Bienvenue !

Oui, entrez, entrez, dans le « Blog » de « l’Incroyable Ignoble Infreequentable » ! Vous y découvrirez un univers parfaitement irréel, décrit par petites touches quotidiennes d’un nouvel art : le « pointillisme littéraire » sur Internet. Certes, pour être « I-Cube », il écrit dans un style vague, maîtrisant mal l’orthographe et les règles grammaticales. Son vocabulaire y est pauvre et ses pointes « d’esprit » parfaitement quelconques. Ses « convictions » y sont tout autant approximatives, changeantes… et sans intérêt : Il ne concoure à aucun prix littéraire, aucun éloge, aucune reconnaissance ! Soyez sûr que le monde qu’il évoque au fil des jours n’est que purement imaginaire. Les noms de lieu ou de bipède et autres « sobriquets éventuels » ne désignent absolument personne en particulier. Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies) y est donc purement et totalement fortuite ! En guise d’avertissement à tous « les mauvais esprits » et autres grincheux, on peut affirmer, sans pouvoir se tromper aucunement, que tout rapprochement des personnages qui sont dépeints dans ce « blog », avec tel ou tel personnage réel ou ayant existé sur la planète « Terre », par exemple, ne peut qu’être hasardeux et ne saurait que dénoncer et démontrer la véritable intention de nuire de l’auteur de ce rapprochement ou mise en parallèle ! Ces « grincheux » là seront SEULS à en assumer l’éventuelle responsabilité devant leurs contemporains…

dimanche 3 avril 2016

Pourvoi n° N14 84.339 du 20 février 2015 (1)


Pour faire plaisir à notre ami « Jacques » !

 

Mon « conseiller omnipotent » émet toujours des avis tranchés dans ses commentaires comme dans ses « billets », même sur des questions qu’il ne maîtrise pas forcément.

Je vous rappelle à l’occasion que c’est grâce à lui que je me suis mis à « bloguer » il y a bien 10 ans de ça. Peut-être plus : Plus facile de faire une « réponse » argumentée sur un blog que dans les fenêtres toujours « étroites » dédiées aux commentaires…

Et puis, j’ai évolué au fil du temps.

Là, je prends un peu de votre dimanche (et quelques autres) pour vous faire faire l’exercice de préparer une décision capitale, puisque « en cassation » et sans possibilité d’autres recours (hors la CEDH ou la CJCE), notre plus haut degré de juridiction (exceptés le Tribunal des Conflits et le Conseil Constitutionnel qui est seul compétent pour juger de la constitutionnalité d’une loi)

Je vous propose le texte du rapporteur, divisé en plusieurs posts, pour saisir tout le travail éminemment pointu dont il s’agit.

D’abord les faits et procédure :

 

Décision attaquée : 05/06/2014 de Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris - chambre 1-7

MM. X... et Y... C/

_________________

 RAPPORT

 

1 - Rappel des faits et de la procédure

 

Le 16 février 2012, un vol était commis dans une bijouterie du Vésinet au cours duquel les vendeuses étaient tenues en respect sous la menace d’une arme de poing et une cliente, âgée de 87 ans, se blessait en tombant après avoir été poussée par l’un des trois agresseurs, lesquels portaient des cagoules et des gants.

Après s’être emparés des bijoux, ceux-ci prenaient la fuite dans un véhicule volé et faussement immatriculé, percutant volontairement une automobile pour se frayer un passage.

Le véhicule utilisé par les malfaiteurs, retrouvé incendié ultérieurement, avait été filmé peu avant les faits par une caméra vidéo installé à bord d’un véhicule de patrouille de la police nationale.

Le sang prélevé sur l’une des vitrines brisées de la bijouterie permettait d’identifier M. Faycal Z....

Une recherche parmi les proches de ce dernier permettait de constater que M. Meshal X... présentait une ressemblance avec l’un des individus filmés le matin des faits par les policiers.

Une information judiciaire contre X était ouverte le 29 février 2012 des chefs de vols avec arme, recel de vol, usurpation de plaques d’immatriculation, destruction d’un bien par incendie.

Les investigations poursuivies sur commissions rogatoires du juge d’instruction laissaient penser à la préparation d’une nouvelle opération.

 

Aussi, le 26 avril 2012, un réquisitoire supplétif était pris du chef d’association de malfaiteurs et visait, s’agissant du vol avec arme commis au Vésinet le 16 février 2012, la circonstance aggravante de la bande organisée.

En septembre suivant, les enquêteurs apprenaient que M. Z... se trouvait en détention provisoire depuis le mois d’août dans le cadre d’une procédure pour infractions à la législation sur les stupéfiants.

À la demande des enquêteurs, le juge d’instruction autorisait, par ordonnance du 17 septembre 2012, la sonorisation de deux geôles de garde à vue au commissariat de Fontenay-le-Fleury, du 24 au 28 septembre et délivrait à cette fin une commission rogatoire.

L’ordonnance était ainsi rédigée:

Vu les articles 706-96 et 706-102 du code de procédure pénale : Attendu que l’information porte notamment sur des faits de vol avec arme en bande organisée, association de malfaiteurs, crime et délit entrant dans le champ d’application de l’article 706-73 du code de procédure pénale ; Attendu que l’ADN de Fayçal Z... a été retrouvé sur les lieux de commission de l’infraction ; que, néanmoins, les témoins de la scène ont décrit trois agresseurs, que les deux co-auteurs restent à identifier ; Attendu que des écoutes téléphoniques ont permis de mettre en évidence des relations très fréquentes entre Fayçal Z... et X... ; que, de plus, ceux-ci paraissent évoquer les faits lors de l’une des conversations enregistrées ; qu’eu égard à la difficulté, pour les enquêteurs, de rassembler de nouveaux éléments de preuve, il apparaît indispensable à la manifestation de la vérité de procéder à la sonorisation de l’intérieur des cellules de garde à vue que les personnes soupçonnées vont occuper ; Attendu que la sonorisation de ces geôles permettra en effet aux enquêteurs de recueillir des informations sur les faits visés aux réquisitoires introductif et supplétifs et de déterminer le rôle de chacun des mis en cause, leurs relations et le déroulement des faits si les gardés à vue tentent de communiquer entre eux malgré l’interdiction qui leur en sera faite, que cette sonorisation devra être mise en place durant tout le temps de la garde à vue soit pour une durée de quatre jours”.

 

Le 24 septembre 2012, M. X... était interpellé à son domicile et placé en garde à vue, mesure au cours de laquelle il niait toute implication dans le vol.

Extrait de la maison d’arrêt et également placé en garde à vue le même jour, M. Z... reconnaissait les faits, refusant toutefois de dévoiler le nom des personnes qui l’accompagnaient.

Dans la nuit, les conversations des deux gardés à vue, installés dans des cellules contiguës, étaient enregistrées. Il en ressortait que M. X... confiait à M. Z... qu’il s’était bien reconnu sur la vidéo filmée par les services de police peu avant le vol, contrairement à ce qu’il venait de déclarer aux policiers. Il demandait, moyennant finances, à M. Z... de le disculper. Ce dernier déclarait être rassuré par le fait que “sa femme avait tout jeté ce qu’il y avait dans la maison”. Les enregistrements indiquaient encore que M. Z... avait pris une part prépondérante dans la violence exercée contre la cliente dans la bijouterie et qu’il en avait accusé un certain “A...”. Par ailleurs, un certain “B...” était désigné comme ayant effectué leur transport et ayant assisté à l’incendie volontaire du véhicule volé.

Ultérieurement, M. X... était formellement identifié par la conductrice du véhicule percuté.

MM. Z... et X... étaient mis en examen le 27 septembre 2012 et placés en détention provisoire.

 

L’exploitation des propos interceptés au cours des gardes à vue permettait d’identifier MM. Liamine C... et Abdelgrani Y.... Ils étaient, à leur tour, mis en examen respectivement les 27 février et 20 septembre 2013.

* * *

 

Le 7 mars 2013, les conseils de M. X... ont déposé une requête en annulation d’actes de la procédure parmi lesquels la garde à vue de leur client et la sonorisation des cellules de garde à vue.

Par arrêt du 4 juillet 2013, leur requête a été rejetée par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles.

Sur le pourvoi de M. X..., la chambre criminelle a, par arrêt du 7 janvier 2014 (Crim., 7 janvier 2014, pourvoi n° 13-85.246, Bull. crim. 2014, n° 11), prononcé la cassation de cette décision et renvoyé l’examen de la cause devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris.

Cette cassation a été prononcée dans les termes suivants :

Vu l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article préliminaire du code de procédure pénale, ensemble le principe de loyauté des preuves ; Attendu que porte atteinte au droit à un procès équitable et au principe de loyauté des preuves le stratagème qui en vicie la recherche par un agent de l'autorité publique ; (...) Attendu que, pour écarter les moyens de nullité des procès-verbaux de placement et d'auditions en garde à vue, des pièces d'exécution de la commission rogatoire technique relative à la sonorisation des cellules de garde à vue et de la mise en examen, pris de la violation du droit de se taire, du droit au respect de la vie privée et de la déloyauté dans la recherche de la preuve, la chambre de l'instruction énonce que le mode de recueil de la preuve associant la garde à vue et la sonorisation des cellules de la garde à vue ne doit pas être considéré comme déloyal ou susceptible de porter atteinte aux droits de la défense, dès lors que les règles relatives à la garde à vue et les droits inhérents à cette mesure ont été respectés et que la sonorisation a été menée conformément aux restrictions et aux règles procédurales protectrices des droits fondamentaux posées expressément par la commission rogatoire du juge d'instruction et qu'il peut être discuté tout au long de la procédure ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la conjugaison des mesures de garde à vue, du placement de MM. Z... et X... dans des cellules contiguës et de la sonorisation des locaux participait d'un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves, lequel a amené M. X... à s'incriminer lui-même au cours de sa garde à vue, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé”.

 

La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris, cour de renvoi a, par arrêt du 5 juin 2014, rejeté à son tour la requête en annulation.

Pour statuer comme elle a fait, elle a retenu, en substance, les motifs suivants :

- plusieurs éléments issus de l’enquête constituaient des raisons plausibles de soupçonner que M. X... avait pu participer au crime et aux délits visés dans les réquisitoires introductif et supplétif et justifiaient son placement en garde à vue, conformément aux exigences de l'article 62-2, alinéa 1, du code de procédure pénale (il avait été filmé, une heure avant les faits, en compagnie de trois autres individus à proximité du véhicule volé et faussement immatriculé qui allait être utilisé pour commettre le vol au préjudice de la bijouterie ; au moment de la commission des faits, il n'émettait ni ne recevait d'appel téléphonique alors qu'après les faits il était fréquemment en relation avec M. Z..., dont l'ADN avait été relevé dans la bijouterie ; pour téléphoner, il utilisait des taxiphones ou des mobiles aux noms de tiers ou encore il employait un langage codé et donnait des rendez-vous en des lieux difficiles à surveiller ou non identifiables).

- l’ordonnance autorisant la captation et l'enregistrement de paroles, prise en application de l'article 706-96 du code de procédure pénale, est motivée et accompagnée d’une commission rogatoire spéciale. Par ailleurs, le législateur qui a exclu la sonorisation des cabinets d’avocats, de médecins, de notaires et d’huissiers ainsi que des domiciles des avocats et des locaux des entreprises de presse, ne l'a pas interdite pour les cellules de garde à vue.

- le droit au silence ne s'applique qu'aux auditions et non aux périodes de repos, et à défaut de démontrer que les gardés à vue auraient été incités par les enquêteurs à discuter pendant les temps de repos, il n’y a pas de violation du droit de se taire.

- en matière de sonorisation, l’ingérence de l’autorité publique est, conformément à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après “Convention européenne”), prévue par une loi est ordonnée par un juge indépendant et impartial sous le contrôle duquel elle s’exécute. Par ailleurs, la cour d’appel relève que le choix de la sonorisation répondait aux critères de proportionnalité et de nécessité dans la mesure où il a été décidé après que les enquêteurs eurent réalisé tous les actes d'enquête possibles (écoutes téléphoniques, analyses de téléphonie, filatures, surveillances de domiciles, recherches administratives et bancaires, auditions de témoins, recherches techniques et scientifiques, comparaisons de boîtiers téléphoniques, présentations de photographies de suspects, etc.). Il est également précisé que la notion même de garde à vue est exclusive de celle de vie privée, les personnes gardées à vue devant faire l'objet d'une surveillance constante pour assurer leur sécurité, celle des autres et la protection des locaux qu'elles occupent, y compris pendant les périodes de repos.

- enfin, prenant en considération la conjugaison des deux mesures, la cour d’appel retient qu’aucune disposition légale n'interdit de mettre en œuvre simultanément deux moyens d'investigation. La garde à vue de M. X... n'avait pas pour unique objet la réalisation de la sonorisation, mais était juridiquement fondée au regard des éléments déjà réunis à son encontre. Les enquêteurs n’ont à aucun moment incité les deux suspects à parler entre eux, le juge d’instruction ayant même précisé dans son ordonnance qu'il devait être donné l'interdiction aux gardés à vue de communiquer.

La cour d’appel déduit de l’ensemble de ces éléments que, dans le cas d’espèce, la sonorisation des cellules de garde à vue ne constitue ni un détournement des dispositions encadrant la garde à vue, ni une atteinte au principe de la loyauté des preuves, ni une atteinte à la vie privée.

 

MM. X... et Y... ont formé chacun un pourvoi en cassation, respectivement les 6 et 19 juin 2014.

Le président de la chambre criminelle en a ordonné l’examen immédiat.

La SCP Spinosi-Sureau a produit, le 4 août 2014, un mémoire pour M.X... tendant à la cassation de l’arrêt attaqué.

En revanche, aucun mémoire n’a été déposé pour M. Y..., dont la demande d’aide juridictionnelle, présentée le 28 août 2014, a été déclarée irrecevable le 2 septembre suivant. L’intéressé a, le 4 septembre 2014, reçu notification de cette décision.

 

Par arrêt du 15 octobre 2014, la chambre criminelle a ordonné le renvoi de l'affaire devant l’Assemblée plénière de la Cour de cassation.

 

Puis un « premier jet » :

 

2 - Analyse succincte des moyens

Deux moyens de cassation sont présentés au soutien du pourvoi.

Le premier moyen, composé de quatre branches, fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu à annulation des procès-verbaux relatifs à la sonorisation des cellules de garde à vue. Il est tiré de la violation du principe de loyauté des preuves, des articles 6 de la Convention européenne, préliminaire, 62-2, 63-1, 706-96, 591 et 593 du code de procédure pénale.

La première branche soutient que la conjugaison du placement en garde à vue de deux personnes dans des cellules contiguës et de la sonorisation de celles-ci a participé d’un stratagème constituant un procédé déloyal de recherche des preuves, lequel a amené l’une de ces personnes à s’incriminer au cours de sa garde à vue.

La deuxième branche fait valoir que la sonorisation, fût-elle prévue par la loi, ne saurait être mise en œuvre durant le repos d’une personne gardée à vue sans porter une atteinte intolérable aux droits de la défense.

La troisième branche invoque un détournement de procédure en soutenant que la garde à vue comme la mesure de sonorisation ont été planifiées à l’avance en vue d’une sonorisation de la cellule de l’exposant ainsi que de celle d’une autre personne impliquée dans l’affaire.

Enfin, la quatrième branche repose sur le droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer. La sonorisation des cellules visant à surprendre les propos de la personne gardée à vue durant son temps de repos serait manifestement contraire à l’article 63-1 du code de procédure pénale et à l’article 6 de la Convention européenne.

Trois des quatre branches du premier moyen sont rédigées dans des termes identiques aux première, troisième et quatrième branches du pourvoi dirigé contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles. Seule la première branche est rédigée dans des termes différents, bien que proches. Elle reprend, mot pour mot, la motivation de l’arrêt de cassation du 7 janvier 2014.

Le second moyen, développé en deux branches, fait le même grief. Il est pris de la violation des articles 8 de la Convention européenne, préliminaire, 62-2, 63-1, 706-96, 591 et 593 du code de procédure pénale.

La première branche reproche à la chambre de l’instruction de considérer que la notion de garde à vue est exclusive de celle de vie privée, alors qu’il résulte de la jurisprudence européenne que l’enregistrement des voix des suspects lors de leur inculpation et à l’intérieur de leur cellule constitue une ingérence dans leur droit au respect de leur vie privée au sens de l’article 8 de la Convention européenne.

La seconde branche dénonce l’absence de base légale ou jurisprudentielle pour autoriser l’enregistrement des voix des personnes placées en garde à vue. Il est observé que si l’article 706-96 du code de procédure pénale autorise la sonorisation en tous lieux privés ou publics, en matière de criminalité organisée, aucune disposition légale ni aucune jurisprudence ne permettait à M. X... de prévoir que ses propos tenus en garde à vue durant le temps de repos étaient susceptibles d’être enregistrés. En conséquence, ce texte ne constituerait pas une base légale suffisamment précise et prévisible.

La seconde branche du moyen est rédigée dans les mêmes termes que la cinquième branche du pourvoi qui a attaqué l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles.

En revanche, la première branche du moyen est formulée différemment.

 

Ensuite vient la question de droit à trancher :

 

3 - Identification du ou des points de droit faisant difficulté à juger

La question de principe qui nécessite la réunion de l’Assemblée plénière nous invite à réfléchir à la sonorisation des cellules de garde à vue dans lesquelles ont été placées deux personnes suspectées d’avoir commis ensemble un vol à main armée et à déterminer si ce procédé constitue un mode de preuve déloyal et porte atteinte à la vie privée, au droit de se taire et aux droits de la défense.

 

Et on aborde les sources du droit applicable :

 

4 - Discussion citant les références de jurisprudence et de doctrine

4.1 Les textes applicables

 

4.1.1 Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

Article 6 § 1 – Droit à un procès équitable

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice”.

Article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale

1 Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2 Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui”.

 

4.1.2 Code de procédure pénale

Article préliminaire : “I.-La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties. Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement. Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles. II (...) III.-Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie. Les atteintes à sa présomption d'innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. (...) Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable. Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a faites sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui”.

Article 62-2 : “La garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs. Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants : 1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ; 2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ; 3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ; 4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ; 5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ; 6° Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit”.

Article 63-1 : “La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa : 1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l'objet ; 2° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ; 3° Du fait qu'elle bénéficie : - du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l'Etat dont elle est ressortissante, conformément à l'article 63-2 ; - du droit d'être examinée par un médecin, conformément à l'article 63-3 ; - du droit d'être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ; - s'il y a lieu, du droit d'être assistée par un interprète ; - du droit de consulter, dans les meilleurs délais et au plus tard avant l'éventuelle prolongation de la garde à vue, les documents mentionnés à l'article 63-4-1 ; - du droit de présenter des observations au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l'éventuelle prolongation de la garde à vue, tendant à ce qu'il soit mis fin à cette mesure. Si la personne n'est pas présentée devant le magistrat, elle peut faire connaître oralement ses observations dans un procès-verbal d'audition, qui est communiqué à celui-ci avant qu'il ne statue sur la prolongation de la mesure ; - du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. (...)”.

Article 706-96 : “Lorsque les nécessités de l'information concernant un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-732 l'exigent, le juge d'instruction peut, après avis du procureur de la République, autoriser par ordonnance motivée les officiers et agents de police judiciaire commis sur commission rogatoire à mettre en place un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées par une ou plusieurs personnes à titre privé ou confidentiel, dans des lieux ou véhicules privés ou publics, ou de l'image d'une ou plusieurs personnes se trouvant dans un lieu privé. Ces opérations sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction.

2Criminalité et délinquance organisées. L’article 706-73 prévoit une liste limitative d’infractions.

En vue de mettre en place le dispositif technique mentionné au premier alinéa, le juge d'instruction peut autoriser l'introduction dans un véhicule ou un lieu privé, y compris hors des heures prévues à l'article 59, à l'insu ou sans le consentement du propriétaire ou du possesseur du véhicule ou de l'occupant des lieux ou de toute personne titulaire d'un droit sur ceux-ci. S'il s'agit d'un lieu d'habitation et que l'opération doit intervenir hors des heures prévues à l'article 59, cette autorisation est délivrée par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le juge d'instruction. Ces opérations, qui ne peuvent avoir d'autre fin que la mise en place du dispositif technique, sont effectuées sous l'autorité et le contrôle du juge d'instruction. Les dispositions du présent alinéa sont également applicables aux opérations ayant pour objet la désinstallation du dispositif technique ayant été mis en place. La mise en place du dispositif technique mentionné au premier alinéa ne peut concerner les lieux visés aux articles 56-1,56-2 et 56-33 ni être mise en œuvre dans le véhicule, le bureau ou le domicile des personnes visées à l'article 100-74. Le fait que les opérations prévues au présent article révèlent des infractions autres que celles visées dans la décision du juge d'instruction ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes”.

 

4.2 Sur le premier moyen et l’atteinte au principe de loyauté des preuves, aux droits de la défense et au droit de se taire

 

4.2.1 Le mémoire ampliatif

Il est soutenu que la conjugaison, d’une part, du placement en garde à vue des deux personnes suspectées d’avoir participé au vol à main armée et, d’autre part, de la sonorisation des cellules contiguës dans lesquelles elles ont été placées constitue un procédé déloyal de recherche des preuves (première branche), portant par ailleurs atteinte aux droits de la défense (deuxième branche) et au droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer (quatrième branche). Enfin, la troisième branche du moyen analyse ce procédé comme constituant un détournement de procédure dans la mesure où la garde à vue et la sonorisation des cellules ont été planifiées à l’avance.

Le mémoire ampliatif observe qu’il ressort clairement de l’ordonnance du juge d’instruction autorisant la sonorisation des cellules que la mise en garde à vue était exclusivement, sinon essentiellement, motivée par la mise en œuvre des opérations de sonorisation. Il en déduit que la garde à vue a été précisément organisée pour que la personne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices, ce que ne prévoit pas les motifs de placement en garde à vue énumérés à l’article 62-2 du code de procédure pénale. Ce texte énonce même le contraire lorsqu’il fixe à la mesure de garde à vue comme objectif : (or, les cabinets d’avocats, de médecins, de notaires et d’huissiers ainsi que domiciles des avocats et locaux des entreprises de presse. Députés, sénateurs, avocats et magistrats, “d’empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices”.

Le mémoire insiste pour que les deux mesures, qui auraient été volontairement combinées, soient analysées ensemble et non séparément, l’une ne pouvant se comprendre sans la mise en œuvre de l’autre.

La quatrième branche fait valoir qu’il serait contradictoire de reconnaître à la personne placée en garde à vue le droit de ne pas s’auto-incriminer, mais d’admettre la possibilité de sonoriser sa cellule afin de recueillir ses aveux lors de ses périodes de repos. Le droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer serait attaché au statut de la personne mise en garde à vue et non pas seulement limité aux phases d’interrogatoire de celle-ci, faute de quoi le régime protecteur instauré par la loi du 14 avril 2011 serait totalement superficiel.

Pour le demandeur au pourvoi, la validation du cumul des deux mesures serait en contradiction avec le renforcement des garanties entourant la garde à vue qui s’est opéré sous l’impulsion de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et concrétisé par l’adoption de la loi du 14 avril 2011 réformant le régime de la garde à vue.

 

4.2.2 La position du ministère public

* Devant la Cour de cassation le 7 janvier 2014 :

L’avocat général notait, en substance, que “la sonorisation de la cellule de garde à vue vient ruiner les garanties” prévues par la loi qui entourent les conditions dans lesquelles sont recueillies les explications du suspect à des fins probatoires, en ce sens qu’elle peut permettre le recueil “d’informations que la personne gardée à vue s’est refusée à dévoiler au cours de ses auditions”.

Il ajoutait : “La personne gardée à vue ne peut, même si elle se sait observée, songer alors qu’elle vient d’être entendue par des fonctionnaires de police, que ses conversations peuvent être surprises pendant les périodes de repos et qu’ainsi lui sera “extorqué” ce qu’elle a voulu taire. On observera à cet égard que la sonorisation vient surprendre le gardé à vue pendant des périodes de repos donc de “relâchement””.

Il observait encore que “si les propos interceptés de M. X... n’ont pas été provoqués, celui-ci a néanmoins été mis en position de les tenir. Il a été “incité” à bavarder de part le seul placement en garde à vue de son ami Fayçal Z... en même temps que lui dans une cellule contiguë à la sienne. La mesure de garde à vue des deux hommes ensemble a, au moins en partie, été planifiée pour pouvoir intercepter des conversations entre ceux-ci : cela ressort expressément de l’ordonnance autorisant la sonorisation du 17 septembre 2012".

Il concluait “à un comportement actif des autorités de nature à sciemment faciliter le contact, sous leur contrôle, entre deux suspects dans une affaire criminelle de manière à surprendre leurs propos”, malgré la légalité apparente de chacune des deux mesures coercitives mises en œuvre.

La mise en place concomitante des deux mesures lui paraissait incompatible et constitutive d’un contournement du droit au silence.

* Devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris le 5 juin 2014 :

Le ministère public a soutenu que :

- le juge avait respecté très exactement les dispositions régissant la garde à vue et la sonorisation et qu’aucune disposition légale n'interdisait de mettre en œuvre simultanément ces deux moyens d'investigation. Le placement en garde à vue de MM. X... et Z... était justifié, non pas par la volonté du juge d’instruction et des enquêteurs de capter et d’enregistrer leurs conversations, mais par les indices graves ou concordants rendant vraisemblable leur participation à la commission des infractions.

- les enquêteurs n'ont eu aucun rôle actif afin d'inciter les personnes gardées à vue à converser entre elles. M. X... n'a subi aucune contrainte, n'a été victime d'aucune manœuvre ou d'aucune provocation afin de se voir soutirer des aveux. II s'est exprimé librement bien que se sachant surveillé.

- l'article 63-1 du code de procédure pénale qui reconnaît le droit de se taire, lequel a été régulièrement notifié à M. X..., ne s’applique qu’aux auditions et non aux phases de repos.

- les lieux de garde à vue ne figurent pas parmi ceux dans lesquels toute sonorisation est prohibée par le législateur.

* Devant la Cour de cassation le 15 octobre 2014 :

Il ressort de l’avis de l’avocat général que :

- la mesure de garde à vue prise à l’égard de M. X... était motivée au regard des exigences de l’article 62-2 du code de procédure pénale.

- aucune interdiction formelle n’a été édictée par le législateur en ce qui concerne les lieux de privation de liberté relevant de l’autorité publique, alors que la sonorisation a été totalement proscrite dans les lieux occupés  par des avocats, médecins, avoués, notaires, huissiers, députés, sénateurs, magistrats et entreprises de presse ou de communication audiovisuelle.

- il y a une absence de subterfuge dans le recours à cette double mesure, les deux personnes gardées à vue n’ayant fait l’objet d’aucune incitation à discuter entre elles et ayant échangé librement. L’avocat général pose la question de savoir si le droit de se taire “aurait pour conséquence inéluctable l’interdiction d’entendre ou d’écouter les propos [que la personne gardée à vue] pourrait tenir spontanément, sans aucune façon y avoir été contrainte, en dehors du temps de ces auditions, et quel que soit le contenu de tels propos ?”.

- en l’absence de recours à la contrainte ou à des pressions de la part des enquêteurs pour faire parler l’intéressé, il ne saurait y avoir d’atteinte au droit de ne pas s’auto-incriminer soi-même.

- au regard de la nature des infractions criminelles poursuivies, le dispositif de sonorisation mis en œuvre en l’espèce, sous le contrôle d’un juge et en dehors de toute forme de pression, n’apparaît pas caractériser un stratagème déloyal qui aurait abouti à “soutirer des aveux” aux personnes gardées à vue.

 

On verra la semaine prochaine la « doctrine », autre source du droit, rapportée par le rapporteur (sûrement aidé d’un logiciel de pointe), parce que c’est absolument complet… comme il se doit !

Et qu’il s’agit de vous faire cogiter un peu, pas de vous étouffer…

2 commentaires:

  1. Nom de Dieu! Et il n'y en aurait qu'un tiers d'après ce que je comprends ...
    Faut que je relise tout, du début à la fin!

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    1. Eh oui !

      Une sacrée belle étude que nous fait là le rapporteur !

      Mais c'est totalement courant pour chaque décision de la Cour de cass.
      Après, vous ne pourrez plus dire qu'ils décident "au hasard" : C'est proprement impossible à imaginer !

      Bien à vous !

      I-Cube

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