Quinzième épisode.
Plus tard, Pierre Lierreux raconte son
histoire par bribes. En effet cette nuit-là, j'ai passé beaucoup de temps à
lire tous ces textes et compiler tous les renseignements reçus entre-temps de
mes informateurs.
Et je sais alors pertinemment de quoi
le lendemain sera fait. Nous passerons la journée à remplir mes carnets de note
et le surlendemain, Pierre Lierreux, pour connaître tout autant cette partie-là
de son avenir, s'absentera pour une pêche à la langouste, à la limite des eaux
du parc naturel local, sachant aussi que j'avais à rentrer à New-York, à mon «
petit matin à moi », décalage horaire oblige, pour revenir le voir plus tard.
Nous nous sommes rencontrés plusieurs
fois dans les mois qui ont suivi. Je lui montre mes travaux de synthèse, il
corrige quelques détails sur ceux qui n'ont pas été publiés dans le blog
d'infreequentable, m'apporte nombre de précisions sur des aspects de sa vie, de
« ses vies » comme il aime à le préciser.
Il en eu une première, celle d'un
adolescent insouciant dans une famille aisée de notabilités locales.
Après le décès tragique de son père, la
vie emporte sa mère dans un tourbillon de voyages sans but ni fin pour finir
par s'établir en Australie auprès de sa fille aînée qui y vit avec son mari.
Lui, s'est finalement retrouvé orphelin, recueilli par une amie de sa mère et
son mari qui vivent à la Capitale. C'est sa deuxième vie, traînant ses études
de droit et un poste de gardien de nuit dans l'hôtel qu'exploite ce couple-là.
Il y fait « son premier million de
dollars », ses études pas encore terminées.
Sa troisième vie, il la consacre à des
voyages à bord de voiliers, ponctués par des « charrettes » dans le cabinet
d'avocat où il fait son stage, à New-York, donne des cours de droit comparé ici
et là dans les universités. C'est à cette époque qu'il se retrouve nulle part,
objet de ce récit sur Internet à contretemps, avant de revenir se soigner en
Europe.
Il y rachète un cabinet d'avocat
spécialisé dans les assurances et crée plusieurs activités, parfois connexes,
parfois sans rapport.
C'est dans « cette vie-là », qu'il
refait fortune et notoriété pour être réputé « l'avocat des affaires
impossibles à gagner »... qu'il gagne.
Jusqu'à un jour malheureux où il
convainc un jury de relaxer un criminel endurci. Depuis lors, il ne plaidera
plus que très exceptionnellement.
Dans sa « quatrième vie », il se
consacre au redressement d'une entreprise aéronautique. Pour devenir
milliardaire, « mais en Euros », avec son fameux contrat chinois. C'est de
cette époque que naissent les prémices de « fondation ». En soi, une 5ème vie,
toute à consacrer au développement de cette entreprise et de ses projets
tournés vers l'espace circumterrestre, puis interplanétaire.
J'ai de quoi nourrir plusieurs
articles, quantité de romans, de pièces de théâtre pour le reste de mes jours,
si Dieu me prête vie assez longtemps. Et Pery et d'autres pourront retrouver
mes travaux.
D'autant mieux que « mon chef à moi »
ne me demande plus rien, sauf à en devenir obséquieux quand je lui rends un
article pour le « News-World ».
« Mais tu es sûre que tu satisfais
Cortinco, mon coco ? » Ou : « Ça avance la biographie de Cortinco ? » Ou encore
: « Coco, il est content de ton travail, Cortinco ? ». Et avec le temps : « Tu
sais, on n'est pas pressé, mais on dit qu'il est au plus mal ! J'aurai aimé un
papier à l'occasion de l'annonce de son décès ! Pour la boutique... coco »,
etc.
Pénible.
Oui, ça avance, plus qu'il ne pourrait
jamais publier, puisque c'était le « deal » : rien avant son décès, qui
traînait à arriver ; mais je ne suis pas pressée, pour le revoir régulièrement.
Et puis, un jour, il a décliné
brutalement, comme si il avait décidé qu'il n'avait plus rien à dire ou à faire
sur cette planète, et il s'est éteint, une nuit, dans son sommeil.
Il me restait le plus gros du travail :
chercher, fouiner dans ses archives. Je me suis installée dans ses murs, son
personnel aux petits soins pour moi, sans que j'aie à m'inquiéter des factures
à payer : « La Fondation » s'occupe de cela à ma place et projette de
transformer le lieu en musée, en lieu de mémoire quand j'en aurai fini !
Du travail pour de nombreuses années,
même si Pierre Lierreux m'a un jour fait visiter « son musée » à lui. Installé
dans les sous-sols de sa maison : une véritable caverne d'Ali Baba, où tout ou
presque était déjà rangé, collecté, classé, étiqueté. Il suffisait de le mettre
en scène pour d'éventuels visiteurs.
Ce sont ces jours-là et les suivants,
crois-je me souvenir, que nous avons abordé deux points essentiels : son départ
de « paradise » et son « cauchemar » sur les « Krabitz » ! Le message lancé à
l'Amiral Landditsy.
Il raconte ses quelques semaines,
quelques mois passés à rechercher avec Pery le moyen de s'extraire de ce lieu
flottant au-dessus de nulle part.
Pery n'ayant pas lu l'original de ce
blog et de ce récit, il ne savait pas trop comment l'aider, sauf à savoir que
c'était par « les airs » que ça pouvait se passer.
Pierre décide dans un premier temps de
visiter tout du bâtiment. Peine perdue.
Dans un deuxième temps, il a l'idée de
commander, sur « le catalogue » du bord, de quoi équiper deux deltaplanes, ou «
Aile Rogalo » de grande taille et s'est lancé, avec Pery dans les joies de la
glisse aérienne.
Reliés à un dispositif portatif de
câblage après un vol où il leur avait été difficile de rejoindre la plateforme,
ils se sont aventurés de plus en plus loin de leur base de départ, explorant à
la fois l'environnement immédiat, les flux et reflux atmosphériques
(l'aérologie), mais aussi quelques expériences permettant de tester la
composition chimique de l'atmosphère, en-dessous.
Il raconte qu'en fait, la « plateforme
» ne repose sur rien. Ni dessus, ni dessous, ni sur les côtés, ni devant ni
derrière, et qu'ils n'ont jamais été entravés par quoique ce soit dans leurs
évolutions autour d'elle. Un vrai mystère de physique appliquée !
Aucun dispositif aérien ni mécanique ne
semblait la maintenir parfaitement stable et immobile au-dessus d'un point fixe
dans le ciel de la planète.
Lors d'un vol vespéral, ils eurent
l'idée de naviguer, non plus à vue avec pour seul repère la « plateforme »,
d'aspect bien plus grand que les parties internes auxquels ils avaient accès le
laissaient supposer, mais « aux étoiles », de nuit.
Jusqu'à ce qu'ils se perdent de vue,
l'un d'entre eux happé par une ascendante douce et l'autre par un air
descendant.
Leur moteur électrique avait par
ailleurs déchargé les boîtes à énergie[1] portatives qu'ils s'étaient faits
livrer : il s'agissait donc de rentrer, mais dans ces conditions, par le seul
jeu des courants d'air.
Autant Pery y est parvenu dès la bonne
direction identifiée au crépuscule, autant Pierre avait eu quelques difficultés
à le suivre et n'a pu se guider, épisodiquement que grâce à la lumière des
balcons encore allumés, de-ci de-là, par quelques occupants, Padalovski le
premier et jusqu'à son retour.
Fut décidé d'augmenter la puissance des
boîtes à énergie électriques en changeant de système par les fameux couples à
inertie et condensateurs cryogénique dont nous disposons aujourd'hui, époque où
je trace ces lignes, tirés d'une idée de Padalovski lui-même, venu d'un futur
manifestement plus « avancé » technologiquement que celui de Pierre à son
époque à lui.
Ça plus des moyens de radionavigation
élémentaire et le câble de sécurité relié à la plateforme, ils sont allés de
plus en plus loin et de plus en plus bas.
D'après ce qu'il rapporte des mesures
de Padalovski, l'atmosphère profonde reste viable et respirable, mais ils n'ont
pas pu en déterminer le fond. Rapidement, faute de champ magnétique, Padalovski
s'est consacré à dresser une carte du ciel étoilé.
« Avec un bon vieux sextant, on doit
pouvoir s'y repérer » avait affirmé Pierre au « vieux » savant. Un sextant...
c'était une notion oubliée pour celui-là.
Les jours de luxure se sont donc
succédés sans entrave aux nuits vagabondes et inversement, à des rythmes
divers, jusqu'au moment où Pierre s'est à nouveau perdu, la faute à la rupture
de son câble de retour, sans qu'il ne s'en soit aperçu.
Il raconte qu'il est bien arrivé sur
une « plateforme », nettement plus bas et plus loin que précédemment, à la
limite des nuages qui posaient problème pour une navigation nocturne.
Un peu affolé, il s'y pose et est reçu
par des plantes animées !
Ch. Caré-Lebel
[1] NDA pour les lecteurs du début du 21ème siècle : Les « boîtes à énergie » fonctionnent selon le principe simple du rotor inséré entre un double stator à effet Casimir. Le stator extérieur est équipé de miroirs en nombre premier pivotants chacun mécaniquement sur un axe sur un quart de tour, pour venir faire face à ceux posés sur le rotor, eux-mêmes d'une quantité inférieure de nombre premier et eux-mêmes asservis mécaniquement sur un axe pour pivoter d'un quart de tour.
Le tout fonctionne sous vide et l'effet Casimir est proportionnel aux dimensions des miroirs qui s'attirent en fonction inverse du carré de leur distance et meuvent le rotor, d'autant puissamment que le phénomène se répète.
Le rotor entraîne une bobine autour d'un aimant permanent du stator central créant un courant électrique qu'il suffit de récupérer aux deux bornes du dipôle.
Ce mécanisme simple et aujourd'hui quasi-universel ne fonctionne bien que passé 800 à 1.200 tours/minute, selon la taille des entre-axes, seuil où il parvient à autoalimenter le mouvement du rotor. Il convient toutefois de ne pas dépasser les 6 à 16.000 tours/minutes (toujours selon la taille de « la boîte »), pour éviter que les efforts centrifuges dérèglent les réglages micrométriques des pièces et miroirs en mouvement.
On « recharge » une « boîte à énergie », selon son modèle, à la main ou avec une source électrique et si l'on n'y prend pas garde, elle se « décharge » pour se bloquer une fois dépassée la vitesse limite de rotation ou que le vide n'est plus suffisant. On dit d'elle qu'elle est déchargée. Il faut alors refaire le vide pour la réamorcer. Mais elle peut aussi rester en inactivité en l'état.
[1] NDA pour les lecteurs du début du 21ème siècle : Les « boîtes à énergie » fonctionnent selon le principe simple du rotor inséré entre un double stator à effet Casimir. Le stator extérieur est équipé de miroirs en nombre premier pivotants chacun mécaniquement sur un axe sur un quart de tour, pour venir faire face à ceux posés sur le rotor, eux-mêmes d'une quantité inférieure de nombre premier et eux-mêmes asservis mécaniquement sur un axe pour pivoter d'un quart de tour.
Le tout fonctionne sous vide et l'effet Casimir est proportionnel aux dimensions des miroirs qui s'attirent en fonction inverse du carré de leur distance et meuvent le rotor, d'autant puissamment que le phénomène se répète.
Le rotor entraîne une bobine autour d'un aimant permanent du stator central créant un courant électrique qu'il suffit de récupérer aux deux bornes du dipôle.
Ce mécanisme simple et aujourd'hui quasi-universel ne fonctionne bien que passé 800 à 1.200 tours/minute, selon la taille des entre-axes, seuil où il parvient à autoalimenter le mouvement du rotor. Il convient toutefois de ne pas dépasser les 6 à 16.000 tours/minutes (toujours selon la taille de « la boîte »), pour éviter que les efforts centrifuges dérèglent les réglages micrométriques des pièces et miroirs en mouvement.
On « recharge » une « boîte à énergie », selon son modèle, à la main ou avec une source électrique et si l'on n'y prend pas garde, elle se « décharge » pour se bloquer une fois dépassée la vitesse limite de rotation ou que le vide n'est plus suffisant. On dit d'elle qu'elle est déchargée. Il faut alors refaire le vide pour la réamorcer. Mais elle peut aussi rester en inactivité en l'état.
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