Soixante-onzième chapitre
: « Purple », l’outil de la traque.
Avertissement : Vous l’aviez compris,
ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle »,
sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Le plus impressionnant pour les filles du site, c’est
quand même ces réunions « secrètes » qui se tiennent au sous-sol
d’une des salles de réunion ou même des brésiliens feront le déplacement à
l’occasion de la préparation des JO du mois d’août et de leur sécurité
anti-terroriste. Des salles, qui à force, sentent le tabac froid et les relents
d’alcools-forts et de détritus alimentaires faute d’une ventilation suffisante.
Des réunions qui peuvent se tenir encore plus loin, de
l’autre côté de la colline : les uns y vont et en reviennent en voiture,
d’autres à pied, à travers le « petit-bois ».
Que peuvent-ils se dire ?
Que se passe-t-il de si passionnant pour déborder
au-delà des week-ends ?
En fait, dès les premiers jours, l’équipe
« BCG » se rend compte que Paul a fait la découverte sinon du siècle,
en tout cas de l’année : le logiciel de « la machine » est
capable de détecter des « incongruités », une forme particulière
« d’anomalie », dès lors qu’on le lui demande.
L’équipe en invente même une nouvelle
« couleur » : le violet, « purple » en anglais.
Ce n’est ni un « blanc », la marée des
connexions « normales » et a
priori sans danger, ni nécessairement un « bleu » par définition en
connexion cryptée mais dont on sait de qui il s’agit, qu’il soit
« légitime » ou non d’ailleurs, ni seulement un « rose »
qu’on n’identifie pas ou qui, identifié, ne borne pas en un lieu habituel, pas
plus qu’un « vert » qui est un « rose » qui se connecte aussi
à des « liaisons-dangereuses », cryptées le plus souvent mais pas
nécessairement, quitte à devenir « orange » quand il s’agit d’un des
15.000 fichés territoriaux et plus, mais de cas particuliers qu’il convient de
« réduire » et de rattacher rapidement à une autre catégorie dans la
mesure du possible.
Et Huyck développe un nouvel algorithme pour les
tracer.
Le « purple », c’est un « rose »
ou un « bleu » non-identifié, qui se connecte sous un même ID, ou IP
lié de ce fait à un même « numéro-machine », à une borne ou un réseau
filaire « non-habituel », pour en changer parfois plusieurs fois.
Pire quand ne sont pas toujours les mêmes.
S’il peut être identifié après coup, il est alors rétrogradé
au fil de l’analyse et du traçage, surtout s’il n’a pas d’activité
« suspecte ».
Inversement, un « blanc » qui devient
« rose », ou plus dangereux dans l’échelle des risques à l’ordre
public, passera par l’étape « purple » si tout d’un coup il s’échappe
de ses habitudes.
D’ailleurs, n’importe qui peut le vérifier quotidiennement
: il suffit d’envoyer une texto depuis un endroit inhabituel, une gare, un
aéroport, un train, à bord d’une voiture à seulement quelques dizaines de
kilomètres des antennes et réseau d’une ville ou d’un endroit habituel pour
l’IP, voire l’ID, et immédiatement une alerte se déclenche.
Là, soit l’appel ou le SMS est relayé et parvient à
son destinataire dans un délai raisonnable parce qu’il reste
« blanc », soit, s’il ne l’est pas, il est « retenu » par
« un service », le temps d’être validé s’il s’agit d’un message.
Un appel phonique « blanc » qui devient
« purple » du fait de ce précédé de sécurité, est normalement relayé
dans la seconde pour ne pas attirer l’attention, mais le contenu sera enregistré
pour un examen ultérieur.
Et ils sont validés automatiquement s’il s’agit d’un
« bleu », mais pas nécessairement s’il s’agit d’un
« blanc » inhabituel pour son trafic courant et qui présente une
« anomalie » d’émission.
Il devient « purple » le temps de vérifier
s’il est crypté. À ce moment-là, il peut basculer « rose » si le
message contient un des mots-clés d’alerte, et il y en a des milliers comme
Obama, CIA, NSA, Police, douane, arme, etc., ou blanc après validation d’un
agent.
N’importe qui peut vérifier ces
« commodités » à tout moment en envoyant un courriel à son
correspondant qu’il a par ailleurs en ligne par un autre biais et décompter le
temps d’acheminement du message textuel ou du fichier envoyé en direct.
Parfois c’est immédiat, ou prend seulement quelques
secondes, le temps pour le réseau d’acheminer le message, parfois ça peut
prendre plusieurs minutes, voire plusieurs heures de façon inexplicable.
On appelle ça pudiquement des
« encombrements de trafic »…
Simple à énoncer et presque aussi simple à programmer.
C’est seulement du « temps-machine » en plus
et Paul passera parfois deux fois deux heures par jour devant ses écrans pour
suivre les « nouveautés »…
Au premier jet, il y en a seulement un peu moins de 4.000/jour,
entre trois et cinq milliers tous les jours, pour deux à trois fois plus de
messages, qui vagabondent en liberté sur le territoire avant d’être déclassés
les uns après les autres…
Et le numéro de classement imaginé dès l’origine, qui
recoupe tous les fichiers, reste la clé de voute du système pour une
exploitation rationnelle et quasi-automatique par le logiciel.
Beaucoup repassent rapidement en catégorie
« rose » dès que l’enquête ou les déplacements sont identifiés, ou dès
que leur activité redevient « normale », même s’ils sont
« archivés » pour un éventuel usage postérieur à des fins de
recoupement.
Et autant, surtout parmi les « roses », ou des
inconnus cryptés, surgissent en pagaille au fil du temps, d’une seule journée…
Et dans le tas, ils disparaissent à la même allure,
sans doute parce que le titulaire du smartphone, de la tablette ou de
l’ordinateur changent d’appareil, ou que la machine a fait toute seule un
« matching » cohérent.
Et ce trafic inclut les ID utilisés et repérés par la
machine.
« – Oui
mais ça ne règle pas notre problème pour repérer « Requin ». On a
deux photos mais qui nous sont bien inutiles sans l’appui des forces de police
et de la PAF (Police de l’Air et des Frontières) dans leur totalité. Il nous faut un accès aux fichiers biométriques (il
en existe plusieurs, jusque celui des cartes Vitale ou d’abonnement aux
transports en commun de plusieurs villes, en passant par les papiers
d’identité, les passeports et les titres de séjour) et aux caméras de vidéosurveillance pour mettre un visage et un nom
sur ce pseudo…
– C’est
en cours. On n’a pas encore tout-complet, c’est tout », se contente d’en dire de
l’amiral Morthe-de-l’Argentière pour rassurer.
En fait, avec cette histoire de coupe de monde de
football et plus tard de JO de Rio, même si les brésiliens ne sont pas encore aussi
« pointus » en termes d’écoute et de décryptage, les choses vont
s’accélérer rapidement. Et ce sont d’ailleurs là les premières
« vraies » recettes de la CISA, bien plus qu’espérées avec la seule « sphère
de sécurité » imaginée par Paul.
Que ça en payera quelques frais et beaucoup des investissements
bien plus vite que prévu.
« – Votre
coup de feu contre « Caméléon-bis » aura été salvateur : je
crois qu’ils ont enfin compris tout l’intérêt de notre machine et de ses
programmes d’IA. Même les anglais s’excitent à introduire un dispositif
similaire à ceux en cours de validité en France dans leur législation. Et les autres
aussi, sauf les allemands, pas encore mûrs et qui ne savent pas comment s’y
prendre avec tous leurs immigrants.
À mon
sens, ils sont débordés.
–
Admettons. Je vous rappelle que ça urge : notre bonhomme serait déjà sur
le territoire.
– Ce
n’est qu’une éventualité et on surveille ça de près. Ce que moi je redoute,
c’est que ce gars-là puisse passer totalement inaperçu entre les mailles de
notre filet électronique.
– Comment
ça ?
– Pour
peu que ce gars-là soit un « bouseux » qui n’utilise aucun réseau ni
la moindre carte de paiement, on est Grosjean comme devant. Sans ça, on
l’aurait déjà repéré dans nos archives avec les nouveaux programmes du
hollandais, comme vous l’avez fait « à la main » avec
« Caméléon-bis ».
Y’a un
« truc » qu’il faut qu’on cerne…
– Ce
gars-là, il est arrivé de par quelle que part au pays… s’il est arrivé.
– Et s’il
est venu en stop, en levant le pouce ou en payant taxis ou bus en liquide parce
qu’il n’a pas de carte-visa, on fait comment ? Une gare, encore, un
aéroport, on pourrait en retrouver la trace sur une caméra, mais là, une ligne
de bus-Macron depuis l’Allemagne, pire, de la Belgique où la frontière reste
pour le moins poreuse, on n’en saura jamais rien.
–
Pourtant, il a ou va forcément franchir au moins une frontière et depuis les
derniers attentats en Belgique et en France, les contrôles se sont notoirement
renforcés... »
Certes, mais tout de même, le pont de l’Europe à
Strasbourg reste ouvert à tous les vents et pollutions – sauf celle du nuage de
Tchernobyl – et encore plus les péniches qui circulent dessous : avec les
nouveaux logiciels et les premières données anthropomorphiques exploitées, il
est pourtant forcément dans les circuits de la machine.
Paul consacre de plus en plus de temps aux « purple »
aidé en cela par Dimitri et Nathalie qui s’y collent aussi tous les jours en
arrivant au bureau. Et lui passe encore ses soirées à épurer les fichiers
depuis « quai-sur-seine » ou du « Bunker ».
Au grand désespoir des filles de « Cuisine de
filles » qui ne le croisent même plus à l’heure du dîner.
Seuls Alexis, toujours aussi discret, qui ne dit
jamais rien sur rien, et Dorothée qui sert aussi les petits déjeuners aux
occupants des chambres louées à la nuit, parviennent à le rencontrer.
Dorothée, on se le rappelle, fait aussi femme de
chambre et lingère sans jamais omettre de rappeler qu’elle a été une « miss »
de beauté primée en Espagne dans sa jeunesse.
Et les deux sont maintenant au courant que Paul, alias
lord Archibald Kingsland, paraît être aussi le « big-boss » et
propriétaire des lieux, en tout cas qu’il se comporte comme tel.
Jusqu’à peu où il trouve l’occasion de remettre les
pendules à l’heure.
« Pas du
tout » se défend-il un jour. « L’ensemble des lieux et activités appartiennent à une fondation-patrimoniale
luxembourgeoise et son seul patron reste Monsieur Anjo Pisuerga que vous
connaissez et ce, jusqu’à nouvel ordre. C’est à lui que vous devez rendre
compte, même s’il se fait aider par Jean-Charles Huisne, que vous connaissez
aussi ».
Ce dernier, c’est qui, dans l’organigramme général ?
« Avant,
c’était un inspecteur des impôts. Il a rejoint les équipes en tant que
juriste-fiscaliste-expert-comptable et en qualité de recéleur. »
De recéleur ?
« Oui, une
affaire ancienne de détournement illégal de fonds de la République (cf.
l’épisode « Opération
Juliette-Siéra » des enquêtes de Charlotte, publié aux éditions I3) que j’ai fait revenir en volant les voleurs
et refourgué discrètement au Trésor Public. Maintenant, Jean-Charles est dealer
d’alcools pour l’une des filiales de la fondation patrimoniale, « Prestige
spirits ».
D’ailleurs,
la prochaine fois que vous le croisez au téléphone, demandez-lui donc ce qu’il
a de disponible pour votre bar. D’autant qu’il a aussi des crus de bons vins à
écouler pour la carte du restaurant que je trouve un peu pauvre. »
Mais ce n’est que l’avis d’un client devenu un habitué
des lieux, rien de plus…
« Si vous
le dites, Milord… il en sera fait de la sorte. »
Éclats de rires de Paul quand l’autre insiste : «
Excusez-moi si je peux vous paraître
indiscret, mais je n’ai pas tout compris : c’est qui le
« six-coups » ? Monsieur Anjo ou monsieur Jean-Charles ?
Vous pouvez m’éclairer, peut-être… »
Incroyable !
« Ah ça,
ces légendes qui circulent ! Anjo ne me semble pas être un chaud-lapin, si
c’est de ça dont vous voulez parler et je sais par l’une de mes visiteuses (Lady
Joan) que Jean-Charles n’a rien
d’extraordinaire pour justifier d’un tel surnom. Un bande-mou doublé d’un
éjaculateur précoce, à ce qu’il paraît. Mais je ne le sais pas à titre
personnel : je ne l’ai jamais essayé. Ce n’est pas ma tasse de thé. »
L’autre en est confus et il devient rouge
jusqu’au-delà du haut de sa calvitie naturelle et se met à bégayer légèrement quand
Paul enfonce le clou :
« – C’est
quoi cette histoire de « six-coups » ?
– Oh My
Lord, probablement une affreuse rumeur qui circule parmi le personnel féminin.
– J’imagine.
De toute façon, Alexis, vous connaissez la règle incontournable ?
– Bien
sûr… Laquelle ?
– Pas de
sexe entre les membres du personnel. Ça n’apporte que des emmerdements
impossibles à gérer sauf à virer sèchement tout le monde à la fin…
– Bien
sûr Milord. Une règle en or, que voilà.
– Alors,
de toute façon encore moins entre un salarié et son patron… Mais dites-moi, mon
cher, ça vient d’où cette rumeur, à votre avis ?
– Oh, ne
faites pas attention, My Lord. En fait ça remonte à notre arrivée aux
effectifs, quand le lieu n’était pas encore ouvert au public.
– Madame
Mylène ?
– Je n’ai
rien dit de pareil, voyons, My Lord. Ce sont des affaires internes qui relèvent
de la plus basse médisance…
– Je
vois.
–
Toutefois, si je peux encore vous importuner… Pourquoi vous avez fait ouvrir
une des chambres du second étage ? En principe, Dorothée ne fait pas ces
chambres sous comble.
L’hôtel
est nettement plus confortable dans les autres ailes…
–
Question de budget. Le mien n’est pas illimité. J’en ai donc reçu la permission
de Monsieur Pisuerga, pour… limiter mes frais.
–
Naturellement, Milord. Je comprends tout-à-fait. »
Et puis tant qu’il y est quant aux questions sans
réponse, il se lance une dernière fois :
« – Vous
allez probablement me prendre pour quelqu’un d’odieusement indiscret, mais si
vous me le permettez, c’est quoi tous ces visiteurs prestigieux qui viennent
jusqu’ici pour vous rencontrer ?
– Oh
ça ? C’est secret-défense. Je ne peux pas vous en parler, sachez seulement
que je travaille sur un site classé « ultra-haute-sécurité » et des programmes qui regardent tous la
sécurité publique. Et tous ces gens-là participent au développement desdits programmes
ou viennent s’assurer de leurs avancées. Désolé, je ne peux pas vous en dire
plus… »
Une excellente façon de mettre fin à toutes les
spéculations et à la conversation.
Ce que Paul n’aura pas imaginé, c’est que ça va au
contraire filtrer et attiser les « compétitrices » du lieu…
Tôt ou tard, il faudra assumer.
Et c’est en fouillant obstinément ces fichiers à la
recherche des traces laissées dans son sillage par « Requin » que
Paul tombera tout-à-fait par hasard sur William River, sans « t »,
alias « Johnny Walker ».
Un coup de bol pas croyable.
En fait, il ne sait pas tout de suite : il y a un
« purple » qui borne régulièrement en Haute-Savoie.
Un parmi tant d’autres.
Sauf que celui-là apparaît de temps en temps en
Belgique, puis disparaît sur les bords des rives du Rhin, réapparaît quelques
jours plus tard dans les alpes, disparaît à proximité d’aéroports, revient,
etc.
Un « citoyen » qui a la bougeotte, qui est
systématiquement reclassé en « rose » pour ne pas être identifié.
Probablement un téléphone portable étranger, ou un prépayé, qui n’use pas de
messagerie cryptée, mais qui revient soit sous le même numéro de code de la
machine, soit sous un autre qui lui est attribué à l’occasion.
C’est d’ailleurs ce qui retarde son retraçage complet
pour ne former qu’un seul et attirer l’attention de Paul et de Nathalie.
Parce que ça ne devient clair que quand on lie les
quelques numéros-machines en un seul « porteur », notamment à partir
du moment où apparaît un IP fixe du côté d’Évian-les-Bains.
Bon, c’est de la spéculation, rien de plus, mais en
admettant qu’il s’agisse d’un même bonhomme, il se met à « borner »
de plus en plus souvent au fil des semaines entre les deux rives, la suisse et
la française, sans plus se déplacer que ça vers l’Ibérie et même à proximité de
l’Italie, ou le long du Rhin et de la Meuse.
C’est l’occasion pour la nouvelle équipe
« ADN », pour Anaïs, Delphine et Noeline, le trio de charme qui vient
tout juste de terminer sa formation sous la houlette de Nathalie et de Gustave,
d’aller au contact-terrain sur place avec quelques appareils de détection
idoines.
En passant, il convient de signaler que Noeline aura
d’ailleurs été la seule à foutre une raclée à Nathalie dans les tests de
clause-combat…
Forte la gamine, parce qu’avec son « background »
d’ex-commando, vice-championne interarmées, Nathalie en tient pourtant une
couche dans ce genre d’activité.
Quand elles reviennent d’un petit tour aux abords du
Lac Léman, c’est avec un rapport complet qu’elles font à Gustave, photos
inclues et emploi-du-temps détaillé.
Chapeau !
En fait, leur escapade aura été un vrai roman :
elles filent d’abord en voiture sans GPS en prenant la mauvaise autoroute pour
se retrouver en direction de Reims…
Là, elles comprennent leur bévue en déclenchant leur
machine et bifurquent vers les alpes.
Elles parviennent à tomber en panne d’essence sur le
parcours, à perdre les clés du véhicule de location à l’occasion d’une halte et
même à crever ! Trois femmes et une roue à changer, c’est que du bonheur
et l’occasion de se faire draguer honteusement par des automobilistes
solitaires en vadrouille…
Une fois arrivées sur le tard, le premier soir, elles
ne trouvent pas d’hôtel sur le côté français du lac et elles hésitent à passer
la douane avec tout leur matériel.
Elles ne trouvent alors rien de mieux que de dormir comme
elles peuvent dans leur voiture découvrant qu’en altitude, même au printemps,
les nuits sont bien fraîches !
Le lendemain, elles se mettent enfin en chasse et ne
découvre rien de particulier autour de l’adresse du chalet duquel semble être
abonné l’ID repéré.
Elles planquent et font des photos de tout ce qui
passe. Dans le lot se trouve bien River, mais elles ne le savent pas pour ne
pas connaître le bonhomme, même si elles relèvent le détail de ses allées-et-venues.
En revanche, on saura tous les détails de l’amant de
la voisine de River, les horaires du mari cocu, ce qu’il mange, même un ticket
de caisse d’un supermarché voisin où il fait ses courses…
Et ainsi de suite pour les gamins d’une famille
habitant la même adresse, leur école, les numéros des voitures des parents, le
nom du chien, les lieux d’activité professionnelle, avec pedigree et CV complet
et autant pour la vieille-fille qui habite aussi les lieux et s’envoie en l’air
avec le patron de son service hospitalier aux heures de labeur, clichés photographiques
à l’appui : un vrai travail de fourmi de flic-privé !
D’excellentes recrues…
Deux jours plus tard, Paul reconnaît son bonhomme en
examinant les clichés numérisés reçus et collectionnés par Gustave : on
peut désormais être plus précis sur la « cible » retenue.
Aussi invraisemblable que cela puis être, River est
bien en France et il glande.
Il visite des agences immobilières et des immeubles à
vendre, se promène jusqu’en Suisse, Genève, parfois juste pour un aller et
retour, Ferney-Voltaire, Gland, Vevey, Montreux, Lausanne mais aussi à
Thonon-les-Bains, Annemasse et les environs, même jusqu’à Morzine.
Ce gars-là a la fièvre acheteuse… et du temps pour
faire ses choix.
La filature dure plus d’une semaine jusqu’à comprendre
que, quand il va à Genève, c’est pour filer chez un banquier helvète et en
ressortir pour entrer directement chez un diamantaire.
Les filles en déduisent d’abord que c’est pour acheter
des bijoux à une femme, mais renseignements pris, c’est pour vendre des
pierreries contre des euros par paquets qui dépassent de ses poches et qu’il va
déposer, oui des dépôts, dans une agence française, sur l’autre rive du lac.
Démarche curieuse : ne sait-il pas que les
espèces sont suspectes pour les autorités monétaires, que les chèques, ça
fonctionne très bien et qu’il est plus simple de procéder par virement ou de
tirer sa menue monnaie dans un DAB depuis un compte suisse ?
Ça intrigue Paul et Gustave qui s’en réfèrent l’un à
un ponte des douanes alors que Paul annonce à son correspondant du FBI qu’ils
ont remis la main sur le quidam.
Le gars des douanes en dit qu’a priori il doit s’agir de bijoux volés planqués dans un coffre de
la banque suisse. Volés, parce que si c’était un héritage, ou la revente d’un
achat, même spéculatif, le paiement en espèces n’est pas commun, surtout chez
les diamantaires suisses, hyper-surveillés et hyper-contrôlés. C’est le signe
que l’opération n’est pas très légale pour qu’un suisse prenne de pareils
risques…
« Ton
client doit accepter une forte décote, si se sont bien des bijoux… Pas très
astucieux. Sauf si justement, ses pierres ne lui ont rien coûté, naturellement… »
Naturellement.
De son côté, le FBI n’a a priori rien à reprocher à River. Mais il reste un témoin à
entendre en priorité dans le cadre de la mort suspecte de Jenkings à Hong-Kong,
leur agent californien qui enquêtait sur River et les indications de Paul à
l’occasion de son retour du Koweït envoyé en 1990 par l’effet de son MIB, au
début de cet épisode.
Ils se rappellent qu’à ce rendez-vous là, dans la baie
de San Francisco, sur le yacht de « n° 4 », deux des trois participants
ont depuis été abattues et que même Paul avait subi deux attentats, dont un
tout récemment en Normandie… Pas trop difficile de faire des rapprochements
utiles.
D’autant qu’en relisant les rapports du dossier, ils
se remémorent que ce déplacement en Chine de Jenkings était motivé par la
disparition soudaine de River et que leur enquête avait été par ailleurs refoulée
par le secret-défense qu’opposait bien maladroitement le Pentagone à leurs
investigations. Parce que ça rendait le bonhomme encore plus suspect, même si
le juge saisi de l’affaire à ce moment-là avait reculé attendant des
instructions du ministère de la justice, alors en plein effervescence de
primaires.
Là, en France, River n’est plus sous la protection de
la DIA qui n’avait pas juridiction dans l’hexagone ni même en Suisse. Une
occasion en or de l’entendre, via Interpol et la gendarmerie française.
Et ça ne traînera pas, même s’ils ne l’entendront
finalement pas vraiment.
Paul, accompagné de Matilda et de Shirley pour assurer
sa protection (très) rapprochée (à tour de rôle d’ailleurs), prend le relai du
groupe « ADN » qui retourne sur Paris.
Ils vont se poser à Évian-les-Bains, au Alizé-Évian, avec
leurs machines et une liaison internet, bâtiment cossu situé à deux pas du
Casino, placé lui entre la rue éponyme et le quai Baron de Blonay.
Car c’est là qu’ils croisent, pas vraiment par hasard,
River qui y a ses habitudes vespérales, conformes à l'enquête d'ADN.
Ce gars-là s’installe à une table de jeu où il repère
une « belle de nuit » disponible et à son goût qui attend de se faire
draguer par un micheton de passage.
Manifestement, c’est un habitué qui a l’argent facile…
et qui n’hésite pas à claquer de grosses plaques sur les tables de craps ou de
roulette. Si encore il jouait intelligemment, les colonnes ou les douzaines,
les noir-rouge, pair-impair ou passe et manque, mais non, il est uniquement là
pour en mettre plein la vue… Même pas se faire plaisir, juste draguer de la
pute-facile.
« Salut
William sans « t » ! » s’annonce Paul dans son dos.
Le gars est complétement stupéfait sur le moment…
« Mais,
mais… tu n’es pas mort, toi ? »
Eh non, pas encore !
« Je te
préviens tout de suite, je suis armé et je vise tes couilles en ce moment »
répond Paul en agitant discrètement sa main droite enfoncée dans la poche de la
veste de son smoking de location…
En fait, il s’agit d’un smartphone qui enregistre leur
conversation.
Le gars encaisse le coup à en oublier de ramasser ses
gains du moment. Ils resteront sur la table et disparaîtront au jet suivant…
« Je
t’offre un verre, William ? Je crois qu’il est temps d’avoir une petite
explication, tous les deux. »
Comment refuser en pareilles circonstances, avec un
flingue braqué sur ses « bijoux de famille » ?
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