Vingtième épisode.
Il fallait reprendre.
- « Euh... J'ai l'impression que lui,
il a le temps, le Michel », fit remarquer Edgor.
- « Ensuite l'émissaire attendu par la
légende, c'est Lierreux, le fondateur. Pierre. Or, sauf toi, tout le monde
t'appelle Patrick, ici ! Une erreur dans le scénario dudit mage Michel. Qui
plus est, depuis toujours dans la légion, les fonctions d'Amiral envoyés en
mission, sont réservées aux descendants de Pierre, uniquement ! Moi, ça m'a
bien arrangé, vis-à-vis de mes petits camarades de promotion.
- Parce que tu es réellement un de mes
descendants ?
- Oui ! Si tu es vraiment Pierre. Parce
que jusque-là rien ne me dit que tu sois mon aïeul ! Loin de là ! Un
ectoplasme, un jeu de rôle imposé par Michel avec mes propres fantasmes
peut-être ! Mais, je n'ai jamais cru à ces légendes et encore moins à cette
supposée rencontre dans le futur ! Faudrait être débile !
- Bon, les histoires de famille... »
fit Edgor.
- « La ferme, le tas d'herbe ! Comment
vas-tu prouver que tu es mon aïeul ? C'est déjà une situation de fou, puisque
tu es mort depuis des siècles, tu vivais sur la planète Terre que je ne connais
même pas moi-même et que tu ne te nommes même pas comme lui !
- Ah bé ça, je n'en sais fichtre rien !
Une comparaison génétique, peut-être ?
- Je ne suis pas équipé et l'autre
emplumé a figé le déroulé du temps. Je ne crois pas qu'il me laissera repartir
sur mon vaisseau pour finir ce que j'ai à faire à bord.
- Vous avez une idée, Michel ? Faut-il
que je lui raconte ma vie.
- Il l'a connaît.
- Tout le monde en connaît les grandes
lignes.
- Un détail que seuls les officiers de
son rang connaissent ?
- Oui. Au moins deux. Dis-lui où tu es
né et montre lui ta tâche de naissance. Il a la même. Et une locution. Que tu
connais déjà pour l'avoir entendue dans ton futur, mais que tu censé inventer
maintenant.
- Une tâche de naissance ? »
s'interroge Patrick.
- « Sur ta cuisse. Lui il l'a sur le
cheville.
- Comme si ça suffisait ! » s'emporta
l'amiral. « N'importe qui peut raconter cette histoire.
- Tu as raison ! On nous manipule. Et
puisque ce gamin-là est mon petit-petit-fils, y'a pas de raison que je m'y fie
», dis-je à Michel comme par défit. « Et puis, connaître de son futur... pour
moi c'est du passé !
- Montre-lui quand même et rapprochez-vous
pour que tu lui murmures le lieu de ta naissance et ton secret.
- Mon secret ? De quoi s'agit-il, toi
qui sais tout ?
- Ça, je ne sais pas vraiment tous les
détails. Un truc d'homme j'imagine. Mais ça marche, puisqu'il doit enfin de te
faire confiance.
- Ah parce que maintenant je peux
bouger ? » fit l'Amiral
- « Chaque chose en son temps », lui
répond Michel.
Et les deux humains flottèrent l'un
vers l'autre. Une fois assez proche, Patrick confie les informations à l'amiral
qui l'écoute et l'autre lui demande comment on pouvait se sortir de cette
situation. Sans que Patrick ait pu répondre, les deux corps flottèrent en sens
inverse pour revenir là où ils se tenaient chacun auparavant.
- « Je peux être au courant de ce qui
se passe, ici ! » demanda Edgor.
- Il se passe que nous cherchons une
issue à cette situation » intervient Patrick. « Et ni l'un ni l'autre ne savons
comment faire pour le moment. Mais ça va venir, puisqu'il paraît que nous
sommes intelligents... d'après Michel.
- La solution, puisque vous vous êtes
reconnus, c'est que vous lui disiez la sagesse, à votre descendance.
- Oui, enfin, soyons clairs, Michel :
Je n'ai aucune autorité, même morale sur mon fiston. Il fait ce qu'il veut et
ce qu'il croit devoir faire ! Ce n'est pas moi qui vais devoir passer en
conseil de guerre ni même affronter mes hommes qui ne demandent qu'à en
découdre.
- Bien envoyé grand-père ! Mais je ne
comprends pas pourquoi tu t'appelles Cortinco alors que tout le monde te
connaît sous le nom du fondateur Lierreux.
- Parce que c'est comme ça ! J'ai eu
une vie très perturbée par bien des soucis et j'ai changé plusieurs fois de nom
et de lieux pour éviter la connerie de mes contemporains et quelques maris
jaloux. Mais, c'est vrai que j'avais celui-là quand je me suis inscrit au
barreau d'avocat, comme d'un surnom, ou une sorte de marque commerciale.
- Bizarre quand même !
- Moi, j'ai des questions à poser à
Edgor ! Tu dis me reconnaître, mais dis-moi comment ? Parce que tu sais, pour
mon œil d'humain, un tas d'herbe, ça ressemble à un autre tas d'herbe. Et vous
étiez nombreux lors de mon premier passage sur votre passerelle !
- Je t'ai déjà dit que j'étais à ta
recherche quand j'ai été surpris par les « sans âmes ». Enfin, pas spécialement
toi, mais je suis celui qui a fait le voyage au moment de l'arrivée des
poussières. Si, c'est toi, tu nous as promis de revenir. Et tu l'as fait, sauf
que ce n'était pas toi. Mais un de tes amis que nous avons recueilli... Mais tu
sais, pour les Krabitz, un humain ça ressemble à un autre humain. J'ai donc
décidé de prendre sa machine volante pour faire le chemin inverse. Et j'ai
réussi après plusieurs tentatives. À peu près au moment où les poussières nous
ont envahis. Je ne savais pas encore que nous pouvions nous en nourrir !
Je comprends mieux pourquoi aucun de
mes collègues n'est revenu de notre barge, depuis !
Une fois arrivé, manifestement c'était
le désordre et je t'ai cherché pour que tu nous aides à nous évader nous aussi
!
- Bon et alors ?
- Alors ? Mais je t'ai retrouvé par
hasard dans votre dédale empoisonné à l'oxygène !
- Explique !
- J'ai mis beaucoup de temps à te
trouver car les poussières étaient bien plus avancées chez vous que chez nous.
Il fallait donc que je reparte et c'est là que je t'ai reconnu dans ton monde.
Je me suis accroché à toi, enroulé autour de toi pour revenir à mon engin. Je me
suis arrêté, désorienté, par un autre humain dont j'ai compris qu'il attendait
quelque chose devant une issue fermée. Là, souviens-toi, il y a eu deux
explosions, comme un double grand choc. Et nous nous sommes engouffrés dans un
puits, celui du retour! Je me suis retrouvé, ici, sur ma planète, toi reparti
vers un ailleurs que je ne connais pas, ton ami sans doute ailleurs encore !
- Ne me dis pas que toi aussi tu es
tirée d'une époque antérieure aux événements qui se passe autour de ta planète
par un des sortilèges de Michel ?
- Si ! Mais je ne suis pas mort, ou
quelque chose qui ressemble à la fin du cycle vital. Nous, nous vivons tant que
nous avons à manger. On se dessèche ensuite quand nous avons brouté tout notre écosystème.
Notre société vit en se déplaçant de
planète en planète un peu partout dans l'espace. On mange ce qui passe à portée
et on s'en va. Ou on meurt. C'est comme ça.
C'est moi qui ait vécu accroché un bref
instant à ton pied.
- Et tes copains, sur la barge ?
- Personne ne sait. Cette barge, c'est
un peu notre légende à nous. Je suis le seul survivant.
- Légende encore vivante, donc, pas
comme chez nous !
- Vous vivez « court », vous autres les
humains, sans ça vous pourriez détruire tout notre propre espace à nous, vos
bergers » s'interpose Michel. « Et encore, avec vos paradoxes temporels et
autres machineries, vous avez réussi à polluer bien des territoires normalement
inaccessibles à votre espèce !
- Polluer, polluer ! On avance, oui ! »
fait l'amiral.
- « Pas assez rapidement et pas dans la
bonne direction pour aller jusqu'aux lieux de résidence des « sans âme ». Mais
chaque chose en son temps.
- Cortinco, tu confirmes le discours du
Krabitz ?
- Je confirme. C'est que je n'ai pas
non plus tout compris de ces moments-là. Par contre, je peux t'assurer que ça
m'a perturbé un long moment, durant ma vie sur Terre.
- Mais c'est quoi «Terre» ? » demande
Edgor.
- « La planète d'origine de cette
espèce-là » interrompt Michel.
- « Michel, ne te connaît-on pas sous
un autre vocable, justement sur Terre ? » demande alors Patrick.
- « Si ! Des tas. On me prête même des
vertus que je n'ai pas. Je ne suis qu'un jardinier, voire un berger, mais vous
aimez bien me voir avec des ailes et penser que je suis un archi-ange, un
soldat de Dieu !
- Mais enfin, c'est quoi « Dieu » ? Vos
divinités ? » interrogea Edgor.
- « Un truc à eux ! Il a bien fallu
inventer ça pour qu'ils se calment, sur leur planète. Et puis ça correspond à
une certaine réalité. Crédules, mais pas idiots, t'ai-je dit, cette espèce-là.
Car la notion, il l'avait devinée avant qu'on aille directement les guider.
- L'Archange Michel ? » s'étrangle
l'amiral...
- « Bé oui ! Tu mérites bien ça,
Landditsy ! Les étoiles que tu portes sur l'uniforme t'autorisent à causer avec
un archange. Moi, je n'en ai pas. Mais bon, j'imagine que ce n'est pas
aberrant.
- N'empêche, on fait quoi maintenant ?
- Oh bé tu vas voir, amiral. Il va nous
faire le coup de nous menacer de détruire au moins une des deux espèces. Tu vas
voir ! Son choix est tout bête, d'autant mieux qu'il connaît forcément le
déroulé du futur, auquel nous n'avons pas accès, pauvres misérables créatures
divines que nous sommes !
- Tu crois ?
- Évidement ! Soit il nous détruit
nous, et tous les humains éparpillés dans l'univers comme j'imagine qu'ils le
sont. Parce qu'on menace SA seule solution pour les « sans âme » et c'est ce
qui lui importe. Il n'a plus qu'à recommencer à créer une nouvelle espèce pour
ouvrir les chemins de l'espace aux Krabitz, laps de temps que va mettre à
profit les « sans âmes » pour aller polluer son jardin. Bref, il va se faire
engueuler par ses maîtres pour ne pas avoir été capable de mener leur plan à
bien et devoir recommencer à inventer une nouvelle espèce, un peu mais pas trop
belliqueuse comme nous.
Soit il nous laisse massacrer les
Krabitz... »
Ch. Caré-Lebel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire