Je savais l’enfer administratif kafkaïen.
À une époque reculée, j’avais pu compter 712
formulaires Cerfa de toute sorte, plus 137 procédés de télé-déclarations, 545
formulaires en ligne, 187 modèles de courriers à l’administration à l’adresse
des seuls particuliers.
On pouvait également compter 178 procédés de télé-déclarations
plus ou moins obligatoires et 1.044 formulaires déclaratifs pour les
entreprises, plus 41 types de déclaration pour les associations et je ne vous dis pas les demandes de subventions : Chaque collectivité a son propre jeu de formulaires.
Un total de 2.844 dossiers possibles et différents, tous
formant parfois de véritables « petits-bottins » mondains, dont chaque
élément doit être justifié par quantité d’annexes et « preuves écrites »,
pour justifier de l’autorisation de ceci ou de cela…
Et évidemment, rien pour aller pisser en urgence contre
une borne kilométrique sur un bord de route : ça reste interdit.
45 euros d’amende, le prix du pantalon, si vous êtes surpris.
Que même, compte tenu de l’âge avancé de ma prostate personnelle
qui en a déjà vu tellement passer et de mon taux stratosphérique de glycémie-accélérée,
ça vaut la peine de pisser sur soi !
Dégueulasse, répugnant même, je sais, mais c’est la loi…
La « liberté d’exister », de vivre, d’être
tout simplement, cernée par l’administration forcément… pléthorique.
Pléthorique, parce qu’il y a celui qui reçoit le document,
celui qui l’exploite et l’examine dans le détail, qui vous retoque « votre
dossier » parce qu’il manque une pièce ou une signature, parfois seulement
un tampon ou un cachet et vous demande de le reconstituer selon la norme
usuelle ;
Parce qu’il y a celui qui instruit, celui qui
contrôle, celui qui signe l’autorisation sollicitée, la permission de faire, le
tout sous le contrôle du voisin qui peut jusqu’à aller demander à un juge d’invalider
l’autorisation ou la décision de rejet, parfois des années plus tard…
Sachant aussi que le tout s’enchaîne : Vous ne
pouvez pas avoir l’autorisation de stocker des palettes en bois dans tel
endroit si les pompiers ne sont pas passés vérifier l’existence d’extincteurs
prévus dans le permis de construire ou d’ouverture de votre bidule, qui lui-même
n’est pas délivré sans l’autorisation du ministère de l’environnement et des
risques majeurs instruite à travers « votre dossier » constitué
préalablement et contrôlé pour savoir si vous n’avez pas omis un extrait d’acte
de naissance et de casier judiciaire, par les services de la préfecture locale
qui passe quand ils ont envie…
Kafkaïen vous dis-je : Nos libertés publiques,
notre liberté d’entreprendre, de vivre tout simplement, s’épuise de jour en
jour, tous les jours face aux déferlantes des « hommes de papier »…
Alors pensez bien que quand j’ai appris que le
ministre de la simplification administrative allait proposer cette semaine d’alléger
jusqu’à 1.200 autorisations administratives, j’ai failli « syncoper »
pour de bon.
Heureusement, j’avais ma bouteille de vieux rhum –
celui pour les cas d’urgence et les grandes occasions – à portée main pour m’en
remettre…
Parce que quoi ?
Sur 2.844 formulaires divers, source de « permission »
ou autre, désormais il y en aurait 1.200 qui allait disparaître ?
Même pas la moitié.
« Ah bé non
mon bon I-Cube, tu n’as rien compris ! »
Je me disais aussi… si on faisait disparaître d’un
trait de plume 42 % du boulot de l’administration, on allait pouvoir dégraisser
les services, redéployer les effectifs à des tâches moins ennuyeuses et plus
impérieuses et même envisager de commencer à réduire vos déficits publics…
« Il s’agit
seulement de mettre en place un délai après lequel, en cas de silence de l’administration,
l’autorisation est accordée. »
Arg…
« Le même
pour tous, au moins ? »
Oui … pour tout le monde mais à chaque demande
son propre délai d’instruction.
En bref, encore kafkaïen… pour purger les recours, en
pense-je.
Euh… mais c’est déjà le cas, non ?
« Non, pas
encore pour tous. Mais ça va faire faire jusqu’à 18 milliards d’économie
cumulées sur 5 ans en 2017 ! »
Seulement ?
Ils rigolent là : Aucun n’a pensé à jeter le bébé
avec l’eau du bain ?
Mettre au panier les 2.844 « demandes de »
et leurs annexes plus les autres « pièces à joindre ».
Parce que bien sûr, vous n’y croyez pas non plus une
seule seconde.
Demandez donc à la « nichée de mon pote »
qui passe son permis de conduire (bé oui, il faut être autorisé…) au début de
février dernier, les doigts dans le nez et qui reçoit sa carte-inviolable, là,
la semaine dernière, fin octobre…
Bé oui, c’est long et difficile que d’aller du
rez-de-chaussée du bureau d’accueil jusqu’aux sous-sols de l’imprimante…
Long et difficile.
Et encore, le préfet de police était sur le coup pour
accélérer la procédure, vu que la « nichée de mon pote », elle
conduisait le car de CRS où elle avait été affectée sans son permis…
Délinquante et pas assurée « la nichée », quoi !
Bref, un gros travail de « simplification ».
Parce qu’en d’autres termes, il a fallu dresser la liste des
1.200 délais d’attente spécifiques.
Trois mois après la demande de dérogation de sectorisation
scolaire, 2 mois après la demande d’inscription à l’université nous dit-on.
Deux mois après la demande d’immatriculation d’un
artisan.
Six mois pour les demandes de modifications de droits
attachés à des brevets, considérées comme autorisées par l’Institut national de
la propriété industrielle (INPI).
Un principe qui entrera en vigueur le 12 novembre pour
toutes les autorisations qui concernent l’État et ses établissements publics.
Pour celles qui touchent les collectivités locales et
les organismes de sécurité sociale, un délai d’un an supplémentaire a été
décidé.
Mais entre-temps on aura constitué un groupe de 9
chefs d’entreprises chargés d’étudier chaque nouveau projet de loi ou décret
qui touche la vie des entreprises. Ce groupe, dont les membres ne sont pas
encore connus, devra être opérationnel le 1er janvier 2015.
S’ils trouvent des locaux et les budgets…
Ils devront se prononcer dans un délai maximum de 21
jours, et leurs avis, bien que consultatifs (pas fous non plus les « sachants », des fois qu'on leur pique leur boulot), devraient être rendus public.
Ces chefs d’entreprise seront également chargés de
faire des propositions pour supprimer les normes devenues
inutiles.
Autre serpent des mers de la simplification, « François
III » devrait aussi évoquer les bulletins de paye.
25 ans qu’on en cause utilement.
Un chantier d'envergure menée conjointement avec la
mise en place progressive de la déclaration sociale nominative (DSN), qui sera
obligatoire pour toutes les entreprises à partir du 1er janvier
2016.
Après la DUE et la DADS, maintenant dématérialisées,
en voilà donc une autre qui cumule les deux…
Il y a fort à parier que de toute façon, les services
auront deux attitudes possibles : Soit ils refusent toute autorisation, tous
permis, d’emblée et dès réception, à titre conservatoire…
Soit ils demandent des effectifs supplémentaires pour
instruire dès le premier « accident grave ».
Je vous en fiche mon ticket-restaurant du
moment !
En attendant on mesure mieux pourquoi la « Gauloisie-triomphante »
est classée par le « World Competitiveness Report 2011-2012 », au 116ème
rang sur 142 pays analysés.
3 à 4 % du PIB que ça vous coûterait… Presque l’équivalent
de vos déficits annuels.
Notez que mon prof de libertés publiques nous
expliquait il y a bien longtemps qu’il y a deux conceptions du fonctionnement d’un État
et de la puissance publique.
Soit on interdit, soit on autorise.
Dans le premier, tout est permis sauf ce qui est
interdit.
Dans le second, tout est interdit sauf ce qui est autorisé.
Devinez ce que choisissent systématiquement toutes les
dictatures ?
Où forcément il y a peu de choses autorisées (tout
comme dans un pays dit « libre », où il y a peu de choses interdites,
sauf de pisser contre les bornes kilométriques…).
Question du jour : Essayez donc de classer sur
cette échelle des dictatures votre 116ème rang acquis de haute compétition…
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