Aux
plaisirs du palais – (Comédie dramatique en
3 actes et en prose !)
Avertissement : Ceci est une œuvre de totale
fiction. Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé, a fortiori à naître, ne peut qu’être
pure coïncidence totalement fortuite, fruit de l’aléa propre au pur hasard.
Tout rapprochement incongru relèverait donc de la plus haute fantaisie et son
auteur se verrait impitoyablement poursuivi en justice pour répondre du
préjudice qu’il aurait pu ainsi créer.
Acte II – Scène I
(Lever de rideau sur un somptueux bureau)
(Entre JC qui tient la porte à NS).
JC – Entre ! C’est ici chez toi, désormais.
NS – Merci…
JC – Assied-toi ! J’ai quelques trucs à te montrer.
NS – Volontiers ! Quels sont donc les fameux secrets qui justifient ce
tête-à-tête ?
JC – Je vais te montrer. Mais avant tout, sache qu’ici, c’est une chambre
forte, anéchoïque, comme ils disent, les spécialistes. Rien ne peut être
entendu depuis l’extérieur, rien ne peut être vu si tel est ton désir.
NS – J’imagine…
JC – Juridiquement et techniquement, tu es au cœur d’une place militaire.
Ton chef d’État-major t’expliquera tout ça. T’en fais pas, tu verras, c’est une
belle machine bien huilée où on est au courant de tout. Bon, juste deux choses
quand même !… La première c’est qu’il s’agit d’une citadelle assiégée en
permanence, et de toute part. Pas bien grave, elle a l’habitude de rester
étanche à toutes les attaques. Tout juste, choisis bien ton secrétaire général.
NS – Vous le connaissez déjà !
JC – Je sais, oui. Il a trois fonctions : il dirige la boutique, même
quand tu es là.
NS – Ça je savais…
JC – Donc il faut que tu aies une confiance absolue. Il est impératif
qu’il te rapporte absolument tout comme si c’était toi-même qui le lui disais.
Deuxièmement, il faut qu’il encaisse tout à ta place, sans ça tu vas perdre un
temps phénoménal à gérer l’intendance, et ça, crois-moi, c’est chiant ! Ta
fonction, tu l’as voulue, c’est d’arbitrer ! Et je t’assure que c’est dense. Et
en plus il faut être rapide et faire le moins d’erreur possible.
NS – Mais je suis prêt !
JC – Je n’en doute pas. Après tout, tu as eu tout le temps de te former et
de te préparer. Il n’empêche, tu vas être surpris. Mais comme tu le voulais, ce
fauteuil, plus que tous les autres, eh bien tu l’as, alors assumes sans
faiblir.
NS – Je serai digne de la fonction…
JC – Oh ! La fonction, ne t’en fais pas, elle te rappellera à l’ordre plus
souvent qu’à ton tour. Ici, les gens te parleront avec déférence, un peu comme
si tu étais une réincarnation de Râ sur terre ou d’une quelconque autre
divinité, mais ils n’en pensent pas moins. Ne t’offusque pas !
NS – J’y songerai… Euh… Vous n’allez quand même pas me faire un cours
d’éducation de morale politique ?
JC – Et puis quoi encore ? Tu sais bien comme moi que pour arriver ici,
faut être un perverti mégalomaniaque. Tu l’es assez comme ça. Je n’ai pas de
leçon à te donner à ce sujet.
NS – J’ai eu d’excellents professeurs.
JC – C’est sûr ! Deuxième chose. C’est un secret que mon prédécesseur ne
m’a pas retransmis. Je crois que c’est parce qu’il l’ignorait lui-même.
NS – Quoi donc ?
JC – La chose pour laquelle nous devons être seuls tous les deux au moins
cinq minutes sans aucun témoin. Je t’explique : il s’agit de la décision
nucléaire.
NS – Ah ! Le code !
JC – Le Code ? Quel code ?
NS – Celui qui déclenche le feu nucléaire !
JC – N’importe quoi… Les militaires qui sont enterrés sous le jardin et
dans la cave t’expliqueront la chaîne de commandement ! Ils y croient dur comme
fer. Et ce n’est pas simple, mais eux s’y entendent pour protéger les outils de
la dissuasion. C’est d’ailleurs leur fonction essentielle. Alors écoutes les
avec déférence, ils ne se prendront que plus au sérieux et toi aussi du même
coup. Mais tout ce qu’ils peuvent dire sur leurs procédures, c’est de la
gnognotte.
NS – Ah ?
JC – Oui ! Je t’explique. Le Grand Charles, il voulait la bombe. C’était
sa vision de la France, le droit de veto au Conseil de l’ONU, etc. Bon. Mais il
disait aussi qu’il ne faisait pas confiance aux militaires et il savait
pourquoi ! Faut dire qu’entre les uns et les autres, les Darlan, Massu et les
putschistes d’Alger, il était clair que les événements de sa vie n’ont fait que
le renforcer dans ses convictions.
NS – Je connais !
JC – Non tu ne sais pas ! Moi, je l’ai fréquenté. Moi je sais ! Toi tu
tétais encore ta mère, je te rappelle.
NS – M’enfin ! À qui parlez-vous !
JC – Ne t’offusque pas ! Je sais qui tu es et je sais qui t’as fait.
N’oublie pas. Je peux continuer mon exposé ou on s’arrête là ?
NS – Allez-y !
JC – Donc le Grand Charles, quand il a eu la bombe, il l’a naturellement
confiée à ceux qui devaient la mettre en œuvre, les militaires. Logique.
NS – Logique.
JC – C’est donc toute la chaîne de commandement où tout est fait pour
valider les différentes étapes de mises en œuvre. Néanmoins, il voulait pouvoir
la stopper à n’importe quel moment, y compris une fois les munitions tirées
mais pas encore explosées.
NS – Ah ?
JC – Bé oui ! L’arme dissuasive, c’est fait pour ne pas s’en servir. Si tu
t’en sers, c’est qu’elle n’était pas dissuasive. Logique.
NS – Logique ! Une arme défensive en quelque sorte.
JC – Non ! De représailles. Nuance. Donc voilà le scénario qu’il avait
imaginé. La France est attaquée. Une puissance étrangère tire ses missiles,
envoient ses bombardiers. Normalement, on est au courant dans les 5 minutes et
le niveau d’alerte de nos troupes monte en puissance pour être capables de
faire feu dans les minutes qui suivent. Jusque-là, pas de problème. On a, grosso modo, une dizaine de minutes
devant soi pour prendre la décision de riposter ou non. Après, c’est trop tard.
NS – Et quand tu n’es pas là, mais en voyage à l’étranger, par exemple ?
JC – Tu as un officier qui se promène partout où tu vas avec la boîte à
commande. De toute façon, tout se passe en dessous, au QG Jupiter. Matignon a
le même dans les jardins, mais tu ne peux pas savoir puisque tu n’y as jamais
été. Pareil dans la cour des Invalides. Et idem à Creil dans les anciennes
carrières. Sauf qu’à Creil, c’est quasiment indestructible. Alors qu’ici, non !
NS – Et si le Président est rendu incapable de prendre une décision, je ne
sais pas moi, un attentat, par exemple ?
JC – C’est Matignon qui prend le relais. Et si Matignon ne peut pas pour
une raison ou une autre, c’est le Président du Sénat qui est sollicité, etc.
Tout ça est réglé comme sur du papier millimétré : ne t’en fais pas. Ça marche
plutôt bien.
NS – Bon et alors ?
JC – Ici et seulement ici, le Grand Charles avait imaginé un dispositif
qui annule les détonateurs de toutes les munitions déjà tirées mais pas encore
explosées…
NS – Comment ça ?
JC – Si tu tires, ça veut dire que tu es assailli et que tu ripostes. À
moins qu’un quelconque docteur Folamour dans nos rangs ou ailleurs fasse «
joujou » avec le feu nucléaire sans la permission expresse des autorités
politiques des pays concernés. Donc, pour éviter le pire, il a imaginé un
bouton planqué ici quelle que part. Tu appuies dessus et l’attaque est annulée
pour une quinzaine de minutes, le temps nécessaire pour épuiser toutes les
munitions tirées sans explosion, même celles de l’adversaire qui ont le même
dispositif, rendant inerte toutes nos armes, même celles qui ont été lancées !
Astucieux non ?
NS – Bof… Si on veut ! Et ça marche ?
JC – Oui ! Je l’ai testé lors de la dernière campagne d’essai nucléaire en
Polynésie. Trois minutes avant le tir de notre ogive, j’ai annulé, d’ici, la
manœuvre ! Bon, la bête était enterrée et on avait relié le détonateur à une
antenne extérieure. Sans ça, ça ne marche pas. Tu comprends pourquoi il nous
fallait refaire une campagne de tirs. Pour cette raison, mais aussi pour tester
les modèles mathématiques des scientifiques. Les affiner une dernière fois, en
quelle que sorte. Je ne te raconte pas la tête des militaires quand leur pétard
n’a pas fonctionné ! Eux-mêmes ignoraient l’existence de ce dispositif-là. Même
si ils ont le leur aux Invalides.
NS – Bon et alors ? Comment ça marche ?
JC – Avec la voix. Je ne sais pas comment et je me suis bien gardé d’en
parler pour demander des explications.
NS – Ah ? La voix ?
JC – Je te raconte la suite : Donc Charles, il a dû mettre au parfum son
successeur qui a été Poher. Mais ce n’est pas sûr, puisqu’il s’est cassé sur un
coup de tête. On imagine que Poher a mis au parfum, Pompidou. Pompidou meurt,
Poher y retourne et met sans doute Giscard dans le secret.
NS – Et ainsi de suite jusqu’à aujourd’hui !
JC – Pas du tout. Je n’ai guère eu de conversation couverte par le sceau
du secret avec ce connard là ! Mais ce que je sais, c’est que Mitterrand ne m’a
rien dit. Vraisemblablement il ignorait ce « zinzin » là. Je ne l’ai
redécouvert que plus tard, alors qu’il était mort et enterré !
NS – Comment vous avez fait ? Personne d’autres n’était pourtant au
courant.
JC – Apparemment pas !… C’était un jour où j’ai essayé du viagra ! J’avais
dû abuser des doses.
NS – Du viagra ?
(NS rit bruyamment)
JC – Ne rigole pas comme un con, s’il te plait ! Je voulais essayer… Tu
verras, tu y viendras un jour où l’autre, toi aussi !
NS (calmé) – Moi ? Jamais eu besoin !
JC – Normal, il paraît que tu en as une petite. Tellement ridicule qu’en
forme ou non, on ne voit pas la différence !
NS (furieux, bourré de tic mais sur un ton retenu) – Ça c’est n’importe
quoi ! Si je vous la mettais, vous la sentiriez passer à vous en faire exploser
les hémorroïdes !
JC (pris d’un fou rire) – Tu me fais rigoler ! Arrête !
NS – Vous êtes vraiment un infect personnage !
JC – Arrête je te dis ! J’ai d’ailleurs un cadeau pour toi dans le dernier
tiroir ! Celui-là je le tiens de Mitterrand ! Tu vas voir !
NS – C’est quoi ?
JC – Une seconde !… Que je reprenne mes esprits ! Tu me fais tant marrer
que j’en perds mes idées. Et comme je ne compte pas m’éterniser ici trop
longtemps ! Où en étais-je ?
NS – Vous…
JC – Ah oui ! Le viagra ! J’en rigole… Quand les américains sauront un
jour que la France a retrouvé la maîtrise de sa force de dissuasion grâce à
leurs laboratoires pharmaceutiques, j’en rigole d’avance !… Bon le viagra ! Il
me colle une trique pas possible ! Et, devant le résultat, je m’exclame : «
Putain de gaule ! »
(Dans un endroit du mur derrière le bureau présidentiel, s’ouvre alors une
trappe avec un bruit mat, faisant apparaître une niche avec un gros bouton
rouge lumineux clignotant).
NS – C’est quoi, ça ?
JC – Le bouton qui annule tout. Ne me demande pas comment, mais ça marche
! Tu appuies dessus, et il ne clignote plus. Et plus rien ne peut faire
exploser les quelques milliers d’ogives nucléaires que nous possédons !
NS – Ah ?
JC – Il était malin le Grand Charles ! Personne ici ne pouvait prononcer
ces mots là devant lui. Donc il était le seul à pouvoir se le permettre. En
pensant aussi que si Paris disparaissait un jour en lumière et poussière, hé
bien, le bouton aussi et alors là, vraiment plus rien, ne pouvait permettre
d’arrêter les représailles. Logique.
NS – Des jeux de gamins ! Et on range ça comment ?
JC – Tu relèves le zinzin comme ça ! (JC referme la niche).
NS – Bon, autre chose ?
JC – Non plus rien !… Ah si, quand même. Tu vas encore mal le prendre mais
il y a deux détails pour lesquels je compte sur toi. Ça a un rapport avec nos
femmes respectives. Le premier c’est que mon épouse est partie sans laisser la
clé de ses appartements.
NS – Pardon ?
JC – Ne t’offusque pas ! Tu fais sauter la serrure, tu fais mettre toutes
ses affaires dans des cartons et tu livres ça quai Voltaire sans autre forme de
procès. Elle avait fait le même coup à Xavière, il y a 12 ans. Elle remet ça
une nouvelle fois. C’est une habitude. Comprends-moi : moi je ne peux pas sans
me tartiner pendant des semaines sa mauvaise humeur. Déjà qu’elle est à peine
supportable… Passons ! Toi, tu peux : elle te pardonnera un jour ou l’autre.
Enfin ça n’a aucune importance. Mais surtout, ne fais pas comme Tiberi : il a
poireauté 2 ans avant de pouvoir entrer dans les appartements de l’Hôtel de
Ville. Pour retrouver un bordel inextricable qu’il a laissé à son successeur.
Il paraît même qu’ils y ont retrouvé des rats !
NS – Quand on sort des chiottes, en principe on laisse la place comme on l’a
trouvée ?
JC – Oui. Je sais. Mais pas elle. C’est comme ça. Deuxième chose. Ne te
fâche pas ! Que le premier flic de France se fasse cocufier, ce n’est pas bien
grave. Mais si tout le monde passe sur la première Dame de France, sauf le RER
et le TGV, n’est-ce pas, c’est la France entière qui porte les cornes…
NS – Ah ne me parlez pas de Cécilia ! J’en ai l’étau aux tempes !
JC – Je ne t’en parle pas ! D’ailleurs je n’ai rien dit. Il n’empêche que
si elle a le feu au cul, soit tu l’enfermes, soit tu assumes. Passe encore
qu’elle ait oublié de voter, même pour toi, alors que des millions de français
t’ont fait confiance, mais le cul, c’est ton talon d’Achille. Fais-toi poser
une prothèse si c’est nécessaire, mais fais quelque chose !
NS – Je ne vous permets pas ! Je vous savais odieux et amoral, mais mes
problèmes de couple, ce sont mes problèmes ! Je n’ai jamais critiqué Bernie et
ses coiffures à la con, alors…
JC – Arrête ! Tu as raison. On n’en cause plus. Viens ! On descend et on
se sert la pince sur le perron ! Moi je me tire et toi tu te mets à bosser !
NS (calmé) – Aucune consigne pour autre chose ? Même pas pour tes juges ?
JC – Tu verras, les juges ne peuvent pas grand-chose…
NS – J’ai pourtant essayé de trouver une solution technique, mais le
Canard l’a éventée.
JC – Je sais : c’est gentil d’y avoir pensé. Mais comme c’est toi qui as
organisé les fuites, je ne peux pas dire que c’était une bonne idée !
NS – Moi ? Quelle idée, je vous assure que…
JC – Laisse tomber ! Ici on est au courant d’absolument tout ! Tu verras.
De toute façon je n’ai pas besoin de toi et depuis fort longtemps ! On y va ?
NS – Et le cadeau de Mitterrand ?
JC – Ah oui ! J’allais oublier. Tiens, ouvre le dernier tiroir en bas à
gauche.
(NS passe derrière le bureau, ouvre le tiroir, reste un moment en arrêt et
saisi lentement un pot de vaseline et un godemiché pour les poser sur le
bureau)
NS – C’est quoi, ça ?
JC – Ça se voit ! C’est pour mieux se faire enfiler !
NS – Mais c’est n’importe quoi ?
JC – Non, tu verras ! J’ai cru comme toi à une blague de mauvais goût.
Quand il me les a montrés, il m’a dit que c’était pour m’habituer « à la
fonction ». Je lui ai dit d’aller se faire voir ailleurs ! Et il m’a répondu
gentiment et avec un sourire sincère : « Non, non, vous verrez ! Ici, vous
croyez être le maître de tout, mais c’est bien le seul endroit où tout le monde
vient pour vous abuser ! Alors autant avoir de l’entraînement ».
NS – Mais il est immonde ! Moi je vais l’utiliser autrement !
JC – Tu fais ce que tu veux. Mais à force, je crois bien qu’il avait
raison. Ici, tu ne peux plus rien espérer de personne puisque tu as tout et que
tout le monde ne pense qu’à te virer de ton fauteuil ! Toi le premier, te
souviens-tu ! Donc, les gens qui viennent te solliciter, c’est uniquement pour
te baiser. Ils te disent des trucs, te font des promesses pour obtenir une
faveur, un feu vert, un appui, n’importe quoi. Qu’ils repartent avec ou sans,
de toute façon tu t’es fait avoir car ils feront comme ils voudront ! Peu
importe ton avis. Donc, dans tous les cas, tu t’es fait avoir ! Logique !
NS – C’est bien ce qu’on va voir !
JC – C’est tout vu ! Même si tu mettras du temps à t’en apercevoir.
D’ailleurs, je suis curieux de savoir en combien de temps tu vas t’en rendre
compte. Pour ma part, j’ai mis 2 ans. Mais après, ça passe : on s’en accommode
et on anticipe ! Bon on y va ?
NS – N’importe quoi ! Pas moi !
JC – On en reparlera si je survis assez longtemps.
NS – C’est ça ! Allez, on y va ! Marre, d’entendre que des conneries ! Je
vous raccompagne !
JC – À tes ordres, Monsieur le Président.
(Les deux personnages sortent).
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