit tax »
européenne en est une mauvaise, car elle rendra leur quête de capital plus
compliquée qu’aujourd’hui.
Si « l’exit tax » européenne prend un point de vue seulement
économique, et avec des conséquences qui devraient être financièrement beaucoup
plus importantes, sa justification n’en est pas plus évidente. En effet, il
s’agit d’une atteinte fondamentale à la liberté de circulation des biens et des
capitaux. Mais elle a pour raison d’être l’absence d’harmonisation des règles
fiscales à l’intérieur de l’espace européen, et pour objectif la protection des
économies nationales contre la tentation de transférer les biens productifs
dans des pays à taxation moindre.
L’harmonisation fiscale sera-t-elle au rendez-vous au bout du bout ?
Pas nécessairement, bien au contraire : Chaque pays est d’ailleurs encore
libre de donner ou non effet à la directive en choisissant le taux national de
taxation qu’il souhaite (fut-ce zéro), puisque la fiscalité reste du domaine
national.
Il n’empêche que les « sachants » savent parfaitement s’adapter
dès qu’il s’agit de GIEE, voire de société « européenne-commune »
comme Eutelsat…
Et puis, soyez rassurés, il est peu probable, vu le niveau de la fiscalité
gauloisienne, que « Jupiter » se saisisse de l’opportunité que lui
offre la directive pour introduire un « taux-zéro » dans le panel des
impositions.
Vous le savez, tant qu’il n’y aura pas de convergence budgétaire forte, il
n’y aura pas de fiscalité convergente en Europe, les uns faisant du dumping
pendant que d’autres font des rapines pour payer un train de vie
« somptuaire ».
C’était la priorité du quinquennat, mais on n’en voit toujours pas l’ombre
du commencement.
Et l’Europe-sociale dans tout ça ?
Bé elle roule à l’allure d’un train de sénateurs, pas très pressée, alors
que les services sont « sous pression », tellement ça reste kafkaïen.
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