Lettre
du général Henri Poncet au Capitaine Djamel
Source : ASAF (association de soutien à l'armée française)
http://www.asafrance.fr/item/libre-opinion-la-lettre-du-general-henri-poncet-ancien-commandant-des-operations-speciales-au-capitaine-djamel.html
Mon capitaine, cher Djamel,
Rentrant des États-Unis quelques jours après les
actions terroristes qui ont frappé la France, j’ai pris connaissance de ta
longue lettre. Avant tout, merci pour tes vœux, mais aussi pour ta fidélité qui
ne se dément pas. Accepte à ton tour tous mes vœux à partager avec ta petite
famille et aussi toutes mes félicitations pour ta troisième citation au feu que
tu m’avais cachée selon ta discrétion habituelle. Mais, que veux-tu, j’ai encore quelques « informateurs ».
Tu me dis ton malaise ressenti depuis ces tragiques
attentats alors que tu viens de rentrer d’une mission de plusieurs mois
particulièrement éprouvante dans le Sahel. Tu as suffisamment d’expérience pour
savoir qu’on s’interroge toujours sur le décalage qui peut exister entre la
réalité et le vécu d’une mission et les discours et déclarations péremptoires
que l’on peut tenir dans les médias ou en battant le pavé. Tu sais très bien
que dans quelques jours des millions de Français se précipiteront dans les
bouchons qui mènent aux stations de ski, alors qu’à lire les unes des journaux
« Nous sommes en guerre ». On l’est
sans doute au Sahel ou dans le ciel irakien, mais certainement pas en France.
Ou alors, quand des Français tuent des Français, il faut appeler cela une
guerre civile. Et, s’ils sont passés dans le camp adverse comme en Syrie, il
faut les appeler des traîtres.
Je m’étonne par ailleurs que personne n’ait évoqué la
possibilité de proclamer l’état d’urgence prévu par la loi, cadre juridique qui
simplifierait la mise en œuvre d’un certain nombre de mesures. Pour mémoire, il
a été proclamé en 2005 dans certaines banlieues.
Je comprends ton malaise, car je me rappelle ton
regard inquiet alors que, jeune sous-officier tu venais d’être affecté à mon
état-major et que, dans le cadre du petit tour que j’aimais faire
régulièrement, j’étais entré à l’improviste dans ton bureau. Tu avais tout de
suite vu que j’avais remarqué ton tapis de prière plié dans un coin. « Pratiquant
? », t’avais-je demandé. Tu m’avais
répondu par l’affirmative et j’avais vu ton soulagement quand j’avais ajouté :
« Soldat français et musulman, pas de
problème ».
Tu me dis également que tu t’es refusé de participer à
un quelconque rassemblement. Je le comprends. L’élan émotionnel et spontané a
été récupéré pour initier une opération de manipulation des foules qui a
engendré ces manifestations de très grande ampleur. Je te rassure, si j’avais
été en France, je m’en serais également abstenu. La liberté d’expression
n’excuse pas tout et ne justifie en rien le droit à la caricature outrancière
que j’assimile à l’insulte la plus
méprisable. D’ailleurs, j’ai un peu de mal à comprendre comment l’on peut
emboucher les trompettes du vivre
ensemble sans un minimum de respect de l’autre en particulier vis-à-vis de tout
ce qui touche à son espace symbolique ou sacré, qu’il soit profane ou
religieux. J’ai un peu de mal à comprendre comment on peut brandir l’étendard
d’une laïcité dévoyée en insultant l’autre, et tu sais que, chrétien, je suis
attaché à une laïcité bien comprise qui rassemble autour de valeurs communes,
une laïcité dont la signification doit être repensée. Il faut regarder la
réalité en face. La France d’aujourd’hui est faite de communautés. Gageons qu’avoir porté ces caricatures en
valeur républicaine et en symbole de liberté, d’avoir voulu leur donner une
caution nationale, va nous entraîner à chercher à marier la carpe et le lapin.
Je peux plus sérieusement rappeler ce qu’a écrit Albert Camus dans L’Homme
révolté : « La liberté absolue raille la
justice. La justice absolue nie la liberté. Pour être fécondes, les deux
notions doivent trouver l’une dans l’autre leurs limites ». Et toujours
dans L’Homme révolté, il évoque cette
limite en se référant aux Grecs et à « Némésis,
déesse de la mesure, fatale aux démesurés ». Il s’interdit de transgresser
la limite pour rester à « hauteur d’homme
». C’est cela le respect de l’autre, ce
message que Lyautey nous a laissé pour conquérir les cœurs.
J’ajoute enfin que je comprends ton inquiétude pour la
suite de nos engagements militaires au Sahel où il va falloir continuer à
combattre un ennemi agressif et manœuvrier tout en sachant qu’il va lui être
plus facile de trouver le soutien d’une partie importante de la population.
C’est tout un pan de nos opérations d’action psychologique qui vient de
s’écrouler. J’espère que nos autorités ne vont pas oublier que la liberté
d’expression se décline aussi avec la responsabilité.
Mais la classe politique, toute catégorie confondue, a
voulu cacher son incurie et son incapacité à exercer les fonctions régaliennes
de l’État depuis près de vingt ans. Alors, se serrant les coudes, elle a joué à
fond sur l’émotionnel pour ne pas se retrouver en position d’accusé par le
peuple. Tu connais bien cela. On avait travaillé là-dessus pour les actions
d’environnement et de déception. C’est la sixième stratégie de manipulation des foules parmi la liste des
« Dix stratégies de manipulations » à
travers les médias élaborée par le linguiste américain Noam Chomsky.
On feint de découvrir que les zones de non droit se
sont multipliées en France, que tout ou presque est permis dans les prisons,
que l’exercice de l’autorité est devenu un souci majeur dans les établissements
scolaires, que le courant le plus rétrograde de l’islam, le wahhabisme financé
par des théocraties arabes, a pénétré nos banlieues. Je pourrais continuer à
égrainer ces multiples problèmes de la société française connus depuis des
années, mais évacués à coup de rodomontades ou de subventions pour acheter la
paix sociale. Tu sais tout cela, toi qui as passé ta jeunesse dans une de ces
banlieues en crise. En fait, je crains que ce ne soit qu’une perception
simpliste de nos problèmes. Malheureusement, les faits nous montrent que nous
sommes certes confrontés à une internationale ou communauté djihadiste, la plus
facile à désigner, mais aussi à une communauté mafieuse, celle de la drogue et
du trafic d’armes. Enfin, en raison de notre endettement qui continue de
croître, il faut faire face à une communauté financière, celle des paradis
fiscaux et de certaines multinationales, la plus difficile à cerner, la plus
puissante face aux États. Certaines monarchies du Moyen-Orient y occupent une
place de choix. Les trois s’imbriquent et affaiblissent notre modèle
républicain très mal en point et qu’il faut repenser.
Ceci écrit, à toute chose malheur est bon. Nos armées
devraient enfin cesser d’être la variable d’ajustement du budget et il
semblerait que la déflation des effectifs devrait être plus mesurée. J’emploie
le conditionnel à dessein, car il faut attendre de voir si après les mots
viennent effectivement les actes.
De ton armée, Djamel, tu as le droit d’être fier, fier
de toi-même, de tes frères d’armes. Tu peux regarder le drapeau de ton régiment
sans baisser les yeux. Tu as droit au respect de tes concitoyens, de ton pays,
de ton commandant en chef, parce que tu te bats pour la liberté, l’égalité et
la fraternité.
Mes respects,
mon capitaine.
Auteur: Henri PONCET
Officier général (2S)
Source: www.asafrance.fr
Source : ASAF (association de soutien à l'armée française)
http://www.asafrance.fr/item/libre-opinion-la-lettre-du-general-henri-poncet-ancien-commandant-des-operations-speciales-au-capitaine-djamel.html
Notez
que si les cadres supérieurs de nos armées recommencent à faire des diagnostics
de « pro » sur notre environnement citoyen, on peut ne pas désespérer
de notre avenir commun.
Et puis
lui-même parle de 20 ans d'« incurie et (… d’)incapacité à exercer les fonctions
régaliennes »...
Depuis 1995,
par conséquent…
Il lui
manque deux années en arrière pour « tout comprendre ».
Ça
valait la peine d’être relayé…
Intéressant !...
RépondreSupprimerUne personnalité intelligente et humaine.
Le général Henri PONCET connait très bien le dossier du détournement des milliards de la Division Daguet.
Et pour cause…
En 2005 il dirigeait l’Opération Licorne en Côte d’Ivoire.
Il avait été mis en cause dans une affaire trouble et la Presse et les Médias l’avaient donné en pâture au public avec le général Renaud de MALLAUSENE, un général trois étoiles des chasseurs alpins.
Une infâme mise à mort médiatique comme les journaux savent le faire, où l’ignominie ne le cède qu’à la mauvaise foi.
Je connais. : les pilotes de ligne y ont eu droit régulièrement, en particulier pendant la grève de juin 1998.
Je me suis dit que je devais intervenir car il n’y a rien de plus difficile que de diriger une troupe de maintien de l’ordre lorsque l’on peut de faire tirer dessus à tout moment.
La "boucherie médiatique" n’allait pas s’arrêter et était assez catastrophique pour la Défense.
Aussi, j’ai pris ma plus belle plume Word pour écrire à Michèle ALLIOT-MARIE et lui rappeler le détournement des indemnités de la guerre du Golfe en mettant en copie les généraux Poncet de de Mallaussene !...
Il y avait de quoi mordre très cruellement le pouvoir politique.
Le message a été compris immédiatement et la campagne de presse nauséabonde s’est arrêtée tout aussi rapidement.
J’ai eu la surprise de recevoir un courrier du général de MALLAUSSENE qui me remerciait de mon action !...
J’ai été très agréablement stupéfait…
J’ai gardé ces courriers dans mes archives, mais c’est trop personnel pour être mis en ligne…
Par la suite, le général PONCET a été nommé directeur du Renseignement Militaire.
Il a été en place pour avoir bien plus d’informations que je n’en ai sur le dossier du Golfe.
Le général PONCET occupe sa retraite à enseigner la philosophie :
http://www.ladepeche.fr/article/2014/11/30/2001737-henri-poncet-le-long-chemin-vers-la-philosophie.html
Une "pointure" exceptionnelle !...
Et si le dossier du détournement de milliards de la Division DAGUET est divulgué, il faudra un membre de l’Etat-major pour communiquer sur un épouvantable scandale politique…
Pourquoi pas lui ?...
Je vais essayer de trouver son adresse et lui envoyer ma dernière brochure.
J’ai repris la plume pour signaler cette agréable et stupéfiante histoire qui date déjà d’une dizaine d’années.
Parce qu’actuellement, je me repose après deux mois d’agitation…
Fatigué.
Bonne journée à tous !...
Haddock
Je me souviens aussi de l'affaire Mahé, ce violeur et assassin mort étouffé dans un VAB de nos "vaillants soldats" en mission de pacification...
SupprimerLe général a été blanchi après avoir été suspendu. En revanche, sauf le chauffeur du véhicule, ils ont tous été condamnés, y compris les "colons" à des peines avec sursis par le TAP, après l'aveu de l'un des participants à ce meurtre...
Je n'en fais pas mention dans ce post, parce que le propos du général reste d'une "maturité", d'une clairvoyance, d'une retenue telle qu'elle force au respect.
Et j'ai déjà programmé le post de demain, sur l'autre aspect du "général" (ou je tâche également de garder de la "distance").
Que vous confirmez finalement avec 24 heures d'avance...
Parce que bon, il m'a vraiment empêcher de dormir cette nuit, et ça me rend de mauvaise humeur le lendemain.
Aujourd'hui, il aurait de toute façon été "hors sujet".
A vous de lire..; demain donc !
Bien à vous !
I-Cube
Respect! Mon Général! what else? RAS!!!
RépondreSupprimerRAS ?
RépondreSupprimerTu es gonflé, Vincent !
LoL...
Pour mémoire, la suite : http://flibustier20260.blogspot.fr/2015/02/lettre-ouverte-au-general-henri-poncet.html
et "l'avant" : http://flibustier20260.blogspot.fr/2015/02/pour-votre-bonne-information.html !
C'est dans le jargon du soldat! c'est RAS veut aussi dire Excellent!!!
RépondreSupprimerLe propos du général, oui, bien sûr, c'est d'ailleurs pourquoi je l'ai repris intégralement !
SupprimerMême si comme je le dis à l'occasion du post suivant ("plus récent") :
- Il m'a fait passé une très mauvaise nuit ;
- Parce qu'il manque bien des choses (hors propos il est vrai à Djamel).
Quant à ta situation, toi qui écris aussi au ministre, elle 'a rien d'excellente.
Et que ta hiérarchie, quand elle te laisse tomber, ainsi que tes kamarades de vétérans face aux désordres sanitaires qu'ils ont à subir, là, franchement, je trouve qu'il n'y a rien d'excellent.
Passons, comme je le dis, ce n'est pas vraiment mon combat, bien plus le tien, il est vrai !
Bon courage pour la suite !
I-Cube