« La » solution qui va faire plaisir à mon « Beauf’ ».
Ma« petite-sœur » a marié un érudit grec, qui fait philosophe dans le civil, il y a
quelques décennies de ça.
Un grec qui peste sur son sort personnel, sur le sort
réservé à son pays-à-lui, où il a encore quelques terrains (générateurs d’impôts
grecs-patriotes, en plus des « Gaulois »), qui peste sur le sort du « monde-libre ».
Il peste aussi de n’avoir pas pu aller voter dimanche
dernier : Plus de place sur les vols vers Athènes.
Et ils sont environ 4 millions de Grecs à vivre à
l'étranger qui se trouvent être dans la même situation, privés de
démocratie-élective.
Beaucoup aurait aimé participer au scrutin législatif
de dimanche dernier, mais il leur est impossible de voter s’ils ne sont pas en
Grèce.
Des citoyens grecs-Européens de seconde zone, en somme :
De quoi définitivement « pester », effectivement.
Mais lui – qui sait tout de tout – sait mieux que
quiconque comment Tsiprias, le nouveau premier ministre grec, va aller négocier
la dette fabuleuse de son pays : Il va seulement plaider le « devoir
de mémoire » !
« Souviens-toi
du 27 février 1953, Angela ».
Ce jour-là, la Grèce et 20 autres créanciers de la RFA
décident d'aider l'Allemagne de l'Ouest, alors en défaut de paiement :
1) Réduction de la dette de 62 % ;
2) Moratoire de 5 ans sur les paiements ;
3) Délai de 30 ans pour rembourser ;
4) Suspension des paiements en cas de mauvaise
conjoncture.
Sans compter qu’il y a aussi les 476 Méga reichsmarks
extorqués à la Grèce par l'Allemagne nazie (en 1941).
Jamais remboursés, ils représentent aujourd'hui entre
50 et 80 Md€, soit entre 16 et 26 % du total de la dette grecque…
Parfois, l'Allemagne reste totale-amnésique des
racines de son succès, n’est-ce pas !
Et de rappeler que l’Allemagne n’a ainsi pas toujours
été hostile aux « annulations » des dettes publiques.
Du moment qu’elle y trouve son intérêt bien compris.
La Grèce doit tenir ses engagements, répètent les
Allemands… Alors qu’il leur est arrivé d'être moins à cheval sur la nécessité
de payer rubis sur l’ongle quand leur pays était à l’agonie.
Fabuleux de cynisme !
Car la meilleure façon de ne pas oublier la règle, ses
principes et ses exceptions, c’est justement la façon dont la dette allemande a
été amputée après la Seconde Guerre mondiale.
Il s’agissait alors de remettre en selle ce pays
vaincu, afin de l’ancrer au bloc occidental et de stabiliser le vieux continent,
alors que le plan Marshall de 1948 déversait 13 Md$-or US d’époque sur l’Europe,
dont 1,173 de « don » à la seule Allemagne (contre 2,488 à mon pays…
que j’aime tant, je n’oublie pas non plus ; 2,805 aux britanniques, qui n’ont
pas oublié non plus ; et 1,413 à l’Italie, etc. pour un total de 11,8 Md$ US de « don »).
Les dirigeants occidentaux avaient enfin tiré les
leçons du traité de Versailles de 1919 et intégré le fait que l’humiliation
d’un pays était non seulement inefficace mais aussi dangereuse : « L’Allemagne
paiera », ce slogan abêtissant qu’ânonnaient les « Gaulois-bleu-horizon »
mes ancêtres à moi-même, après la guerre de 1914-1918, avait conduit celle-ci directement
dans les bras des nazis.
C’est là qu’il faut aussi avoir une pensée « amusée »
quant à la récente poussée « d’Aube dorée », le parti néo-nazi grec, qui
obéit exactement aux mêmes mécanismes.
Au tout début des années 1950, les États-Unis, la
Grande-Bretagne et la « Gauloisie-libérée », conscients que les
dettes extérieures, celles des entreprises et celles que la jeune RFA avait
accepté de reprendre, représentaient un fardeau extrêmement pénalisant pour
l’économie allemande, ont décidé de remettre à plat toute la question.
« On était
dans un climat particulier, celui du début de la guerre froide : on comptait
sur la RFA pour faire face au bloc soviétique », commente un universitaire
spécialiste de l’histoire économique de l’Allemagne, qui oublie de dire que les
nations occidentales ont aussi supporté le coût d’une présence militaire des
alliés en territoire allemand, pour assurer sa défense.
Dans une déclaration d’octobre 1950, ces pays posent unilatéralement
un principe :
« Les trois
pays sont d’accord pour que le plan prévoit un règlement adéquat des exigences
avec l’Allemagne dont l’effet final ne doit pas déséquilibrer la situation
financière de l’économie allemande via des répercussions indésirables ni affecter
excessivement les réserves potentielles de devises. »
Vous avez bien lu comment et sur quel principe, les
démocraties victorieuses ont su et pu être clairvoyantes et en même temps
généreuses…
« Il s'agit
de trouver un règlement adéquat de la dette allemande qui assure à tous les
participants une négociation juste en prenant en compte les problèmes économiques
de l’Allemagne. »
Les grecs n’en demandent pas plus aujourd’hui (ni
encore hier).
Des discussions vont s’ensuivre.
La situation était critique : La RFA était menacée
d’asphyxie, ce qui portait le risque d'une déstabilisation géopolitique de toute
l'Europe.
Il était alors urgent de restaurer une balance des
paiements positive en Allemagne.
Et lors de la conférence de Londres du 27 février 1953,
suivant le principe posé en 1950, 21 créanciers de la RFA décident d’un « effort
exceptionnel », comme on vient de le dire, pour aider la RFA :
– La dette est réduite de 62 % : Elle passe de 39
milliards à 14,5 milliards de deutschemarks en un seul coup de crayon ;
– Un moratoire de cinq ans est en plus accordé ;
– Un délai de 30 ans est prévu pour rembourser (1988) ;
– Le pays peut limiter le paiement du service de sa
dette à 5 % de ses revenus d’exportation ;
– Si, du fait d’une mauvaise conjoncture, la RFA
connaît des difficultés pour rembourser ce qui reste, il est prévu une
suspension des paiements et une renégociation des conditions ;
– Les taux d’intérêts sont réduits ;
– Les demandes de réparations sont renvoyées à plus
tard, concrètement, à une future unification des deux Allemagnes…
Bon, depuis, le cas irakien qui rembourse à la
petite-semaine les dégâts et frais occasionnés par son invasion du Koweït en août
1990, semble avoir quelque peu modifié les concepts en usage post-1919 :
Eux, subissent encore et toujours « l’humiliation » de bosser pour
réparer.
Et après, on s’étonnera que quelque Califat tente d’échapper
à la misère rampante des populations autochtones, plus ou moins bien armées
par leurs envahisseurs d’ailleurs, financés par des pétrodollars comme s’il en
pleuvait, afin de faire tomber le régime syrien gazant ses populations, qui ne veut pas tomber…
Que ça en vient jusque sur vos trottoirs dégoulinants
de sang le 7 janvier dernier, dans une guerre d’islamistes (« EI »
contre « Al Qaeda-Yémen »)…
Mais c’est une autre histoire, qui va jusqu’à l’absence
de « Poux-tine » aux commémorations de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau…
que les russes ont pourtant libéré il y a 70 ans !
C’est dire si on en a perdu « la
mémoire-mémorielle » en ce bas-monde, alors que les mêmes causes semblent reproduire
les mêmes effets…
Évidemment, en Grèce, les cadres de Syriza ont étudié
de très près cet épisode-là.
D’autant que leur pays à eux (et à mon Beauf’) figure
parmi les 21 créanciers signataires de 1953…
Soixante ans plus tard, en février 2013, Alexis
Tsiprias, le leader de Syriza, écrit ainsi dans « Le Monde diplomatique »
:
« C’est
précisément ce que la Coalition de la gauche radicale grecque (Syriza) propose aujourd’hui : Procéder à rebours
des petits traités de Versailles qu’imposent la chancelière allemande Angela
Merkel et son ministre des finances Wolfgang Schäuble aux pays européens
endettés, et nous inspirer de l’un des plus grands moments de clairvoyance
qu’ait connus l’Europe d’après-guerre. »
Il s’agit seulement de ça, sinon, ils sont encore
capables de claquer la porte de l’UE, de l’Otan et de saisir la main tendue avec
insistance par « Poux-tine », le dirigeant d’un pays … orthodoxe
comme eux !
Les Grecs insistent sur un autre point de cette Histoire,
plus sensible encore, une blessure que les plans imposés par la troïka (BCE,
FMI, Commission européenne) a réveillée (et que porte « Aube dorée »)
: La dette de guerre de l’Allemagne vis-à-vis de la Grèce, qui n'était pas
couverte par l’accord de Londres de 1953 !
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands ont
pillé les ressources grecques.
Non seulement les combats ont été très durs contre les
armées allemandes, mais on se souvient aussi qu’à partir de 1943 et le départ
des italiens, ces combats menés par les différents mouvements de résistance
contre l’occupant allemands-nazi ont été particulièrement meurtriers jusqu’à la
mi-octobre 1944 emportant même des cas de torture et des exécutions sommaires d'une cruauté inouïe.
Ce qui n’a pas empêché que la Banque centrale du pays
a notamment été contrainte de « prêter » à l’Allemagne 476 millions
de reichsmarks, au titre de « l’effort de guerre » du moment.
Aujourd’hui, le remboursement de cette dette
représenterait de 50 à 80 milliards d’euros, comme nous l’indiquons ci-avant.
Dans l’immédiat après-guerre, sous la pression
américaine, le remboursement de ces réparations avait été renvoyé à un futur
traité d’unification des deux Allemagnes.
La chute du mur en novembre 1989 a réveillé cette
vieille plaie alors enfouie…
Mais au moment des pourparlers d'unification, le
chancelier Kohl a refusé unilatéralement de payer les réparations liées à la
Seconde Guerre mondiale, à l’exception des indemnités versées aux travailleurs
forcés.
Autrement dit, un deuxième « défaut » bien
réel.
À l’époque, a été élaboré l’idée l’Euro sur les bases
de l’ECU et du SME de la décennie précédente : Il s’agissait aussi de
mettre fin aux spéculations contre les cours pivots du SME et de retrouver une
stabilité monétaire devant permettre aux allemands de financer « à la
régulière » leur réunification initiée en 1990 : Ils ne pouvaient pas
faire autrement, là encore, sinon que de… « défaillir » !
1953 et 1990, deux « faillites » évitées pour
l’Allemagne réunifiée, grâce aux alliés et surtout aux grecs en 90.
Ce qui ne l'a pas rendu plus compréhensive pour autant
vis-à-vis des pays débiteurs…
Quelle que part, c’est une « affaire d’équité » historique
qui n’est donc pas encore close.
La puissante Allemagne financière de « Mère-quelle »
ne peut pas non plus oublier à qui elle doit son enrichissement sans cause et
son succès.
Mon « beauf’ » en est persuadé.
Alors, pour l’heure il peste contre l’ignorance du
moment.
Extraordinaire rappel !...
RépondreSupprimerNos amis « Teutons » ont la mémoire bien courte…
Mais les grecs ont tout inventé depuis le Vème ou IVème siècle avant JC.
SupprimerMême la philosophie !
Je viens de relire un payer sur Aristophane et sa dernière pièce sur Ploutos, le dieu grec de la richesse, rendu aveugle par Zeus : Assez criant !
Et lucide.