Je vous aurai écrit une belle bafouille !
Rassurez-vous, si j’ai été admissible à plusieurs
concours de la haute fonction-publique dans mes jeunes années – il y a
longtemps, quoi – j’ai (presque) toujours boycotté les épreuves d’admission : Les
filles étaient vraiment trop moches !
Alors j’ai suivi deux superbes blondes (c’était ma
période blonde), une en fiscalité chez Cozian, mon pape-à-moi, une réfugiée
politique d’Allemagne de l’est : Elle a décroché avant la fin d’année et j’ai
persisté ; l’autre en expertise-comptable (une fille de réfugié d’Allemagne
de l’est également : C’était ma période teutonne, mais juste après-guerre)…
Et puis je suis passé à autre chose.
Notamment, je bossais déjà, à temps-partiel, pour une
agence publique qui faisait dans le droit-pointu, où j’ai découvert l’univers
des énarques et où il y avait une rousse du meilleur effet, avec des taches de
rousseur tout partout qui rigolait quand elle se laissait toucher.
C’était avant l’ère « Mythe-errant ».
Après, je me suis éclaté dans « le privé » à
la plus grande-joie des clients de mes boss successifs et des tendres portions
de celle qui allait devenir la mère de « ma nichée ».
C’est un résumé, bien-sûr…
Il vaut ce qu’il vaut, pas plus, pas mieux.
Donc :
«
Moi,
fonctionnaire assermenté,
Et fier de l’être,
je vous emmerde et j'ai fait grève le 26 janvier dernier !
Je fais un
métier de con après avoir passé de durs concours d’admission, où il a fallu que
je fasse la preuve de ma maîtrise de la langue de Molière, de quelques notions
d’Histoire et des opérations arithmétiques, là où n’importe quelle calculette fait
mieux que moi et ne se trompe jamais.
Mon principal boulot
consiste à remplir des « fiches de synthèse », pour avis, de dossiers
qu’on me soumet le matin et qui s’empilent au fil des semaines et saisons.
J’en ai d’autres,
mais plus accessoires, comme veiller sur le paquet de café du service, éplucher
la presse et les notes de services pour tenir informer nos chefs qui n’ont pas
le temps, papoter avec ceux du service voisin pour récolter quelques
informations sur leurs « performances » et humeurs, aller fumer avec
les collègues dans la cour, se restaurer à la cantine, faire des permanences téléphoniques
quand l’informatique veut bien fonctionner.
Globalement, je
coche des cases : Le dossier est-il complet ? Les pièces
justificatives sont-elles présentes ? Leur analyse correspond-elle aux
demandes de la candidature ? L’impétrant a-t-il un casier judiciaire
vierge ? Ses diplômes sont-ils suffisants ? Ses certificats sont-ils
valides ?
Le plus difficile,
c’est quand même de repérer dans ce fouillis la présence des clauses
obligatoires dans tel ou tel document.
Notez que je m’en
balance : Parfois je coche la case de présence, parfois non.
Je pourrai
toujours dire que c’est une erreur, que je n’avais pas vu.
Mais je reste
plutôt consciencieux, préférant prendre tout mon temps que de bâcler.
Si c’est un
peu trop le foutoir dans le dossier, je fais une fiche de rappel à l’ordre – en
cochant les cases prévues à cet effet – affirmant qu’il manque le modèle Cerfa
n° x.
S’il y est, je
le perds dans la corbeille où affirme que j’ai besoin d’un original ou d’une
copie certifiée conforme par un agent-public, mais ça, c’est quand je suis de
mauvaise humeur.
Si je veux
être vraiment méchant, au retour du document signé et tamponné, j’affirme que le dossier
est perdu et qu’il faut le reconstituer pour l'instruire.
En fait il est
en-dessous de la pile, mais j’ai la flemme de me noyer sous le déluge de poussière à prévoir.
Je vous le dis, un métier de con, contrôlé par un chef encore plus con que ça, qui de toute façon a des boutons insupportables sur la tronche, sent pas bon et est toujours de mauvaise humeur quand il fait les statistiques du service, parce qu’il sait qu’il va rendre de mauvaise humeur sa cheffe à lui (celle qui signe notre travail), qu’est moche comme une vache affublée de bretelles, mais qu’il se verrait bien la niquer hors les heures de service … Ce qui reste dans l'ordre de l'impossible : Il risquerait de mourir étouffé et de toute façon, elle paye déjà de sa personne quand le directeur du service lui remonte les dites bretelles à l'occasion d'un coup de téléphone du ministère qui s'impatiente qu'un citoyen n'ait toujours pas vu son dossier être accepté !
Ceci dit, c’est
un enfer sans perspective, sans sortie permise, hors une mutation qui n’est
jamais celle à laquelle vous aspirez, même légitimement, mais qui est compensé,
au moins un peu et à la marge par une série d’avantages que tout le monde nous
envie :
– Emploi à vie
: Pour 80 % des 6 millions d’agents publics, ou alors il faut vraiment
défénestrer un agent supérieur !
Un « administré »,
on peut encore faire passer ça pour de la légitime défense…
On peut
compter sur les témoignages des collègues pour ce genre de situation :
Après tout, nous sommes assermentés, pas le citoyen d'usager ordinaire !
– Rémunération
moyenne : Le salaire moyen dans l’administration est de 2.153 euros net par
mois dans le public (2.434 euros dans la fonction publique de l’État) contre 2.130
euros net dans le privé, en comptant une ou plusieurs des 262 types de primes.
Mais dedans,
il n’y a aucun patron du Cac40, juste des « hors-cadres »…
– Jours de
congés : Les fonctionnaires sont crédités de 45 jours de congés par an avec les
« journées enfants-malades » et « de convenances », alors
que la moyenne est de 36 jours dans le privé.
En fait, on
peut aussi rajouter 2 à 4 jours de « délais de route » pour les
îliens…
– Jours de
carence : En cas de maladie, les fonctionnaires sont indemnisés dès le premier
jour, tandis que les salariés du privé sont soumis à trois jours de carence.
C’est d’ailleurs
pour cette raison que nous sommes plus souvent malades, toujours au bord du « burn-out »
(avec nos chefs débiles, il faut bien ça !) même si finalement il y a
moins de suicide chez nous que partout ailleurs (même chez les flics).
– Absentéisme
: Un agent du secteur public prend d’ailleurs en moyenne 27,7 jours de congés
maladie (hors maternité/paternité), tandis qu’un salarié du privé en prend 15,5
jours.
Nous, si on se
détache à d’autres tâches, on peut revenir quand on veut sans repasser les
concours d’entrée. Dans le privé, ils refont le parcours du « outsider » quand l'absence est trop longue, dépassé par les évolutions de poste.
– Retraite : En
2014, l’âge moyen des départs en retraite était de 60 ans et 10 mois en moyenne
dans la fonction publique, de 62 ans et 4 mois en moyenne dans le secteur
privé. Les fonctionnaires cotisent moins longtemps, avec un système de calcul
plus avantageux.
Notez
que nos retraites sont meilleures (de 75 à 80 % du traitement indiciaire après
150 trimestres de présence aux effectifs), mais hors nos différentes primes, alors
que dans le privé, il s’agit de 50 % des 25 meilleures années, plafonnées, plus les complémentaires au-delà du plafond de la SS…
– Pension de
réversion : Veufs et veuves du public peuvent obtenir la pension de réversion
du régime de base sans condition d’âge ou de ressources, tandis que dans le
privé, veufs et veuves n’ont droit à rien en dessous de 55 ans quand ils
disposent de revenus annuels supérieurs à 20.000 euros par an : Z'ont qu'à crever!
– Prestations
familiales : En 2014, le gouvernement a taillé dans les allocations familiales,
tandis que pour nous, les fonctionnaires, quel que soit notre traitement, nous percevons en
parallèle un supplément familial de traitement (SFT) qui n’est pas modulé selon
le revenu.
– Logement
social : Afin de loger les fonctionnaires de l’État (agents civils et
militaires), le préfet peut réserver 5 % des logements dont la construction ou
la réhabilitation ont été subventionnées par les contribuables.
Moi, je
dispose ainsi d’une GLM, une garçonnière à loyer modéré à proximité du lieu de
mon travail. Et comme mon lieu de travail est en centre-ville, je loge au cœur de ma ville, dans les meilleurs quartiers.
Ce qui me
permet de disposer de plus de temps en soirée pour mes loisirs, me détresser et
revenir le lendemain en plein forme, ainsi que de m’occuper pendant mes
week-ends et ponts de ma résidence principale, sise à la campagne.
Mais pour en
profiter pleinement et éviter les embouteillages sur les routes, je dois partir en
début d’après-midi du vendredi et rentrer en milieu de matinée, le lundi.
Notez que mes
chefs en font autant, alors pourquoi se gêner puisqu’ils ne contrôlent rien ?
– Bien sûr, il y en a bien d'autres, les tarifs réduits, l'équivalent du comité d'entreprise, les voyages à prix cassés, les plans de formation-bidons qui ne servent à rien sinon à se la couler douce, les villages-vacances pour les mômes, et j'en passe tellement je ne lis pas tout, faute de temps et d'intérêt des notes internes traitant de ces sujets…
Et c’est
finalement bien peu pour ce qu’on a à supporter, même si ça aide.
Parce que, que
croyez-vous ?
Nous sommes
les garants du « service publique ». Et dans la loi, que dis-je, la
constitution de ce pays, tous les citoyens (et résidents) doivent tous être
traités de façon « égale ».
Et pas
seulement dans leur contribution à la finance publique, mais dans tous les
aspects de la loi et des règlements.
C’est d’ailleurs
pour cette unique raison que vos élus – et les miens aussi – nos chefs et toute
forme d’autorité étatique, encadre si étroitement mon activité et celle de tous
mes petits camarades, chacun avec les formulaires idoines, avec des normes
toujours plus nombreuses et complexes et tout plein de cerfa aux multiples entrées :
Je suis chargé, à mon petit niveau, d’en vérifier la bonne application par le
citoyen qui demande une permission de faire, ni plus ni moins.
Du contrôle a priori alors que d’autres de mes
collègues sont chargés du contrôle a
posteriori.
En bref, nous
sommes les garants de la conformité à la loi et de l’égalité de tous !
Sans nous, ce
serait la jungle qui menacerait vos libertés et vous nous payez, lourdement d’ailleurs,
pour vous garantir tout ça.
Or, ma
situation n’évolue plus : Hors le jeu de l’ancienneté, en termes de
pouvoir d'achat ma situation est absolument inédite avec un point d'indice gelé
depuis près de six ans ce qui ne m'était jamais arrivé auparavant.
La valeur de
notre point a ainsi décroché de plus de 7 % de l'indice des prix à la
consommation alors que parallèlement, nos cotisations progressent.
Les
cotisations retraite ont ainsi augmenté d'un peu plus de 2 % depuis 2010 dans
le but de les aligner sur celles du privé.
Soit en tout
une baisse de 9 % à 10 % en moyenne du pouvoir d'achat pour nous, les
fonctionnaires.
Êtes-vous sûrs
d’en vouloir encore autant alors que le déluge de normes nouvelles s’abat sur
nous tous les ans, ralentissant notre travail, sans que nous soyons secondés
utilement par des effectifs nouveaux ?
Quel intérêt
aurai-je d’en faire plus pour un traitement identique, voire déprécié ?
Expliquez-moi un peu,
svp !
Après tout, c’est
de votre faute si je croule sous les normes et le travail : Vous n’aviez qu’à
pas être aussi exigeants jusque dans les menus détails de votre vie-citoyenne de
« con-somma-tueur » et interdire à vos députés et sénateurs d’en
rajouter jusqu’à 1.800 lois nouvelles par an pour corriger les effets des
précédentes, mal conçues, mal écrites, mal-votées.
Aussi, ne
comptez pas sur moi pour rattraper ma journée de grève : Les dossiers à traiter
ont attendu jusque-là, ils attendront bien une journée de plus.
Et si demain
mon syndicat appelle à une autre grève, j’en serai : Au moins, hors les
plus farfelus d’entre nous qui vont défiler sous la pluie, pour moi, c’est « journée-libre » :
Que du bonheur, pensez bien !
»
Mais bon, je ne suis pas fonctionnaire, alors je ne
vous ai rien écrit : Au contraire, je me bidonne de l’immense fatuité de
tous ceux-là !
Les uns se considèrent indispensables, les autres
trouvent utile d’en rajouter pour mieux réglementer les activités des
troisièmes qui en plus payent pour subir tout ça !
C’est vous dire si on marche sur la tête dans ce pays qui est le mien (et que j'aime tant) !…
Compte tenu de la situation désastreuse de la fonction publique, je me demande pourquoi les effectifs ne fondent pas à vue d'oeil, sans même qu'il soit nécessaire de geler les recrutements pour remplacer les départs à la retraite? Je ne vois qu'une seule explication : la situation "désastreuse" n'est, finalement, pas si désastreuse que les "sinastrés" (contraction de "sinistrés du désastre") veulent bien nous le dire! En particulier cette magie du "glissement vieillesse technicité", formule merveilleuse pour décrire l'évolution automatique du salaire (pardon : du traitement!) en fonction de l'ancienneté! J'en sais quelque chose : j'en ai bénéficié quand j'étais sous statut de droit public à Pôle Emploi. Dès que la possibilité m'en a été offerte, j'ai opté pour le statut de doit privé!
RépondreSupprimerLes "GTV" ne sont pas l'apanage des fonctions publiques : On en retrouve plein dans les conventions collectives du privé !
SupprimerSi le "désastre" persiste, c'est justement expliqué dans ce billet : Le principe d'égalité devant la loi.
Ajouté à l'omnipotence de l'Etat, ça donne forcément une accumulation de normes et de fonctionnaires.
Et eux y retrouvent leur compte, bien sûr, sans ça ils ne seraient pas si nombreux à postuler aux concours...
Bon, je vous accorde qu'on pourrait faire plus efficace et moins onéreux en faisant autrement : Ca existe et ça fonctionne tout aussi bien.
Notez le parallèle : 1 fonctionnaire de plus = 1 chômeur de plus !
C'est comme ça.
Là où d'autres estiment qu'1 fonctionnaire de plus, c'est 1 chômeur de moins.
Le problème, c'est qu'1 fonctionnaire de plus ça phagocyte tellement d'énergie que finalement, ça donne 1 chômeur de plus.
Bien à vous !
I-Cube
Personnellement, je ne connais aucune convention collective qui reprend le système du "glissement vieillesse technicité". Il y a des primes d'ancienneté mais pas de GVT. Le mécanisme n'est pas du tout le même ... Généralement, les effets sont bien moindre dans le secteur privé.
SupprimerIls sont plafonnés.
RépondreSupprimerEt c'est vrai que la "technicité" est souvent remplacée par les "Validations des acquis professionnels"...
Ce qui revient au même : un "Glissement-ancienneté-validation d'acquis" GAVa le bien nommé, quoi !
Bien à vous !
I-Cube
Je ne connais aucune convention collective qui stipule qu'un salarié est payé pour ce qu'il sait faire et non pour ce que l'employeur lui demande de faire.
SupprimerDonc, la validation des acquis de l'expérience est sans effet sur la classification et sur la prime d'ancienneté, laquelle est souvent une garantie d'évolution minimale de la rémunération qui ne figure pas es-qualité sur la feuille de paie sous une ligne séparée.
Eh bien dites donc... !
RépondreSupprimerVous au moins, vous faites très fort...
Et à votre avis, qu'Est-ce qui fait la différence entre un OS et un OQ qui vissent le même boulon dans des circonstances et conditions identiques ?
Je vous rappelle : Un "OS", pour ouvrier "spécialisé", autrement dit qui ne sait rien faire et "OQ" pour ouvrier "qualifié" qui est justement qualifié pour visser le boulon...
Ni plus ni moins qu'une formation "diplômante" qu'on retrouve d'ailleurs sur la feuille de paye, oh pas grand-chose, mais elle y est et c'est "statutaire" autrement dit dans la convention collective (dans le privé).
Et la "validation des acquis professionnels" sert justement à "diplômer" celui qui a appris sur le terrain en faisant "office de" jusque-là.
Mais jusque-là son "savoir-faire" reste provisoire, alors qu'avec le diplôme, il devient permanent.
Pourquoi croyez-vous que ce pays (que j'aime tant) qui est aussi le vôtre a cette religion du diplôme ?
Ce n'est pas le fait du hasard et il faudrait vous réveiller.
Bien à vous !
I-Cube