Là, je suis vraiment scotché !
Tétanisé de colère, même !
Et pour deux raisons : La première, c’est qu’à
peu-près personne n’en a parlé dans nos médias nationaux et européens,
obnubilés par les élections grecques, les QE de la BCE ou encore la
« marche républicaine » et mondiale du 11 janvier, tel que
l’information a mis plus d’un mois à venir de Stockholm jusqu'à mes augustes systèmes
vestibulocochléaires personnels (mes « esgourdes », quoi, pour parler le
francilien-natif !).
Black-out quasi-total sur cette information pourtant
stupéfiante, même si ça commence seulement à se savoir.
Puis on est passé aux commémorations de la Shoa, à la
loi Macron – en Italie aux réformes Renzi – et il n’y a que « La
Croix », « Le Monde » et « Valeurs actuelles » pour en
avoir fait quelques lignes perdues dans leur fatras respectif, qui rappellent ce
moment pourtant historique où la démocratie suédoise est bien entrée de
plain-pied dans un « totalitarisme-mafieux » de bon aloi.
Et encore, toute cette presse quand elle en parle, c'est seulement pour saluer
qu’il soit… « consensuel » !
Assez extraordinaire…
Parce que c’est la seconde raison de « ma
colère » : Comment des élus, démocrates du meilleur niveau, souvent
cités en « modèle-absolu », peuvent-ils se libérer du joug du vote populaire
qui les a portés là où ils sont, le tout sans même une goutte de sang
versé ?
Que j’en ai une émotion toute particulière pour les
mêmes qui refilent « tous les pouvoirs » au Maréchal Pétain… Mais ils
avaient l’excuse d’avoir perdu la « Bataille de France ».
Ah qu’elle est belle la démocratie dans tous ces
pays-là, finalement !
Je vous raconte le déroulé.
En Suède, ils ont voté à l’automne dernier et le
gouvernement de gauche qui est sorti des urnes a vu son budget 2015 retoqué
début décembre. D’où l’annonce d’élections anticipées prévues pour le 22 mars
2015 (un dimanche), les premières en Suède depuis 1958.
Les « Démocrates de Suède » (SD = parti d’extrême-droite),
avec ses 12,9 % à ces élections-là (un votant sur un peu plus de 7 : On
est assez loin du un sur 4 de la « Gauloisie-généreuse ») avaient rejeté
le budget du gouvernement et voté en faveur de celui de l’opposition, poussant
le premier ministre à envisager de se démettre.
Seulement voilà, les sondages se sont mis à dessiner
une forte hausse du « SD » (un peu comme chez nous avec un FN en tête des prochaines présidentielles), l’amenant à des niveaux tels que ni
l’alliance socialistes-verts, ni le centre-droit, ne puissent plus espérer
gouverner.
Alors, ils se sont réunis à la nuit tombée (elle tombe
vite et longtemps en Suède en plein hiver) pour annoncer samedi 27 décembre un
accord avec l’opposition de centre droit, évitant ainsi des élections
législatives anticipées…
Vous me direz que jusque-là, rien d’anormal : C’est
un peu comme si « François III » obtenait le soutien de
« Bébé-Roux », ou mieux, celui des troupes
de « Bling-bling ».
Après tout, quand on ne fait pas son boulot d’opposition,
pourquoi ne pas s’allier avec son adversaire au pouvoir ?
Avec le mouvement des Verts, son allié gouvernemental,
et les quatre partis de l’Alliance (conservateurs, centre agrarien, libéraux et chrétiens-démocrates), le
parti social-démocrate a trouvé un modus
vivendi, dit « accord de décembre », qui « permet à un gouvernement minoritaire de gouverner », a précisé le
premier ministre social-démocrate Stefan Löfven, oui, minoritaire !
Et l’accord trouvé pose les bases d’une « collaboration »
entre six partis prétendant à des fonctions gouvernementales sur trois
dossiers, les retraites, l’énergie et la défense, va rester valide, en application jusqu’en…
2022 !
Ce qui implique que tout gouvernement minoritaire
pourra faire adopter son budget avec le soutien passif de son opposition-naturelle.
« C’est une
victoire pour la Suède », s’est réjouie la représentante du parti
conservateur (modérés), le plus grand parti de l’opposition, Anne Kinberg
Batra.
C’est aussi un pas vers « plus de consensus », signe distinctif de la politique et de la
société suédoise, que la récente percée de l'extrême droite avait mis à mal.
« La Suède est
fière de sa tradition consistant à régler les questions difficiles au-delà des
blocs, une tradition que tous les pays n’ont pas », a rappelé le premier
ministre, manifestement soulagé de pouvoir rester dans son fauteuil.
« Cet accord est
une illustration de ce qu’on fait habituellement en politique suédoise : On trouve
des solutions à long terme », a expliqué la
politologue Camilla Sandström, enseignante à l’Université d’Umeå (nord)…
Effectivement, cet accord exclut de facto l’extrême
droite qui se trouve marginalisée au Parlement.
« L’idée
fondamentale, c’est de ne pas permettre aux Démocrates de Suède d’avoir de
l’influence », poursuit l’experte.
Et si les questions d’immigration et d’intégration
sont exclues de l’accord, les partis ont toutefois indiqué qu’ils envisageaient
de coopérer sur ces sujets.
Ils évitent ainsi de transformer les législatives en «
référendum sur l’immigration » comme
le souhaitait l’extrême droite, en rapporte « La Croix ».
S’il faut admirer la culture du consensus de nos
voisins suédois, et avec le recul, il est probable que cette façon de faire reste
un des événements les plus inquiétants de ce début du millénaire : Le dernier
masque de la démocratie représentative, dans sa version post-moderne, apparaissant
encore plus corrompue qu’on ne l’imaginait, vient en effet de tomber !
Pas chez nous encore, même si nos « mafieux à
nous » restent « aux manettes », mais là, chez des « hérétiques-huguenots »
où a élu domicile les jurys des prix Nobel… hors celui de la paix : C'est assez
incroyable !
Si vous souhaitiez confirmation et savoir à quel point
« l’étatisme électif » peut se rapprocher à pas de loup des « vraies
» dictatures et de quoi il est capable lorsqu’il se sent menacé de perdre ses
prébendes, voilà de quoi vous faire réfléchir, jusque dans le très
politiquement correct « modèle suédois ».
Les faits sont simples dans leur cynisme :
Avec ses 12,9 %, le « SD » ne pouvait qu’être un parti d’opposition.
Mais lorsqu’un autre s’est joint à lui pour rejeter le
budget, les « vrais-démocrates » ont eu peur de laisser le
peuple trancher !
Craignant de perdre les
places qu’ils occupaient chacun leur tour dans une aimable alternance, ces
partis ont décidé de se répartir les postes non plus alternativement mais
simultanément, et pour toujours.
En tout cas jusqu’en 2022, première échéance de
révision de leur accord.
Autrement, un vrai coup d’État sur tapis-vert !
« Fou-z’y » la démocratie, consensuellement
piétinée au moins pour les 7 prochaines années !
Car, ce faisant, les élections prévues pour 2015
n’auront pas lieu et le résultat de celles de 2019 est d’avance neutralisé
puisque l’entente des sortants, ou plutôt de ceux qui ne veulent pas sortir,
est organisée jusqu’en 2022 !
La Suède aura donc la « chance » d’être la première
démocratie au monde à connaître la composition de son gouvernement avant même les
élections et à savoir qu’il restera en place indépendamment de leur résultat !
C’est sûr que, dans ces conditions, ça renouvelle le
concept de « démocratie ».
Comment nomme-t-on au juste un événement où les
élections annoncées sont brutalement reportées, le pouvoir annonçant que de
toute façon il restera en fonction quel qu’en soit le résultat ?
Si la Junte est habillée en civil et que le parlement
fait partie de la farce, c’est quand-même très exactement ce qu’on nomme un « coup
d’État ».
C’est d’ailleurs ainsi qu’il est vécu de l’intérieur :
« L’accord de décembre peut valablement
être décrit comme un coup d’État en douceur, qui engage la Suède sur la route
de l’autodestruction.
En
apparence, les institutions démocratiques de la Suède semblent intactes, mais à
partir de maintenant elles ne sont plus qu’une coquille vide. L’accord de
décembre organise ce qu’on pourrait définir comme un système parlementaire à
deux faces. Le parlement officiel reste en place, mais dans l’ombre se tapit le
parlement réel, constitué des chefs des sept partis du spectre politique
traditionnel. Cette officine d’arrière-cour mène ses délibérations en secret, à
l’abri de tout regard (et contrôle) public.
De temps à autre, elle présentera ses décisions au parlement, où la
ratification ne sera qu’une formalité.
Le
nouveau système peut aussi être décrit comme une « dictature consensuelle ».
Quel
qu’il soit, celui qui gouvernera dans les huit prochaines années aura dans la
réalité des pouvoirs de type dictatorial : Ses budgets, fondements de toute
politique, disposent d’avance d’une garantie d’approbation. En plus du budget,
les partis de l’union ont annoncé qu’ils rechercheraient l’unanimité sur les
questions de défense, sécurité, pensions et énergie. »
Si cela c’était passé dans n’importe quelle Ukraine ou
Zimbabwe ordinaire, la levée de boucliers aurait été unanime.
Pas cette fois-ci : « Le Monde », le même qui
avait applaudi l’entrée des Khmers Rouges sanguinaires dans Phnom-Penh, n’en a parlé que
pour en faire un modèle à suivre et dupliquer : « Une fois de
plus, la Suède donne l’exemple. Confrontés à la perspective d’une crise
politique prolongée, les partis politiques traditionnels, de gauche à droite,
ont décidé de s’unir pour permettre au gouvernement de fonctionner en
neutralisant la capacité de nuisance parlementaire du parti populiste. »
Euh, et pourquoi pas le retour du « parti
unique » cher à Staline seule garantie d’un parlement sans
nuisances ?
Après tous les soviets avaient déjà la solution :
Faudrait être objectivement fou de s’opposer à leur vérité. Alors ils internaient
en asile psychiatrique !
Logique.
La même voie que prend la Suède et ses propres élites
politiques ?
Et dire que j’entends encore quelques « démocrates-nationaux »
de mon pays expliquer qu’il n’y a qu’une solution pour éviter « Marinella-tchi-tchi »,
un gouvernement d’union nationale.
C’est vraiment préférer la peste au choléra (ou
vice-versa) : La même pièce de monnaie prise en ses deux faces.
La question n’est même plus celle des programmes des uns ou
des autres. Elle est celle de l’honnêteté de ceux qui s’affirment « démocrates »,
pour aussitôt s’accorder sur la neutralisation des votes qui ne leur
conviennent pas.
On est démocrate ou on ne l’est pas, le concept ne se
divise pas plus que celui de Liberté.
Et on justifie parfois les « exceptions » en
ressortant la vieille fable, « Hitler a
été élu démocratiquement, donc il y a des limites à la démocratie », qu'il est urgent de démonter à cette occasion.
Ce n’est pas totalement vrai, mais historiquement un
peu plus compliqué que ça, chacun le sait.
Et finalement cela aide à mieux comprendre la
connivence entre le fascisme et la démocratie… « avec limites ».
Pour souvenir (à l'adresse de ceux qui n’étaient pas nés), Hitler
n’a jamais eu de majorité absolue à aucune élection dans son pays, mais la manière dont il s’est
imposé est typique : Il était minoritaire lorsque Hindenburg l’a nommé
chancelier, dans un gouvernement « d’union
nationale » où ne siégeaient hors de son parti que deux autres ministres.
Saisissant leur chance, les nazis ont très vite
organisé un changement des règles du jeu qui les rendrait au moins aussi
indéboulonnables que nos stupéfiants Suédois amnésiques.
Même ainsi, après que l’incendie du Reichstag leur ait
donné prétexte à supprimer toutes les conditions d’un débat démocratique, ils
n’ont cependant atteint que 43,9 %.
Hitler n’a donc jamais représenté démocratiquement tout
le peuple allemand, ni même sa majorité !
Son arrivée au pouvoir n’est pas la preuve d’une «
faille » de la démocratie, mais le résultat d’une de ces manœuvres de couloirs
qu’on habille du joli nom de « gouvernement d’union », négation même
des choix différenciés de l’électorat.
Les grands partis suédois ne font pas autre chose
aujourd’hui, tout en jouant la vertu outragée, pour un « totalitarisme-pleurnichard ».
Le premier enseignement de ce coup d’État suédois, c’est
que les nobles envolées sur la démocratie, les valeurs républicaines, etc.,
explosent en moins d’une seule fraction de seconde lorsque la caste au pouvoir se sent
menacée.
Le deuxième est que contre cela il n’y a aucune
défense par le vote : Le putsch se fait discrètement, en une nuit de
négociations secrètes, et ensuite il est trop tard !
Sauf à prendre les armes…
En définitive, le réalisme impose de songer à quelques
propositions de vaccin avant qu’il ne soit décidément trop tard (toujours les mêmes,
hélas) :
– Incompatibilité totale entre un mandat d’élu et
toute autre fonction, élective ou exécutive publique : Le fonctionnaire
élu, il repasse les concours pour retrouver un poste à la mesure de ses
compétences ; les cumulards sont interdits (et on conseille aux élus
d’avoir par ailleurs un vrai métier pour assurer leurs fins de mois) ;
– Pas plus de deux mandats électifs (ou exécutifs) d’affilé, quelle
que soit leur durée et leur « niveau » (local ou national), avec un « tiers-temps »
obligatoire avant le troisième, comme pour les CDD de notre code du travail ;
– Tirage au sort, annuel, pour trois ans et par tiers sur les listes
électorales, du corps des sénateurs ;
– Élection des députés sur liste uninominale et par
circonscription à un seul tour (pour « tirer » la vie politique
vers le « bipartisme » de gouvernement et éviter les ententes sur tapis-vert, la pluralité des opinions et
des débats réellement démocratiques étant assurés de leur côté par les sénateurs
tirés au sort) ;
– Rémunération et indemnisation de tout le personnel
élu (y compris ministres et exécutifs locaux) au niveau du salaire médian du
pays (quel que soit le « niveau » du mandat – local ou national –,
là encore) ;
– Réduction de la sphère de compétence étatique (ainsi
que les budgets et impôts qui vont avec) à ses seuls rôles régaliens :
Sécurité (intérieure et défense), organisation de la justice, relations avec
les organes républicains et internationaux (européens et autres), solidarité
nationale, collecte des recettes fiscales et santé publique.
– Les politiques législatives (civiles, commerciales,
pénales, économiques…) sont de la compétence exclusive du Parlement (les
politiques monétaires de la compétence de la BCE) ;
– Les politiques « sociales » sont de la
compétence exclusive des partenaires sociaux (même s’il faudra repenser et
unifier leur propre représentativité selon les mêmes canons) ;
– Délégation de tous les autres rôles et interventions
aux régions (et départements, communes et autres démembrements) dirigées par des
assemblées locales avec des personnels obéissant aux mêmes « normes »
que les élus « nationaux » (Cf. ci-dessus), qui votent taxes et impôts
locaux sur leur périmètre géographique pour assumer leurs missions (éducation et instruction
publique, équipements publics, réseaux, transport, aménagement des territoires,
localisation des industries, commerces, populations, etc.)
Tout cela n’est pas très compliqué à mettre en œuvre
et ne nécessiterait même pas de modifier le texte de la Constitution de notre
République.
En revanche, si nous n’exigeons pas ces
« saucissonnages » institutionnels, soyez en sûrs, ils vont
« démocratiquement » se foutre de votre gueule et de vos bulletins de
vote, comme en Suède en 2019.
Vous êtes clairement prévenus, cette fois-ci…
Bon début de semaine à toutes et à tous quand même !
Moi, je pars me calmer d’avoir pu être enfumé aussi
facilement.
Ahurissant !...
RépondreSupprimerC’est repris sur « Alerte éthique » :
http://euroclippers.typepad.fr/alerte_ethique/2015/02/comment-faire-un-coup-d%C3%A9tat-dans-une-d%C3%A9mocratie.html
Trés bien.
SupprimerJe viens même d'y laisser un commentaire...
En vous précisant que j'ai omis une hypothèse...
C'est que dans 5 ans, aux élections législatives suédoises, le peuple - déçu ou en colère autour de la question de la migration ou des retraites - vote pour un programme "démagogique-populiste" et envoie les "fachots-Démocrates-Suédois" (vous aurez noté comme une "enseigne" dit toujours le contraire de ce qu'elle est réellement même en politique ... et ailleurs, d'ailleurs) et envoie une majorité qui laissera sur le flan tous les autres qui comptaient se partager le gâteau jusqu'en 2022 !
Après tout, c'est ce qu'on vient de voir en Grèce.
Et c'est ce qui nous pend au nez en "Gauloisie-démocratique" !
Même ma "Môman-à-moi", qui n'est pas spécialement frontiste, estime qu'il n'y a rien d'anormal que des partis politiques s'entredéchirant s'entendent pour former des "majorités-parlementaires" de gouvernement.
Terrible les effets de la proportionnelle sur les esprits...
Une des raisons pour laquelle je propose le vote des députés au scrutin à un seul tour par circonscriptions : Là au moins, on vote "utile" dès le premier tour !
Les combinaisons de parti se font avant, pas dans l'entre-deux tours à la va-vite.