Sixième épisode.
Histoire aberrante, avait-il prévenu,
presque du plus haut comique.
Comment tout cela est-il possible ?
Car il faut aussi que je le décide.
« Oui, je sais qu'à cet instant précis,
votre tentation est grande de ne pas le faire : je sais que vous avez lu ces
lignes avant que je ne prononce ces mots. Mais je sais aussi que vous
connaissez ma réponse et la savez imparable !
Votre Pod a un double depuis peu : un
robot à puce a été construit spécialement rien que pour ça avec un seul numéro
à attribuer, pour une dizaine de puce.
Vous ne mettrez peut-être pas en ligne
vos textes. Mais nous les avons déjà par ailleurs pour avoir « copier/coller »
ceux de ce blog. Ils peuvent donc être mis en ligne quand mes amis en
décideront : c'est déjà programmé !
Et eux ont pour vocation de veiller à
refermer la boucle que nous avons ouverte sans le savoir. »
Bien sûr que je savais ce détail, pour
l'avoir lu. Et j'étais convaincue de cette détermination. Il n'empêche, je
n'avais toujours pas décidé de « rentrer dans le jeu ».
« Comment ? Comment un effet peut-il
précéder sa cause ?
Violant ainsi une loi de la nature des
plus anciennes et la plus intangible ?
Là, la réponse est théorique. D'abord,
ce n'est pas la première fois ni la seule fois que nos chercheurs ont repéré ce
type d'illogisme élémentaire, complètement impossible à appréhender pour nos
cerveaux à nous, béotiens que nous sommes en la matière. Ils m'ont affirmé
qu'une grande partie de leurs recherches visent justement à éliminer ce genre
de « hoquet ». Je me suis toujours demandé si ce n'était pas uniquement pour
justifier de l'importance de leurs budgets... Enfin, ce n'est plus moi qui
arbitre ce genre de détails.
Ils m'ont donné des explications
mathématiques qui passent par la manipulation des nombres irrationnels. Je vous
rassure, je n'ai rien compris.
Mais pour eux qui traquent ce genre de
choses et en cherchent l'explication et les applications depuis quelques temps,
c'est une évidence.
En résumé, l'explication que j'aime
bien parce qu'elle est à la portée de mon pauvre intellect, c'est que le temps,
le cours du temps, peut être suspendu.
C'est paraît-il déjà dans les équations
d'Einstein, le paradoxe des frères de Langevin : plus on va vite, plus on se
rapproche de la vitesse de la lumière, plus l'écoulement du temps se ralentit,
jusqu'à devenir nul à la vitesse de la lumière.
Or, l'informatique voyage à la vitesse
de la lumière, ne connaît donc pas le temps qui s'écoule, ni son usure. Un «
pont vers le passé » est donc, par nature, instantané, pour peu que la
destination, informatique en l'occurrence, existe dans ce passé.
Ce qui est extrêmement rare pour les
choses de la matière, puisqu'une même chose ne peut pas exister en même temps à
deux endroits différents.
Ce qui est impossible pour les choses
matérielles, nous en faisons tous l'expérience au quotidien, semble être
possible pour « l'immatériel », et au moins en l'état de nos connaissances
actuelles, pour la chose « électronique », par exemple.
La preuve, pourrait-on dire, les mots
tracés sur le blog d'infreequentable sont des suites de paquets d'octets, sans
commencement ni début et immédiatement intercalés à leur destination finale
dans une case préexistante d'une autre époque d'un autre couple référence d'article,
jour/heure.
Juste un code informatique, une série
de chiffres et de lettres déjà préexistants dans le passé des archives de la
plateforme technique.
La case, même vidée en 2008, existe
bien pour avoir été créée par Infreequentable lui-même dès l'origine, en 2008.
Le jour et l'heure aussi. L'information électronique envoyée bien avant, qui ne
connaît rien du temps pour être atemporel, hors du temps, peut venir s'y
glisser n'importe quand en ses lieux et places électroniques.
Et le robot de la plateforme technique
n'ayant pas de routine de contrôle de cohérence temporelle à cette époque-là,
peut laisser passer l'information et la mettre en ligne dès l'heure et le jour
indiqué par l'expéditeur.
Ainsi, on ne saura jamais quelles
photos et quel texte cet « infreequentable » là a voulu mettre en ligne ces jours-là,
à ces heures-là !
Ça n'est plus possible. »
J'ai beau connaître la suite, là, pour
moi, c'est du chinois, sur le moment.
« C'est simple. Quand vous rentrerez à
New-York, je vous invite à créer un site sur Over-blog, juste pour faire
l'essai... Dites « bonjour ». Fermer la page. Allez à l'adresse de votre
nouveau blog comme n'importe quel lecteur, vous y verrez votre message posté
l'instant d'avant.
Revenez-y deux jours plus tard. Il n'y
a toujours qu'une page. Allez sur votre page d'administration et dites un gros
mot : « Merde, ça marche ! Il a raison le vieux ! » Par exemple. Mais postez-le
de la veille. Revenez sur l'adresse de votre site en lecture et vous verrez les
deux pages s'afficher : L'une, où vous dite « bonjour », publiée en premier
parce qu'elle est datée de plus récemment, et l'autre, en second pour être plus
vieille, datée de la veille alors même que vous l'avez mise en ligne que 10
minutes plus tôt, à un moment où elle ne pouvait pas exister puisque vous ne
l'aviez pas encore créé, et où vous lirez le « Merde, ça marche, etc. ».
Comme si vous l'aviez publiée à la date
dite, choisie dans votre passé.
J'ai essayé, c'est pourquoi je sais que
ça marche, jusque dans les 12 derniers mois encore aujourd'hui... au moins sur
Over-blog.
Et je vous le répète, que depuis que
nous avons découvert le bug, car avant, ça pouvait remonter jusqu'en 2005. »
Pour sûr que j'allai vérifier : mais
juste pour finir d'être convaincue.
Mais pourquoi ce blog inconnu ? Et
cette date si ancienne ? Là encore, mon interlocuteur m'apporte une réponse
sans même que j'aie à formuler la question.
« Par contre, on ne sait pas pourquoi
le blog d'infreequentable, alors qu'il y en a des dizaines de millions d'autres
disponibles par ailleurs, ni pourquoi justement août 2008 ! Aucun de mes
chercheurs ne sait répondre à ces deux questions-là ! On va dire que c'est «
comme ça »... et pas autrement ! Ça aurait pu tomber sur n'importe quel autre
site, sans doute jusqu'au moment de l'apparition du « Web 3.1 »
Si vous le voulez bien, revenons à la
raison de votre présence ici, à T zéro.
Vous avez compris que pour une raison
qui vous échappe encore, vous êtes censée refermer une boucle temporelle
ouverte par l'inadvertance par un quelconque ingénieur informaticien d'un
siècle passé et une succession d'opportunités.
Le plus simple serait de détruire ces
pages, de ne jamais les avoir écrites. Au pire, ça pourrait changer ma vie,
mais à la marge seulement, puisque je ne suis pas censé tomber dessus durant
toute ma période d'activité, ni aucun de mes amis ou connaissances sachant qui
est véritablement Cortinco.
Ils sont d'ailleurs assez peu nombreux.
Même ici, à part mes quelques collaborateurs très proches. Dans le pays, tout
le monde me connaît sous le nom de Lierreux ou d'Eleratta !
U signore Eleratta ! Ça reste
incontournable sur cette île.
Or, il en est manifestement
différemment : ces pages existent malgré tout et depuis 2008.
C'est qu'il s'agit quand même d'ouvrir
une deuxième boucle, T cinquante dirons-nous, qui va se refermer dans mon
propre passé, à T moins dix.
Eh oui jeune fille, les choses ne sont
jamais simples et on nage en plein effort paradoxal temporel absolument vertigineux.
»
Jusque-là, j'avais lu. Mais pas la
suite, interrompue par le retour de mon hôte.
Ch. Caré-Lebel
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