Douzième
chapitre : Préparatifs de guerre.
Avertissement : Vous l’aviez compris,
ceci n’est qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle »,
sortie tout droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages,
des lieux, des actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs
dans la voie lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est
donc purement, totalement et parfaitement fortuite !
« – Soyons sérieux, Monsieur
Dupont. Et alors ? Admettons qu’ils passent la frontière, il n’y a qu’une seule
route : notre aviation sera sur place pour les anéantir, les écraser !
Le chemin vers notre capitale sera leur cimetière. Ça nous laisse tout le temps
nécessaire pour faire appel à nos alliés de la région et les repousser !
Vous ne faites que relayer les oiseaux de mauvais augure qui veulent faire
plier mon gouvernement dans cette bataille diplomatique insensée et paniquer la
population.
– Vous n’y êtes pas, mon général. Il
faut deux à quatre heures à une colonne blindée pour arriver en centre-ville.
Et une à deux de plus pour atteindre l’aéroport et tous les sites pétroliers.
Ce n’est pas votre aviation qui les arrêtera, d’autant qu’elle sera clouée au
sol par la leur…
Vous opposez combien de chars pour une
petite bataille dans le désert, au juste ? »
Ali persiste à en rire…
« Je vais même être plus précis,
mon général : avec tout le respect que je vous dois, ce qui importe à
Saddam, ce n’est pas tant le pays, l’Émir ou la famille royale, mais seulement
deux choses : les champs et raffineries de pétrole et les coffres de la
banque centrale !
On m’a dit qu’il y avait près de 48
milliards de dollars dans ses coffres, alors qu’il manque justement cruellement
de devises… »
Silence… « JW » a les yeux exorbités alors que le général Ali s’est
calmé pour redevenir très sérieux et tire lentement une bouffée de son petit
cigarillo.
« – Vous êtes à la fois bien
renseigné et assez mal. Il n’y a rien dans les coffres de la banque centrale, qui
ne fait que gérer les avoirs de la famille de l’Émir à l’étranger et a un rôle
de banque de compensation. Car tout le reste est parqué sous bonne garde dans
les caves du palais.
En revanche, le montant doit être
exact, mais c’est sans compter les biens de ma famille dans les coffres suisses
et encore ailleurs qui sont au moins cinq à six fois supérieurs, là où ce chien
de Saddam ne pourra jamais aller les voler.
– Eh bien moi, je serai à votre place,
je préparerai un plan d’évacuation d’urgence vers Ryad de ce pactole-là. Car
vous n’avez que trois jours devant vous. »
Il entend bien. C’est peut-être une bonne idée.
« – Comment vous avez déduit
tout ça assis derrière vos computers ?
– Comme vous le savez, la situation
actuelle est le résultat de deux erreurs. La première, c’est la guerre contre
l’Iran que vous avez d’ailleurs favorisée il y a 10 ans de ça.
– Ces chiens de persans !...
- … et la seconde est celle de la
diplomatie américaine. Je vous explique…
– … Ces roumis d’infidèles ? »
C’est de notoriété publique, même en 1990, et Paul ne s’étend pas.
Cette phase historique commence en fait le 22
septembre 1980 : l'Irak de Saddam Hussein attaque l'Iran islamique de
l'imam Khomeiny.
Le dictateur irakien accuse son voisin de diverses
provocations, y compris un attentat contre son ministre des affaires
étrangères, le chrétien Tarek Aziz.
Il revendique aussi quelques îles dans la voie
fluviale du Chatt al-Arab qui débouche sur le golfe Persique.
Et il prétend également porter secours aux minorités
arabophones de la province iranienne du Khouzistan, la langue officielle et
usuelle de l’Iran étant le persan.
Plus sérieusement, les historiens retiendront que Saddam
Hussein veut profiter des luttes entre factions iraniennes pour abattre le
régime de Khomeiny. Il craint une contagion de l'intégrisme chez les musulmans
chiites de son propre pays.
Son agression est alors discrètement approuvée par les
États-Unis et l'Europe qui craignent l'islamisme, par l'URSS qui fait face à
une rébellion islamiste en Afghanistan, ainsi que par les monarchies arabes du
Golfe qui voient les Iraniens, des Persans chiites, comme des ennemis
traditionnels alors que toutes sont sunnites-wahhabites, hors à Bahreïn où, si
la famille régnante Al Khalifa est sunnite, la population est pour les deux
tiers chiite.
Alors même que l’Iran est soutenu à cette époque-là et
en sous-main par Israël, en conflit comme lui avec les Arabes.
Mais la question du nucléaire iranien redeviendra plus
tard et très vite rebattre les cartes.
Comme toujours en pareil cas, la guerre est prévue
pour se régler en dix jours.
Mais en réveillant le nationalisme persan face à
l'ennemi arabe, la guerre ressoude très vite les iraniens autour du
gouvernement de Khomeiny qui fédère alors et de façon inespérée toutes les
communautés.
Le conflit va durer huit ans en faisant plusieurs centaines
de milliers de morts, le chiffre officiel de 1,2 million de morts étant
probablement exagéré...
Un bilan sans commune mesure avec tout autre conflit
du Moyen-Orient, y compris le conflit israélo-palestinien.
Et la tuerie se solde au bout du compte par un retour
au statu quo ante et un net
durcissement de la dictature irakienne.
La République islamique d'Iran, qui s'épuisait dans
les querelles intestines à la veille de la guerre, se renforce à la faveur de
celle-ci, contre l'ennemi héréditaire : les Arabes sunnites.
La présidence américaine de Ronald Reagan est au
passage affectée par le scandale de l'Irangate, une livraison illicite d'armes
à l'Iran, en dépit de l'embargo sur ce pays.
À Bagdad, Saddam Hussein, isolé par le pouvoir absolu
et l'absence d'opposition internationale, dérive vers de dangereuses pratiques.
Le dictateur massacre les chiites du sud irakien, favorables à leurs
coreligionnaires et voisins iraniens. Il met au pas les montagnards kurdes du
nord, qui n'en finissent pas de se battre entre eux ou contre leurs voisins,
menaçant déjà le fragile équilibre du Kurdistan turc.
D’ailleurs, le dimanche 16 mars 1988, le dictateur
Baasiste irakien emploie des gaz de combat contre ses propres citoyens, dans la
ville kurde de Halabja, en violation de toutes les conventions internationales.
Cet acte commis avec les armes chimiques fournies par les industriels
occidentaux suscite pourtant une protestation molle de la part des démocraties.
Dès avant le conflit Irak/Iran, la France se range d’ailleurs
aux côtés de l'Irak. En septembre 1974, le Premier ministre « Rakchi »
rencontre Saddam Hussein, lequel fait figure de despote éclairé et modernise
son pays à marche forcée en usant de colossales recettes pétrolières.
Un accord est même signé le 18 novembre 1975 par
lequel la France apporte à l'Irak son savoir-faire en matière nucléaire. Elle
lui livre dès 1981 quatorze kilogrammes d'uranium 235 obligeant, quelques mois
plus tard, les Israéliens de se faire un devoir de bombarder le réacteur Osirak
avec lequel les Irakiens se préparaient à accéder au statut de puissance
nucléaire !
Dans les années 1980, et sous la présidence de « Thiersmirant »,
elle continue d'alimenter l'Irak en armements lourds, notamment des avions
Super-Étendard utilisés contre un terminal pétrolier iranien.
Ce qui lui vaut d'être meurtrie par une vague
d'attentats auxquels sont associés les services secrets iraniens : c’est
l’épisode de l’assassinat de l'ambassadeur Delamare et de l’explosion de
l'immeuble « Drakkar » à Beyrouth, des attentats de la rue Copernic, du magasin
Tati, de la rue des Rosiers à Paris, en autres et, plus tard, jusqu’aux
attentats de la rue de Rennes et du RER à la station Saint-Michel.
Ce confit est terminé en 1988, mais a laissé les deux
pays en conflit exsangues.
D’ailleurs il faudra attendre le 15 août 1990, après
l’invasion du Koweït, pour signer la paix avec l'Iran, effaçant les huit ans de
guerre et les 500.000 morts irakiens, tout en restituant tous les territoires
gagnés entre 1980 et 1988, et reconnaissant l'accord frontalier de 1975 donnant
à l'Iran le contrôle du Chatt-el-Arab, le débouché des fleuves Tigre et
Euphrate dans le Golfe persique, contre la neutralité de l'Iran dans le conflit
du moment.
Saddam Hussein retire d’ailleurs une dizaine de
divisions stationnées face à l'Iran pour les déployer alors sur le flanc sud
face au Koweït et son débouché à la mer nouvellement conquis.
L'Irak de Saddam Hussein ressort de ce premier conflit
long et coûteux qui l’oppose à son voisin iranien, avec une industrie
pétrolière exsangue et une dette pharaonique (150 % du produit intérieur brut).
L'énorme diminution des exportations de pétrole de ces
deux pays de l'OPEP – Iran et Irak – représente autant de bénéfices pour
l'Arabie saoudite et le Koweït, auprès desquels l'Irak est respectivement
endetté à hauteur respectivement de 45 milliards de dollars et de 15 milliards de dollars américains.
Saddam Hussein exige alors et déjà de ces deux pays
arabes, non seulement l'annulation de ces dettes, mais aussi un don d'une
valeur égale et les menace de représailles armées en cas de désaccord.
D’autant que la reconversion de l'économie de guerre
en économie de marché s’opère lentement en Irak. Le Koweït, dont Bagdad se
voulait déjà souverain en 1958 et qui avait réchappé aux menaces du Général
Kassem qui revendiquait « le territoire
koweïtien comme partie intégrante de l'Irak » juste après la pleine
indépendance déclarée le 19 juin 1961 grâce aux appuis britannique et arabe, suscite
l'ire de Saddam Hussein.
Une diminution du cours du baril de pétrole brut d'un
seul dollar fait perdre 1 milliard de dollars par an à l'Irak.
Or, le Koweït, qui restreint l'accès irakien au Golfe
Persique et a fortiori à la mer,
produit de plus en plus de pétrole et ne respecte même pas ses propres quotas.
L'ultime casus
belli arrive lorsque le Koweït est accusé de forer, en
« oblique », du côté irakien de la frontière entre les deux pays.
Pour synthétiser la chronologie des événements que
connaissent les trois convives sans qu’eux-mêmes n’aient besoin d’y revenir,
les autorités irakiennes, pour justifier l'annexion du Koweït, parlent alors de
sources historiques, géographiques et économiques.
Au temps de l'empire ottoman, le Koweït faisait partie
d'une province, le « vilayet », dont le port de Bassorah était la
capitale, sur un territoire faisant aujourd'hui partie de l'Irak.
En 1899, l'émir Moubharak le Grand avait signé un
traité avec la Grande-Bretagne, faisant du Koweït un protectorat. En 1932,
l'Irak obtient son indépendance, et réclame la rétrocession du Koweït dès 1933.
En 1961, aux premières heures de l'indépendance du
Koweït, l'Irak avait tenté une première fois, sous le général Kassem, de
s'emparer de l'émirat. Mais il en avait été empêché par les troupes
britanniques...
L'Irak n'a qu'une façade de 19 km sur le Golfe et les
îles de Warba et Boubiyan, sur le débouché du Golfe, ont été attribuées au
Koweït, lors de la décolonisation britannique.
En 1938, les Britanniques ont rejeté une demande
irakienne de construire dans la baie du Koweït un port relié par chemin de fer
à l'Irak.
Ce dernier conteste également au Koweït le droit
d'exploiter le champ pétrolifère de Rumaylah, à la frontière irako-koweïtienne.
Comme il vient d’être rappelé, l’Irak subit une grave
crise économique après sa guerre contre l'Iran : Endettement civil et militaire
supérieur au budget de l'État, chômage accéléré où 200.000 soldats ayant combattu
l'Iran sont démobilisés, baisse brutale du débit de l'Euphrate et diminution de
la superficie des terres ensemencées à la suite de la mise en eau du barrage
Attatürk en Turquie, en Anatolie du Sud-Est.
Quant à l’erreur de la diplomatie américaine elle se
met en place en début d’année avec la nouvelle présidence Bush (père) élu en
novembre 1988 pour un mandat qui débute en janvier suivant. Or, le 15 février
1990, John Telly, secrétaire au département d'État explique à Saddam Hussein,
au nom du président américain George Bush que : « Vous êtes une force de modération dans la région et les États-Unis
souhaitent élargir leurs relations avec l'Irak ».
Le 24 février, au sommet du Conseil de Coopération du
Golfe, Saddam Hussein fait part de ses craintes suite à l'effondrement de
l'URSS : le Golfe Persique risque d'être sous contrôle total des USA. Les arabes
doivent donc s'unifier.
Le 3 mai suivant, c’est le ministre irakien des
Affaires étrangères Tarek Aziz qui dénonce, sans les nommer, les responsables
de la surproduction pétrolière au sein de l'OPEP. Il visait le Koweït et les Émirats
Arabes Unis.
Après la Grande-Bretagne où l'affaire a éclaté le 28
mars avec la découverte de détonateurs d'armes nucléaires, puis la Turquie, la
Grèce et l'Italie, c'est maintenant en RFA l'Allemagne de l'Ouest (les 2
Allemagne ne seront unifiées qu'en octobre 1990), le 15 mai, que les douaniers interceptent
une bien mystérieuse cargaison en provenance de Belgique et destinée à l'Irak.
Les autorités des pays européens sont désormais
convaincues que les dizaines de tonnes de pièces en acier saisies sont en fait
les composantes d'un énorme canon. L'opération douanière a d'ailleurs été
baptisée Bertha, du nom du canon allemand qui avait bombardé Paris en 1918.
Malgré ses démentis, il semble que Bagdad ait bel et
bien tissé une vaste intrigue internationale afin de se doter d'un canon d'une
portée de plusieurs centaines de kilomètres, qui lui donnerait la suprématie
militaire au Proche-Orient.
Selon les experts, le fût du canon, d'une longueur de
40 mètres, serait capable de tirer des obus nucléaires, chimiques ou
biologiques.
Les douaniers anglais ont indiqué que les pièces
saisies avaient été usinées selon les plans de Gérald Bull, un expert en
balistique.
Or, ce Canadien a été abattu le 22 mars à Bruxelles...
Et c’est l’escalade. Lors de la fête nationale en Irak,
le 14 juillet 1990, date anniversaire de la révolution irakienne, il y a donc
seulement quelques jours, le président Saddam Hussein adresse à son peuple un
message virulent : l'Irak serait victime d'une vaste conspiration
impérialiste.
Seule sa puissance militaire lui évite pour l’heure de
subir une agression.
Le 17, Saddam Hussein accuse certains pays du Golfe de
provoquer une baisse des prix du pétrole à l'instigation des « cercles impérialistes et sionistes ».
Il annonce alors que « les guerres peuvent être déclarées pour des motifs économiques ».
C'est la première fois que le Raïs évoque la
possibilité d'une intervention militaire : si les discussions entre l'Irak et
le Koweït concernant les modifications de frontières n'aboutissent pas, l'Irak
sera obligé de faire valoir ses droits.
En fait, dès le début du mois de mars, après le refus
koweïtien de lui louer les îles de Warba et Boubiyan, Saddam Hussein avait
demandé à son état-major de préparer des plans d'invasion...
Au lendemain de cet avertissement public lancé par
Saddam Hussein, les leaders koweïtiens se réunissent à Koweït-City aux côtés du
roi Fahd d'Arabie, du roi Hussein de Jordanie et du président du Yémen. Le ton
est ouvertement à l'inquiétude.
En effet, ils n'ignorent pas les préparatifs
militaires en cours sur le sol irakien. Mais l'invasion de l'Émirat leur paraît
impossible.
L'Irak réclame au Koweït 10 milliards de dollars, dont
2,4 milliards en compensation du pétrole « volé » depuis 1980 aux
puits de Rumaylah la zone pétrolifère irakienne jouxtant la frontière
koweïtienne.
L'Irak réclame également l'effacement de ses dettes et
Saddam Hussein considère avoir défendu les intérêts arabes contre
l'expansionnisme iranien.
La question est posée mais aucune réponse n'est
apportée alors que le temps presse.
Cependant, personne, parmi les hauts dirigeants
koweïtiens, ne songe un seul instant de prendre quelque disposition militaire
que ce soit !
Le Conseil national du Koweït rejette le 19, les
accusations de l'Irak et propose la constitution d'une commission arabe pour
régler le problème des frontières.
Une lettre est même envoyée au Secrétaire général de
l'ONU pour l'en informer.
Le samedi 21, Bagdad accuse le Koweït d'avoir refusé
une solution purement arabe et de préparer le terrain à une intervention de
forces étrangères dans le Golfe en faisant appel à l'ONU pour régler son
différend avec l'Irak.
Le ministre saoudien des Affaires étrangères se rend à
Bagdad et à Koweït-City pour désamorcer la crise, tandis que le Secrétaire
général de la Ligue arabe, Chedli Klibi, est reçu par l'émir du Koweït. Mais
ces démarches de bons offices essuient un échec...
Au sommet du 23 juillet, réuni à Alexandrie, le roi
Hussein de Jordanie et le président égyptien Hosni Moubarak, auxquels se joint
le ministre irakien des Affaires étrangères, Tarek Aziz, l'Égypte entame alors de
ce fait une mission de bons offices.
C'est encore un échec...
Le lendemain, l’Irak rejette la proposition
koweïtienne d'une commission arabe pour le règlement du conflit, sous prétexte
que le problème est « bilatéral »,
et masse 30.000 soldats à la frontière. Le président égyptien Hosni Moubarak se
rend en Irak et au Koweït pour essayer d'organiser une réunion quadripartite
avec l'Égypte et l'Arabie Saoudite. C'est toujours un échec...
À la télévision, Moshe Arens, ministre israélien de la
Défense, considère que « Saddam
Hussein n'a rien à craindre tant qu'il ne menace pas la sécurité d'Israël » :
il se lave les mains de ce « proto-conflit » qui ne le concerne pas.
Point clé pour comprendre l’enchaînement qui va
suivre, le 25 juillet 1990, Saddam Hussein rencontre l'ambassadrice américaine
à Bagdad, April Glaspie. Celle-ci, bien au fait de ce qui se prépare, déclare
que : « nous constatons que vous
avez amassé des troupes nombreuses à la frontière », et lui laisse entendre
que « les États-Unis n'ont pas d'opinion
sur les conflits opposant deux pays arabes », considéré comme d’une simple
querelle entre voisins.
« L’erreur
déterminante de la diplomatie américaine », rappelle Paul au général
Ali et à William sans « t ».
C'est alors que le Koweït augmente unilatéralement sa
production de 20 % en rompant la solidarité entre les pays exportateurs de
pétrole. Cette mesure fait chuter les cours, à la grande satisfaction des
consommateurs occidentaux.
Mais l'Irak perd les deux tiers de ses recettes
pétrolières.
Qui plus est, l'émir du Koweït, Jaber al-Sabah, refuse
toujours d'annuler la dette de 15 milliards de dollars contractée par l'Irak
pendant la guerre contre l'Iran !
Le 26 juillet, la CIA reçoit des rapports selon
lesquels deux divisions irakiennes ont quitté leur cantonnement pour faire
mouvement vers l'émirat. Dorénavant, plus de 30.000 soldats irakiens sont
postés sur la frontière. Les photos satellite confirment tous ces mouvements.
Washington prévient des responsables arabes de la
région.
Le Koweït, l'Arabie Saoudite et l'Égypte déclarent que
ce n'est qu'un chantage : Saddam Hussein veut seulement faire pression à l’occasion
des négociations. Les missions de médiation se poursuivent donc à Bagdad, avec
la visite de Yasser Arafat, chef de l'OLP...
Le lendemain 27, à Genève s'ouvre une conférence de
l'OPEP. Sous la pression de l'Irak, le Koweït et l'Arabie Saoudite acceptent
d'augmenter le prix du baril de pétrole de 3 dollars. Celui-ci passe ainsi à 21
dollars, au lieu des 25 dollars espérés par l'Irak.
Le 29 juillet, Yasser Arafat est reçu par l'émir Jaber
du Koweït, qui refuse de parler des 10 milliards de dollars réclamés par l'Irak
pour l'affaire de Rumaylah.
Le lendemain, le roi Hussein de Jordanie effectue une
mission de médiation à Bagdad et au Koweït. C'est encore un échec...
Les ultimes échanges diplomatiques irako-koweïtiens s’organisent
le lendemain à Djeddah. Les Koweïtiens semblent finalement d'accord pour un
prêt de 9 milliards de dollars.
Mais les Irakiens en ont demandé 10 et ils ressentent
cette discussion sur le montant comme une volonté de les humilier.
Le roi Fahd d'Arabie se propose d'offrir le milliard
de dollars qui reste.
L'Irak exige l'ouverture d'entretiens bilatéraux à
Bagdad.
Mais les Irakiens et les Koweïtiens s'accrochent
toujours au sujet de la reconnaissance de leurs frontières.
La rencontre de Djeddah du surlendemain, en Arabie
Saoudite, qui devait permettre de désamorcer une crise apparue au grand jour
depuis deux semaines seulement, se solde par un dernier échec...
Égyptiens et Saoudiens espèrent cependant renouer le
dialogue rapidement. Prudents, ils refusent de prendre parti.
Quelques jours plus tôt, Hosni Moubarak, président d'Égypte,
a rendu visite à Saddam Hussein à Bagdad. Il l'a assuré qu'il n'utiliserait pas
la force tant que les discussions avec le Koweït continueraient.
Et selon certaines sources, l'Iran aurait donné
l'assurance à Bagdad qu'il n'interviendrait pas dans son différend avec le
Koweït...
Le 30 juillet, au moment où « Charlotte »
qui n’est pas encore « Charlotte » débarque dans les locaux de l’AFP
local à Koweït-city, une réunion de médiation est organisée à Djeddah. Elle
échoue également.
Au même titre que les pourparlers entretenus
secrètement avec le palais de l’Élysée s’interrompent.
Paul sait qu’après-demain, mercredi 1er août,
la délégation irakienne quittera Djeddah, le Koweït n'ayant pas fait de
nouvelle proposition mais n’en fait pas mention.
Et la nouvelle se répandra dans Koweït-City comme une
traînée de poudre : les négociations sur le grave contentieux territorial et
financier entre le Koweït et son puissant voisin irakien ont échoué.
Mais on n’en est pas encore là : il y a lieu d’en
rire, semble-t-il.
Pourtant, on avait parlé de « rencontre de la
dernière chance ». De plus, la capitale koweïtienne sera en proie durant
24 heures aux rumeurs les plus folles, et des diplomates occidentaux en poste
dans la ville ont prévenu leurs gouvernements respectifs de la présence de plus
de cent mille soldats irakiens à la frontière nord du Koweït.
Saddam Hussein, le maître de Bagdad, aurait aussi
massé 300 chars et des centaines de pièces d'artillerie lourde dans ce
secteur...
Et ce matin-là, le journal gouvernemental irakien
Al-Joumhouria indiquera que le contentieux entre les deux pays est loin d'être
un simple « petit nuage d'été »
qui finira par se dissiper...
Conclusion logique : le dictateur irakien croit
comprendre que la diplomatie américaine approuve finalement sa décision, poussé
par l’intransigeance koweïtienne, et que les États-Unis n'interviendront pas
dans le conflit qu’il prépare. Dans le même temps, le Département d'État
américain, le ministère des affaires étrangères, rappelle opportunément qu'aucun
accord de défense ne lie les États-Unis au Koweït !
Le piège se referme : les Occidentaux craignent finalement
que l'appropriation par l'Irak des ressources pétrolières du Koweït ne
déséquilibre le marché du pétrole. Plus sérieusement, il semble que les
dirigeants américains aient choisi de tirer parti de Saddam Hussein et de ses
foucades pour installer une base militaire au milieu des champs pétrolifères du
Golfe Persique.
L'implosion de l'URSS, au même moment, leur laisse les
mains libres.
« Je suis
au courant pour l’ambassadrice américaine à Bagdad. Il ne peut pas en aller
autrement puisque les roumis américains ne sont liés par aucun accord de
défense : et nous ne verrons jamais de troupes de « croisés » en
Terre sainte ! Pas question… » s’emporte le général Ali.
Comme quoi, la cécité situationniste reste une maladie
contagieuse et incurable chez tous les sujets « politiques », même
les plus brillants et les plus « ouverts ».
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