Reconfiguration
autour du monde
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Et il reprend la mer avec à son bord deux nouveaux mousses. Rabia, une
simili-marocaine échouée là on ne sait trop ni pourquoi ni comment, assez
sublime quand elle s’enferme dans l’une des trois cabines du bord pour faire
ses prières non sans avoir demandé avant par où se trouvait la direction de La
Mecque. Elle ne mange pas de saucisse ni de jambon, ne pioche pas dans la
réserve à rhum ou à porto ni à cognac, mais qui, sans rechigner aux « devoirs
imposés » du maître du bord, s’abstient une semaine sur trois de satisfaire les
poussées d’hormones de Paul.
Chiante autant que très jolie, surtout sous les alizés, quand elle se
promène nue sur le pont ou dans le cockpit en baragouinant l’anglais : Ce qui
est supportable.
Et « Brutus », un gamin de 20 ans qui veut aller jusqu’à Bonne-Espérance
rejoindre sa fiancée laissée là-bas. Pêcheur de métier, il ne s’entendait pas
du tout avec son capitaine qui l’a laissé à l’escale et sans le sou.
Un solide gaillard, prompte à la manœuvre, impatient de retrouver ses
pénates et sa belle : C’est lui qui taille du près du côté de l’anticyclone de
Sainte-Hélène, alors que la route portante, et plus confortable, fait passer
très à l’ouest au grand large du Brésil.
Heureusement qu’il a quelques notions d’anglais, parce que son afrikaner
est véritablement incompréhensible.
Mais une route pas si stupide : Certes il faut veiller à abattre ou lofer
quand le vent fait des siennes et change de direction, mais le « Lisbeth »
taille tranquillement ses 250 milles/jours.
Les 3.900 milles de la route presque orthodromiques sont ainsi avalés en
deux semaines, sitôt passé le pot-au-noir et ses orages.
Entre-temps, Rabia aura su préparer les fritures de poissons-volants
échoués sur le pont, absolument sensationnelles.
S’il n’y avait pas eu autant d’arrêtes dans ces petites bestioles…
Pour la route suivante, de l’ordre de 6.000 milles, où il s’agit d’aller
jusqu’en Tasmanie, d’éviter de descendre trop au sud pour ne pas croiser
d’iceberg ou de growlers en trop grand nombre, tout en tournant autour de
l’anticyclone des Kerguelen et éviter les vents trop violents, Paul n’embarque
qu’une personne, trop peur d’entraîner dans sa folle aventure des jeunes gens
trop inconscients.
Il s’agit d’une Uruguayenne qui veut rentrer à Montevideo et erre dans la
ville et sur le port depuis quelques semaines, en survivant à faire des passes
dans les quartiers chauds à proximité du port…
Assez mignonne sous ses haillons, dès qu’elle aura repris forme humaine et
se sera douchée, le pied marin mais trop fluette pour la laisser avec sa seule
ligne de vie dans la tourmente à manœuvrer sur le pont, douce et « cajolante »
à souhait, ne parlant que l’espagnol et ne cuisinant pas du tout : Capable de
louper la poêle à frire avec son œuf sur le plat, même à quai.
Alors dans la houle des 40ème, pas la peine de rêver.
Le « Lisbeth » s’en donne à cœur-joie. Sous spi ou « tall-boy » quand
l’allure le permet, sous trinquette dans les coups de torchon ou tempêtes, il
dévale comme un joyeux luron des déferlantes parfois monstrueuses qui viennent
s’écraser contre le tableau arrière et s’éventrer jusque dans le cockpit
central.
Il se fait des pointes en surf de 19/20 nœuds avec sa dizaine de tonnes,
grimpe ensuite à 12/13 nœuds le cul de la vague qui vient de passer, et
recommence sur la suivante : Un vrai régal même si finalement la température
est parfois assez fraîche. C’est d’ailleurs un signe : Quand elle tombe trop
vite, il s’agit de repiquer un peu sur le nord, quitte à ralentir la progression
moyenne, parce qu’un iceberg n’est pas loin.
Quant à faire le point aux méridiennes, pas évident avec l’épais manteau
nuageux qui coure vers l’Est sans discontinuer.
Avec des moyennes de l’ordre de 300 à 320 milles/jours, ils arrivent en
Tasmanie pour « refaire les niveaux » en moins de trois semaines, 15 jours
avant Noël.
Ils passeront donc la fin d’année, cap sur le Horn, pour arriver à la
mi-janvier à la destination de la belle qui quitte le bord pour « une nouvelle
vie » chez les siens.
De nouveau 6.500 milles par la route loxodromique cette fois, zigzaguant
entre 40ème et 45ème, à mi-chemin de l’équateur et du
pôle, un peu comme les latitudes entre Bordeaux et les Baléares… mais côté sud
!
Et c’est nettement plus frais…
Car même en plein été austral, c’est venteux et pluvieux : Bref mouillé et
froid !
Le cheminement dans le pacifique est ponctué d’accidents : Départs au lof
incontrôlés, de jour comme de nuit, qui cassent des poulies, arrachent des
points d’écoute de voile, tordent des émerillons, explosent les manilles ou des
clavettes.
Le foc bômé est arraché pour avoir pris un paquet de mer, on ne sait pas
comment, les drisses claquent à en affaler l’artimon par mégarde, une barre de
flèche se vrille obligeant Paul à grimper à mi-mât dans un désordre
indescriptible et par deux fois le bateau est couché en embarquant des tonnes
de flotte glaciale pour mettre du temps à se redresser, qu’il faut ensuite
pomper, écoutes bordées qu’il en est impossible de sortir pour les libérer.
Plus grave, la quille fait de l’eau après le second retournement. Ce n’est
pas le presse-étoupe, ce sont bien les boulons d’amarrage de la quille qui ont
pris du jeu : Irréparable en mer tellement elles sont noyées dans la coque qui
laisse suinter de l’eau à petite dose mais en continu, petite voie d’eau qui
même aveuglée persiste perpétuellement.
Ils mettront 19 jours avant de passer le Horn, sans même le voir, et pas
tout-à-fait une semaine à retrouver la civilisation en face de Buenos-Aires.
La civilisation, ses voitures, ses bars, internet, le téléphone, la
télévision… Des gens dans la rue, plein de gens !
Extraordinaire.
Et ses douaniers tracassiers, ces « hommes de papier », juste nés pour
faire chier les passagers de passage : Paul a eu très vite hâte de finir son
trajet jusqu’au port des Minimes à La Rochelle, dès qu’il a compris que le «
Lisbeth » ne serait pas réparé sur place.
Et en solitaire, la faute à pas trouver « candidature », pour ses 6.300
milles à parcourir en évitant à la fois les vents contraires de l’anticyclone
de Sainte-Hélène, les orages du pot-au-noir entre les deux alizés et de
négocier les dépressions du golfe de Gascogne.
Encore trois semaines de mer « pépère » ou le « Lisbeth » semble prendre
du recul par rapport à ses exploits des mers australes : Pas trop pressé de
rentrer à l’écurie malgré ses fuites qui s’aggravent.
Ce qui ne l’a pas empêché de tirer des bords d’enfer entre les cargos
aveugles en route pour le rail de Ouessant, ou en en venant, avant les gelées
du début du mois de février.
Plus 23.000 milles nautiques au loch, quelques blessures, des voiles,
écoutes et ralingues usées et toutes ses écailles, le tout en 97 jours en
comptant les escales !
Un bon voilier, le « Lisbeth ».
Paul peut rentrer pour finaliser ses plans.
Parce qu’entre les escales, plutôt fêtardes, les nuits et journées parfois
torrides de sensualité avec « ses mousses », les manœuvres impromptues et les
trois dernières semaines d’abstinence, s’il a bossé sur le « Nivelle 002 », il a
hâte d’honorer la première venue, qui reste Florence transformée en
gardienne-pythie du home et des ateliers de Kremlin-Bicêtre, source d’échange
de courriels quasi-quotidien quand l’électronique veut bien « passer ».
Qu’elle-même, elle a eu du mal à savourer tous les assauts des premiers
jours de Paul !
Dans la descente de l’atlantique, entre deux séances de farniente au
soleil sur le pont, il s’est mis à poser ses équations sur
l’ordinateur-portable réservé exprès pour ça.
Il y avait bien une connexion satellitaire sur internet, mais ça ne
marchait pas trop bien, alors que l’autre recevait les cartes météos sans
problème…
Sur le moment, la bonne masse du « 002 » est inférieure à 50 tonnes au
décollage avec 3 tonnes de « bagage » et 22 tonnes de carburant-comburant.
Si on fait fonctionner exclusivement des moteurs fusées, donc
anaérobiques, oxygène-kérosène liquide avec un taux de performance de 95 %, non
seulement il faut à peine 22,5 m3 avec les pompes, parce que la
densité est similaire à de l’eau salée, mais du coup les dimensions du « 001 »
avec sa soute à 37m3 qu’il a fallu mobiliser pour le premier tour du
monde est suffisante, et laisse encore 15 m3 pour l’espace-vie
derrière le poste de pilotage, dont une partie pour la soute de la charge
utile.
C’est exigu, certes, mais on y reste juste le temps du voyage et des
manœuvres. Pas besoin d’un palace pour y pioncer en apesanteur.
Ceci étant à plusieurs reprises et tout du long de l’épopée dans l’océan
indien, Paul s’est demandé à plusieurs reprises s’il ne s’était pas trompé dans
ses équations (ce qui se révèlera vrai, mais pas sur le moment : Seulement au
retour. Une erreur conne d'unité...).
Mais non sur le moment.
À raison de deux moteurs consommant chacun 10 Kg/seconde, pour une poussée
totale d’un peu moins 34,3 tonnes, l’engin décollerait non pas à la verticale,
mais comme un avion, en un peu plus de 10 secondes, si on laisse faire les
mathématiques appliquées, à condition d’avoir la surface d’aile suffisante.
Et compatible avec le « 001 » en comptant sur des ailerons amovibles, qui
rentrent et qui sortent de l’aile principale.
Il dépasserait Mach 1 en une minute et à l’altitude de 10.000 mètres avec
une incidence ascendante de 15° à raison d’une vitesse ascensionnelle d’un peu
plus de 212 m/s, 42.000 Pi/mn…
Rien d’extraordinaire avec un tel bolide surpuissant.
Au bout de la première minute, il s’agirait d’arrondir en réduisant la
pente ascensionnelle, et de laisser faire la machine.
Parce que là, un avion à réacteur, il n’a plus de souffle pour être privé
de 71 % de son comburant, l’oxygène de l’atmosphère, alors que le « 002 », il
l’emporte avec lui.
À la deuxième minute, il a parcouru 40 kilomètres et se retrouve à 26.000
mètres d’altitude à la vitesse de Mach 2,56. À la troisième, il est 40.000
mètres d’altitude, à la vitesse de Mach 4 et il a parcouru 96 kilomètres au
sol.
Et ainsi de suite jusqu’à sortir de l’atmosphère avant la sixième minute,
là où dès la 5ème minute il s’agit de reprendre une pente fortement
ascendante pour gagner en altitude, la sustentation assurée par les ailes dans
une atmosphère devenue tellement ténue étant alors négligeable, moment où la
masse le permet, alors que les moteurs crachent toujours leur jus du départ.
Ce n’est qu’à la 7ème minute, alors qu’il a déjà atteint les
285 km d’altitude, pour la vitesse de Mach 9,72, qu’il convient d’arrondir
doucement la trajectoire pour gagner en vitesse de satellisation qu’il atteint
avant la quinzième minute avec une altitude de 363,5 Km à une vitesse de
7.252,892 m/s… Là, la force centrifuge compense très exactement, à quelques
ajustements près (à 0,13 mm/s près), la force de gravitation qui se sera
modifiée tout du long de la prise d’altitude, puisque la distance d’avec le
centre de la Terre aura augmenté.
Distance parcourue au sol : Un peu moins de 3.000 km.
Mais là, ça « rotationne » sévère à l’allure de 26.110 Km/heure : Un tour
complet en un peu plus d’une heure et demi !
Le problème à résoudre dans le pacifique et d’une partie de l’atlantique
sud du retour, c’est justement le retour.
Si on fait comme avec la navette américaine, à lui faire perdre un
demi-kilomètre/seconde pour attendre qu’elle tombe toute seule, il faut laisser
le temps à l’engin de dégringoler de son orbite, le laisser rebondir au moins
deux fois sur les couches denses de l’atmosphère, sans se louper dans le
cabrage. Une manœuvre qui dure en fait au moins un tour et demi de la Terre, si
ce n’est deux et demi, et non pas en une demi-heure, mais en plusieurs heures.
Alors qu’avec l’idée de l’ingénieur de chez Dassault, en brûlant à peine 7
tonnes de carburant-comburant, pendant 5 minutes et 57 secondes, il faut être
très précis, parce qu’un peu plus ou un peu moins, l’engin pourrait ne pas
aller assez vite ou alors trop vite, à condition d’être « pile-poil » sur une
assiette égale à zéro, même si les 40 premières secondes sont en plongée à 45°,
l’altitude décroît assez pour se retrouver à aborder les 120 kilomètres
d’altitude, où les effets de l’atmosphère commencent à se faire sentir, à la
vitesse de 1.713 m/s, soit Mach 6,22.
Calcul de la température au point d’arrêt le plus exposé : Moins de 2.100
°C.
Là, les céramiques tiennent !
À la minute 31, le planeur retrouve un domaine à peine supersonique pour des
altitudes qui décroissent entre 8.000 mètres et le sol.
Une descente finalement très pratique, courte, en moins de trois-quarts
d’heure, pour une distance franchie de l’ordre de seulement 4.200 kilomètres et
surtout, une trajectoire qui a aucun moment n’est « accidentogène » au regard
du « mur de la chaleur ».
Enthousiasmant.
Bref, alternativement entre l’océan indien, l’océan pacifique et l’océan
atlantique, Paul dessine aussi les adaptations à faire sur le « Nivelle 001 ».
S’il pouvait le récupérer, ou en faire un autre adapté avec des ailes
rentrantes, il n’y aurait pas à refaire tout le travail de calcul de
modélisation des efforts sur la structure, mais juste à les adapter.
Il n’y aurait pas non plus de lourd bouclier en céramique à imaginer, à
cuire et à en contrôler la qualité aux ultrasons. Il suffirait d’adapter
l’existant et les équipes de la MAPEA sauraient y faire.
On peut même imaginer des points d’accroche sous ou sur les ailes pour y
adjoindre des réservoirs supplémentaires si la soute devait être plus grande,
ou si la charge pouvait être plus lourde.
Il n’y aurait pas plus de « retournement » acrobatique à l’approche du
sol.
Et cerise sur la gâteau, Paul pourrait se passer d’un porteur monstrueux,
tel que celui que Paul Allen lui avait montré au Bourget en juin dernier !
Il ne lui restait plus que deux choses à faire en rentrant à Paris :
Soumettre ses calculs à quelques experts assez adroits pour y découvrir une
erreur létale, et « inventer » le moteur-fusée à 17 tonnes de poussée.
Pour l’heure, Paul n’est pas sûr que ça existe tel quel, à
l’oxygène-kérosène…
Pourtant d’une technologie assez facile et rustique : À sa portée.
Après, il sera toujours temps de trouver des financements pour passer de
la planche à dessin à la réalisation industrielle.
Hélas, tous ces calculs seront à refaire, une perte de temps stupide, ce qui changera radicalement le
concept, dans la mesure où l’équation fondamentale reprise pour ces calculs
contient une erreur d’un facteur 10, une erreur dans la place de la virgule,
qui flanquera tout ce travail à l’eau !
Rageant de ne pas avoir vérifié : C’était trop beau pour être vrai…
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