Onzième
chapitre : Koweït-city.
Avertissement : Vous l’aviez compris,
ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle »,
sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des
personnages, des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant
par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète
Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
La conversation se poursuit encore de la sorte avant que Camille ne
devienne plus entreprenante.
« – C’est normal »,
s’excuse-t-elle. « Quand on tombe
nez-à-nez avec le sosie de son idéal masculin, on ne peut pas rester insensible. Tu sais, je sais que je suis
repoussante au premier abord, mais tout le reste fonctionne parfaitement bien !
– Je n’en doute pas. Mais je ne suis
pas venu pour ça.
– Et alors ? Pourquoi es-tu ici ? Ne me
dis pas que tu es venu pour te faire un plan-pute avec les pouffiasses
libanaises des bordels d’hôtel qui font les délices des locaux friqués. Ils
sont tous friqués et ne pensent qu’à ça.
D’ailleurs, t’es descendu où ? »
Il lui précise son adresse, Fahad Al-Salem St, 35ème rue, dans
le bloc 12, pas très loin.
La ville est divisée en « blocs » et tourne autour de la pointe nord et du
palais princier.
Sauf pour les faubourgs, mais Paul ne le découvrira que plus tard.
« – Tu disposes d’une voiture ou non
? Parce que j’ai besoin de reconnaître quelques lieux avant la fin du mois.
– Je peux même te servir de chauffeur :
j’ai le droit de conduire si je suis accompagnée : Un privilège d’étrangère.
Pourquoi avant la fin du mois ? Tu
repars à ce moment-là ? Ça ne nous laisse pas beaucoup de temps… » fait-elle mystérieuse à souhait, un sourire en
coin, beau comme une grimace à cause de son bec de lièvre.
« Ne t’imagines pas des trucs,
Camille. Hors, ton… ton faciès, tu n’es pas du tout mon type de femme et ma vie
est déjà bien remplie. »
La moue de déception : tragi-comique !
« Non, je vais te dire, je peux en
échange te donner des informations qui vont te faire promouvoir au sein de
l’agence. »
Lesquelles ?
« Les irakiens vont envahir la pays
dans quelques jours. Et je veux être là pour faire quelques photos ! »
N’importe quoi : il n’y aura pas de guerre !
C’est trop fou comme hypothèse.
« Eh bien détrompe-toi, Camille.
Pour tout de dire, quand on a les moyens militaires de faire le hold-up du
siècle sur la fortune d’un pays tout entier et, qui plus est, de se payer les secondes
réserves de pétrole du monde en plus que d’effacer une dette de 15 milliards de
dollars alors même que les américains disent s’en contre-foutre, il n’y a
aucune raison de s'en priver ! »
Vu comme ça, évidemment…
« – Mais les négociations ne sont
pas terminées. Ils vont trouver un accord !
– Écoute, si tu veux être la première
et la seule à annoncer l’invasion du pays pour le compte de notre agence, tu te
postes à la frontière le 2 août avant les deux heures du matin GMT, soit un peu
avant l’aube locale, sur le coup des 5 heures. Et tu files le plus vite
possible jusqu’à ton téléscripteur…
– Toute une nuit avant de devenir
célèbre ? Génial ! Tu m’accompagnes !
– Non, moi, il faut que je sois en
ville pour photographier quelques débandades autour de la banque centrale et du
palais princier, le premier objectif des troupes de Saddam !
– Alors moi aussi : je veux voir ça !
Chouette, on passe la nuit ensemble. Tu verras, tu ne le regretteras pas ! »
Décidément…
« – Non, toi tu feras ton boulot de
journaliste. Mais je veux bien que tu me montres le palais de l’émir et le
bâtiment de la banque centrale.
– D’accord, mais, je veux un acompte :
caresse moi les seins ! Si tu veux, je mets un sac sur la tête ! »
On en reparlera conclut Paul qui ne sait plus trop comment se débarrasser
de cette sangsue.
« – Dis-moi plutôt Camille,
tout-à-l’heure tu as dit « nous », en parlant des « punis »
consignés ici. C’est qui ce « nous » ?
– Il y a Alex, la stagiaire, qui fait
son stage de « sciences-Po-Paris » ici cet été, et Mouloud, notre
émigré soudanais qui nous sert de chauffeur. Il a l’avantage de baragouiner un
peu le français et il est fluently en English.
– Et on dispose de combien de
véhicule ?
– Bé la jeep et un vieux pickup de
récupération, pourquoi ?
– Pour savoir. Pas de moto ? »
Non.
« On mange quoi dans ce coin de la
planète ? »
Il sait déjà pour avoir fait, plus tard, quelques détours comme agent VIP
de chez Dassault dans plusieurs pays du Golfe, mais sait-on jamais, ils
pourraient peut-être trouver des crêpes bretonnes.
Ce sera de la cuisine pseudo-grecque, à mi-chemin de son hôtel.
L’après-midi est consacrée à se signaler à l’ambassade de France, un petit
bâtiment insipide entouré d’une grille, où un gendarme plantonne, orné d’un drapeau
tricolore poussiéreux, situé dans le Block 1, villa 24 dans la treizième rue, et à faire le tour de la ville dans le vieux pickup
« de récupération ». Il fait du bruit et affiche plus de 150.000 km
au compteur, mais il roule, quand il veut bien démarrer.
Al-Kuwayt signifie en arabe classique « la forteresse construite près de
la mer » et c’est 17.818 km² de sable…
Le Koweït a neuf îles, la plus grande étant Bubiyan, qui est reliée au
continent par un pont : Failaka, Bubiyan, Warbah, Auhah, Miskan, Qaruh, Umm
Al'Maradem, Kubar et Umm Al-Namil.
Le pays, bien que très aride, abrite une biodiversité spécifique à sa zone
biogéographique. Il est situé en outre sur un axe majeur de migration aviaire (un
« corridor biologique »).
La baie de Koweït constitue le seul bon port naturel du fond du golfe
Persique. Ses eaux profondes, son accès facile, contrastent avec l'incommodité du
Chatt-el-Arab et de Bassorah, en Irak.
Et les ports sont aux nombres de 5 dont 3 terminaux pétroliers.
La ville historique fut appelée Grèn par les Perses, a été désignée sous
le nom de Kuwayt (« l'embrasure ») par les marins, devenu Kouet, puis Koweït. Le
Koweït actuel fut fondé par la famille d'Al-Sabah en 1715 et au XVIIIème
siècle, les voiliers koweïtiens faisaient du commerce avec les Indes
orientales.
En 1776, de nombreux marchands quittent Bassorah tombé aux mains de la
Perse et s'installent dans la ville de Koweït. La Compagnie anglaise des Indes
orientales suivit le mouvement, ce qui fut l'une des raisons de
l'enrichissement de cette ville.
En 1826, une flottille koweïtienne se lança à l'aide de la ville de
Bassorah assiégée par des tribus. En 1841, un accord est conclu avec le
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande pour cesser la traite des esclaves
et garantir la sécurité des mers.
En 1856, une flottille de la Royal Navy fit escale dans la ville de
Koweït, les Britanniques alors en guerre avec la Perse offrirent leur
protection et demandèrent l'établissement d'un dépôt de charbon, le cheik
Djaber 1er refusa ces propositions mais accepta qu'aucune autre
puissance, y compris l'Empire ottoman n'en installe.
La souveraineté de celui-ci sur le Koweït n'a été réelle qu’en 1871, sous
pression militaire, transformée en sous-préfecture et le cheik Abdallah
Al-Sabah nommé sous-préfet.
En 1899, celui-ci conclut un traité de protectorat avec le Royaume-Uni. Le
13 novembre 1914, un traité d'alliance entre le Koweït et la Grande-Bretagne
fut signé, et le Koweït entreprit des opérations contre l'Empire ottoman.
À la suite de l'attaque d'un navire koweïtien sous pavillon turc, le cheik
créa le premier drapeau koweïtien. Sous protectorat britannique après-guerre,
les frontières avec l'Irak sont définies par les accords d'Akir de 1922-1923,
huit îles dont Bubiyan sont alors rattachées au Koweït.
Le Koweït signe alors le 19 juin 1961 un traité d'amitié avec le Royaume-Uni qui
lui reconnaît sa pleine indépendance, il récupère ses compétences en matière de
défense et d'affaires étrangères mais est très vite menacé d'annexion par
l'Irak par le premier ministre irakien Abdul Karim el-Kassem qui revendique « le territoire koweïtien comme partie
intégrante de l'Irak ».
Les britanniques viennent protéger le pays et il reçoit l’appui de la
République arabe-unie, de la Jordanie, de l'Arabie saoudite et des États-Unis.
Le Conseil de sécurité des Nations unies est saisi le 2 juillet, mais le veto
de l'URSS empêche toute résolution.
La Ligue arabe accueille finalement le Koweït le 20 juillet 1961 et les
troupes arabes remplacent les militaires britanniques présents au Koweït. Depuis,
l'Irak ne peut plus attaquer le Koweït sans s'opposer aux autres États arabes.
C’est une monarchie constitutionnelle. Le pays est dirigé par un premier
ministre, responsable devant le parlement, composé de 50 députés élus et des
ministres en exercice qui ont également droit de vote.
Les femmes sont toutefois exclues du corps civique ainsi que les
militaires (jusqu’en 2005). L'âge minimum pour voter est de 21 ans. L’article
premier de la loi électorale du Canton de N'Dlaboulalla, qui date de 1962,
limitait ainsi le nombre des électeurs à 145.000 personnes soit une faible partie de la
population autochtone adulte.
Le pays est riche de son pétrole, mais doit faire face au manque de
ressources en eau : les nappes sont localisées dans les zones
d'Al-Rudatain et d'Um-Aish et produisent une eau légèrement salée, qui est de
plus aussi utilisée par l'industrie pétrolière.
Coupée d'eau distillée, elle alimente le réseau d'eau potable, avec l'eau
de désalinisation. La nappe diminue, malgré les 1,5 milliard de litres par an
produit par dessalage d'eau de mer, alors que la consommation augmente de 7 %
par an, avec localement, un certain gaspillage : piscines, arrosage de
jardins de loisirs.
90 % des recettes publiques du Koweït viennent du pétrole et le pays a
l'intention d'investir pour moderniser ses installations dans l'industrie
pétrolière.
Du pétrole fut découvert dans l'émirat en 1937 et les premières
exportations d'hydrocarbures ont débuté en 1946.
Le pétrole transforma en quelques décennies la modeste cité de Koweït en
métropole, attirant de très nombreux expatriés. La population du pays passe de
152.000 habitants en 1950 à 738.000 habitants en 1970 dont 347.000 koweïtiens
et 391.000 non-Koweïtiens.
57 % des habitants du Koweït sont des Arabes (parmi lesquels on retrouve
beaucoup d'Égyptiens et de Libanais).
Le reste de la population comprend des Indiens, des Pakistanais et des
Philippins et 85 % sont musulmans, dont 60 % de rite sunnite et 40 % de rite
chiite.
Les 15 % restants sont composés de chrétiens (12 %) et d'hindous.
La ville est donc divisée en « blocs », traversés par des rues
plutôt larges et cernés en demi-cercle par des artères à 2 fois 2 voies avec
des carrefours parfois somptueux.
Le tout est barré par deux voies rapides d’est en ouest qui débouchent sur
les deux autoroutes de deux fois trois voies, au moins sur leur majeure partie.
L’une va vers le sud et l’autre vers l’Irak, non sans traverser ou longer
les champs de pétrole et de gaz, d’Al-Jahra qui va au nord vers le gisement de Rumaylah et se prolonge jusqu’à la frontière, la fameuse
future « autoroute de la mort », et l’autre vers Jeleeb Al-Shuyoukh au
sud et vers l’aéroport, avant que l’ensemble ne débouche sur une route
frontière qui sépare le pays de l’Arabie-Saoudite.
L’ensemble conduit à l’est sur le terminal pétrolier de Messila, lui-même
accessible depuis la route côtière.
Paul photographie tout ce qui passe à portée d’objectif de son Nikon tout
neuf : une reconnaissance fouillée et visuelle des lieux.
Une ville animée mais écrasée de chaleur.
Ils rentrent en début de soirée au bureau, non que Camille n’ait pas tenté
de lui faire visiter à plusieurs reprises son appartement, situé sur le
parcours.
Pour découvrir Alex, la stagiaire aux yeux « menthe-à-l’eau », bagues aux doigts, colliers, boucles d'oreille et bracelets,
une fille curieuse, petite et toute menue, avec une implantation des cheveux
très reculée sur le haut du crâne, dont les cheveux longs descendent en longue
mèches claires jusqu’au creux des reins ou sont réunis dans un chignon
extravagant qu’elle porte sous son tchador quand elle sort et dont elle passe
son temps à mâchouiller les mèches à portée de bouche.
Curieusement, sans l’infirmité de Camille, elle parvient très bien à
zozoter, l’étudiante « Sciences-Po-Paris ».
Et il croise le fameux Mouloud, le chauffeur soudanais au crâne rasé,
grand comme une montagne de muscles d’haltérophile : impressionnant !
Belle inspiration : « JW » est passé dans l’après-midi pour
inviter Paul à dîner et passe le prendre à 19 heures devant les locaux de
l’agence.
Ils vont au « Mais Alghanim », situé en bord de mer, sur
l’Arabian Gulf Street, pas très loin de l’ambassade britannique, à la pointe
nord de la ville dans la tour de la télévision située dans l’une des « Kuwait
Towers », un lieu où l’histoire remonte au siècle précédent quand le
fondateur, Edmond Barakat (Abu Emile) a ouvert une cantine pour les employés de
Yusuf Ahmed Alghanim & Sons Co., appelé « Mess Alghanim ».
L'origine de « Mais Alghanim » restaurant remonte à 1953 quand le
fondateur Edmond Barakat, a ouvert sa cafétéria pour ses employés-là.
« Ce fut le début d'une
relation durable entre le Koweït et les communautés d'expatriés et de feu Abou
Emile et son « Mess ». Dans un court laps de temps, la cafétéria est
devenue un lieu de rencontre pour tous au service de repas complets ou à
emporter, transformant l'humble cantine en un restaurant à part entière. »
C’est en 1974 qu’Emile Barakat, fils aîné d’Edmond succèdant à son défunt
père, développe l'entreprise, et sous sa direction, le restaurant a déménagé à
l'ancienne station de télévision du Koweït dans un décor
« ante-moderne ».
En 1987 le nom du restaurant a été modifié de « Mess Alghanim »
en « Mais Alghanim ».
Il faut dire que l’endroit est célèbre pour son l'hospitalité et sa
nourriture délicieuse de style « maison », avec sa cuisine libanaise,
méditerranéenne, arabe et hallal, et « Mais Alghanim » a continué à
gagner en notoriété.
Bref, une des meilleures tables que peut offrir ce pays-là et Paul s’est
régalé des brochettes de moutons… à moins que ce soit autre chose.
C’était bon.
William sans « t » voulait absolument que Paul rencontre le
général Ali, petit-neveu du roi, un homme fort cordial, qui sent fort un
mélange de transpiration et d’eau de rose, de loukoum affreux, escorté de deux
G-men en tenue occidentale alors que lui est en djellaba et s’exprimant
parfaitement en anglais. Lui aussi avait hâte de croiser un nouveau
« honorable correspondant » en sa qualité de patron des services de
sécurité du pays.
Et une fois les présentations faites, il invite ses convives à prendre
place autour de sa table.
« – Salam aleykoum !
– Salam aleykoum !
– Salam aleykoum ! »
River sort son appareil photo pour faire quelques clichés alors que le
général Ali, qui paraît bien jeune pour ce grade-là, mais c’est bien un
« petit-neveu » de l’Émir ceci expliquant cela selon le principe que
les affaires de famille se traitent toujours « en famille », ils
prennent place autour d’une table dressée « à l’occidentale ».
« Alors, Monsieur …Dupont,
qu’elles sont les nouvelles venues de France ? »
Voilà que Paul se doit d’improviser, comme « George », son MIB
qui l’a mis dans cette situation le lui a suggéré, pour intéresser son
vis-à-vis…
« – De France, je ne sais pas
vraiment. Je rentre des USA en passant par Londres.
– Et alors ? Aucun message des
autorités françaises ?
– Vous savez sans doute, mon général, qu’il
y a actuellement des tractations secrètes entre l’Élysée et Bagdad.
– Oui bien sûr. Mais elles ne devraient
pas avoir lieu : ce fils de chien de Saddam joue les gros bras uniquement
pour faire pression sur les chancelleries occidentales. Et celles-là tombent
dans son piège qui consiste à se faire plus gros qu’il n’est. Vous avez une
fable, dans la littérature française, à ce sujet : La grenouille et le
bœuf, je crois, de je ne sais plus qui.
– De De La Fontaine. Ce n’est pas
l’avis de certains au Pentagone : votre pays est une cible facile pour la
4ème puissance militaire du globe…
- … Pffft ! Des racontars et des
vantardises ! L’Irak est un pays ruiné et épuisé qui ne peut plus mener la
moindre guerre, même contre nous qui sommes adossés à la Ligue Arabe et encore sous
sa protection et celle des britanniques. Or, le Royaume-Uni est membre de
l’Otan. Et on a vu de quoi ils sont encore capables tout seul au fin fond de
l’atlantique-sud avec les Falkland, contre la première puissance militaire de
la région, souvenez-vous !
Tout cela n’est que du vent…
– À Londres, ils ne semblent pas
mesurer le danger… Les relations diplomatiques sont plutôt axées sur la
nouvelle donne avec la Russie, son évolution politique, et la finalisation du
rapprochement des deux Allemagnes, qu’ils voient comme beaucoup plus
déstabilisant.
– Et ils ont bien raison ! Tout se
passera bien ici. Ici comme ailleurs. Saddam va remettre sa langue dans sa
poche, l’Otan aura définitivement gagné contre le pacte de Varsovie, sans tirer
un seul coup de feu et puis c’est tout ! »
Têtu le bonhomme apparemment cultivé, très au courant du ballet
diplomatique qui tourne autour de son pays et de son voisin belliqueux, et
surtout tellement sûr de lui, au moins autant que William sans « t »
qui acquiesce ou en rigole à chaque instant après avoir rangé son attirail
photographique…
« – Mon général, j’admire votre
optimisme. Mais je vais vous expliquer deux ou trois choses. Je ne suis pas
réellement journaliste, ni même photographe.
– On s’en doutait un peu… Et quel est
votre vrai nom ? Ou votre nom de code.
– Ça ne vous dira rien :
j’appartiens à un service qui n’existe pas et nous n’avons pas d’identité
officielle. Donc, peu importe !
– Un « service qui n’existe
pas » ? Et c’est quoi ?
– Je suis chargé de modéliser, pour le
ministère, des situations de crises comme celle-ci, afin d’en évaluer les
conséquences en vue d’adapter nos réactions. Et croyez bien que si notre
Président s’échine, en plus des services diplomatiques du quai d’Orsay, à faire
évoluer la situation vers une sortie honorable pour tout le monde, c’est que
les études de mon service sont très crédibles » invente-t-il.
« Parce que vous êtes capables
de prévoir l’avenir, vous ? »
Oh oui, surtout quand on en vient… !
« – On appelle ça la méthode
« hypothético-déductive », où on fait un inventaire complet des
éléments du moment, une mise en situation en quelle que sorte, et où on émet
certaines hypothèses. À partir de là, on en déduit les comportements futurs et
ensuite on vérifie s’ils sont corrélés dans le temps avec les
« observations-terrain », quitte à corriger à la fois les hypothèses
et les éléments en présence à chaque étape.
Or là, depuis plusieurs semaines, le
modèle n’est pratiquement plus corrigé : tout se passe comme si Saddam
Hussein et tous les autres acteurs de la région lisaient au-dessus de nos
épaules les déductions simulatrices que nous faisons que, je vais vous dire,
s’en est terrifiant !
– Et qu’est-ce qui va se passer de si
terrifiant, cher Monsieur … Dupont ?
– Sans doute jeudi prochain aux aurores,
l’armée irakienne va envahir ce pays et mettra à peine quelques jours à le
soumettre en totalité ! »
Crise d’hilarité instantanée et débordante à la table telle qu’elle est communicative
aux tables voisines.
Il faut dire qu’il faudra encore un ou deux jours pour que les rumeurs les
plus folles circulent enfin à Koweït-city.
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