Pour un schéma « d’optimisation » de la
TVA !
Un petit arrêt intéressant, qui ne marche hélas que
pour les professions protégées par un « secret-professionnel ».
C’est l’histoire du « tiers-payant »…
Il y a celui de la sécurité sociale et celle du un mek qui a besoin des services d’un
cabinet d’avocat, mais qui, pour ne pas être assujetti à la TVA, qu’il ne peut
pas récupérer (à déduire en aval d’une activité « assujettie »), au
lieu de la faire supporter par une de ses sociétés, ce qui pourrait être
constitutif d’un abus de bien social, un grave délit, la fait exonérer au titre
de l’exportation d’un service.
Parce que 20 %, c’est cher, il fait payer les
honoraires par sa structure « offshore » créée et installée aux
Bermudes (vous savez, un de ces « paradis fiscaux » reconnus de la
planète, qui attire forcément les interrogations du fisc quand il en voit un sur
son « radar ») grâce aux bons soins des « Panama-Pampers ».
Et hop, ni vu ni connu, c’est 16,66 % de coût en moins
au détriment du Trésor public.
Astucieux : « A » fournit à « B »
une prestation de service payée par « C » à « A », qui
récupère d’une façon ou d’une autre sa créance sur « B » en
exonération de taxe.
Bon, pas si fou que ça, le fisc en votre nom et à l’occasion
d’une vérification de comptabilité, il demande l’identité véritable du
bénéficiaire des prestations (qui est forcément dans le dossier du client).
Et là, hop, on lui oppose le « secret
professionnel » : Tu te contentes des pièces comptables pour faire
ton boulot, pour le reste, va te brosser à la paille de fer !
D’accord dit le service, mais alors, moi je redresse
la TVA qui aurait normalement été due, si la prestation avait été effectuée
hors « exportation ».
Ah que bé non, pas question répond le cabinet d’avocats
et c’est comme ça que tout le monde se retrouve devant les tribunaux « pour
dire le droit ».
Charmante décision qui en ressort :
Conseil d'État, 4 mai 2016, Req. n° 387466
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
10ème – 9ème chambres
réunies
M. Vincent Villette, rapporteur ;
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
SCP DELAPORTE, BRIARD, avocats.
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM DU
PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Le Blevennec et associés a demandé au
tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe
sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période
correspondant aux années 2007 à 2009. Par un jugement n° 1213621 du 5 juin
2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 13PA02638, 13PA03125 du 26 novembre
2014, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la
société Le Blevennec et associés contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et
un mémoire en réplique, enregistrés les 27 janvier et 27 avril 2015 et le 14
mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Le
Blevennec et associés demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4.000
euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures
fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Villette, auditeur,
- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau,
rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les
conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Le
Blevennec et associés ;
1. Considérant que la société Le Blevennec et
associés, qui exerce l'activité d'avocat, a fait l'objet d'une vérification de
comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a remis en cause
l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée dont cette société prétendait
bénéficier, pour la période correspondant aux années 2007 à 2009, à raison de
prestations de services, facturées à des clients établis aux Bermudes ; qu'elle
se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 novembre 2014 par lequel la cour
administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement du
tribunal administratif de Paris rejetant sa demande en décharge des rappels de
taxe sur la valeur ajoutée mis, à ce titre, à sa charge ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de
l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales : « Les agents de l'administration des impôts
peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la
forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les
personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de
l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur
la nature des prestations fournies par ces personnes » ; qu'il résulte
de ces dispositions, éclairées par les débats parlementaires à l'issue desquels
elles ont été adoptées, que le législateur a entendu délimiter strictement le
champ des informations que l'administration fiscale est susceptible de demander
à ces professionnels ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que
l'administration prenne connaissance, pendant les opérations de contrôle, de
factures établies par un avocat pour des prestations destinées à des clients
nommément désignés, dès lors que ces documents ne comportent aucune indication,
même sommaire, sur la nature des prestations fournies à ces clients ; que, si
elles font, en revanche, obstacle à ce que le vérificateur procède à des
demandes complémentaires relatives à l'identité des clients concernés ou
cherche à obtenir des renseignements sur la nature des prestations fournies,
ces dispositions ne sauraient être regardées comme interdisant à
l'administration, dans l'hypothèse où des discordances entre les mentions
figurant sur les pièces comptables dont elle a pu régulièrement prendre
connaissance quant à l'identité des personnes ayant payé des prestations
soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et l'identité des bénéficiaires
mentionnés sur les factures de ces prestations font douter du caractère probant
de ces dernières quant à la domiciliation des bénéficiaires effectifs des
prestations, de demander à l'avocat qui a effectué ces prestations qu'il
fournisse les éléments de nature à établir la domiciliation des payeurs
lorsqu'elle est nécessaire à la détermination des règles de territorialité
applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
3. Considérant qu'il suit de là qu'en jugeant que le
secret professionnel ne s'oppose pas à ce que l'administration fiscale demande
à la société requérante de produire tout élément permettant d'identifier les
preneurs des prestations litigieuses, alors que seuls des éléments relatifs à
la domiciliation des entités ayant payé les prestations pouvaient, compte tenu
des différences constatées avec les mentions figurant sur les factures, lui
être demandés, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit au regard des
dispositions précitées du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la
société requérante est fondée à en demander l'annulation, sans qu'il soit
besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances
de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3.000 euros à verser à
la société Le Blevennec et associés au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour
administrative d'appel de Paris du 26 novembre 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour
administrative d'appel de Paris.
Article 3 : L'État versera à la société Le Blevennec
et associés une somme de 3.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de
justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la
société Le Blevennec et associés et au ministre des finances et des comptes
publics.
Bref, il n'y avait peut-être pas fraude (on ne le saura jamais) mais voilà un petit schéma à retenir, même s’il existe bien d’autres
schémas d’optimisation de la TVA : Ce n’est pas pour rien que le Service
demande tant d’information sur les « prix de transfert » entre
établissements d’un même groupe dès lors qu’il y a une frontière quelle que
part.
J’avais corrigé une thèse qui exposait déjà il y a bien
longtemps, c’était dans une autre vie, les schémas à « tiers-payant »
parmi les 236 possibilités (ou 276, je ne me souviens plus) laissées par le CGI en matière de TVA : Passionnant !
Et puis cela vient conforter un autre étudiant qui
avait présenté un mémoire de Master II où j’avais eu à « faire jury »
sur la portée du secret professionnel vu par le fisc…
Mais lui s’était surtout attaché au secret médical,
qui a fortement rétrécis depuis …
Bonne fin de week-end à toutes et à tous !
I3
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