Loi
relative au renseignement
Une décision très attendue et rendue jeudi
dernier : Le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Président de la
République, avant promulgation et c’est une première, le Président du Sénat et 106
députés de tous bords, de la loi
relative au renseignement.
Il s'est prononcé par sa décision n° 2015-713 DC :
Communiqué.
Le Conseil constitutionnel a jugé que le recueil de
renseignement au moyen des techniques définies par la loi relève de la seule
police administrative. Il ne peut ainsi avoir d'autre finalité que de préserver
l'ordre public et de prévenir les infractions. Il ne peut être mis en œuvre
pour constater des infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves ou en
rechercher les auteurs.
Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la
Constitution les dispositions de l'article L. 811-3 du code de la sécurité
intérieure qui énumère les finalités pour lesquelles les services spécialisés
de renseignement peuvent recourir aux techniques définies aux articles L. 851-1
à L. 854-1 du même code. Il a cependant souligné que les dispositions de
l'article L. 811-3 doivent être combinées avec celles de l'article L. 801-1 aux
termes desquelles la décision de recourir à des techniques de recueil de
renseignement et le choix de ces techniques devront être proportionnés à la
finalité poursuivie et aux motifs invoqués. Il en résulte que les atteintes au
droit au respect de la vie privée doivent être proportionnées à l'objectif
poursuivi. La commission nationale de contrôle des techniques de renseignement
et le Conseil d'État sont chargés de s'assurer du respect de cette exigence de
proportionnalité.
Répondant à un grief des députés, le Conseil
constitutionnel a jugé que les dispositions de l'article L. 821-1 du code de la
sécurité intérieure, qui sont relatives à la délivrance d'autorisations de
mesures de police administrative par le Premier ministre après consultation
d'une autorité administrative indépendante, ne portent pas d'atteinte à la
liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution.
Eu égard aux garanties qu'il prévoit, le Conseil
constitutionnel a jugé conforme à la Constitution l'article L. 821-5 du code de
la sécurité intérieure qui traite de « l'urgence absolue ».
Le Conseil constitutionnel a, en revanche, censuré les
dispositions de l'article L. 821-6 du code de la sécurité intérieure qui
traitent d'une autre hypothèse d'urgence, qualifiée d'« urgence opérationnelle
». Il a relevé qu'il s'agit de la seule procédure qui permet de déroger à la
délivrance préalable d'une autorisation par le Premier ministre ou par l'un de
ses collaborateurs directs habilités au secret de la défense nationale auxquels
il a délégué cette attribution ainsi qu'à la délivrance d'un avis préalable de
la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Le Conseil
constitutionnel a également indiqué que la procédure ne prévoit pas non plus
que le Premier ministre et le ministre concerné doivent être informés au
préalable de la mise en œuvre d'une technique dans ce cadre. Il en a déduit que
les dispositions de l'article L. 821-6 portent une atteinte manifestement
disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des
correspondances.
En ce qui concerne l'article L. 821-7 du code de la
sécurité intérieure, le Conseil constitutionnel a relevé que ses dispositions
prévoient un examen systématique par la commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement siégeant en formation plénière d'une demande de
mise en œuvre d'une technique de renseignement concernant un membre du
Parlement, un magistrat, un avocat ou un journaliste ou leurs véhicules,
bureaux ou domiciles, laquelle ne peut intervenir à raison de l'exercice du
mandat ou de la profession. Par ailleurs, la procédure d'urgence prévue par
l'article L. 821-5 du code de la sécurité intérieure n'est pas applicable et il
incombe à la commission, destinataire de l'ensemble des transcriptions de
renseignement, de veiller, sous le contrôle juridictionnel du Conseil d'État, à
la proportionnalité tant des atteintes portées au droit au respect de la vie
privée que des atteintes portées aux garanties attachées à l'exercice de ces
activités professionnelles ou mandats. Les dispositions de l'article L. 821-7
ont, par suite, été jugées conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la
Constitution les dispositions de la loi déférée qui fixent les durées de
conservation en fonction des caractéristiques des renseignements collectés.
Il a écarté le grief des députés dirigé contre la
composition de la commission nationale des techniques de renseignement. La
présence de membres du Parlement parmi les membres de cette commission n'est
pas de nature à porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs dès
lors qu'ils sont astreints au respect des secrets protégés aux articles 226-13
et 413-10 du code pénal.
S'agissant de la mise en œuvre des techniques de
recueil de renseignement, le Conseil constitutionnel a d'abord relevé les
conditions de droit commun dans lesquelles elles sont mises en œuvre, sauf
disposition spécifique. Elles sont autorisées par le Premier ministre, sur
demande écrite et motivée des ministres désignés par la loi, après avis
préalable de la commission nationale de contrôle des techniques de
renseignement. Ces techniques, qui ne peuvent être mises en œuvre que par des
agents individuellement désignés et habilités, sont réalisées sous le contrôle
de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et, le
cas échéant, du Conseil d'État.
En ce qui concerne les dispositions de l'article L.
851-1 du code de la sécurité intérieure, qui régissent la procédure de
réquisition administrative de données techniques de connexion auprès des
opérateurs, le Conseil constitutionnel les a jugées conformes à la Constitution
en précisant que ces données ne peuvent porter ni sur le contenu des
correspondances ni sur les informations consultées. Il a également jugé
conformes à la Constitution les dispositions de l'article L. 851-2 qui
permettent, pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, le recueil
en temps réel de ces données sur les réseaux des opérateurs.
Les dispositions de l'article L. 851-3 du code de la
sécurité intérieure permettent d'imposer aux opérateurs la mise en œuvre de
traitements automatisés permettant de détecter, sur leurs réseaux, des
connexions susceptibles de révéler une menace terroriste. Compte tenu des
importantes précautions prises pour encadrer le recours à cette technique, que
la décision rappelle, le Conseil constitutionnel a jugé l'article L. 851-3
conforme à la Constitution.
Les dispositions des articles L. 851-4, L. 851-5 et L.
851-6 du code de la sécurité intérieure sont relatifs, respectivement, à la
transmission en temps réel de données techniques permettant la géolocalisation,
à l'utilisation de dispositifs techniques permettant la localisation en temps
réel et au recueil de données techniques au moyen d'un appareil ou d'un
dispositif technique mentionné au 1° de l'article 226-3 du code pénal. Compte
tenu de l'encadrement institué par le législateur, que sa décision rappelle, le
Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions conformes à la Constitution.
Suivant le même raisonnement, il a jugé conformes à la
Constitution les dispositions de l'article L. 852-1 du code de la sécurité
intérieure qui régissent les interceptions administratives de correspondances
émises par la voie des communications électroniques.
S'agissant des techniques de sonorisation de certains
lieux et véhicules et de la captation d'images et de données informatiques, le
Conseil a également jugé qu'eu égard à l'encadrement prévu par la loi, les
dispositions des articles L. 853-1, L. 853-2 et L. 853-3 du code de la sécurité
intérieure sont conformes à la Constitution.
Le Conseil constitutionnel a censuré l'article L.
854-1 du code de la sécurité intérieure, relatif aux mesures de surveillance
internationale, au motif qu'en ne définissant dans la loi ni les conditions
d'exploitation, de conservation et de destruction des renseignements collectés
en application de cet article, ni celles du contrôle par la commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement de la légalité des
autorisations délivrées en application de ce même article et de leurs
conditions de mise en œuvre, le législateur n'a pas déterminé les règles
concernant les garanties fondamentales accordées au citoyen pour l'exercice des
libertés publiques. Le Conseil constitutionnel a, pour ce motif, déclaré
contraires à la Constitution les dispositions du paragraphe I de l'article L.
854-1 et, par voie de conséquence, celles des paragraphes II et III du même
article, qui en sont inséparables.
Le Conseil constitutionnel a enfin jugé conformes à la
Constitution l'ensemble des dispositions du code de justice administrative qui
régissent le contentieux de la mise en œuvre des techniques de renseignement.
Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, soulevé
d'office une disposition de l'article L. 832-4 du code de la sécurité
intérieure qui relève du domaine réservé des lois de finances. Il l'a, en
conséquence, censurée.
Le Conseil constitutionnel a validé l’essentiel de la
loi sur le renseignement, dont les très controversées « boîtes noires »,
ouvrant ainsi la voie à la promulgation de la loi au moment même où le Comité
des droits de l'homme de l'ONU met en garde le même jour contre les « pouvoirs excessivement larges de
surveillance (...) intrusifs, sur la
base d'objectifs vastes et peu définis »…
Magnifique, non ?
Trois dispositions ont cependant été censurées, dont
une qui devait permettre aux services de renseignement, en cas « d’urgence
opérationnelle », de déroger à l’autorité du premier ministre.
Mais aussi de se passer de l’avis de la Commission
nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), mise en place par
cette loi.
« Une atteinte
manifestement disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au
secret des correspondances », selon le communiqué du Conseil
constitutionnel.
L’institution a rejeté une autre disposition relative
aux mesures de surveillance internationale, jugeant ses contours trop flous —
le texte ne définissait « ni les
conditions d’exploitation, de conservation et de destruction des renseignements
collectés (...), ni celles du
contrôle par la CNCTR ». Le Conseil constitutionnel a par ailleurs censuré
une troisième disposition, moins importante, relative au financement de la
CNCTR, car elle relève, selon lui, de la loi de finances.
La loi sur le renseignement, fortement décriée, entend
donner un cadre aux pratiques des services de renseignement, rendant légales
certaines pratiques qui, jusqu’à présent, ne l’étaient pas.
On se souvient encore des vifs débats sur la
protection de la vie privée dont le projet de loi a fait l’objet.
Dans le texte de leur recours, les députés demandaient
au Conseil constitutionnel d’examiner quelques points problématiques à leurs
yeux :
« Nous nous
interrogeons notamment (…) sur la
définition large et peu précise des missions pouvant donner lieu à enquêtes
administratives ; sur les moyens techniques considérables de collectes massives
de données ; ainsi que sur la proportionnalité, par rapport aux objectifs
recherchés, de la mise en œuvre de ces techniques intrusives et attentatoires
au respect de la vie privée, à l’ère où le numérique est présent à chaque
instant de notre vie. »
Ils n’auront pas été déçus…
Au cœur de la polémique, les « boîtes noires »,
finalement validées par le Conseil constitutionnel. Ce dispositif prévoit de
pouvoir contraindre les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à « détecter une menace terroriste sur la base
d’un traitement automatisé » en surveillant tout le trafic. En pratique,
les services de renseignement pourraient installer chez les FAI ces « boîtes
noires » chargées d’examiner les métadonnées de toutes les communications : Origine
ou destinataire d’un message, adresse IP d’un site visité, durée de la conversation
ou de la connexion… Dans le but de détecter des activités « typiques » des
terroristes.
Une forme de « pêche au chalut », un brassage très
large des données des Gaulois à la recherche de quelques individus, vivement
critiqué par de nombreuses organisations, parmi lesquelles la CNIL, le Conseil
national du numérique et plus de 900 acteurs du numérique ayant signé l’appel «
Ni pigeons, ni espions ».
Les opposants à la loi ont fait part de leur déception
après l’avis du Conseil constitutionnel alors qu'il persiste à protéger les professions tenues au secret professionnel ou au secret des sources.
Celui-ci « légalise la surveillance de masse et avalise un recul historique des
droits fondamentaux », déplore dans un communiqué l’association de défense
des libertés numériques la Quadrature du Net.
L’Élysée s’est quant à elle félicitée, dans un
communiqué, de la validation du Conseil constitutionnel : Cette loi « donne aux services de renseignement des
moyens modernes et adaptés à la menace à laquelle nous sommes confrontés, tout
en respectant les droits individuels et la vie privée ». Quant aux articles
censurés, « ils ne modifient en aucune
façon l’équilibre de la loi », assure la présidence de la République.
Le premier ministre Manuel Valls a quant à lui salué
sur Twitter un « progrès décisif ».
Ce que je note pour ma part, c’est la leçon de droit
positif, donné par le « Cons-cons » distinguant nettement les
pouvoirs de « police administrative » et ceux de « police
judiciaire ».
Ce que beaucoup, dans l’opinion, ignore.
Il leur faudra réviser leurs ouvrages juridiques
traitant de la question.
Car des « polices administratives », il y en
a des quantités innombrables, avec des missions rattachées aux ministères qui
ont la charge d’appliquer lois (pondues par le Législateur (dans son immense
sagesse) et règlements (pondus en application de la loi par le pouvoir exécutif).
Alors que la « police judiciaire » relève
exclusivement de la compétence du « juge … judiciaire » !
Ceci dit, on peut noter que les « Sages du
Cons-cons » font là preuve d’une grande sagesse, d'une excellente connaissance des textes et d'une grande cohérence d'ensemble : Sans retirer aux
nécessités, il circonscrit la portée de la loi quant aux effets privatifs de
liberté, de penser, de dire, « d’expression », ou de vaquer ici où là,
garantie par la constitution.
Il était temps, même si ça ne va pas plaire à tout le
monde : Mais c’est comme ça et c’est tant mieux !
Sauf qu'au passage, le dispositif d'écoute d'étrangers, de l'espionnage pur, qui était déjà « hors la norme » pour être « alégal » sans être illégal, devait retrouver un cadre légal.
Eh bien patatras, c'est devenu (provisoirement) anticonstitutionnel par mégarde...
J'adore !
Sauf qu'au passage, le dispositif d'écoute d'étrangers, de l'espionnage pur, qui était déjà « hors la norme » pour être « alégal » sans être illégal, devait retrouver un cadre légal.
Eh bien patatras, c'est devenu (provisoirement) anticonstitutionnel par mégarde...
J'adore !
Pour ce qui me concerne, je n'ai strictement rien à cacher ... Ils peuvent donc venir m'espionner autant qu'ils le voudront. Ils finiront bien par se lasser (à supposer qu'ils soient déjà assez courageux pour entreprendre de venir m'espionner!).
RépondreSupprimerLors des prochaines élections, notamment les régionales à venir, je vais censurer fermement le pouvoir en place et tout particulièrement Hollande (un incapable majeur!) et Valls (un homme dangereux qui s'apparente à Sarkozy, personne pour laquelle je n'ai jamais voté!).
Hollande ne vient-il pas de nous annoncer qu'il ne fallait pas attendre d'améliorations durables sur le front du chômage? Et cela quelques semaines après nous avoir annoncé que la reprise était là et se manifesterait dès cet automne ... C'est vraiment prendre les gens pour des demeurés mentaux!
A ce rythme, ils viendront nous dire qu'il faut voter pour eux car, en votant pour d'autres, la situation serait encore bien pire! Pas question, pour moi, de marcher dans cette combine!
Notez que ce n'est pas parce que vous vous présumez innocent de tout que vous n'en êtes pas pour autant considéré comme un coupable du reste : C'est ça la nouvelle loi sur le renseignement !
SupprimerSi encore un juge pouvait en ... juger ex ante, mais même pas !
D'ailleurs, vos propos relatifs à la censure que vous proposez de faire par votre futur vote, rentre directement dans la sphère de compétence des dangereux anti-institutionnels, de ceux qui forment le terrorisme contre les valeurs de la République.
A mon sens, c'est typique d'une prévention (avec endoctrinement à suivre, pour votre bien et vous laver le cerveau de vos pensées négatives, voire négationniste à l'égard de notre gouvernement démocratiquement formé) qu'il faudra vous appliquer bientôt !
Soyez en sûr et certain, figurez-vous !
Et le juge indépendant sera peut-être saisi ex post vous réhabiliter : C'est très bien si vous en êtes satisfait !
Bonne journée quand même.
Démocratiquement vôtre !