Avertissement
: Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure
construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec
des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
Il s’agirait de faire intervenir la Charlotte de
la « CIA » dans une enquête sur un drame créé de toute pièce.
« Imaginons
qu’un de nos ex-agents soit victime d’un assassinat, par empoisonnement par
exemple, de telle sorte que tous éléments désignent le service et que nous lui
demandions d’enquêter avec son fameux logiciel sur cette exécution jusqu’à la
faire venir à Moscou pour nous rapporter ses résultats, nous l’aurions sous la
main… »
Quel intérêt ?
« Elle
part pour une de nos cellules, ce qui va obliger notre cible à se manifester… »
Mais non ! « On veut une collaboration. En grillant le plan B, on ne rendra que plus
méfiant notre cible pour le plan A ! Pas question, capitaine ! »
Non, c’est plus retors que ça…
« Je
m’explique. Elle découvre que les indices laissés sur place ne sont pas
clairement imputables à nos services, mais à d’autres, des officines de
renseignement comme la sienne, qui auraient voulu éliminer un traître en passe
d’être « retourné » une nouvelle fois par nos services pour envisager
de rentrer en la mère-patrie nous livrer sa part de secrets autour, par exemple,
de l’affaire des sex-tapes du président américain, ou de je ne sais quel projet
de « Tremp-Tower » à Moscou… »
Oui et alors ?
« On la
paye grassement et elle rentre à Paris. Elle est déjà compromise aux yeux de
notre cible sans qu’il ne le sache. Là, soit la dame devient nos yeux et
oreilles auprès de la cible, le plan B, soit la cible réagit et sort de son
trou. Ce qui entraine un contact immédiat et évaluation des faits et analyses,
avec la promesse de réitérer l’opération autant de fois qu’il le faut afin de
l’amener à coopérer même sommairement. »
Ou au contraire, il se bloque définitivement…
« Et pourquoi
ça ? » insiste le capitaine Igor. « Pour
quelle raison cet homme-là n’aurait aucune empathie pour le sort promis par nos
services à plusieurs de nos ex-concitoyens qu’on peut compter par
milliers, du moment qu’on ne lui demande pas plus qu’une visite de ses
installations aux Chagos ?
Son patriotisme irait jusqu’à laisser
sacrifier sans réagir des centaines et des centaines d’ex-agents pas très
fiables, alors que ce que nous voulons rester bénins par rapport à ses
autorités dont il a réussi à financièrement se délier ? »
Effectivement, on lui laisse un choix anodin pour des renseignements sans
importance stratégique.
« Et de la sorte, nous le
« ferrons ». Il ne sera plus crédible auprès de ses autorités de
tutelle dès que nous le leur feront savoir, ce qui le conduira à se tourner
vers nous, tôt ou tard. »
Pas mal raisonné.
Mais ce schéma classique a toutefois bien des aléas : il ne se
laissera pas piéger pour si peu.
Et comment initier une opération d’exécution qui désignerait les SIS ou
ses officines sans mêler le service ?
Il s’agira de fignoler la mise en scène et le script dans ses moindres
détails…
« Continuez, capitaine,
continuez. C’est une piste. Mais moi je mêlerai les gars du GRU pour nous dédouaner.
Un soldat reste solidaire d’autres soldats, même de ses ennemis. Essayez
ça ! »
Ce n’est pas un blanc-seing, mais ce n’est déjà pas si mal.
Probablement que son colonel espère un « feu-vert » du Kremlin
si le SVR prend un coup d’avance sur le GRU, parce que lui avait plutôt pensé à
« mouiller » les SIS anglais.
Et comment les embarquer dans une pareille combine ?
« Ne rien en dire. Le GRU reste
avoir des officiers transfuges en Angleterre. Et ils vont se mettre en érection
si on leur cause d’arme biologique. Je ne sais pas, moi, mais les anglo-saxons
continuent de développer des neurotoxiques en violation de toutes les
conventions internationales.
Essayez de trouver un point de
convergence entre ces deux éléments… »
Le capitaine Igor se remet à la tâche.
Pas très longtemps.
À Salisbury, il y a plusieurs traitres et justement pas très loin, à
Porton Down, un complexe militaire qui travaille sur ce type de molécules interdites
par les traités internationaux.
Ah là, si ça fonctionne comme le souhaite son colonel, il y a de la montée
en grade dans l’air !
Un neuroleptique ?
Mais lequel ?
Renseignements pris : le Novichok !
Du russe новичок, nouveau venu, débutant, novice, « le bleu » qui
désigne en réalité une série de gaz innervant développés par l’Union soviétique
dans les années 1970 et 1980. Ils seraient des gaz parmi les plus puissants
jamais fabriqués. Certaines versions seraient cinq à huit fois plus puissantes
que le gaz VX.
Le VX est un agent organophosphoré de la famille des phosphonothioates,
inventé dans un centre de recherche britannique en 1952.
Il s’agit d’une version moderne et nettement plus mortelle du sarin.
Les symptômes et le mode d’absorption sont les mêmes que pour le sarin, à
savoir l’inhalation ou le contact cutané. Seule différence : il peut se répandre
dans l’air et dans l’eau et la dose létale est de 10 mg/min par m-3
contre 100 pour le sarin.
Contrairement à la croyance populaire, le VX n’est pas un gaz à
température ambiante, mais un liquide qui se décompose à sa température d’ébullition.
Le VX n’existe donc pas sous forme gazeuse.
Les Novichok, si. Liquide et gazeux. Et il en est qui sont solubles dans
l’eau et/ou dans de l’alcool dilué.
Les Novichok appartiennent à la quatrième génération d’armes chimiques
développées dans le cadre du programme soviétique « Foliant ».
Initialement appelée K-84 et plus tard renommée A-230, la famille Novichok
comprend plus d’une centaine de gaz.
D’un point de vue militaire, le plus prometteur de ces gaz est A-232
(Novichok-5).
L’idée qui germe dans le service du capitaine Igor est de réitérer
l’affaire Litvinenko.
Mais pas avec du polonium qui reste un métal lourd
très radioactif, mais aussi la signature d’un État capable d’en fabriquer et de
l’isoler ce qui suppose une technologie nucléaire performante.
Car, pour ça, il faut disposer d’une centrale
nucléaire ou de laboratoires de pointe…
Avec le Novichok, ce n’est plus le cas : les
anglo-saxons reviennent en première ligne, car d’après les dossiers issus du
GRU, ils en ont à Porton Down !
Il se remémore que pour le service, Litvinenko
était un officier supérieur du FSB, en opposition avec le Président Poutine,
« retourné » par les services britanniques, la suprême offense des ennemis
héréditaires anglo-saxons…
Le capitaine Igor ne connaît pas les détails, mais
le 1er novembre 2006, Litvinenko déjeune dans un restaurant de
sushis à Londres avec un contact, l’italien Mario Scaramella, universitaire
napolitain soupçonné d’avoir trempé dans plusieurs trafics et qui prétendait
détenir des preuves reliant le gouvernement de Vladimir Poutine à l’assassinat
de la journaliste et opposante russe Anna Politkovskaïa.[1]
Ce qu’on en sait, c’est qu’à 16 h 30, il se rend à
l’Hôtel Millennium où deux Russes l’attendent, Dmitry Kovtun et Andreï Lougovoï.
Anciens membres du FSB, ils sont à la tête d’une
société de sécurité et souhaitent que son entregent les aide à décrocher des
contrats dans leur domaine. Alors qu’ils commandent un verre de gin, Litvinenko
se fait servir un thé.
Deux heures plus tard, après qu’il ait été ramené
chez lui par Akhmed Zakaïev, ancien chef de guerre tchétchène lui aussi réfugié
à Londres, il se tord de douleurs et tombe gravement malade.
Comprenant qu’il s’agit d'un empoisonnement, il
avale deux litres d’eau pour laver son estomac, mais en vain.
Deux jours plus tard, il est admis à l’University
College Hospital.
Les médecins de l’University College Hospital
pensent qu’il est atteint par un virus mais son état se dégrade rapidement : il
perd ses cheveux, son rein et sa moelle osseuse se détériorent. Ses symptômes
font penser initialement à un empoisonnement au thallium, un composant de la
mort aux rats dont un antidote existe.
Mais il décède le 23 novembre, à 21 h 21 à l’University
College Hospital de Londres.
De « hautes
quantités de radiations, probablement dues à une substance appelée polonium 210
», une matière hautement radioactive, sont alors détectées dans les urines de
l’ancien espion selon les autorités sanitaires britanniques, bien que le
rapport d’autopsie officiel, qui n’a jamais été rendu public, n’en atteste pas
formellement.
Après avoir cru que l’empoisonnement avait eu lieu
dans le restaurant à sushi, les autorités britanniques confirment que l’empoisonnement
s’est en fait produit en buvant le thé au bar de l’Hôtel Millennium, les
enquêteurs ayant de plus retrouvé des traces de polonium dans tous les lieux où
sont passés Kovtun et Andreï Lougovoï.
Le 24 novembre 2006, la police entreprend des
fouilles dans le domicile et le jardin de Litvinenko. Selon le quotidien
londonien « The Independent », toutes les hypothèses de mort sont
alors examenées par la police britannique, y compris celle du suicide, qui
aurait pu être commis afin de discréditer le président Poutine.
En effet, plusieurs spéculations circulent sur les
commanditaires de la mort de Litvinenko, mais aucune piste n’est encore
privilégiée par les enquêteurs du Scotland Yard.
Bien trop voyant, le polonium.
Néanmoins, la presse britannique reste sensible
aux « théories du complot » en évoquant « un suicide »…
Le 6 décembre 2006, Scotland Yard considère
désormais la mort d’Alexandre Litvinenko comme un meurtre.
L’homme d’affaire russe Andreï Lougovoï, soupçonné
par les autorités judiciaires anglaises d’être mêlé à l’empoisonnement, nie son
implication et rejette l’accusation sur les services secrets britanniques du
MI6, qui auraient voulu se débarrasser d’un enquêteur encombrant.
Selon l’édition du 27 octobre 2007 du Daily Mail, Litvinenko aurait effectivement été employé par le MI6.
Par ailleurs, en avril 2012, Andreï Lougovoï a été
soumis au détecteur de mensonge par des spécialistes britanniques qui ont
conclu à son innocence, quoique ce système ne soit pas toujours très efficace
surtout quand il est appliqué à des espions bien entraînés.
Le général Oleg Kalouguine, ancien chef du
contre-espionnage soviétique et aujourd’hui réfugié aux États-Unis, accuse le
FSB qui selon lui « déteste les traîtres
; c'est pour cela qu’ils ont décidé de lui rabattre son caquet ».
Là, il n’a pas vraiment tort en convient le
capitaine Igor…
[1] Mario Scaramella sera par
ailleurs condamné en 2012 à trois ans et six mois de prison par la justice
italienne pour calomnie contre un avocat de Saint-Marin.
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