Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une
fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de
l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Des « services », qui plus est « expérimentés », les
russes en disposent en quantité depuis bien avant la disparition des archives
de l’Okhrana, officiellement la « Section de préservation de la sécurité et de
l’ordre publics » généralement abrégé en Okhrannoye otdeleniye qui était la
police politique secrète de l’Empire russe à la fin du XIXème siècle
et au début du XXème siècle.
Le développement des services secrets de la Russie tsariste ainsi que de
leurs méthodes a fortement été influencé par les évolutions subies par le pays.
La façon dont la succession d’Ivan le Terrible est gérée fait que ceux qui
l’ont suivi, une fois au sommet, se retrouvent tous en manque de légitimité.
C’est surtout le cas des premiers Romanov, élus à la tête de la Russie par
d’autres nobles bien plus légitimes qu’eux.
Pour se légitimer définitivement, il lui faut alors, et d’une façon ou
d’une autre, éliminer les fondations et les élites associées à son
prédécesseur, et ce principe s’étend au sein de la dynastie elle-même.
Dans ce paradigme, les services secrets deviennent un outil parfait pour
la légitimation du pouvoir personnel de chaque nouveau tsar. Ce n’est pas
anodin si les services secrets sont presque toujours rattachés directement à la
chancellerie du tsar.
Et ça reste toujours le cas…
Le premier pas vers des services secrets plus performants est alors
réalisé par Pierre le Grand : une histoire qui mérite d’être
rapportée !
Considéré aujourd’hui comme l’un des plus grands tsars russes, Pierre le
Grand connait pourtant des débuts très instables qui ont par la suite contribué
à sa volonté de créer des services de renseignements plus professionnels et
performants : le jeune Pierre a vu de ses propres yeux l’exécution de ses
oncles ordonnée par sa demi-sœur Sofia. De cette confrontation pour le pouvoir
avec elle et une partie de la noblesse, il ressort renforcé mais traumatisé.
Une fois la totalité du pouvoir entre ses mains, il se consacre à une
forte occidentalisation de la Russie, accompagnée par une modernisation
économique et militaire.
Sur le moment, les réformes de Pierre le Grand suscitent énormément de
résistances, à la fois ouvertes et cachées, de la part des nobles mais aussi du
peuple.
En réponse aux complots et rébellions qui secouent la Russie entre 1698 et
1705, le tsar s’appuie alors beaucoup sur sa « chancellerie secrète »
pour mener des opérations de répression.
Non content de punir les insurrections, le tsar souhaite surtout les
prévenir et pour cela crée l’Ordre de Préobrajenskoie (ODP).
Ce nouvel organe administratif a pour domaine d’activité les crimes d’État
(avec le droit de juger et exécuter les suspects), la lutte contre la
corruption et le contre-espionnage.
Son plus grand atout réside dans le droit d’intervenir dans les domaines
réservés de toutes les autres administrations. Dans cette configuration, toutes
les activités peuvent potentiellement relever de la sécurité d’État.
Cette approche est par la suite cultivée durant des siècles en Russie.
À la tête de l’ODP est placé le prince Romodanovski, dont le seul nom
évoque la terreur chez les sujets du tsar. Il a d’abord sous ses ordres de
faibles effectifs : 10 personnes seulement dans l’appareil administratif.
Néanmoins ces derniers peuvent s’appuyer sur deux régiments de l’armée préférée
du tsar : le Préobrajenski et le Semenovski pour réaliser les arrestations, les
tortures, etc.
L’affaire la plus célèbre de l’ODP reste celle du fils de Pierre le Grand,
le tsarévitch Alexeï. En désaccord avec son père au sujet de ses réformes et
proche de la mouvance « traditionnaliste », ce denier fuit en Autriche où il
vit sous un faux nom et sous la protection de l’Empereur local.
Malgré cela, il est retrouvé et se fait convaincre par un agent de l’ODP
de rentrer en Russie.
Pierre, étant sûr que son fils est rentré seulement parce qu’il s’apprête
à le renverser avec l’aide des nobles opposés aux réformes, lance tout de suite
une grande investigation à propos de ce potentiel complot. Afin d’accélérer les
choses et en jouant sur la concurrence, une autre administration est créée pour
mener l’investigation du complot : la « Chancellerie Secrète ».
Cette dernière se consacre entièrement à l’affaire du tsarévitch Alexeï et
son premier objectif est de décrypter les codes de communication des membres de
la conspiration.
C’est grâce à la torture du tsarévitch lui-même que cette information
précieuse est obtenue. Étant une structure ad-hoc,
la « Chancellerie Secrète » doit disparaitre à la fin de l’affaire du
tsarévitch, mais Pierre le Grand en décide autrement en conservant les deux
structures de sécurité d’État.
Ces deux administrations seront fusionnées plus tard, en 1731, pour
devenir la « Chancellerie des Affaires Secrètes » (CAS).
Et de constater que cette tendance existe encore aujourd’hui : d’abord une
rivalité entre plusieurs structures de l’État ayant des fonctions
quasi-identiques puis leur éventuelle fusion en une seule administration
extrêmement puissante.
En 1731 la « Chancellerie des Affaires Secrètes » s’installe
finalement à Saint-Pétersbourg de manière permanente, avec un bureau à Moscou.
En 1754 les agents de la CAS reçoivent un guide écrit sur la façon de
mener les sessions de torture des suspects.
Ce document préconise des mesures adaptées à la situation avec une
augmentation progressive de l’intensité des moyens appliqués.
L’emploi systématique de la torture envers tous les suspects fait de la
CAS, et de loin, l’administration la plus détestée de l’Empire, à tel point
qu’en 1762 le tsar Pierre III se trouve obligé de faire une déclaration sur
l’abrogation de l’institution. En réalité, elle change simplement de nom et
passe sous la responsabilité du Sénat en tant qu’« Expédition Secrète »,
pour ensuite renaitre sous le règne de Catherine II.
À cette époque, le Sénat n’est pas une assemblée législative, mais une
administration composée de 10 responsables nommés par le Tsar, en charge des
affaires courantes en cas d’absence du Tsar : des supplétifs de confiance.
Ainsi, un défilé des monarques en manque de légitimité sert à gonfler
l’importance et la taille des services secrets, et notamment leur fonction de
lutte contre les ennemis politiques.
Sous l’impératrice Catherine II par exemple, la mort très suspecte de son
mari Pierre III provoque l’émergence d’un certain nombre de « prétendants » qui
se disent être le tsar Pierre III. C’est le genre de complot contre lesquels les
services secrets doivent lutter.
Le problème des révoltes paysannes occupe également une grande partie de
leur temps.
C’est sous Catherine II que les méthodes commencent à évoluer. Une plus
grande importance est désormais accordée à la façon dont les services secrets,
indissociables de la personne du monarque, sont perçus par la population : la
torture devient une mesure exceptionnelle.
C’est également par un souci d’image internationale dans une Europe des
Lumières, que Catherine II interdit certaines pratiques jugées trop barbares.
Sous son règne, on commence alors de plus en plus à utiliser la
persuasion, y compris via les aumôniers des prisons qui écoutent les
confessions des détenus, pour ensuite en faire des rapports pour la « Chancellerie
secrète ».
Du côté de l’investigation, on voit apparaitre la récolte d’informations
dans les endroits publics via des agents qui ont pour mission d’écouter les
conversations du peuple.
La correspondance est également systématiquement ouverte et examinée grâce
à la collaboration des services de la poste.
Ainsi, nait une sorte de première tentative de surveillance de masse de
tout un peuple.
Malgré cette surveillance et l’omniprésence des services secrets, le règne
de Catherine II est surtout marqué par la forte influence de la garde
impériale, le corps militaire d’élite qui l’a aidé à prendre le pouvoir.
Les complots au sein de cette garde impériale sont donc pris très au
sérieux et un climat d’hostilité s’installe entre la « Chancellerie des
Affaires Secrètes » et ce corps militaire d’élite. Catherine II espère
contrôler ainsi les pouvoirs politiques croissants de la garde impériale, celle
qui « fait les tsars ».
Cette opposition entre les services secrets et l’armée s’accentuent lors
de l’expédition italienne du général Souvorov en 1799 : au cours de cette
campagne militaire le général lui-même ainsi que ses officiers sont surveillés
par la « Chancellerie des Affaires secrètes » afin qu’ils ne soient
pas « contaminés » par des idées révolutionnaires des troupes françaises
auxquelles ils s’opposent.
Sur le front intérieur, la lutte contre les espions de la France impériale
devient peu à peu une priorité en vue d’une confrontation pressentie comme inévitable
contre Napoléon. Dans les archives de l’administration russe on trouve des
informations sur au moins 60 espions français documentés entre 1810-1812, mais
pas toujours arrêtés.
Bien évidemment tous les ressortissants français résidant en Russie à
l’époque sont mis sous surveillance étroite et tout le contenu de leur correspondance
est scrupuleusement analysé.
Il en ressort que les efforts des agents français sont surtout concentrés
sur le financement des cercles d’opposition à l’absolutisme et sur le sabotage
de l’armée russe.
Juste avant la confrontation directe avec la France, les renseignements
militaires sont de plus en plus sollicités de part et d’autre. Ainsi ils
réussissent en 1812 à faire tomber entre les mains des Français des « plans du
haut commandement militaire russe » : une opération de désinformation parfaitement
réussie, qui permet aux troupes russes de se replier en bon ordre.
Toutefois, en voulant à tout prix lutter contre la menace napoléonienne,
le tsar Alexandre Ier crée plusieurs administrations doublons sous
la responsabilité des différents ministères.
Cela conduit progressivement à une désorganisation globale et une baisse
de la qualité des services.
Dans la lutte contre les ennemis politiques, une relative innovation
apparait durant cette période : si surveiller l’opinion publique n’est plus
suffisant pour le tsar, il faut l’influencer et la tester. Pour cela des agents
provocateurs sont envoyés dans des lieux publics afin de lancer des rumeurs ou
de faire des déclarations anti-tsaristes dans le but de dénicher des opposants
potentiels.
C’est également durant cette période qu’on commence à observer des
infiltrations actives et méthodiques des « clubs » d’intellectuels afin de
mieux les surveiller, ou même d’orienter leur pensée.
Cette volonté du contrôle s’étend même au-delà des sections
traditionnelles de la société.
Ainsi, des hommes au service de l’État infiltrent progressivement le monde
du crime organisé et les prisons afin d’avoir une meilleure connaissance du
monde « souterrain ».
Malgré ces innovations, les services secrets décentralisés d’Alexandre Ier
s’avèrent incapables d’empêcher le soulèvement de décembre 1825 (l’insurrection
décabriste, un soulèvement d’officiers opposés à l’autocratie russe).
À la suite de ces événements, un rapport est publié par Benckendorff, un
militaire vivement intéressé par les questions de sécurité intérieure. Et c’est
à la suite de ses recommandations que se crée finalement la « Troisième
section de la Chancellerie Impériale » qui allait exister de 1825 à 1881.
Comme c’était déjà le cas au XVIème siècle, cette nouvelle
police était rattachée directement à la chancellerie du tsar.
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