Crash !
C’était en 2004, seize ou dix-mois après ses exploits en Afghanistan [1] qui
lui avait valu une interdiction de vol sous les couleurs de l’aéronavale, quelques
jours d’arrêt de rigueur, partie sur le CDG, partie sur le site de la fondation
archéologie que Haut-var, à Fox-Amphou dont il était désormais le Président,
avant sa réintégration à la DRM.
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un roman, une fiction,
une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit de l’imaginaire de
son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des
situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres
galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et
parfaitement fortuite !
L’avion fait quelques embardées dès le contact au sol sur le macadam de la
route côtière qui longe la plage. Mais Paul contrôle la situation et vient
s’arrêter à proximité de la voiture de Petros.
Jacques sort et s’enfonce dans le pick-up, pendant que Petros, qui salue
son patron avec ferveur, aide ce dernier à tourner l’avion dans le sens
inverse.
« Un camion va arriver dans quelques secondes » annonce-t-il pour l’avoir
entendu descendre vers la côte avant que son bruit ne soit couvert par celui
du moteur de l’avion.
« Alors file ! Je te confie mon frère. Il faut absolument qu’il n’ait
aucun contact hors le personnel réduit à des hommes sûrs. Tu lui fais changer
d’apparence et tu me le tiens au chaud : il s’agit de mon frère et j’aimerai
qu’il ne lui arrive rien jusqu’à ce que je revienne le chercher. »
Tu peux compter sur moi semble vouloir dire Petros qui s’enfuit vers sa
voiture, alors que Paul ouvre le capot du moteur après l’avoir stoppé et
tranche les courroies de transmission du moteur vers l’alternateur et les
pompes hydrauliques.
Maintenant, l’heure de vérité : si la batterie veut bien démarrer le
moteur, c’est bon, sans ça, il faudra l’aide du chauffeur du camion qui arrive
derrière et à qui il barre la route, pour relancer la machine « à l’ancienne »,
en tournant l’hélice !
Un témoin gênant qui n’aura pas vu la silhouette de Jacques, rendant
improbable sa disparition en mer dans quelques minutes.
Mais ça marche ! En revanche, une flopée de voyants est allumée au « rouge
», indiquant les pannes électriques à venir. Un véritable arbre de Noël, le
tableau de bord !
Paul décolle, le manche durci par le manque d’assistance hydraulique.
C’est du « direct dans les biceps ». Avec rentrée du train grâce aux petits
moteurs électriques qui pompent le courant de la batterie.
Et il annonce à la radio son décollage pour une assistance mécanique et
électrique d’urgence, tout en reprenant cap et altitude raisonnable.
Au bout de quelques minutes, il annonce à la radio : « Radionavigation HS.
Je me situe où par rapport à la piste ? »
On lui répond que la piste est dans son 16 heures… Il l’a donc dépassée
depuis un moment, dans les nuées.
Il entame son virage sur tribord, au-dessus de Dubrovnik, pour s’aligner
sur l’axe de la piste, et descend les volets à fond.
Une fois fait, il coupe la batterie. Plus de jus, plus de radio, plus
d’étincelle dans les bougies, plus de moteur.
Vol plané. À en couper l’arrivée d’essence, par précaution.
Compte tenu de la distance, il accélère sa descente vers la mer. Dans ses
souvenirs, les fonds sont à plus de 200 mètres de profondeur, mais remonte très
vite avant d’aborder la plateforme sur laquelle est juché l’aéroport : bon pour
ses plans, ça, s’il « décroche » rapidement !
Ce qui ne tarde pas à arriver. Il replonge du nez pour reprendre un peu de
vitesse, puis finit par arrondir au jugé avant de toucher l’eau par
inadvertance avec l’aile gauche.
Justement, Paul se posait la question : la queue ou l’aile ? Pas eu le
temps de choisir.
Le choc est brutal. L’avion vire à gauche, l’hélice touche l’eau, la
culbute est inévitable.
Remettre l’arrivée d’essence, remettre le courant, comme si il avait volé
normalement mais en panne exogène.
L’avion ne s’enfonce pas tout de suite. Paul a le temps d’ouvrir le capot
en se saisissant des gilets de sauvetage. Et il refait surface en les gonflant
tous les deux.
Il n’enfile pas le sien et fait mine de plonger pour recueillir son frère
: on l’observe sûrement depuis la côte ! Ce n’est pas tous les jours qu’un
avion se crashe ainsi dans une jolie gerbe d’eau.
Il repère qu’un navire de liaison s’approche à vive allure dans sa
direction : il ne restera pas longtemps dans l’eau qui reste assez froide.
Rafraîchissante en tout cas !
À sa troisième remontée, le bateau est assez proche pour qu’ils aient tous
vu depuis la passerelle qu’il recherchait quelque chose ou quelqu’un sous
l’eau, pendant que l’avion finit de couler.
Il enfile son gilet en pensant à le sangler à l’entrecuisse, tenant de sa
main libre celui destiné à Jacques : ça lui remonte jusqu’aux oreilles, la tête
bien hors de l’eau.
Cinq minutes plus tard, il est à bord, direction les affaires maritimes du
port de Dubrovnik, alors qu’un hélicoptère venu de l’aéroport survole enfin le
lieu du crash.
Déclaration de sinistre, de ses circonstances, alerte de la disparition
d’un passager. Organisation d’une opération de secours, déclaration à la presse
locale.
On ne laisse repartir Paul qu’en fin de journée, après intervention du
consulat. Un capitaine de frégate, même démissionnaire et de réserve, ça mérite
une mobilisation du « petit personnel » de l’administration du quai d’Orsay,
même un week-end.
Et il se retrouve dans l’avion du soir pour Londres, où le commandant de
bord ne manque pas de confier les commandes à son copilote pour se balader dans
les travées de son « tripel seven » de chez Boeing, histoire de vérifier que
tout se passe bien pour ses passagers en cabine.
« Mister Charlotte ? ».
Immanquable !
Le type est ravi de saluer un « collègue » dont la notoriété a déjà fait
plusieurs fois le tour de la planète. Mais il prend une mine déconfite pour lui
présenter ses condoléances attristées et en « français-hésitant » quant à la
perte de son frère.
« On ne se voyait pas souvent. Mais je suis réellement affligé ! » rassure
Paul.
Et naturellement, viens la petite remarque attendue : « La prochaine fois,
essayez donc la même manœuvre, mais avec des flotteurs ! »
Il a droit à la même séquence et la même remarque sur le vol de retour sur
Paris, dans la nuit, par le dernier avion sur Roissy-CDG.
Et il fournit la même réponse : « C’est effectivement plus facile et moins
dramatique. Vous verrez ! Même si je ne vous le souhaite pas. »
Le vol est court, le commandant de bord ne s’attarde pas, le devoir de sa
charge l’appelant aux commandes de son Airbus. Il a le temps de lâcher quand
même : « Vous êtes un pilote qui est plus utile sur l’eau que d’autres. J’ai
été ravi d’avoir pu vous rendre hommage ! »
Il fait allusion à un épisode déjà ancien.
Il avait été muté à la surveillance du site de Mururoa, le site des
derniers essais nucléaires français, aux fins de vérifier que les modélisations
fournies par les américains « collaient » avec les réalités, et bien après que
le Président de la République d’alors ne décide d’un moratoire unilatéral en
matière d’essais nucléaires.
Paul, broyait du noir, perdu dans l’immensité de l’océan que ne visitait
même plus les écolos de « Greenpeace », les derniers « tartares » qui ne
venaient plus !
À l’occasion d’une de ses rares permissions, il visite alors les îles de
la Société et Bora-Bora, non sans harceler l’amirauté pour ses demandes de
mutation, n’ayant qu’une envie, celle de rentrer en Europe. Celles-ci essuyant
systématiquement un refus vigoureux, il donne alors sa démission et retourne à
Bora-Bora où il venait de faire la connaissance du « Lisbeth ».
Un beau ketch de 16 mètres, une pure construction amateur tout en bois,
lamellé-collé, plastifiée avec soin, sur un plan Huberlot, en cale sèche sur le
môle pour réparation. Une quasi-épave sur laquelle il « flashe ».
Ce voilier est l’œuvre d’un canadien de Vancouver qui y a consacré six
années de sa vie, pour un tour du monde à la voile avec femme et enfants. Lors
de la traversée Hawaï/Papeete, le voilier essuie un coup de vent dans le pot au
noir, comme il y en a parfois dans les calmes de la région, entre et autour des
alizées et « met un pied au-dessus de rien » pour l’occasion.
Fortune de mer. Disparu en dans le vaste océan…
Sa veuve, « Lisbeth », ramène tant bien que mal le ketch sur Bora-Bora,
mais loupe une entrée de la passe et se fait drosser sur les récifs de corail.
Une « pas douée ».
Bref, ses deux gamins, l’aîné trois ans, la petite dernière 13 mois, sont
rapatriés par le Crossmed local sur la terre ferme, et l’épave répand son
contenu sur les plages sitôt ramassé par les gamins du pays, selon la coutume
des mers du sud (et d’ailleurs).
Puis le voilier est remorqué et confié à un chantier de réparation.
Mais sans le sou, Lisbeth ne peut même plus rentrer au Canada, ni même
payer quoique ce soit au dit chantier, pas même le « parking ».
C’est Paul qui finance les réparations. Il en profite pour améliorer la
voilure avec deux mâts plus hauts, des haubans et bastaques renforcés, deux jeux
de voiles neufs, en plus d’un foc baumé et d’un fisherman : surface de voilure
ainsi doublée pour les « petits-temps », raideur à la toile nettement diminuée,
et de changer le moteur du bord abîmé par l’eau de mer.
Et dans un « deal » absurde, non seulement il rachète l’épave, la répare,
mais embauche la veuve et ses gamins, qui vivent à bord pendant les travaux,
comme équipage en leur promettant une escale sur la côte est, canadienne ou
états-unienne, sur son retour vers l’Europe et les trois mois de mer prévus. Il
finira l’atlantique-nord en solitaire, à petite allure, soit vers le port des
minimes à La Rochelle, soit vers un autre port de la façade atlantique.
En fait, il ira jusqu’en méditerranée et Bandol, par le canal du midi.
Ce faisant, la traversée jusqu’à Panama se passe dans de bonnes
conditions, sauf que les garde-côtes leur interdisent l’accès à Pitcairn et,
louvoyant à travers le fort trafic de gros porteurs de containers, la remontée
depuis San Cristobal dans la mer des caraïbes est l’occasion pour quelques
pirates trafiquants de s’approcher d’un peu trop près du « Lisbeth ». Ils sont
reçus à coup de chevrotine et ne demanderont pas leur compte.
Mais du coup, au lieu de faire escale pour avitailler dans un de ses
paradis tropicaux, Paul et Lisbeth décident de mettre le cap sur New-York, pas
l’orthodromie.
Qui cette année-là coupe la trajectoire d’une tempête tropicale qui
remonte vers les Bermudes, alimentées par la chaleur des eaux du Gulf-Stream.
Virement de bord et cap sur le nord de la Floride, du côté de
Cap-Carnaval. Peut-être une occasion de se faire une visite du site aussi,
comme perspective de « tête dans les étoiles ».
C’est alors que, pur effet du hasard, un avion de ligne régulier, ramenant
148 passagers et 7 membres d’équipage à New-York depuis Lomé, est victime d’une
panne de pressurisation.
Masques à gaz qui tombent des coffres à bagages au milieu de rien.
L’avion vole plus au nord que sa route habituelle, justement pour éviter
les turbulences dues au coup de vent qui se déplace vers le nord-est, au lieu
d’aller mourir au-dessus du Texas ou de l’Arkansas. Et la réserve d’oxygène
s’épuisant rapidement, l’équipage décide donc de réduire l’altitude et la
vitesse.
Décompte rapidement fait de la consommation de kérosène, soit ils se
déroutent vers la Floride, soit vers Saint-Domingue. New-York, une autre fois !
Mauvais choix imposé par la météo : leur route coupe la dépression dans
les deux cas, vent de travers vers la Floride, vent arrière vers le sud. Les
aéroports étant encore ouverts sur la côte Est des USA, cap est donc mis sur
Miami.
Normalement, ils ont de quoi tenir jusque-là. Sauf qu’un coup de foudre
enflamme le moteur 1 (celui qui est à l’extrême-bâbord), privant d’une partie
de son carburant l’appareil, obligeant à augmenter la puissance des trois
autres et à voler « en crabe ».
Et puis, deuxième malchance, les aéroports finissent par fermer les uns
après les autres au fur et à mesure que le Boeing approche lentement.
La situation devient critique et un « Mayday » est lancé sur les ondes et
la fréquence de détresse.
Paul est à « la cape », trinquette de tempête sur le grand mât, voile de
tempête sur l’artimon, avec deux ris, ancre flottante sur la poupée de
mouillage depuis quelques temps.
Le « Lisbeth » n’est plus manœuvrable depuis quelques heures et son
équipage et balloté d’un bord sur l’autre, secoué par un tangage erratique sur
des gros creux de 5 à 6 mètres, avec des déferlantes à chaque vague : la mer
est blanche d’écume. Les petits moussaillons jouent dans le carré comme si de
rien était et leur mère prépare la tambouille sur le réchaud à cardans pendant
que Paul est sous la coupole de la table à carte, bien à l’abri et au chaud,
surveillant ses mâts et la mer qui les agresse.
Il entend l’appel de détresse, hésite et saisit son micro pour donner sa
position.
Une station à terre lui demande confirmation de sa position et l’état de
la mer.
« Ce n’est vraiment pas le calme plat. Je dirais même que « ça fume » un
peu partout. » Et de donner la vitesse et le cap du vent signalé par les
instruments du bord. On lui demande la température extérieure et la hauteur des
vagues. Ce qu’il transmet en réponse.
Puis c’est le commandant de bord qui prend la fréquence. « Suis en grand
difficulté à 20 minutes dans votre est, cap approximatif sur votre sud. Vous
pourriez allumer votre balise Argos ? »
Qu’est-ce qu’il veut faire avec ce « mini-radio-phare » destiné aux
satellites ?
« Je vous reçois très clair », émet la station à terre.
« Moi aussi ! » ajoute le commandant de l’avion en détresse.
« Deux heures pour que la vedette des garde-côtes soit sur la balise du
Lisbeth ! »
« Hey ! Je n’ai pas besoin d’assistance occupez-vous de l’avion ! C’est
plus urgent. » clame Paul dans son micro.
Au silence qui suit, il devine que s’élabore dans la tête de ses
correspondants une solution abracadabrante pour sauver la centaine de vies en
danger.
« Moteur trois en rideau. Je manœuvre pour prendre la balise face au vent.
»
La situation est donc si désespérée pour l’équipage encore en vol sur la
future épave pour envisager l’impensable ?
« Je vous allume mon radar ! » répond Paul en en donnant la fréquence
inscrite sur le fronton de sa table de navigation.
Sur le scope, ce n’est que brouillard dû à la fois à la gîte et aux vagues
les plus grosses.
Mais il finit par repérer un écho persistant se déplaçant à une vitesse
approximative de 200 nœuds.
« Vous êtes à 35 miles dans mon nord-est. Vent sud-sud-ouest. J’allume mes
feux de navigation. »
« Confirmation pour cap et distance. On s’aligne. Altitude 9.000 pieds. »
répond le copilote pendant qu’on entend dans les écouteurs le commandant de
bord faire une annonce à son équipage et ses passagers passablement affolés,
peut-on imaginer.
Paul profite de l’intermède radio pour revêtir sa combinaison de plongée
et palmes, s’arme d’une bouteille dans le dos, donne ses instructions à Lisbeth
après avoir lancé le moteur. « Tu navigues sur eux. Va barrer dans le cockpit.
En tenue et n’oublie pas ta ligne de survie ! On communique avec le
talkie-walkie. »
Puis il sort, donne quelques coups de winchs aux écoutes, s’attache une
aussière au pied qu’il relie à l’annexe posée sur le pont, qu’il met à l’eau
après l’avoir libéré de ses sangles.
Elle vole en tous sens avant de se stabiliser le long de la coque,
alourdie par son moteur hors-bord.
Deux coups de démarreur sur la poignée, la danse est partie.
Le Boeing ne met pas longtemps à se faire voir à travers les embruns,
grâce à ses phares.
« Liz ! Dis leur qu’ils sont un chouia trop sur tribord. Mer démontée avec
des creux un peu plus calmes de quatre mètres. Et donne-leur le cap et la
vitesse du vent ! »
Son équipière s’exécute. Paul entend la réponse : « Roger ! Dieu ait pitié
de nous ! »
L’avion percute la mer à environ 300 mètres du « Lisbeth », sur son
arrière, ne faisant que rajouter un peu plus au désordre marin local.
Quand on est en haut d’une vague, les deux embarcations peuvent faire
route sur la queue de l’appareil qui flotte encore un bon quart d’heure.
Paul est dessus en dix minutes tellement les montagnes liquides sont
difficiles d’abord. Rassemblant déjà les canots de sauvetage, rouges fluo et
ronds, regroupés en grappe.
Il recueille au passage une naufragée tenant son bébé dans ses bras, qui a
glissé sur l’aile de l’avion pour s’enfoncer dans la houle formidable.
Il parvient, sous le vent, à grimper à bord de l’avion. Les derniers
passagers vomissent des deux côtés de l’appareil, encadrés par l’équipage qui
les entasse dans les canots.
Il a de l’eau jusqu’aux genoux vers la queue de l’appareil qui commence à
s’enfoncer par l’arrière.
Plus personne dans l’appareil, sauf le copilote qui remonte à travers les
travées pour vérifier que tout le monde est évacué. Le steward traîne une femme
âgée sur le sol, qui hurle tout ce qu’elle sait au lieu de marcher vers l’avant.
Une handicapée qui a abandonné son fauteuil. À deux, ça va plus vite. Paul les
jette dans l’annexe qui bat contre la carlingue et reprend son aussière au
pied.
Il s’agit de s’éloigner de l’épave de l’avion qui finit par s’immerger
totalement en pointant son nez vers le ciel, une dernière fois, comme s’il
savait qu’elle ne le reverrait plus jamais.
Un dernier sursaut. Un dernier salut d’honneur d’un géant abattu.
Et de regrouper les canots qui partent par grappes un peu dans tous les
sens. Pour les amarrer derrière le ketch.
Scène surréaliste, alors que les blessés ou commotionnés sont transférés
sur le voilier qui a mis en panne :
« Permission de monter à bord, Captain ? » L’homme qui est tant bien que
mal debout sur le canot le plus proche, a gardé sa casquette de commandant
vissée sur le crâne qu’il tient d’une main, alors que de l’autre il salue
militairement.
Paul ouvre un coffre du cockpit, là où s’entasse déjà nombre de naufragés,
sort sa casquette de Capitaine de corvette ourlée des même quatre barrettes : «
Permission accordée, Commandant ! » fait-il en lui renvoyant son salut
militaire.
« Aéronavale ? » conclut son vis-à-vis en distinguant l’insigne qui orne
le haut du couvre-chef de Paul.
« L’effectif ? » questionne-t-il.
« Au complet. Grâce à tous, grâce à Dieu et grâce à vous ! Merci. C’est
vraiment une divine providence qui vous a mis sur notre route ! »
Et pour en rajouter une couche, Paul, sarcastique fait : « A cup of tea or
coffee ? »
« Un doigt de rhum ? » répond l’américain en français.
Pas raisonnable au milieu de cette mer déchainée qui avait failli les
engloutir.
Les secours sont arrivés sur place quatre heures plus tard. Paul et
Lisbeth ont remis de l’ordre dans le voilier et ont laissé passer la tempête
avant de renvoyer de la toile, cap sur New-York, comme promis.
À plusieurs reprises leur route a été coupée par des avions de tourisme
qui les cerclaient systématiquement et des embarcations de journalistes qui les
ont abordés pour faire reportage sur leurs exploits.
Jusqu’à l’entrée dans le port de la « grosse pomme ».
Moment émouvant dans la mémoire de Paul : les bateaux-pompes des pompiers
du port et une armada d’embarcations de toutes les tailles étaient venus à leur
rencontre les accueillir, dès qu’ils se sont signalés par radio à la
capitainerie de la ville.
Pendant une bonne quinzaine, ils ont parcouru les plateaux-télévisions,
radiophoniques et autres « salons d’honneur ».
Ce qui au passage, renflouait un peu leurs finances et notamment celles de
Lisbeth qui pouvait envisager de repartir désormais à Vancouver avec ses
enfants.
Et c’est à cette occasion que Paul a fait le voyage jusqu’à Washington
pour recevoir « la médaille du Congrès », comme du témoignage de la Nation
reconnaissante, d’avoir contribué à sauver la vie 156 personnes, la plupart
américaines.
Soit une de plus qu’il n’avait pu recueillir.
Celle du pilote américain abattu en
Afghanistan [2] !
[1] Voir l’épisode : « Opération Juliette-Siéra », publiée aux éditions «
I-Cube ».
[2] Voir l’épisode : « Opération Juliette-Siéra », publiée aux éditions «
I-Cube ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire