Le
cas « d’Air-Transe »
Je reste un « mercenaire » du redressement d’entreprise en
difficulté. Maintes fois, je le répète, « une belle qui a connu son heure
de gloire, elle doit pouvoir le retrouver ». Il s’agit de remettre
« en marche » l’outil de travail avec ses « serviteurs-salariés
& mandataires » (des esclaves des « choses ») en échange de
la conservation des « savoir-faire » (contre salaire : Pas
question de licencier qui que ce soit, les « pas contents », ils
partent et on les remplace par des « qui y croient ») ; et ainsi
revaloriser « la boutique » sans frais.
Si… mes honoraires et ceux de « mes équipes » d’ingénieurs-experts
ainsi que ceux de quelques intermédiaires.
Il y a plusieurs raisons possibles d’une décrépitude entrepreneuriale.
« La boutique » s’est fait piquer une partie de son marché par plus
performant. Le classique. Elle n’a pas su communiquer, elle n’a pas su
s’adapter, elle n’a pas su réduire ses coûts et/ou apporter une « valeur-ajoutée »
supplémentaire à son activité avec « effet commercial ».
C’est ce qui va arriver à la SNCF où, si rien n’est fait, d’unique actrice
d’un « marché-captif » elle va devoir souffrir de l’arrivée d’une
concurrence encore incertaine et floue.
Naturellement, comme pour la SNCM (la compagnie transméditerranéenne
chargée de la continuité-continentale d’avec la
« Corsica-Bella-Tchi-Tchi ») qui a fini par disparaître malgré les
tombereaux de subventions sous lesquels elle croulait (du bon
impôt-gauloisien !) sous les coups portés par la concurrence italienne et
« Corsica Ferry » (siège social à Bastia…) qui fête ses 50 ans
d’existence cette année. Le « monopole » disparaissant (une
signature du ministre des transports, « coco-stalinien » à l’époque
aura suffi), la valse des dirigeants mandatés par des actionnaires
« frileux » et piégés, elle ne pouvait pas survivre dans son
organisation historique.
Le problème de la SNCF, c’est que sa « réforme » reste timide,
calquée sur celle de « Trans-Télécom », alors que les
syndicats-ouvriers préféreraient une réforme type EDF.
Des « modèles » inapplicables pour « Air-Transe »,
tellement les écarts de salaires à « gérer » restent importants.
Trois fonctions donc : La production, la vente, la gestion.
Si tu ne produits rien, tu ne vends pas ou tu deviens
« broker ».
Si tu produits et que tu ne sais pas le vendre, tu meurs.
Si tu ne sais pas gérer, pas la peine ni de vendre, ni de produire, tu
couleras aussi sûrement que l’éphémère compagnie aérienne « Air
Lib’ » confiée à Jean-Charles Corbet, dit « Big-Moustache »,
patron du SNPL au moment des grèves « d’Air-Transe » de 1998, en
amont du mondial de foot du moment…
Un cas classique d’organisation : Tu mets un ingénieur à la tête
d’une boîte, il va te sortir des petits-bijoux des ateliers (c’est le cas de la
plupart des « start-up » : Je sais, j’en ai accompagné), mais
comme Citroën, il va se faire avaler.
Tu mets un « financier » à la tête des hypermarchés
« Euromarché » (un banquier attiré par le « cash ») et
l’enseigne disparaît.
Tu mets un « vendeur » comme chez Codec, Félix-Potin ou les
Luce, ça te fait un empire et puis quand les enfants ne savent plus vendre, ça
meurt et disparaît.
Et puis alors quand tu mets un « technocrate » de « sachant »,
censé savoir faire la « synthèse » des trois métiers, quand ça
marche, ça fait Renault, Simca-1000-Pigeot, Dassault, et quand ça foire, ça
fait Carrouf (ils ont fini par jeter le leur pour survivre) ou Moulinex.
Je n’invente rien : Il suffit d’observer et de tenter de comprendre.
À ce jeu-là, la SNCF est foutu. « Air-transe », pareil.
La malédiction du « sachant ».
Je vous rappelle que l’actionnaire minoritaire de la compagnie
gauloisienne est américaine (à hauteur de 8,8 %) et elle, elle a su se
redresser de façon spectaculaire : Elle s’appelle « Delta ».
Au départ, ça devait servir d’exemple à « Air-Transe » puisqu’elle
est un cas d’ékole.
Rappelez-vous, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, sous la
houlette de Leo Mullin, la compagnie du Sud-Est des États-Unis voit ses coûts
exploser. Son patron est alors obsédé par la qualité de service, quand les
consommateurs regardent avant tout le prix. Il passe un accord avec ses
pilotes, qui font de ces derniers les mieux payés au monde – certains gagnaient
alors plus de 300.000 dollars par an. À tel point qu’en 2005, la société est
placée en procédure de faillite.
Ce qui guette la compagnie Gauloisienne…
Son avenir ne tient alors plus qu’à un fil, mais le nouveau patron Gerald
Grinstein négocie avec ses créanciers (gérer les finances), parvient à éviter
une grève de ses pilotes (produire), tout en revoyant leurs salaires à la
baisse et montre l’exemple (car « il y croyait ») : Il coupe sa
rémunération de 25 %. S’ensuit un plan stratégique qui délaisse les liaisons
les moins rentables, licencie plus de 10 % des effectifs et fait la chasse aux
moindres coûts.
En 2007, la compagnie sort de la procédure de faillite, en avance sur son
plan.
Mais Grinstein ne manie pas que le bâton. Il persuade les créanciers d’abandonner
15 % de leur participation aux salariés, afin d’associer ceux-ci aux efforts de
relance. Son successeur Richard Anderson renouvelle largement la flotte et
concrétise la fusion avec Northwest, dont les actifs complètent ceux de Delta.
Les deux compagnies parviennent à dégager des synergies pour 2 milliards
de dollars et Northwest ouvre à Delta les portes de l’Asie.
C’était un peu l’idée des dirigeants « d’Air-Trans » avec son alliance
avec KLM (voire un temps Alitalia qui a échoué), Renault avec Nissan et j’en
passe.
C’est aussi cette opération qui rapproche Delta « d’Air-trans »,
Northwest étant alors associé à KLM. Déjà partenaires dans l’alliance Skyteam
depuis 2000, puis dans la joint-venture transatlantique avec KLM et Alitalia,
les deux compagnies finissent par trouver un accord capitalistique l’an
dernier, quand China Eastern Airlines et Delta prennent chacun 8,8 % « d’Air-trans ».
Et les observateurs spéculaient déjà sur la possibilité pour Delta de profiter
des déboires « d’Air-trans » pour monter au capital.
Aujourd’hui, cette possibilité existe encore, mais dans l'immédiat, les
problèmes de son partenaire pèsent sur son cours, qui a ouvert la semaine dernière en
repli de 13 % (1,3 % pour Delta) : Encore un peu, et ça ne vaudra plus
rien…
Delta se porte pourtant bien. En ce début d’année, la compagnie a publié
des résultats supérieurs aux attentes, bénéficiant d’une stratégie qui vise
plutôt les « voyageurs aisés ».
Sur un marché américain tiré par le prix, Delta se distingue en apportant
des services que n’offrent pas ses concurrents, avec des tarifs qui demeurent
plus élevés que la moyenne. Elle talonne désormais American Airlines en nombre
de passagers et pourrait bientôt repasser devant.
Enfin, le partage des bénéfices lui assure la paix sociale : L’an dernier,
pour la quatrième année consécutive, elle a redistribué plus d’un milliard de
dollars à ses salariés. Deux fois plus qu’United et American Airlines réunis.
Tous réunis, pilotes (PNT), cabines (PNC) et personnels au sol
(commerciaux, logistique) dans le même effort à la performance.
Je me rappelle très bien être intervenu chez « Air-Trans » en
qualité de consultant pour rappeler tous les bénéfices d’accords « gagnant-gagnant »
permis par la loi à travers les périphériques de rémunération inventés par la
législation nationale (et ça avait commencé avec De Gaulle, c’est dire l’historique
accumulé et la solidité juridique du « bidule »).
Le « cousin Spin-êta » a préféré une loi « action
contre salaire ». Mais on a longtemps peser le pour et le contre. Il faut
dire que trois populations d’effectif venaient de « fusionner » :
Air-Inter (les court-courriers), UTA (l’Afrique), compagnie elle-même issue de
plusieurs fusions de « crevards » locaux et la prestigieuse compagnie
nationale des long-courriers transatlantiques et vers l’Asie venait à peine d’être
digérée. Non sans difficultés, avec des statuts salariés disparates et parfois
aberrants.
Avec une concurrence démentielle des « ricains » (Pan-Am venait
de disparaître bouffée par sa concurrence et ses propres incompétents) et des britanniques (allemands, scandinaves et même russes).
Aujourd’hui, le marché n’est plus le même : Des contraintes
réglementaires bien plus lourdes, l’apparition du low-cost qui a fait son trou
durablement, des créneaux horaires d’exploitation rares et diaboliques, des
hubs ultra-performant et des avions toujours plus sûrs, plus chers, mais plus complexes
à piloter (les licences).
Les conditions de la « production » se sont durcies… au fil des
catastrophes aériennes successives.
On pourrait rentrer dans les coûts d’exploitation pour comprendre :
Si dans le temps, le prix du carburant pesait lourdement sur comptes
analytiques d’un vol, désormais, ce sont les coûts connexes (équipages,
maintenance, infrastructure) qui dominent, malgré la hausse du prix du baril de
brut.
Et je ne raconte même pas les coûts de la vente (et de l’après-vente),
même s’ils restent plus marginaux que le reste.
À cela se rajoute un problème de démographie : Si le transport aérien
s’est « démocratisé » (le « Jet-Set » de Francesca Sagan se
déplace désormais en avion privé) pour se développer, c’est un véritable appel
d’air qui se produit avec les compagnies des « pétromonarchies ».
Dans 10 ans, on aura besoin de 10.000 équipages (complet : PNT + PNC)
supplémentaires, multilingues.
On parle de 533.000 personnels dans les 20 ans à venir…
Comme les armées ne forment plus que des pilotes de drone, ça va devenir
compliqué… à former, recruter et … fidéliser.
Et on ne parle même pas des temps de stages de « remise à niveau »
et de contrôles, pour une santé « impeccable » de pilotes : Une
vie d’enfer, juste pour le plaisir de « s’envoyer en l’air »
Quoique…
Aussi, l’avenir d’une compagnie généraliste comme « Air-Trans »
passe par ses équipages (la production), c’est incontournable.
Mais elle passe aussi (ça va devenir une évidence) par des solutions de « diversification »
(la vente) : Le low-cost, c’est bien, mais si c’est l’évolution naturelle
des « lignards », ce n’est qu’un appoint : Quand un appareil est
au sol, il coûte et ne rapporte rien, il faut le faire voler.
Les choix deviennent compliqués : Faire voler deux classes dans le
même engin, c’est un peu contre-nature, notamment avec des « low-cost »
(qui ne font voler qu’une classe, le secret de leur réussite). Viendra le moment
où la même compagnie aura deux avions pour une même destination, l’une « luxueuse »,
l’autre « de vrac »…
Pour l’avoir expérimenté, tu es secoué de la même façon, relativement
aussi bien traité et la différence de prix n’est pas très sensible (on se fait
beaucoup de fantasmes sur le sujet, mais les sites de réservation font leur
office en « lissant » les écarts dès que tu ne voyages plus en
première-classe qui a pour seuls avantages que le quart de champagne offert et
un accès rapide à la porte de sortie… mais comme tu dois attendre avec les
autres ton bagage en soute, le gain de temps n’est appréciable que si tu n’as
pas de bagage… et le champagne n’est pas toujours de bonne qualité).
Car, les avions ne sont pas conçus de la sorte par les avionneurs :
Ils mélangent volontiers les serviettes et les torchons dans la même carlingue.
Quant à la génération des futurs supersoniques (et hypersonique, le Zhest
notamment) elle est encore dans les cartons à dessin (et les calculateurs).
En revanche, arrivent à grands renforts de recherche-appliquée les drones à
courte-portée, les « taxis-volants » et des « gros-porteurs »
de fret parfois plus léger que l’air.
Eh oui, un des lourds handicaps de l’aviation civile, c’est qu’elle est « jeté
loin » des centres villes, sur des aérodromes en bout de route (à cause
des nuisances sonores), contrairement au rail qui arrive pile-poil en premier
cercle des villes. Je ne connais pas la plus correcte des solutions, mais une
rupture de charge (avec bagages) air/route (ou rail) n’est pas des plus commodes.
Je serai pédégé d’une compagnie aérienne, je développerai des solutions « commodes »
et « tout compris », du « premier au dernier kilomètre »
pour mon client après l’avoir bichonné en vol.
Le luxe (néanmoins tout relatif).
Le socle à développer, mais je n’en entends pas parler : On reste encore
dans l’aérien pur, alors qu’il faudrait pouvoir vendre un trajet complet entre
deux adresses sans les inconvénients de trainer ses bagages et subir les
attentes interminables aux divers guichets qui parsèment le parcours du
voyageur.
Ce qui reste assez drôle, c’est qu’on sait le faire avec le fret…
DHL, FEDEX, UPS, TNT, par exemple, savent très bien faire, franchissant
les contrôles de douane et de police sans aucune difficulté…
Évidemment, ça passe par une « logistique » impeccable, avec des
personnels navigants et au sol « motivés ».
On n’en est pas encore là, les uns s’arcboutant sur la pénurie des
compétences annoncée, les autres sur l’absence d’un projet cohérent d’entreprise.
Référendum ? KO debout, exit le « pédégé ». Le suivant
ne fera pas mieux.
La SNCF ? Idem : 15 % de « producteurs » bloquent 40 %
(ou 60 % ou plus) de la « production ». La faute à une absence de
projet d’avenir cohérent.
Quand le gars de chez « Uber » viendra pour le même prix vous
attendre en gare (ou sur le tarmac) pour se saisir de votre bagage et vous
porter chez vous (un « plus » indéniable pour les commerciaux), là,
ils vont avoir du mal… à faire pareil avec leurs z’avions (ou inversement).
Qui de l’un ou de l’autre va y penser le premier ?
Parce que ce sera une révolution culturelle… seulement à venir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire