Soixante-quinzième chapitre
: Retour vers son destin.
Avertissement : Vous l’aviez compris,
ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle »,
sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
« Tous ces
« dépôts » génèrent des profits qui sont rattachés à des « comptes
fantômes » sis dans les paradis fiscaux visés par ces « Panama
Papers ». Ainsi, les milliards de dollars d’intérêts gagnés sur les
montants pillés sur les « Comptes de Garantie » et prêtés par la
suite, ne sont pas crédités au titulaire légal du compte principal.
Le
transfert de ces fonds se fait soit de Banque à Banque soit par le biais de
mécanismes pervers et totalement étrangers au système Swift international, tels
que celui connu sous le nom de « Server to Server ».
Nous
sommes très au courant, naturellement.
Il s’agit
d’un mécanisme illégal, mais bien connu de certaines banques internationales,
qui permet à certains milieux « déviants » et avec la complaisance des
spécialistes du blanchiment et/ou des banquiers corrompus, de « décharger » des
fonds sans laisser de traces dans le système Swift.
C’est
parfaitement illégal, bien entendu, et pourtant c’est ainsi que cela se passe
encore aujourd’hui pour piller les fonds sur les « Comptes de Garantie »
ou parfois, aussi, pour transférer de l’argent sale.
Avec ça,
de nombreux politiciens dans le monde entier – suivant la stratégie de
domination mondiale des occidentaux vainqueurs de la seconde guerre mondiale –
sont achetés et contrôlés de cette façon.
Vous
comprenez mieux, mon fils ? »
Pas du tout… Quel rapport avec les milliards du Koweït
et les diamants restitués ?
« L’or
koweïtien est en dépôt en Angleterre. Les palettes de dollars retirées des coffres
de l’émir en août 1990 le sont aux USA, bien à l’abri, même si ce n’est que du
papier.
Il leur manquait
les diamants que vous avez restitués.
Ce qui
vous honore à titre personnel, bien sûr, mais par-là même vous venez alimenter
une source de financement occulte qui va de nouveau aviver les convoitises et
corrompre des milliers de personnes influentes.
Vous nous
les auriez remis, en dépôt naturellement, ils auraient été à l’abri et personne
n’en aurait eu un usage illégal. »
Il aurait pu les laisser dans le coffre de la banque
helvète…
De toute façon celle-là ne s’est même pas rendue
compte du pillage de son client qui ne reviendra jamais pour se signaler…
À la limite, ils s’apercevront qu’il est vide quand
ils forceront la serrure dès que la location ne sera plus payée.
À moins qu’ils ne modernisent leur salle des coffres
entre-temps, ce qui obligera à déménager tous les coffres…
Oui, Paul commence à comprendre. Mais quel rapport
avec les « Panama Papers » ?
« Un jour,
il faudra que je vous l’explique dans le détail…
Globalement
et probablement, pour à la fois salir les corrompus et réveiller la vigilance
de l’opinion publique. Deux objectifs qui ont vraisemblablement lamentablement
échoué. Au mieux, ça permettra aux divers services fiscaux nationaux concernés
de faire des redressements sur ces fraudes.
Tenez,
même dans votre pays, en France, votre ancien ministre délégué au Budget accusé
de fraude fiscale est cité parmi ces détenteurs de comptes
« off-shore », ainsi que votre maire de Levallois-Perret.
L’avocat associé
de votre ancien président Krasoski, tout autant que l’associé du fond
luxembourgeois LSK de votre ancien ministre de l’économie et des finances du
président Thiersmirant, également.
L’homme
d'affaires franco-israélien, patron d’Altice et propriétaire de SFR, de
Libération et de L’Express, des médias influents, pareillement.
Le père
de Manuella Lapeine, le fondateur de votre parti-populiste, le
« F-Haine » et de plusieurs de ses proches sont également cités.
Le patron
des éditions Glénat, deux banques francophones font partie des entreprises
nommées.
Selon le
journal belge « Le Soir », le président du FC Nantes serait lui aussi
concerné.
L’ancien
président de la fédération socialiste et sénateur des Bouches-du-Rhône, pareil.
L’ex-épouse de l’ex-président Krasoski et son nouvel époux également…
La liste
est longue, la corruption est large et cela ne vous a sans doute pas échappé… »
Si, mais Paul n’allait pas contrarier un pape en
exercice jusque chez lui…
Et puis dans le tas, le pape en oublierait de
« se moucher » : les institutions financières du Vatican n’ont
pas toujours été d’une pureté et d’une probité irréprochable…
« Et
pendant ce temps-là, mon fils, la planète, notre jardin d’Éden, est pillée, se
meurent, devient étouffante, suffocante et est empoisonnée tous les jours… »
Le pourquoi de l’encyclique « Laudato si… »
en somme.
Paul l’avait lu, mais sans vraiment en comprendre tout
le sel. Une connerie en avait-il conclu peut-être un peu vite, pour lui qui
reste profondément positiviste, s’accrochant d’abord au « comment »
plutôt qu’au « qui » des théologiens et au « pourquoi » des
métaphysiciens…
« –
Excusez-moi, votre Sainteté, mais n’y a-t-il rien de plus urgent sur cette
planète que de se préoccuper de l’or, des diamants, des garanties des
« puissants » ou de la santé de la planète alors même que l’humanité
dépérirait de mille maux ?
– Mais si
bien sûr et tout est lié, mon fils ! Si les uns accumulent des richesses
inutiles et stériles, c’est justement parce qu’il y en a des milliards qui
survivent vaille que vaille dans la misère parfois la plus noire, la plus
profonde, bien pire que vous n’imaginez même…
– Au
risque de vous paraître insolent, je vous coupe, votre Sainteté. Je connais le
discours, la musique, les refrains et parfois même les
« réalités-terrain ». Le progrès en viendra à bout comme il a réussi
à sortir plus de la moitié de l’humanité d’une situation encore plus noire en
quelques décennies. Alors certes, ça épuise peut-être la planète, mais en 50
ans, l’humanité a doublé de taille et l’espérance de vie globale s’est allongée
de façon phénoménale, comme jamais en moins d’un siècle. Le problème n’est pas
là. »
Et il serait où alors ?
« – Vous
m’avez fait venir pour régler un problème de sécurité. On va le régler, dans la
mesure de nos faibles moyens. C’est l’éternel jeu de l’épée et du bouclier qui
franchit une nouvelle étape, tout simplement. Le problème plus global réside
dans le fait qu’ils sont de plus en plus nombreux à penser que c’est l’homme
lui-même qui est la cause de tout.
– Je ne
prétends pas autre chose…
– … sauf
que ceux-là, ne sachant pas modifier la profondeur des âmes auxquelles vous
vous adressez, ils ont les moyens de financer en substitution des projets de
réduction massive de la population mondiale. Un petit virus ici ou là, une
bonne petite guerre religieuse bien dégueulasse entre sunnite/chiite, ou
musulmans contre les bouddhistes ou les chrétiens pris dans leur totalité, et
de s’en protéger eux-mêmes par avance. Il faut ouvrir les yeux, c’est le quotidien
actuel, Votre Sainteté ! »
Le Pape observe un court silence, pendant que le
cardinal cesse son mouvement perpétuel de la tête.
Et il reprend :
« – Bien
sûr, je suis parfaitement conscient que les faits vous donnent raison. Et, vous
qui êtes… « inspiré », vous savez bien qu’il n’y a que deux
solutions : lutter et prier. Mon métier c’est de prier…
– Là où
vous êtes placé, et ce n’est pas un hasard, c’est aussi de lutter.
– Je le
fais par la prière et le Verbe. Deux éléments dont vous semblez ignorer toute
la puissance.
– Exact,
Votre Sainteté. Votre prédécesseur me l’a déjà reproché. Je n’aurai pas la
prétention de vous contredire sur ce point. Et c’est pour ça que je ne suis pas
le Pape des catholiques non plus.
–
Savez-vous que « Laudato si… » veut dire « Loué sois-tu… »
dans un dialecte italien contemporain de Saint-François ? »
Bien sûr : on le lui avait déjà expliqué il y a
quelques semaines : « C’est
aussi le début d’une de ses belles prières. »
C’est au tour du Pape d’acquiescer d’un mouvement du
menton…
« – Elle
est aussi pour vous, mon fils.
– Merci
infiniment, très Saint-Père. Sachez seulement que tout ce que je sais, c’est
que l’avenir de l’humanité existe bel et bien : je l’ai croisé à quatre
reprises sans rien en demander. Probablement par hasard, là encore. Alors à
nous de le construire !
– Je sais
cela aussi, mon fils. Merci.
On m’avait
prévenu de quel bois vous étiez fait, mon fils. Je ne suis qu’agréablement
surpris. J’ai été réellement ravi de faire votre connaissance et puissiez-vous être
béni dans votre quête par le tout-puissant et notre Seigneur Jésus-Christ » fait-il en se
levant mettant ainsi fin à leur entretien : « Vous pouvez aller et faire ce pour quoi vous êtes venu »,
fait-il comme d’une auguste permission.
« –
Pouvez-vous m’accorder une ultime grâce ?
–
Laquelle ?
– Prier
ensemble ! »
Une scène parfaitement surréaliste : François, le
Pape, un immense sourire illuminant son visage s’agenouille devant Paul qui en
fait autant en lui faisant face, ainsi que son éminence, tout surpris et tous
les trois déclament un Notre-Père et enchaînent, chacun dans sa langue un Je
vous salue Marie, pleine de grâce …
« Le Seigneur
est avec vous. Vous êtes bénie entre toutes les femmes et Jésus, le fruit de
vos entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous pauvres
pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort. »
Le Saint-Père termine par quelques formules latines marmonnées,
se signe et se lève en serrant vivement la main de Paul prise dans l’étau de
ses deux mains, le visage rayonnant : « À l’avenir, mon fils ! ».
Pffuit …
Épuisant !
« Alors ?
Et cet entretien ? » demande Gustave dès qu’il croise
« Charlie », l’actionnaire au mess des officiers de la Garde où ils
sont conduits l’un et l’autre, accompagnés du batave, pour se restaurer.
Ils seront rejoints par le Padre Pedro et un officier
supérieur des Gardes suisses qui leur avait réservé la table.
Décoiffant… « J’en
ai encore mal au ventre, tout noué. On signe où ? »
« Le » papier n’est pas encore revenu à la
Curie revêtu de la signature papale.
« Mais
racontez, quoi ! Visiter le pape soi-même en audience privée, ça n’arrive
pas tous les jours ! »
Non, mais à lui ce n’est que la deuxième fois en pas
tout-à-fait trois ans.
« On a fini
très fort. Un coup de bluff que j’en ai encore les jambes toute molles… »
Comment ça ? Ils deviennent tous très curieux,
autour de la table.
« – Par une
prière commune.
– Une
prière de quoi ?
– Un
pater et un ave !
– Un
pater et un ave ? Vous voulez dire, deux… prières ? Des vraies ! »
Pourquoi ? Il y en des fausses ?
Rires général de ceux qui suivaient la conversation.
Qu’il a du mal à s’en remettre, l’amiral…
« – Et pour
le reste ? Il ne vous a pas convoqué juste pour vous faire prier ?
– Non,
bien sûr. D’autant que c’est moi qui ai eu cette initiative… Je ne pensais que
j’aurai eu ce culot-là !
On a
causé.
– De
quoi ?
– Je
crois que c’est surtout lui qui voulait m’initier à des accords internationaux
secrets… Et à leurs implications.
– Qui
sont … ?
– Secrètes,
forcément ! Mais globalement, ça tourne autour des richesses matérielles
de ce bas-monde. De sacrés enjeux que je ne suis pas bien sûr d’avoir tout bien
compris.
– C’est
en rapport avec les diamants koweïtiens ? Je vous avais dit que c’était
une connerie.
– Non
même pas… En fait, peu importe celui qui détient ce type de valeur.
– Bé
alors ? Je ne comprends pas !
– Tant
que ça ne revient pas sur le marché, ce ne sont que des garanties, de ce que
j’en ai compris de mon côté. Et les grandes familles régnantes, dont le
Vatican, ce sont entendues après-guerre, la première mondiale, pour stocker
l’or divagant, les emprunts perpétuels, les diamants qui leur tombent dans
l’escarcelle au fil du temps.
– Des
garanties de quoi ?
– Contre
la corruption active et pour les diverses reconstructions des dégâts des guerres.
Vous savez, ceux que vous faites avec vos beaux outils de destruction sous
l’uniforme.
Vous
saviez, amiral, que sous les patriotismes exacerbés, toutes les guerres, toutes
les invasions, les colonisations et les pillages, tous les conflits armés, au
moins depuis l’antiquité, ont pour unique cause la « chasse au
trésor » ? Et quel que soit le camp et le drapeau que vous
servez ? »
Bien sûr ! Les richesses sous tous ses aspects.
Et alors, il y a un problème ?
« Pour moi
non, pas plus que ça. Je viens seulement d’apprendre quelle que chose
aujourd’hui, c’est tout. Ainsi que le lien avec son encyclique « Laudato
si… ». »
Et ça lui nouait l’estomac.
« – Qui
est ?
– Quoi
donc ?
– Le lien
avec l’encyclique ?
– Ah oui,
excusez-moi… Qui est simple, de ce que j’en ai compris. Ou ce qu’il a bien
voulu me faire comprendre. Les hommes passent leur temps à lutter pour
s’enrichir, s’entretuent gaiement pour ça et du coup détruisent leur planète à
petit feu. Ce qui ne sert strictement à rien puisque la plupart de ces richesses
sont déjà « gelées » ad vitam æternam.
– Il
ferait peut-être mieux de libérer ses stocks d’or pour soulager les misères de
ce monde…
– Mais
non, amiral ! Ce serait plonger la planète dans un état pire
qu’actuellement, au contraire.
– Comment
ça ?
– La
fièvre de l’or, ça a déjà déclenché la disparition des civilisations d’Amérique
latine. Le far-West et quantité de barbaries à travers la planète et son Histoire.
Vous jetteriez l’or des garanties sur les marchés que ça n’enrichirait que les
plus puissants qui pourraient alors mettre en coupe-réglée le reste de
l’humanité. Tout deviendrait plus cher d’un coup et ça retomberait sur la
gueule des plus miséreux !
– Parce
que vous croyiez que le sort des loqueteux est enviable actuellement ?
– Bien
sûr que non, amiral, mais ça ne ferait qu’en rajouter. Vous vous en doutez
bien.
–
Peut-être, mais ce n’est pas sûr.
– Soyez
raisonnable amiral. Si demain tout le monde devient dix fois plus riches, je
dis bien tout le monde, les plus pauvres comme les déjà plus riches, ça
changera quoi sinon à payer dix fois plus cher ce que vous consommez ?
Et comme
dans ce cadre-là, la « distribution » ne sera pas égale, tout ça
finira rapidement par plus de pillages et de corruptions généralisées… »
Pas convaincu, son vis-à-vis.
« Réfléchissez
donc une seconde, amiral. Quand les humanitaires distribuent du riz aux
populations en état de famine avancée, aussi sec ça crée des tensions et des
conflits là où les gens sont déjà en état de pauvreté absolue, telle qu’il faut
encore plus d’autoritarisme, de police, de forces armées, de contraintes qui
finalement empêchent les gens de se prendre en charge. C’est un cercle infernal
qui les maintient en état de dépendance absolue. Alors pensez un peu aux effets
de la distribution gratuite de lingots d’or ! »
Vu comme ça…
« Ça ne
vous rend pas très optimiste, vous, de rencontrer le pape, vous. Vous devriez
éviter à l’avenir. »
Il en convient : l’estomac noué, qu’il avait dit.
« – Non
effectivement. Mais je comprends mieux ce plaidoyer pour la planète. Ceci dit,
j’ai tenté d’attirer son attention sur les plans malthusiens des quelques
« richissimes ». Mais pour lui, c’est lié. Tant qu’on pille la
planète, l’humanité coure à sa perte.
– Et il
n’a pas totalement tort, finalement.
– Bé moi,
je suis peut-être né bête, mais je n’y crois pas : plus on progresse dans
les sciences et les techniques, plus on avance vers des solutions viables, au
contraire.
Mais bon,
je n’ai pas voulu le contrarier jusque chez lui. Alors j’ai laissé pisser. De
toute façon, je n’étais pas venu pour ça.
– Mais
lui, pourquoi a-t-il voulu vous déniaiser de la sorte ?
– C’est
un homme de foi et de conviction. Et probablement sait-il qu’il est aussi le
dernier pape de la prophétie de Malachie. Tout comme il doit forcément
connaître celle de Jean de Jérusalem (cf. l’épisode « Parcours
olympiques » des enquêtes de Charlotte, chapitres 5 à 7, publié aux éditions I3), et toutes les autres…
– Quel
rapport ?
– Tout
simplement la préparation de l’avenir. Et lui et moi savons qu’il existe…
malgré tout. »
Là, ça dépasse l’amiral. Comment un des anciens
officiers supérieurs sait-il toutes ces choses qu’il ignore lui-même ?
Était-il bien à sa place dans un cockpit de
Super-étendard de la flotte qu’il commandait à faire le coup de feu contre les Talibans
d’Afghanistan à une époque révolue ?
C’est tout ce qui lui vient à l’esprit quand il
conclue, débordé, d’un : « Vous
me raconterez ça une autre fois ! »
Le repas terminé, on passe à la séance de signature
vite expédiée et Paul salue ses hôtes et le Padre Pedro, ravi que
l’entretien papal ce soit bien passé : il n’a plus rien à faire à Rome et a hâte de rentrer à Paris et
de là dans ses verts-pâturages normands.
Huyck, Gustave restent un peu, contrat en poche qu’il
s’agit maintenant d’honorer.
Paul part ainsi et sans le savoir vers la funeste
rencontre de « Requin ».
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