Philippe Oswald, que je relaye…
Être en
deuil, oui, être Charlie, non merci.
Partageant le deuil national et m’inclinant devant
ceux qui sont tombés et leurs proches, je n’entends pas pour autant cautionner
les combats libertaires de mes confrères journalistes de Charlie-Hebdo.
La
France vit son 11 septembre.
C’est ce que signifie ce deuil national, le premier
depuis celui de 2001, décrété en solidarité avec les États-Unis après les
attentats de New York et de Washington. Nous ne déplorons pas, heureusement,
près de trois milliers de morts comme les Américains alors, mais la perte de
vingt personnes, un agent d'entretien, deux policiers, dix journalistes, quatre
clients d’un hypermarché cacher, tous lâchement assassinés, et les trois
terroristes, car notre compassion doit s’étendre à ces fous furieux, quoi qu’il
en coûte. Sans oublier les nombreux blessés dans leur chair et dans leur âme,
certains très grièvement.
Une
guerre mondiale et intérieure.
Circonstance aggravante, ces trois terroristes ne
venaient pas de l’étranger mais ils avaient grandi chez nous, dans nos
banlieues laissées en déshérence. Petits délinquants d’abord, ils s’étaient
radicalisés dans nos prisons et en étaient sortis dans des circonstances qui
devront être éclaircies.
La guerre lancée par le totalitarisme islamique est
mondiale, internationale mais aussi intestine. Et chacun peut comprendre
désormais qu’en France, le risque principal vient de l’intérieur.
Depuis le double attentat d’hier, il est devenu
impossible de résumer la douleur et l’indignation collective dans le slogan «
Nous sommes Charlie ». Mais il était déjà pour le moins réducteur dès
l’attentat contre Charlie-Hebdo : l’attaque avait fait d’autres victimes que
les journalistes, et notamment ce jeune policier exécuté de sang-froid parce
qu’il portait un uniforme comme l’a été le lendemain matin, la jeune policière
abattue dans le dos à Montrouge. S’il est clair que les terroristes voulaient
se venger des caricatures de Charlie-Hebdo, il n’en reste pas moins que leurs
cibles étaient plus larges : elles comprenaient tous ceux qui portent un
uniforme et nos compatriotes juifs (les mêmes cibles que Merah à Toulouse).
L’humour
oui, la dérision non.
Mais quand bien même seul Charlie-Hebdo eût été
agressé, on ne m’eût pas fait dire : « Je suis Charlie ». C’eût été une
hypocrisie, un mensonge. La mort tragique de mes confrères me révolte, je hais
le terrorisme et les violations de la liberté d’opinion et d’expression, mais
je ne crois pas que celle-ci justifie tout et n’importe quoi. La liberté de la
presse n’est pas et ne sera jamais absolue. La liberté ne s’arrête pas
simplement « où commence la liberté de l’autre », comme on le dit souvent, mais
où commence la dignité humaine et le respect que l’on doit à tout homme dans ce
qu’il a de plus sacré : sa religion, sa patrie, sa famille, son intégrité et
son identité d’homme ou de femme. C’est ce respect qu’à mon avis mes confrères
de Charlie-Hebdo -dont je ne conteste ni les talents, ni le courage- ont trop
souvent piétiné. L’humour, oui, mille fois oui, même bien sûr au risque de
fâcher des terroristes. La dérision, l’insulte, l’outrage, l’humiliation, non.
Il faut approfondir le dialogue avec les musulmans,
les aider à reconnaître et à dénoncer le totalitarisme islamique, ne pas
craindre de montrer les contradictions du Coran et de l’islam, mais
certainement pas les scandaliser pour le plaisir de les scandaliser. En tant
que catholique mainte fois ulcéré par le traitement infligé à ma religion par
mes confrères, je n’ai pas de mal à imaginer les sentiments de musulmans
sincères et pacifiques devant ce qu’il faut bien appeler des agressions.
Des
contestataires…d'un temps révolu.
Les caricaturistes de Charlie-Hebdo n’étaient pas des
précurseurs mais des passéistes. Ils rejouaient sans cesse un vieux film. Purs
produits de mai 68, ils en étaient restés aux slogans anarcho-libertaires qui
fleurissaient alors sur les murs de la Sorbonne : « Ni Dieu, ni maître », «
Interdit d’interdire », « Jouir sans entraves », « Les ennemis de mon père sont
mes amis ». A leurs yeux, la famille, l’Etat, l’armée, l’Eglise étaient
toujours des « structures d’oppression » alors que notre société crève de les
avoir piétinées.
Il y a longtemps qu’ils n’étaient plus des
contestataires : leur vision du monde s’était imposée jusqu’au sommet de l’État.
Idéologiquement, socialement, ils étaient « installés ». L’un d’eux, leur doyen
et l’un des plus doués et des plus lucides, Georges Wolinski, l’avait
d’ailleurs reconnu avec une honnêteté et une franchise qui l’honorent, dans une
formule que j’ai retenue par cœur tant elle m’avait frappée : « Nous avons fait
mai 68 pour ne pas devenir ce que nous sommes devenus »…
À mes yeux, Charlie-Hebdo n’a pas fait grandir la
liberté dans notre pays mais plutôt le mépris, contribuant à déshumaniser et à
diviser notre société. Cependant, ces adversaires étaient des hommes courageux
et talentueux (je confesse un faible pour Cabu et Wolinski). Ils sont tombés
dans leur rédaction, la plume - le crayon- à la main. Ils étaient des
confrères. Dans « confrère », il y a « frère ». Je prie pour eux (tant pis
s’ils râlent ou se gaussent !) et ceux qui les pleurent. Mais décidément, non,
aujourd’hui comme hier, je ne suis pas Charlie.
Vous l’aviez
compris, Philippe Oswald, dans le civil, est journaliste de profession.
J’avais
promis à « France » (vous ne connaissez pas, mais c’est son vrai prénom)
de relayer : Ce jour, c’est fait !
Bon
dimanche à toutes et à tous !
I3
Non, je ne suis pas Charlie n’ont plus !...
RépondreSupprimerD’ailleurs, je n’ai pas repris l’expression.
Il y a des décennies que je ne lisais plus Charlie, même occasionnellement, car c’était vulgaire, stupide, méprisant, humiliant, provocateur, en fait « bête et méchant » comme ils se définissaient.
Et quand on provoque des individus rigides, assis dans leurs convictions, pour ne pas dire leurs névroses, ou leurs psychoses, il faut s’attendre au pire comme on l’a vu.
Cela ne justifie pas bien sûr les crimes commis par les assassins.
Le fond barbare de l’être humain affleure parfois en surface comme on peut le voir avec les extrémistes islamistes et ce n’est pas la peine d’aller le chercher, le développer.
C’est contre-productif et cela provoque en plus, chez certains, un amalgame destructeur.
Un échec de la pensée…
Enfin, on ne peut pas en espérer plus d’une "pensée soixante-huitarde attardée"…
C'est un peu l'idée...
RépondreSupprimerQuand j'étais jeune, je lisais, de temps en temps et en cachette, Hara-Kiri, l'ancêtre.
Enfin lire... je regardais surtout les images et les photos, déjà attiré par "le beau sexe" qui pouvait parfois s'étaler sur les pages du canard !
Je n'avais même pas l'impression d'une "provocation". Tout juste de l'impudeur ... recherchée, justement !
Je me souviens encore de cette contre-pub contre Darty : "Si vous trouvez moins cher, Monsieur Darty vous offre le champagne, et Madame Darty vous fait une pipe !", avec une grosse dame à genou devant la braguette ouverte de l'heureux lauréat ravi qui tenait une coupe dans laquelle un troisième homme versait du champagne !
Délires, délires !
Vraiment que des konneries, ces équipes-là.
Reste que personne n'a le droit de mourir pour quelques graffitis, là, je n'en démords pas !
A en devenir "Charlie".
Bien à vous !
I-Cube