Cour de
cassation, première chambre civile, n° 14-23110
C’est l’histoire
d’un petit malin qui se fait finalement gruger à l’occasion d’une
reconnaissance de dette qu’il ne voulait pas honorer pour un motif de forme.
Tu parles, la
Cour de Cass’ y a remis bon ordre, où quand les juges de Cassation donnent une
leçon de droit de la portée de la loi nouvelle aux juges du fond, que même ça coûte
3.000 euros de plus au prétentieux :
REPUBLIQUE
FRANCAISE
AU NOM
DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE
CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon
l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont assigné M. Y... en paiement de la somme
de 114.000 euros au titre de trois reconnaissances de dette, en date des 2
avril, 2 juin et 2 juillet 2009 ;
Sur le
troisième moyen :
Attendu que M.
et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement au titre
de la reconnaissance de dette du 2 juillet 2009 et leur demande de
dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il
résulte de l'article 1326 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi
2000-230 du 13 mars 2000 « Adaptation du droit de la preuve aux technologies de
l'information et signature électronique », que la mention de la somme ou de la
quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui
s'engage, n'est plus nécessairement manuscrite ; qu'il suffit qu'elle résulte,
selon la nature du support, d'un des procédés d'identification conforme aux
règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé
permettant de s'assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention ;
qu'en considérant qu'à défaut de mention manuscrite de la somme en lettres et
en chiffres sur l'acte du 2 juillet 2009, qui est dactylographié, ce document
serait non-conforme aux exigences de l'article 1326 du code civil et ne
constituerait qu'un commencement de preuve par écrit qu'il y aurait lieu de
compléter par des éléments extrinsèques de preuve, la cour d'appel a violé
l'article 1326 du code civil ;
2°/ que si la
reconnaissance de dette du 2 juillet 2009 stipule que la société Yoni Marques a
reconnu avoir reçu la somme de 54.000 euros de la part de M. et Mme X..., il en
résulte cependant de façon claire et précise que c'est M. Michaël Y..., et non
ce dernier en qualité de dirigeant de la société Yoni Marques, qui s'est obligé
de rendre cette somme à M. et Mme X... ; qu'en énonçant que ce document
comporterait un engagement de la société Yoni Marques et que M. Y... y
apparaîtrait, en ce qui concerne l'engagement de payer, en qualité de représentant
de la société, la cour d'appel a dénaturé cet acte et violé l'article 1134 du
code civil ;
3°/ que la
convention n'en est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée
; que dès lors, l'absence de stipulation par l'acte du 2 juillet 2009 de la
cause de l'engagement de M. Y... de payer la somme de 54.000 euros est
indifférente à la validité et à l'existence de cet engagement ; qu'en se
fondant pour dispenser M. Y... de l'exécution de son engagement, sur la
circonstance qu'il n'apparaît pas à l'acte du 2 juillet 2009 en tant que
caution, la cour d'appel a violé l'article 1132 du code civil ;
Mais attendu
que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que les
juges du fond ont estimé que M. Y... n'était pas personnellement engagé
puisqu'il apparaissait, dans la reconnaissance de dette du 2 juillet 2009, en
qualité de représentant de la société Yoni Marques et que l'acte ne portait pas
de mention expresse de son engagement personnel ou en qualité de caution ; que le
moyen, qui critique des motifs surabondants en sa première branche, n'est pas
fondé pour le surplus ;
Mais sur le
premier moyen :
Vu l'article
1326 du code civil ;
Attendu qu'il
résulte de ce texte, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-230 du 13 mars
2000 « Adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et
signature électronique », que si la mention de la somme ou de la quantité en
toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s'engage, n'est
plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du
support, d'un des procédés d'identification conforme aux règles qui gouvernent
la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s'assurer que
le signataire est le scripteur de ladite mention ;
Attendu que,
pour rejeter la demande fondée sur les reconnaissances de dette des 2 avril et
2 juin 2009, que M. Y... ne contestait pas avoir signées, l'arrêt retient que
ces deux documents ne comportent pas la mention manuscrite de la somme due en
lettres et en chiffres, mais uniquement la signature de M. Y..., et que, leur
non-conformité aux dispositions de l'article 1326 du code civil étant avérée,
ils ne peuvent constituer qu'un commencement de preuve par écrit ;
Qu'en statuant
ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET
ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de M. et Mme
X... au titre des reconnaissances de dette des 2 avril et 2 juin 2009, l'arrêt
rendu le 9 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet,
en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se
trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
cour d'appel de Versailles ;
Condamne M.
Y... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. et Mme X... la
somme globale de 3.000 euros ;
Dit que sur
les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt
sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt
partiellement cassé ;
Ainsi fait et
jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le
président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quinze.
Mme
Batut (président), président
SCP
Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
Par
conséquent, la mention de la somme figurant dans une reconnaissance de dette
doit être écrite par le débiteur en lettres et en chiffres, mais pas
nécessairement à la main.
Jusque-là, l’acte
par lequel une personne s’engage envers une autre à lui payer une somme
d’argent doit être signé par celle-ci et doit comporter la mention, écrite par
elle-même, de la somme due en toutes lettres et en chiffres.
Dans cette
affaire, le signataire de deux reconnaissances de dette avait invoqué cette
disposition légale (article 1326 du Code civil) pour tenter de se soustraire au
remboursement des sommes que lui réclamait le créancier. En effet, il faisait
valoir que ces documents, que d’ailleurs il ne contestait pas avoir signés (le
fat), comportaient la mention dactylographiée, et non écrite de sa main, de la
somme due.
Les juges, en application de la loi,
n’ont pas été sensibles à cet argument-là. Car la mention de la somme en toutes
lettres et en chiffres, écrite par la personne qui s’engage, n’a plus à être
nécessairement manuscrite depuis une loi du 13 mars 2000.
Elle peut donc
fort bien être dactylographiée.
Notez qu’en ce
qui me concerne, élève de l'ancienne ékole de droit, je fais toujours signer un acte par la mention manuscrite « Lu et approuvé, Bon pour… » pouvoir, reconnaissance de dette, reçu, etc.
Et le tout est
dactylographié sous Word (ou autre) et repris « à la main » sous la
rubrique « Mention manuscrite obligatoire », en bas de document après
avoir fait parapher toutes les pages du document.
Lui-même signé
en deux exemplaires minimum, en fait en autant d’exemplaires qu’il y a de
parties, plus deux quand la formalité de publicité est requise.
De plus, comme
je suis un méfiant par nature, ma propre signature n’est jamais la même d’un
document à un autre (je ne le fais pas exprès : Je suis né « dyslexique-contrarié »)
: Ça évite de se faire pirater sa signature par un vulgaire copier/coller
depuis un scanner.
Une fois, j’ai
pu coincer de la sorte une municipalité malveillante (plus de 100.000 habitants
quand même), parce que je reconnais au premier coup d’œil une copie ou un
original de ma signature, qui s’autorisait à produire des faux fabriqués de la
sorte pour appuyer ses prétentions à mon encontre…
Une « affaire »
qui n’a vraiment pas plu du tout, dois-je vous rajouter !
J’attends d’ailleurs
toujours le délibéré qu’à mon avis je n’aurai jamais, parce qu’un faux en
écriture publique, c’est un délit particulièrement grave : Des prétentions
enterrées bien profond dans les archives…
Et de vous
conseiller promptement d’en faire autant dès que possible : On n'est jamais trop prudent.
Bien à vous !
I3
Brillante démonstration de la part de la Cour de Cassation ... Je n'aimerais pas être à la place du Président de Chambre de la Cour d'Appel qui a statué et qui s'est fait démolir sur pas moins de TROIS articles explicitement rédigés du Code Civil!
RépondreSupprimerQuant à votre affaire, n'y a-t-il aucun moyen de forcer la juridiction pénale à se saisir de l'affaire de "faux en écriture publique" afin de parvenir à faire mettre en prison FERME celui ou celle (agent public ou élu) qui s'est risqué à produire des documents falsifiés dans le but d'obtenir un avantage (non remboursement d'une dette) illégitime ...? Vous feriez oeuvre très utile si vous entrepreniez une telle démarche!
Pour l'arrêt, on aurait pu faire différemment pour une résultat identique : Il arrive souvent que la cour dise, oui c'est comme ça, vous avez parfaitement raison, mais bon voilà, aujourd'hui, en plus, on va dire l'inverse, parce que la virgule là est mal placée.
SupprimerVoire inversement : Vous avez parfaitement raison là, là et là, bon d'accord la virgule n'est pas à sa place à tel endroit, mais je ne casse pas pour autant...
En bref, ça fait progresser le droit dans tous les cas : La preuve !
Quant à mon affaire, vous savez sans doute mon conseiller spécial, que quand on dépose une plainte, il faut se constituer partie-civile, sans ça elle est classée.
Bon en l'occurrence, de ma part c'est une plainte en réplique. Mais j'ai quand même dû verser un "caution", comme dans toute plainte pour éviter à la fois d'encombrer les tribunaux avec des procédure fantaisistes, le classement vertical et une éventuelle instruction à charge à mon encontre.
L'instruction est donc close depuis 2 ans après avoir traîné presque 5 ans et le procureur n'a toujours pas rendu de décision (de poursuite dans un sens ou dans l'autre) mais ma caution a été remboursée par le greffe...
SI la situation persiste, le parquet tient donc "mon élu" par la gorge jusqu'à la prochaine élection municipale pour l'exécuter ou non...
Très drôle finalement !
Bon, je ne me fais pas d'illusion non plus : Comme tous ces meks-là sont francs-maçons, et pas moi, ils arriveront bien à trouver un terrain d'entente, pour le plus grand bien des "humanistes qu'ils sont, au service de "la veuve et de l'orphelin"
Mais probablement pas à mon corps défendant, notamment si je leur promet implicitement "d'être sage".
Ce qui est en train de se réaliser, puisque j'attends sans rien dire une décision de classement...
Parce que finalement, le faux j'en ai rien à battre(sauf quant au principe, mais je n'en suis pas le juge du fond) : Le maire cherchait seulement à m'escroquer, ce qu'il n'a pas pu réaliser : J'ai pu me débrouiller autrement, sans lui.
Bien à vous !
I-Cube
Merci pour ces explications complémentaires tout autant instructives que les précédentes.
RépondreSupprimerDe rien !
SupprimerSi au moins ça fait avancer la connaissance générale, ce n'est pas inutile !
Bien à vous !
I-Cube