Premier épisode.
Lectrices et lecteurs (de ce « blog »),
Je m'implante aux lieux et place de
votre auteur cybernétique préféré durant tout le mois d'août de votre époque,
en 2008, sans sa permission et en profitant de son départ pour son lieu de
vacances estivales. Hélas, je me dois d'effacer les textes qu'il vous avait
réservés en prévision ! Désolée...
Il affirme n'avoir pas d'accès à
internet pendant cette période-là, moyen par lequel il communique avec vous
presque tous les jours ouvrables.
D'après ce que je crois savoir, vous
êtes nombreux à venir le visiter, même en été...
En fait, je vais étaler ma propre prose
sur 21 jours. 21 de vos jours à vous pour raconter ce que j'ai à vous
rapporter, participant à ma toute petite mesure à une histoire bien plus vaste,
qui me dépasse, qui nous dépassera toujours tous.
Prenez-le comme d'une « nouvelle », un
« mini roman ». De toute façon, les informations que recèlent ces écrits-là ne
vous sont pas destinées et vous ne pourrez rien en faire.
Techniquement, c'est encore une affaire
qui me dépasse, et même à mon époque, plus avancée que la vôtre, ça reste tout
à fait étonnant !
Jusqu'à l'absurde. Jugez-en par
vous-même...
Avant tout, je me présente : Christina
Caré-Lebel. Je suis journaliste et j'ai eu 36 ans cette année. Je suis plus
connue, à mon époque, sous le nom de Ch. Lebel, mon prénom et le nom de ma
mère.
Je travaille au « News-World » depuis
un peu plus de 10 ans, après quelques études laborieuses qui m'ont faite passer
par l'université d'Oxford, dans la banlieue de laquelle je suis née, là où j'ai
étudié la philosophie et l'histoire, sans devenir ni philosophe ni historienne,
puis à Harvard où j'ai étudié l'économie, sans devenir économiste.
Au « News-World », je suis d'abord
entrée en qualité de pigiste, rubrique « chiens écrasés », à une époque où j'avais
un besoin urgent de payer régulièrement mon loyer, pour devenir, au fil du
temps, une chroniqueuse et enquêtrice à thème appréciée... au moins par mes
chefs et surtout les études de marché.
J'ai été mariée une fois. Avec mon
amour d'enfance et d'antan, pour divorcer deux ans plus tard à mon grand
désespoir. John, mon ex-mari, un diplomate britannique, et moi ne nous voyions
plus beaucoup sur la fin, exception faite quand nos missions réciproques nous
permettaient de nous croiser.
Il a fini par m'avouer sa liaison avec
une secrétaire du « Foreign Office », tombée enceinte de ses œuvres (mon rêve
!), ce qui mit un terme définitif à nos épousailles.
Depuis, je me consacre à mon métier.
Tente de terminer mon premier livre qui a pour thème les amours impossibles :
un peu trop autobiographique pour être publiable en l'état.
Sans doute une thérapie.
Outre les quelques dizaines de «
papiers » que mon employeur publie tous les mois, j'anime un « life-book[1] »
sans intérêt où je mets en ligne quelques clichés pris ici où là avec quelques
commentaires.
Rien que de très banal pour une «
sans-grade » quelconque dans l'agitation frénétique de notre monde actuel.
J'ai aussi un chat, baptisé « Bosnie »,
ramené d'Europe : il s'était faufilé dans mes bagages à mon insu après que je
l'eu nourri à l'hôtel où j'étais descendue, dans un pays du même nom dans les
Balkans.
Depuis, il garde ma maison à New-Jersey
quand je m'absente. Jusque-là, tout va bien : il n'est pas encore capable
d'ouvrir ni le gaz ni le réfrigérateur tout seul, mais se débrouille toujours
pour se nourrir quand je n'y suis pas et m'accueillir quand je rentre !
Ma langue de travail est l'anglais.
Néanmoins, je parle, comprends et écris dans deux autres langues : le français
et l'italien. Ce texte ci est écrit directement en français : je n'ai pas eu le
courage de traduire en anglais toutes les interviews que j'ai réalisées avec «
mon » sujet, dont c'est la langue d'origine.
Ce ne sont que ses dires que je
rapporte ici.
Et j'espère que vous voudrez bien
m'excuser les quelques imperfections de langage laissées ici et là comme autant
de trace de mes insuffisances à maîtriser la langue de Molière et de Hugo.
Cette aventure reste étrange. Tout
commence à New-York un soir de décembre d'il y a deux ans. À quelques jours de
Noël.
Enfin, année « anté-précédente »...
pour moi. Pas pour vous : vous allez comprendre !
Mon patron entre brusquement dans mon
bureau - enfin, ce qui me sert de lieu de rangement dans les locaux de mon
journal - et me dit que j'ai été désignée pour rencontrer, « pour une interview
exclusive », Patrick Cortinco.
Comme vous j'imagine, ce nom là ne m'a
absolument rien dit, alors même que c'est mon métier de tout savoir sur tout le
monde.
« Cesse de me regarder comme une vache
qui voit passer un train ! Patrick Cortinco ! Tu ne vois pas, coco ? » (Il
appelle tout le monde « coco »...)
Que non ! J'avais beau chercher, ça ne
me disait absolument rien !
Moi qui rêvais de quelques destinations
hawaïennes à cette époque de l'année, allant croiser je ne sais quel bellâtre
bronzé et classieux, qui se déciderait, une fois totalement conquis et sous
l'emprise absolue de mes charmes naturels, à me faire des enfants, me voilà
dans la perspective de partir une nouvelle fois pour la « vieille Europe »,
dans une de ses régions apaisées, hormis ses vaines et perpétuelles querelles
politiques, où il ne se passe jamais rien de passionnant !
Un cauchemar, ou presque.
J'ose donc demander quelques précisions
à « mon chef », une espèce de pachyderme jovial et sympathique s'il n'avait pas
des suées permanentes, que son eau de toilette, pourtant très forte jusqu'à l'écœurement,
n'arrivait pas à effacer l'odeur âcre !
« C'est le patron du groupe ».
Pour moi, le « big boss » était un
homme d'affaires richissime, qui nous avait racheté il y a quelques années sur
un coup de tête et avait injecté quelques paquets d'argent pour sauvegarder
notre journal et ses bureaux à travers le monde, centaine de millions de
dollars levés en bourse et en pure perte : mais ça me permettait de payer les
traites de ma maison et accessoirement de manger à peu près équilibré.
Un dénommé William Hardy, qui n'avait
même jamais mis les pieds dans nos locaux, à ce que je sache.
Rien d'autre.
D'ailleurs, à l'époque, je n'étais pas
encore dans le métier, et depuis toujours, on se demandait bien ce que son
propre groupe préparait à notre égard, puisque ce type-là travaillait d'abord pour
la « Space Fondation », le leader mondial du tourisme spatial, qui gère
également quelques « hedges founds », pas si pourris que ça.
Rien à voir avec la presse...
Tout ce que je savais, c'est que ce
n'était pas Cortinco qui faisait parfois les délices de mes collègues de
l'économie et des bourses de valeurs, ceux qui passent leur temps à rapporter
les ragots des places financières dans nos colonnes et sur les sites web du
groupe.
De Cortinco, rien dessus dans mon «
grand répertoire » pourtant vaste.
Comment allais-je pouvoir interviewer
une personne dont je ne savais absolument rien ? Quelles questions lui poser
pour intéresser nos lecteurs ?
« Tu finis ton boulot et le journal te
paye l'aller et le retour ! Débrouille-toi ! Mais tu pars sur le champ. »
Et de me laisser un numéro de
visiophone[2], gratté à la va-vite sur un bout de papier.
Mais qui était donc ce Monsieur,
capable sur ordre, de faire dépenser de l'argent à mon propre chef, pingre
parmi les pingres quand il s'agit de traiter nos notes de frais ?
Ce n'était pas pour rien qu'il avait
été surnommé « Tonton Picsou ».
Et voilà que celui-là tourne les talons
sans crier gare, me laissant coite comme deux ronds de flan flasques.
Les réflexes professionnels, c'est
comme conduire un autoplan[3], faire de la bicyclette ou nager, ça revient sans
même y réfléchir. Dans les minutes qui ont suivi, je surfais sur la toile à la
recherche de renseignements sur ce Patrick Cortinchose.
Pêche assez maigre : on le citait bien
dans quelques rubriques du siècle passé, notamment quand il avait annoncé sa
prise de retraite, il y a 15 ans. Depuis plus rien.
En creusant, son histoire semble liée à
celle de la Fondation, qui a commencé bien plus tôt que je ne l'avais imaginé,
presque un demi-siècle !
Au fil de mes recherches, j'ai
finalement compris l'intérêt que portait « mon chef » à ce personnage oublié :
Un, il a disparu des couvertures médiatiques depuis plus de 20 ans ; deux, il a
créé « L'International Space Fondation » au milieu du 21ème siècle, à l'âge de
40 ans.
Depuis, c'est devenu un empire céleste,
c'est le cas de le dire, pour être quasi incontournable quant à la conquête et
l'exploitation spatiale !
Quatre hôtels orbitaux, une station
lunaire, une couverture GPS intégrale des planètes proches, des actions dans
toutes les industries aéronautiques et informatiques, deux universités
autofinancées, une en Californie et une autre à Delhi...
En poussant plus loin mes
investigations dans la soirée, je comprends que les activités du groupe sont
plus vastes : vastes ensembles hospitaliers, services à la personne, banques,
assurances, compagnies maritimes, tourisme et un îlot dans la presse : nous !
Tout cela en 50 ans.
Et pas la moindre côte boursière
permettant une valorisation globale, sauf les banques de son groupe, les
compagnies d'assurances et les foncières.
Tout est organisé de façon à rester
opaque tout en gardant une rentabilité de dividendes servis de l'ordre de 5 à 9
% selon les actifs gérés, et ce, depuis les introductions successives de « ces
petits bouts » !
Forcée de rendre mes papiers plus tôt
que prévu, avant le bouclage du numéro du lendemain, je croise à la rédaction
Mikaël, notre chroniqueur nocturne des bourses d'Asie, celui qui s'il n'était
pas marié et fidèle à sa rousse d'origine irlandaise, m'aurait sans doute
suffit pour faire quelques enfants...
Et je l'interroge. « Cortinco, ça te
dit quelque chose ? ».
Réponse négative. « Et Space Fondation
? ». Oui bien sûr, il connaît.
Un groupe opaque qui pèse sur
l'industrie mondiale de l'espace. « Mais sans doute plus que ça. Par malchance,
ma poulette, ce groupe-là relève d'une législation des îles Coconuts : pas
d'information supplémentaire pour le reste. Il est probable qu'il s'agisse
juste de la partie émergée d'un iceberg beaucoup plus gros... Pourquoi tu me
demandes ça ?
- Parce que le chef me demande d'aller
interviewer ce type-là en prétendant qu'il s'agit de notre big Boss.
- Patrick Cortinco ? Non ! Notre « Big chief » c'est Hardy. William Hardy.
Mais on ne l'a d'ailleurs jamais vu ici ! Et il donne peu d'interview.
- Justement, il bosse dans quoi, ce
Hardy ?
- Il est le patron de ta fondation,
depuis quelques années.
- Capitaux sales ?
- Non! Pas de doute là-dessus. Mais si
tu veux, je me renseigne. Je crois que l'Agence de Sécurité a un dossier. Il me
semble d'ailleurs qu'ils avaient eu des problèmes il y a des décennies. Mais ça
s'est réglé depuis puisqu'ils sont accrédités United Nations ! »
Je repars avec ça, pour le moins
perplexe.
Ch. Caré-Lebel
[1] NDA : Pour les lecteurs du 21ème
siècle : une sorte de journal personnel en ligne dont l'ancêtre est « Face-book
», mais ouvert à tous.
[2] NDA pour les lecteurs du début du
21ème siècle : Un téléphone équipé d'une webcam, d'un microphone et d'un
haut-parleur.
[3] NDA pour les lecteurs du début du
21ème siècle : Un « autoplan » est un engin volant, subsonique, de la taille
d'une voiture, muni de 4 hélices pivotantes actionnées par une boîte à énergie
à couple : non polluant, rapide et d'une autonomie d'environ 3 heures, soit un
New-York/Chicago.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire