Un beau millésime
Vous rigolez, là ?
Figurez-vous qu’ils se sont plantés, au
ministère, en communiquant à la presse les mauvais sujets, ceux de Guyane livrés la veille…
Les quelques 675.975 inscrits à l'examen en
auront eu d’autres !
Ceci dit, j’attendais des sujets tournant
autour de la notion de « Liberté » et avais même commencé à vous
« bafouiller » sur le thème de « liberté positive & liberté
négative ».
On y reviendra peut-être une autre fois…
Pour la filière ES :
« Savons-nous
ce que nous désirons ? »
Pas de doute, la réponse est clairement
affirmative mais seulement pour ce qui est des fonctions-vitales :
Respirer, boire, bouffer, dormir, caguer, pisser…
Pour les autres (fumer, sexer, etc.) c’est
nettement plus ambigu.
D’abord le « champ opératoire » est
nettement plus vaste allant de la théorie des besoins à l’analyse
psychanalytique, en passant par les notions du beau (l’esthétique), du bon
(morale, éthique) et du « sacré » au sens large (religion,
conviction, croyances sociales, politiques, etc.).
Et les réponses sont encore plus nombreuses
en embrassant les épicuriens et les stoïciens, le besoin de liberté,
l’expression de la créativité, l’intérêt et la recherche, comprendre et
appréhender son environnement.
Sujet intraitable en quelques heures et
quelques pages d’écriture…
Sauf à renvoyer, et disserter, sur le fameux
« Connais-toi toi-même »
qui fonde toute philosophie.
Une façon comme une autre de faire une copie
pas trop dégueulasse pour peu qu’on ait été initié aux « classiques »
et d’avoir une bonne note…
« Pourquoi
avons-nous intérêt à étudier l'histoire ? »
Pour repartir moins kon ?
Oui, un peu mais pas seulement.
S’il y a déterminisme historique, le présent
n’est que la résultante de ce qui vient de se passer dans le passé, plus ou
moins proche.
De là, on pourrait même prévoir l’avenir.
Mais pas seulement : L’histoire et son
étude permet de repérer les fameux « fils-rouges » qui traversent les
générations, les cultures, les effets géographiques de la vie des populations à
travers les siècles.
Ceux-là sont à peu près constants.
Si le déterminisme historique n’existe pas –
et on peut le penser à travers les progrès technologiques, les
« disruptions » historiques – étudier l’histoire permet quand même de
porter un jugement sur les actes et actions du passé et leurs conséquences
inéluctables.
Ce qui en deuxième approche permettrait,
idéalement, d’éviter de de renouveler les « erreurs du passé ».
La construction européenne, aussi laborieuse
qu’elle puisse être, est quand même motivée au démarrage par l’exceptionnel
épisode de deux guerres devenues mondiales au cours de la fin du dernier
millénaire…
Ceux qui veulent l’ignorer reproduiront, fatalement
et tôt ou tard, les terribles conséquences vécues sur tout le territoire
européen, de Brest à l’Oural.
Maintenant, il en est quantité qui ne tire
même pas les conséquences de leurs échecs personnels…
Alors à quoi bon ?
Pour la filière L :
« Nos
convictions morales sont-elles fondées sur l'expérience ? »
Là encore, une réponse ambiguë.
Oui pour au moins une partie, non pour une
autre.
La morale, dès lors qu’on parle de
conviction, ça reste du domaine « culturel » si ce n’est cultuel.
Or, ces deux sources sont autant fondées sur
l’expérience collective, rapportée par l’histoire et les dogmes (religieux
et/ou philosophiques), que par des convictions personnelles exemptes
d’expérience, comme par exemple le « droit naturel » (qu’on retrouve
au moins partiellement dans le décalogue, ou les tables de nos propres lois
comme fondement de la vie sociale).
Et puis une conviction morale peut se révéler
fausse ou inadaptée à l’usage. D’autres la remplacent, par expériences
successives.
De toute façon, si on évolue naturellement
vers « la sagesse », on en termine tous (quand on en a eu le temps) par :
« Je sais que je ne sais rien »…
Prétendre l’inverse, c’est faire preuve d’une
immense fatuité et permet, comme les kons, d’oser tout…
(C’est d’ailleurs comme ça qu’on les
reconnaît…)
« Le
désir est-il par nature illimité ? »
C’est l’envie qui peut être illimitée
(jusqu’au-delà du sentiment de jalousie). Le désir, pas nécessairement.
Les « anciens » ont démontré que
s’il était illimité il rendrait malheureux n’importe quel humain.
Or, l’humain n’aspire qu’à être heureux
durant toute sa vie, donc limiter ses « désirs » et échapper aux « envies ».
En tout cas le plus souvent et longtemps possible avant que mort s’en suive…
Les « désirs » peuvent donc avoir
une nature « illimitée », par essence (je me souviens parfaitement
des pâtisseries de ma grand-mère, sa charlotte au chocolat et sa tarte au
citron par exemple, qui m’ont fait envie et rendu malade au point de ne plus
supporter l’odeur d’un citron… Pour le chocolat, je m’en suis remis. Ou de
« ma nichée » et du champagne, tel que c’est terminée pour elle après
une gueule de bois phénoménale…), mais sont forcément limités une fois ceux-ci
apaisés, contentés.
En revanche, « l’envie »…
L’herbe du voisin sera toujours plus verte
que son propre gazon, c’est bien connu.
Pour la filière S :
« Travailler
moins, est-ce vivre mieux ? »
Question pour le moins de « folle
actualité politique »… Mais il faut éviter de traiter un tel sujet sur ce
plan-là.
Et se reporter plutôt sur Pascal qui nous en
disait que le travail « distrait ».
Distrait de Dieu, dans son discours, nous en
éloigne au lieu de nous en rapprocher.
Dieu pris comme sujet créateur de la nature
humaine, naturellement…
Question qui pose le paradoxe de la qualité
de vie et de la nécessité de « produire » qui est contraignant, à la
fois liberticide et en même temps source d’indépendance, donc de liberté.
Or, « produire » renvoie à Voltaire
et son « cultivons notre jardin ».
Qui embrasse lui-même plusieurs notions comme « satisfaire ses besoins
physiologiques » et les besoins « de l’esprit », par exemple (culture,
culte, philosophie, soif de connaissance, de découverte, de créativité, etc.)
Un sujet intéressant par sa profondeur, en
tout cas de mon point de vue, tellement j’ai l’impression de travailler tout le
temps, même quand je ne fais rien d’utile, même parfois en dormant (quand je me
souviens de mes rêves qui débouchent sur des solutions aux problèmes qui me
sont soumis)…
Mais bon, on ne va pas faire d’un cas
personnel un devoir de philosophie, parce que je n’ai aucune idée de l’étendue
de ce sentiment chez autrui…
« Faut-il
démontrer pour savoir ? »
Dans notre civilisation qui veut exclure tout
aléa jusque dans la répartition des sciences, connaissances et fortunes, on
pourrait penser que oui.
C’est du pragmatisme-appliqué.
Et tellement de choses peuvent se démontrer…
Telle qu’une opinion qui ne se démontre pas
en devient suspecte aux yeux de tous, voire tombe dans le domaine de la
croyance.
C’est justement le rôle des
« dogmes » que de vouloir démontrer le bienfondé des croyances et
d’un corpus qui se veut cohérent
d’opinions.
Avec plus ou moins de succès, il faut le
reconnaître.
Question sous-jacente : Faut rester
« ignorant » de ce qui n’est pas démontré ?
Là, on rejoint assez bien le sujet d’une
autre filière : « Nos
convictions morales sont-elles fondées sur l'expérience ? ».
L’acquis par l’expérience est une forme de
démonstration personnelle qui peut se partager : L’eau mouille, on peut le
vérifier tous les jours sans pour autant démontrer qu’elle est la seule à le
faire (le vin aussi, par exemple) et ce qu’est d’être « mouillé »…
Les sujets que vous n’avez pas eus en métropole :
Pour les ES :
« Être
libre, est-ce ne rencontrer aucun obstacle ? »
Voilà un sujet sur la liberté !
La réponse intuitive est bien évidemment que
ce serait là un état idéal libertaire.
Mais dans la vie réelle, ce n’est pas comme
ça que ça se passe.
La liberté est d’alors
« construire » une solution qui contourne (ou détruit) l’obstacle
rencontré.
Et je peux vous dire que c’est parfois
compliqué à réaliser.
Mais avec un peu de talent, un peu de travail
et un peu de chance, on y parvient.
C’est juste une question de temps, d’intelligence
et … de persévérance !
Bon, le temps étant de l’argent (et
réciproquement), il est des obstacles qui restent infranchissables et entravent
nos libertés à tout jamais.
Pour les L :
« Le
réel se réduit-il à ce que l'on en perçoit ? »
Là encore, oui et non.
Pour un être normal, ce qui est perçu reste
le réel, le vrai.
Pas forcément pour l’être perturbé, le parano
qui pédale à côté de ses pompes.
Peu importe qu’il ait ou non ce sentiment de
réel…
Mais pas tout-à-fait quand même.
La théorie quantique démontre à l’envi qu’à
l’échelle nanométrique la réalité prend plusieurs formes sans discontinuer
telle qu’on ne la perçoit pas en son entier, en sa totalité : C’est
mathématiquement, « mécaniquement » impossible.
Une idée qui ne plaisait pas beaucoup à
Einstein et son célèbre : « Dieu
ne joue pas aux dés » à laquelle Bohr (ou un autre) lui aurait
répondu : « Qui êtes-vous pour
dire à Dieu ce qu’il doit faire ? »
Et puis la littérature, la peinture sont
infinies à décrire ce qui se voit, s’entend, se perçoit, se pense, se ressent
avec mille mots ou formes et couleurs différents pour les mêmes choses, tout en
restant impuissante à décrire une mélodie qui vous émeut ou non !
(Moi, c’est Patricia Kaas quand elle chante
pour ceux qui n’ont rien, mon hymne national, le Dio vi Salvi Regina, les
Pink-Floyd, Mozart et son Requiem…)
C’est là une limite de la perception qui est
bien imparfaite…
« La
politique est-elle l'affaire de tous ? ».
À mon sens, oui, puisqu’il s’agit de la
« chose-commune » à la différence de la « chose-privée »
qui ne concerne que quelques-uns en même temps.
Mais il est à noter qu’on a tendance à
réduire le périmètre de l’accès « au politique » qu’à quelques élites
auto-proclamées par les temps qui courent.
Elles en font d’ailleurs métier et ne peuvent
pas s’empêcher de la ramener…
Finalement, tout le monde se contente de
quelques échéances électorales qui donnent le ton du moment sans possibilité
d’y revenir durant toute la période des mandats ainsi confiés, en notant que
compte-tenu du taux d’abstention à chaque fois plus élevé que lors de la
dernière consultation (pourtant le minimum
minimorum), le « tous » s’étiole au fil du temps.
Il faut dire que parfois on peut comprendre
tellement « l’offre-politique » en devient nulle…
En revanche, dans une seconde partie du
devoir, on peut aussi expliquer comment y remédier, faire un détour par les
démocraties directes, antiques ou les tentatives contemporaines, la vie des
petites municipalités, l’activité associative, etc.
Pour la série S :
« Le
désir nous éloigne-t-il du vrai ? »
Un sujet qui mélange « désir »,
envie et réalité et sa perception, peut-être plus intéressant que les
précédents qui portent sur les même notions.
D’autant que les réponses sont multiples en
fonction des individualités, des parcours « expérimentaux » de
chacun.
Peut-on désirer quelque chose de faux, ou qui
n’existe pas ?
Pas encore, certainement, à condition de
l’inventer et de le mettre en œuvre…
C’est le cas de l’artiste, du poète, de
l’écrivain, des ingénieurs au sens large.
Pour le reste je ne sais pas.
Reste à déterminer aussi ce qu’est le
« vrai » pour un sujet sain (de corps et d’esprit) : Il y a
tellement de pathologies qui viennent troubler le sens du réel.
Pourtant, un utopiste a-t-il sa place dans
notre monde ?
La réponse est indubitablement
affirmative : Ce sont les utopistes qui font avancer l’humanité, en
général.
Après, c’est une question de
« marketing » de l’utopie et des moyens, des énergies, des compétences
qu’on met derrière pour que l’utopie, l’envie, le désir, devienne réalité et
entre dans le champ du vrai, du concret, du réel !
« La
technique ne sert-elle qu'à nous rendre maîtres de la nature ? »
Elle sert aussi à ça, c’est évident, même si
on expérimente tous les jours les limites qu’il faudrait franchir et dépasser.
Mais pas seulement et heureusement !
La « technique » sert d’abord
l’homme dans la satisfaction de ses besoins.
Le plus largement possible, le plus en
profondeur possible, pour un nombre toujours plus grand de personnes
concernées, à des coûts toujours plus accessibles.
Quitte à « inventer » les besoins
qui y répondent.
C’est assez extraordinaire : Il y 30
ans, un PC était une grosse mallette pesante qu’on posait par terre ; le
téléphone nomade s’appelait « Radiocom 2000 » ou
« bip-bop » un peu plus tard, et véhiculait seulement des voix ;
le minitel permettait d’échanger quelques proto-courriels et de consulter des
bases de données primaires ; la transmission de fichiers existait déjà,
mais était lente et requérait des appareils spéciaux, totalement dédiés et
« mono-tâche ».
Aujourd’hui, qui se passerait des
« réseaux », de son GMS, de sa tablette ?
Aucun rapport avec le fait de dominer
« la nature » et pourtant c’est du quotidien pour une bonne part de
l’humanité, uniquement grâce à la technique…
Qui fait tant de progrès sans qu’on ne s’en
rende plus compte.
En bref, et après ces quelques réflexions sans intérêt, cette année j’aurai peut-être eu mon
bac… En tout cas quant à cette exception culturelle unique au monde qui est de
faire plancher quelques têtes boutonneuses et pré-adultes sur des sujets de
pure spéculation intellectuelle, le cerveau pas encore fini !
J’admire toujours autant.
Bien à toutes et tous !
I3
Si on vous suit bien, le "bac" se réduit aux seules "épreuves" de philosophie?
RépondreSupprimerPour ma modeste part, je ne crains pas d'affirmer que je n'obtiendrais pas mon bac si je ne pouvais pas suivre une année entière de "révision" générale (le terme de "révision" étant inapproprié puisqu'il s'agirait plutôt d'un véritable apprentissage!).
J'en profite pour rectifier une erreur au sujet d'Einstein et de Bohr ... Si Einstein a bien dit "Dieu ne joue pas aux dés", Bohr ne lui a pas répondu "Mais qui est vous donc pour dire à Dieu ce qu'il doit faire" (ce qui suppose que Dieu EXISTE nécessairement et qu'il est le plus absolutiste des totalitaires puisqu'il est au dessus de tout) mais "Cessez donc de dire à Dieu ce qu'il doit faire!" (ce qui permet de laisser la question de l'existence de Dieu A L'ECART du débat scientifique!). De fait, Einstein était profondément croyant et faisait interférer sa religion avec ses recherches scientifiques, ce qui est plutôt préjudiciable à l'efficacité de ces recherches ...
Ah là, Monsieur mon conseiller spécial, merci infiniment pour ces précisions !
SupprimerJe n'avais pas vérifié cette citation...
C'est nettement plus clair avec vos explications.
Non bien sûr, le bac ne se résume pas à l'épreuve de philo, bien entendu !
Mais comme j'ai passé un "bac poubelle", dans ma filière, la philo comptait "pour cher" avec le jeu des coefficient.
Toutes les autres matières étaient des oraux, à part l'anglais (et le français en première).
Autant, si je me souviens bien, en maths j'avais cartonné ainsi qu'en histoire, c'est la philo qui m'a permis d'avoir une mention et du coup d'emporter le précieux sésame pour une inscription en faculté, sans avoir à passer la deuxième série d'oraux, dont l'allemand, dans lequel j'étais nul...
Un excellent souvenir de stress, mais qui a fait pouffer de rire ma prof' de philo qui m'avait noté "8/20" durant toute l'année...
Là, d'un coup, deuxième note de la session, elle a regretté de ne pas m'avoir inscrit au concours général (que je n'aurai de toute façon pas passé...)
Bien à vous !
I-Cube