Lettre posthume
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux,
des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Bien des années plus tard, Paul reçoit un courrier de
Stéphanie qui donne quelques explications complémentaires.
«
Mon
cher Paul !
Si tu
reçois ce courrier, c’est que je suis morte !
Alors
que j’écris ce courrier à ton intention, je vis actuellement dans un petit
village colombien où les gens m’ont accueillie gentiment et où je m’occupe du
dispensaire comme je peux.
Pour
faire court, j’ai longtemps hésité à te faire ce courrier : Tu es si loin et il
y a si longtemps que je n’ai plus aucun signe de vie de ta part. Que je me
demande si tu ne m’as pas oubliée. Ce qui serait normal.
Je ne
saurai jamais si j’ai comptée au moins un peu pour toi ou non. Ce qui n’est pas
si sûr.
Finalement,
à part les quelques semaines où nos vies se sont croisées dans les
circonstances que je n’ai pas oubliées pour ma part, nous sommes restés des
inconnus l’un pour l’autre.
Sache
que je le regrette : J’aurai aimé vieillir au moins quelques temps à tes côtés,
au moins de temps en temps.
T’expliquer
aussi ce qui me tient à cœur, te dire ce que tu ignores et ainsi rester
définitivement un peu plus proche de toi : Je sais, pour l’avoir compris, que
tu veux aller « dans les étoiles ». Tu me ferais vraiment très plaisir si ce
jour-là tu emportes cette lettre avec toi : J’y serai ainsi un peu aussi !
C’est
d’ailleurs ce pourquoi je me décide finalement à te l’écrire, même si tu ne la
recevras que quand je serai morte, je ne sais pas quand, mais rapidement par
défaut de médicament à ma portée.
Je vais
essayer de faire court, mais il me faut te dire que quand j’étais petite, je
n’imaginais pas ma vie comme elle s’est déroulée.
Je me
rêvais belle et séduisante, rendant folle d’amour un beau prince charmant qui
m’aurait fait plein d’enfants courant dans une immense maison avec un grand
jardin fleuri.
J’ai eu
droit à un foyer déchiré par l’alcool et la violence, aux foyers d’accueil successifs,
à la dérive du « sirop de la rue », à des études ratées et un physique bien
trop masculin pour une jolie petite fille à couettes !
Je n’ai
pas choisi : C’est la vie qui l’a fait pour moi.
Et
finalement, la prison…
Pour le
meurtre de mon pote d’alors que je n’ai pas commis, celui qui voulait bien me
faire l’amour sans violence, avec des yeux qui brillaient quand il me
regardait, que je l’aurai suivi n’importe où pour ces quelques moments de
tendresse absolue.
La
prison, c’est toi qui m’en a sortie. Je sais, par hasard : Tu ne savais même
pas que j’existais !
L’époque
a été vraiment difficile pour moi : Sortir d’un milieu carcéral infernal,
coincée entre des matonnes perverses et des détenues lesbiennes, pour être «
exfiltrée » au royaume des coréens du nord, cantonnée strictement dans un camp
boueux et infect de leur armée, y subir un entrainement commando des plus cons
et physiquement éreintant, c’était pour moi tomber de Charybde en Scylla !
Épouvantable
!
Surtout
en compagnie de Cécile.
J’imagine
bien tes goûts en matière de femme, que Cécile, avec sa poitrine ronde et
généreuse, ses fesses molles et ses cuisses ouvertes, lisses et mouillées, ses
lèvres et sa bouche idéalement faites pour des fellations, ses petits doigts
agiles qui savent masturber à souhait et prennent plaisir à « tenir un homme »
par son gland, je sais qu’elle a ta préférence sur mon « grand corps » un peu
gauche et si peu expérimenté de ces choses-là.
Je ne
suis décidément pas « ton genre » de femme. Surtout en comparaison d’elle.
Pourtant…
Pourtant
j’aurai aimé apprendre à tes côtés.
Mais
sache que Cécile est une femme très dangereuse, une vraie meurtrière !
Une
folle.
Elle a
eu l’occasion de me raconter sa vie définitivement brisée par l’horrible
assassinat de ses parents sous ses yeux quand elle était toute petite.
Elle
m’a dit ses meurtres, l’un au couteau à pain sur un juge, l’autre au cyanure
pour un avocat, son projet contre le chef de la police, puis de s’en prendre au
procureur et aux jurés qui ont relâché l’assassin de ses parents.
Une
cinglée. Une vraie, je t’assure : Ça lui a monté jusqu’au cerveau reptilien.
Elle
poursuivra son œuvre un jour ou l’autre : Méfie t’en !
À notre
première rencontre à Hong-Kong, je n’ai pas du tout apprécié, mais alors pas du
tout, que tu me violes : Il n’y avait aucune raison pour que je subisse ce
dernier outrage après des semaines de fatigue et d’épuisement en Corée.
Je ne
sais même pas le nom de cet horrible endroit !
Mais je
t’écris pour t’avouer que si je me suis laissée faire redoutant le pire, et tu
as été finalement suffisamment doux pour que j’apprécie cette étreinte forcée.
J’en
garde encore un bon souvenir.
À ma
grande surprise, tu as été assez gentil pour ne pas me sodomiser : J’ai horreur
de ça.
Et de
plus, tu as pris assez de précaution pour me faire jouir : J’en avais oublié
que c’était si bon.
Même si
je ne te cache pas que quand tu as présenté ton sexe pour le vider dans ma
bouche, m’a traversé l’idée de le mordre. Je ne l’ai pas fait en pensant que tu
reviendrais me faire jouir avec ce bel outil dont tu te sers si bien.
Tu es
assez beau-gosse pour qu’aucune femme ne te résiste.
En
bref, tu n’avais pas besoin de me « soumettre », je t’étais « acquise » !
Et bien
au-delà de ce que tu peux imaginer : Non seulement acquise à tes projets du
Sofitel de New-York, mais prête à tuer sauvagement n’importe qui pour te plaire
!
Je
venais de faire 10 ans de prison pour un meurtre que je n’avais pas commis : La
Société pouvait donc me faire crédit !
J’étais
« en compte ».
Il
s’est trouvé, si je me souviens bien, que l’occasion s’est présentée quand tu
as été toi-même victime de ces vermines varoises, malgré tes avertissements et
menaces de ne pratiquer aucune violence sur quiconque. J’étais à Nice chez « un
copain » reconverti qui m’avait conseillé de reprendre des études
d’aide-soignante.
Mon
sang n’a fait qu’un tour quand j’ai lu dans la presse que tu étais dans le
coma, donné pour mort.
Libre,
j’étais déjà grâce à toi, libre, j’ai joint Cécile qui préparait le scénario
que tu nous avais expliqué contre ton sénateur…
Libres,
nous étions prêtes pour « faire justice » en ton nom.
Tu ne
connais pas le détail de cet épisode : Cécile aura sans doute sa version. J’ai
la mienne à te livrer.
Nous
nous sommes retrouvées à sa descente de TGV. On savait qui aller voir en
premier, bien sûr, pour avoir été visiter dans la foulée d’un départ de ferry
ton ami de Saint-Florent qui nous a rapidement mis au courant depuis Ajaccio.
Si
c’est Cécile qui a su attirer notre première victime sur le petit-port du coin,
jusqu’à la jetée, c’est moi qui ai réussi à l’entraver pendant qu’elle lui
faisait une « gâterie ».
Notre
objectif était seulement de lui faire avouer son geste.
Cécile
a été terrifiante dans sa pratique de la torture sur ce type-là. Je ne savais
pas qu’on pouvait tuer aussi sauvagement : Elle le tailladait avec un cutter
alors qu’il tentait de se défaire de ses liens comme un sauvage en gueulant
tout ce qu’il savait.
Il en a
chialé comme d’un môme avant de cracher le morceau n’admettant que de n’avoir
été qu’un complice, en dénonçant son pote le tireur et de nous donner quelques
détails, persuadé que nous le laisserions vivre s’il parlait. Alors elle lui a
coupé le sexe, ensuite les couilles une à une pour les jeter aux poissions !
Ça pissait le sang de partout. Elle lui a coupé le bout des seins, l’intérieur
de la cuisse à la recherche de l’artère fémorale après avoir commencé à le
scalper pour qu’il parle !
Une
horreur ! Un vrai massacre inutile !
Une
grande malade…
Qui se
vengeait de la mort affreuse de ses parents.
C’est
elle qui a fini par l’égorger alors qu’il s’était déjà vidé abondamment de son
sang !
Très
secouée par la scène, j’ai été incapable d’aller plus loin et il lui a fallu
toute une nuit et toute la journée suivante pour me persuader de lui servir
seulement de chauffeur pour la nuit suivante.
Je
crois qu’elle a pu assommer les deux autres comparses, sans moi, avant de
mettre à exécution son projet d’incendie de leur boîte de nuit.
Et nous
sommes rentrées à Chalon pour nous occuper de ton sénateur.
Tu
étais encore dans le coma quand il s’est marié : Tu ne peux pas savoir ce qui
s’y est passé.
Mais tu
peux l’imaginer, puisque c’est toi qui as conçu le scénario.
Qu’on a
déroulé comme d’une horloge.
Il y
avait du monde dans la salle des fêtes de la Mairie, mais parce que plusieurs
mariages étaient célébrés en même temps.
Valérie
a joué son rôle à la perfection, d’une voix forte et déterminée, toute seule
comme une grande, impatiente de révéler à la face du monde en ce lieu
symbolique d’avoir été abusée, violée et avortée par Philippe Lacuistre qui se
présentait à peine contrarié devant un maire, dans une mairie !
Toutes
les têtes se sont tournées vers elle avançant d’un pas décidé vers le maire qui
du coup en est resté silencieux, tenant à la main la fausse attestation de paternité
génétique qu’elle agitait nerveusement.
Et
quand elle a annoncé que le sénateur épousait sa fille cachée à eux deux, et
l’américaine de lâcher la main de son futur pour se jeter dans les bras de « sa
mère » en pleurant, chacun a pu entendre et comprendre qu’elle était présumée
enceinte de « son père ».
Le
détail indispensable qui avait poussé le sénateur à l’épouser sous la menace de
la révélation du scandale à la presse, mettant fin à ses visées politiques qui
lui tenaient tant à cœur, la deuxième hypothèse que tu avais formulée s’il
refusait quoique ce soit.
Bravo !
Lui a compris instantanément qu’il était devenu un « homme fini » en une
fraction de seconde.
C’est
bien ce que tu recherchais.
On
avait imaginé que lui se rebifferait, qu’il aurait pu être insultant. Il est
devenu livide, blanc comme un drap !
Et
s’est éclipsé en catimini pendant que les deux femmes pleuraient dans les bras
l’une de l’autre : Magnifique !
Tu
aurais dû être là.
Nous
avons suivi Lacuistre, Cécile et moi. Il filait tremblant comme une feuille
d’arbre dans la pièce voisine, cherchant une sortie hors du grand escalier de
la Mairie.
On lui
a barré le passage jusqu’à ce qu’il se réfugie dans les WC de l’étage.
C’est
Cécile qui a sorti son pistolet, l’a fait reculer jusqu’à la fenêtre et lui a
tiré une balle dans la bouche qu’il avait grand ouverte.
Comme
ses yeux !
Il n’a
émis aucune protestation, aucun bruit, rien.
Elle
lui a appliqué ses doigts dans le trou de la détente pendant que je guettais
dans le couloir.
Nous
sommes entrées dans les WC des dames juste à côté, et nous avons attendu un peu
pour n’en sortir que plus tard, profitant de la cohue provoquée par le coup de
feu.
Une
fille vraiment dangereuse, je te le répète.
Avant
de ne plus pouvoir rien en dire, je voulais te l’écrire pour que tu le saches.
Mon
ami, juste une chose encore : Si tu pars pour les étoiles, emmènes-moi, emporte
cette lettre avec toi.
Ça me
ferait vraiment plaisir que tu ne m’oublies pas trop vite.
Bien à
Toi et sois heureux pour moi !
Stéphanie
Roya
»
De quoi être quel que peu « secoué ».
Sacrée Stéphanie !
Il y a des gens, comme ça, auquel la vie ne fait décidément
aucun de cadeau…
C’est terrible.
Naturellement, Cécile n’aura pas le même récit.
Dans sa version à elle, bien au contraire, Stéphanie «
était en compte » pour ses dix années, les plus belles, perdues derrière les
barreaux pour un meurtre qu’elle n’avait pas commis.
Elle en avait conçu une rancœur incommensurable à
l’égard de l’humanité entière et plus particulièrement à l’égard des voyous et
des porteurs d’uniforme, d’en avoir tant bavé pour avoir pu survivre au milieu
carcéral.
« Alors quand
elle a compris qu’elle pouvait aussi se rendre utile comme d’une revanche en se
soumettant à toi, Paul, elle n’a pas
hésité.
Mais
souviens-toi qu’il n’était pas prévu que Lacuistre soit abattu. Là où elle a
basculé, c’est quand il a s’agit de te venger. »
D’abord, sa réaction a été de se dire que c’était bien
fait pour ta gueule en apprenant ton assassinat.
« Il a fallu que
je la secoue pour qu’on se retrouve au TGV. Elle considérait qu’on ne te devait
plus rien, pas même la liberté. Que les comptes étaient soldés depuis New-York
et la filature de Parepoux.
Alors que moi
j’étais avec la fille de Beaune à lui apprendre et mettre au point son discours
le jour du mariage de Lacuistre qui approchait de jour en jour, j’étais aussi en
relation hebdomadaire, par textos interposés, avec les deux sœurs.
Il était juste
question de filer en Corse pour en savoir plus sur tes agresseurs, lequel des
deux avait tiré sur toi et de croiser les informations à glaner pour confirmer
avant de les dénoncer aux flics. »
Mais, les flics, elle n’aimait pas. Mais alors pas du
tout.
« La mort du
premier de tes assassins a été une horreur. Je ne sais pas ce qu’elle a fait à
l’autre et à leur patron.
Quant à
Lacuistre, ça s’est passé comme elle te le dit. Sauf que c’est elle qui tenait
l’arme en vraie pro.
Elle avait le
goût du sang noyant son cerveau fêlé depuis notre passage dans le Var. »
Une vraie salope, dangereuse, même après son décès.
« De toute
façon, elle a toujours eu envie de te faire la peau après l’épisode de
Hong-Kong. Elle n’a pas du tout apprécié que tu la « forces ».
Alors que
j’étais là pour te contenter jusqu’au bout de tes désirs : Je n’ai pas compris. »
Ce qui ne colle pas avec l’idée de se venger sur Paco,
Loco et leur patron.
« Ah mais si !
Entre te faire la peau elle-même et laisser ce plaisir à d’autres, ils leur
volaient sa vengeance personnelle contre toi et ce fameux jour à Hong-Kong !
»
Mais elle n’a rien tenté depuis, pendant de nombreuses
années.
« Tu étais inatteignable.
Et puis avec le temps et sa nouvelle vie, il est possible que son instinct
morbide, son goût du sang, se soient estompés. »
Bref, on ne saura jamais comment les choses se sont
vraiment passées.
Sauf qu’elles sont allées beaucoup plus loin que prévu
: Le tort de ne pas être présent pour les ultimes détails d’exécution.
Mais pouvait-il alors en être autrement ?
Encore un détour du Destin à l’œuvre…
I3, Paris, le 30 juin 2012
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