Chapitre quatrième
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est
qu’un roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout
droit de l’imaginaire de son auteur.
Toute
ressemblance avec des personnages, des lieux, des actions, des situations ayant
existé ou existant par ailleurs dans la voie lactée (et autres galaxies), y
compris sur la planète Terre, y est donc purement, totalement et parfaitement
fortuite !
Pas plus tard que la fin juin, Gustave (Morthe de
l’Argentière) entend une nouvelle fois parler de « Pamentir » la
boîte américaine de la CIA.
Confirmation par ricochet : ce ne sont pas eux
qui détiennent Paul dans un endroit secret puisqu’il s’agit de pousser à la
vente de la CISA privée de son patron en se passant de lui.
L’offre a été faite à Anjo (Pisuerga) par
l’intermédiaire d’un de ses contacts du monde de la finance qu’il côtoie.
Anjo gère les fonds détenus pour le compte de la
République des « queues » de ceux récupérés dans le temps par Paul,
un peu malgré lui : Jean-Charles Huisne, l’actuel « contrôleur de
gestion » des activités du « siège » et de ses filiales
hébergées, avait participé à l’essentiel en qualité de contrôleur général des
impôts fin 2009. Une cheville ouvrière qui s’était ensuite mise en disponibilité
des « services » pour pointer mensuellement dans ce job taillé sur
mesure pour l’accueillir auprès de Paul.
Le rôle d’Anjo – un ex-banquier portugais d’un
établissement qui a fait faillite entre-temps – consiste à se porter
souscripteur aux émissions d’Obligations du Trésor public. Les programmes sont
établis en fin d’année N – 1 et les banques, trois banques, sont censées
« placer » ses emprunts auprès d’institutionnels internationaux. Il
s’agit d’enchères en « bureaux-feutrés ». L’agence « France-Trésor »
commence avec des taux proches du zéro. Les souscripteurs sont censés se
bousculer. Puis les taux proposés sont incrémentés au fil des souscriptions
fermes. Le rôle d’Anjo, fondé de pouvoir d’un trust dont Paul est aussi le seul
gérant sous un faux-nom de son invention, est de se porter acquéreur dans la
fourchette basse de ce qui est prévu et parfois de ramasser le solde qui n’a
pas encore été souscrit en fin d’enchères.
Ça pousse les opérateurs à accepter des taux réduits,
sachant que eux ont des disponibilités immédiates qui ne rapportent rien, que
les émissions allemandes se font à taux négatifs – une hérésie – que celles des
Suisses et des britanniques se font rares alors même que les émissions privées
aux USA ou en Angleterre le sont encore plus.
Quand on travaille en euro, ça reste donc une
difficulté qui pousse à réduire les taux sur les émissions à court-terme de
« bonne qualité », pas comme les émissions des Trésors espagnols,
italiens ou portugais de pâle réputation. Les grecs n’émettant plus rien et
tout le monde de s’en défaire au mieux : question de ratio Bale III. Moins
sur des maturités de moyen terme, très aléatoire sur le long et très
long-terme. Quand il y en a…
Ce qui explique que le pays peut emprunter à des taux
historiquement bas, pas comme les italiens, par exemple, qui possèdent pourtant
les mêmes « fondamentaux » que l’économie française et les mêmes
notes de solvabilité.
C’est autant de gagné pour le fisc et les citoyens.
Mais le job d’Anjo consiste ensuite à se défaire sur
les marchés des titres qu’on a bien voulu lui octroyer, moyennant une perte,
parfois très limitée. Et ce afin de retrouver le cash nécessaire pour
l’émission suivante.
Et entre-temps, il « spécule » dans le
sillage des algorithmes, des robots, dès qu’il détecte des mouvements
« hors-sol » sur des cours.
Un jour, il a expliqué à Gustave qu’il avait un
logiciel pour l’aider. Une courbe de cours en « M » ou en « W »
lui permettait de prendre des « positions à découvert ». Il vend au
haut de la deuxième branche du « M » (qui n’est encore qu’un « N »)
et se couvre au comptant ensuite pour faire l’échéance. Idem sur un
« W » (qui est également un « N » mais renversé dans sa
première partie). Il achète à découvert au bas de la seconde branche et revend
comptant ensuite.
Gustave ne comprend pas trop ces grands mystères de la
finance…
« Et ça
marche tout le temps ? »
Non, bien sûr « mais je me couvre avec des dérivés » a-t-il expliqué le même
jour.
Une façon de « plumer » le chaland qui n’est
pas « dans les clous » à condition de ne pas en faire trop et de
surveiller les inversions de tendance et les « résistances » :
un métier de « pro ».
« Et c’est
légal ? »
Bien sûr : « Rien de plus légal du moment que vous trouvez la contrepartie sur le
marché. »
Dingue, mais si ça rend service au pays…
Il ne fait pas que ça. Il est aussi gérant-fondé de
pouvoir des actifs de la « fondation patrimoniale – Charlotte &
Cie » où Paul aura cantonné l’essentiel de ses avoirs. « Mais il n’y a pas grand-chose à faire à part
ne pas encaisser les loyers en retard. Je me contente de faire des relances
pour protéger les droits du fondateur » précisera-t-il.
Quel micmac !
« Ils
proposent 200 millions de dollars ! »
Mazette !
Avec ses 20 %, ça lui ferait 40 millions d’euros tout
de suite dans le portefeuille… De quoi se la couler vraiment très douce le
reste de sa vie en compagnie de « l’Amirale-Caroline », son épouse
qui en serait ravie.
« Ah non.
Vous n’avez plus les 20 % d’origine… »
Comment ça ? Il n’a pourtant rien revendu…
« Mais
enfin, Monsieur Morthe-de-l’Argentière, ça sert à quoi de faire des
convocations d’assemblée générale si vous ne les lisez pas les décisions à
prendre ? »
Eh, qu’il s’explique, là !
« Monsieur
de Bréveuil a sollicité en mai dernier les associés de la CISA pour capitaliser
une partie, une partie seulement de ces comptes courants. Ses avances qui ne
seront probablement jamais remboursées. Enfin, le pensait-on à ce moment-là. Il
aurait même pu réduire votre participation et celle de Monsieur Maartje à moins
de 1 %. Vous n’avez pas mis autant d’argent pour faire les échéances, que je
sache. »
Alors il a combien ?
« 5 %. »
Bé ça fait quand même… 10 millions tout rond, donc
encore assez pour se la couler douce jusqu’à la fin des temps.
De toute façon, ça ne change rien : ce n’est pas
à vendre.
« Parlez-en
à l’autre associé, au moins. »
Pas la peine, Huyck fume tellement d’herbe qu’il est
toujours en manque d’argent…
« Je vous
rappelle que je suis le fondé de pouvoir de Monsieur de Bréveuil… »
sous-entendu qu’il représente 90 % du deal à lui tout seul.
« Si vous
voulez vous faire descendre au retour de Paul, surtout n’hésitez pas,
jeune-homme ! »
Ambiance…
C’est revenu au début du mois de juillet.
Un-demi-milliard !
« Mais vous
plaisantez ! Premièrement, ce n’est toujours pas à vendre. Deuxièmement il
ne va rien rester après le passage du fisc et de la CSG qui vont en pomper au
moins la moitié. Troisièmement, avec 2 milliards de fiches individuelles et
plus de 10 milliards d’entrées, la base de données vaut au moins le double… »
Et ce n’est pas fini : le matériel et le logiciel
sont dimensionnés pour traiter à terme toute la population mondiale, soit 8 milliards
de personnes prévisionnels et 10 fois plus « d’entrées ».
C’est en cours de développement.
« Enfin,
chez nous on ne compte pas en dollar mais en euro ! »
Un blanc…
Puis : « Mais
c’est légal de ficher tout le monde ? » esquive son vis-à-vis.
Bien sûr ! Il suffit de faire déclaration de
l’existence du seul fichier nominatif à la CNIL ce qui a déjà été fait il y a déjà
bien longtemps.
Les autres, ceux des objets connectés et autres
sources ne sont pas nominatifs : il n’y a même pas besoin d’en faire
déclaration d’existence…
Et au logiciel de faire des rapprochements et de
repérer les « anomalies ». Qu’il classe en termes de « suspicion »,
blanc-bleu-rose, les deux derniers émettant des signaux « cryptés » ou
naviguant sur des sites cryptés. Mais autant les « bleus » sont des
émetteurs identifiés comme « autorisés », autant les
« roses » deviennent suspects. Simple.
Il y a d’autres couleurs dans les degrés de menaces
potentielles : le « rose » est aussi un fiché S et il est
« purple » quand il n’est pas identifié. Il devient
« vert » fluo quand il se connecte et « orange » quand une
série de « verts » forme un groupe récurrent.
L’ensemble du groupe passe alors à « l’orange »
quand ledit groupe se dissout et reste inactif. Si ça dure trop longtemps –
deux à trois jours sans nouvelle connexion – ce réseau-là devient depuis peu « rouge »
signalant la probabilité d’une « action » concertée imminente.
Et le logiciel va même plus loin, puisqu’il fait des
« relations » entre « comportements suspects » de
signatures électroniques entre-elles et peut à la fois déclencher des alertes
et « cerner » des personnes ou des lieux particuliers. Le tout sans
qu’on ait besoin d’intercepter les contenus…
D’ailleurs, depuis quelques jours, les alertes
« orange » se succèdent dans le sud du pays : il se prépare
peut-être quelle que chose en région PACA.
« Si ça
dure, je vais devoir en faire un signalement au ministère… »
Intéressant en aura jugé le contrôleur-général Scorff
quand il lui avait expliqué le fonctionnement général du bidule qui requiert
toutefois un « interprétant », rôle auquel s’essaye
Nathalie-la-rouquine, la fille naturelle de l’amiral qui œuvre dans les locaux
de la CISA sous l’autorité de son père retrouvé et de Paul, absent pour le
moment.
Justement, lors d’une visite d’Huyck au
Kremlin-Bicêtre, qui démêle les travaux sur les « Z » avec Dimitri et
Nathalie, Gustave, mis sous tension cède à la pression et lance une alerte
« orange », sud de la France, tendance « orange-sanguine ».
Même s’il y a des connections entre l’Est du pays
et la Normandie qui se liaient à la menace potentielle également « orange-sanguine »,
une incohérence apparente qui le fait hésiter.
Et c’est à ce moment-là que débarque Anjo avec une
proposition à un milliard de dollars, net !
« Là
franchement, vous ne pouvez pas refuser ! » lâche-t-il tellement
excité à l’idée de gérer un milliard de plus…
« Niet !!
On ne pourra plus travailler… »
Ce n’est pas l’avis de tous les autres. Même Nathalie
qui s’imagine déjà toucher une prime substantielle « d’inactivité ».
Elle ne sait pas qu’elle est nu-propriétaire des parts de son père.
Et Paul qui ne donne toujours aucun signe de vie…
« Net, ça
veut dire sans impôts ni aucun prélèvement ? »
C’est ce qu’il vient de dire.
« Mais
comment en êtes-vous arriver à ça ? Ce n’est pas possible ! »
la ramène Jean-Charles, ex-contrôleur général des impôts…
« Ils
veulent le logiciel et la base de données à jour du jour d’aujourd’hui et le
ministre n’a rien à leur refuser. »
Magouille et compagnie : celui-là, tout le monde
en dit qu’il va démissionner pour se lancer dans la campagne présidentielle de
l’année prochaine.
« Justement,
ça coûte bonbon une campagne… »
Mais il paraît qu’il est déjà archimillionnaire depuis
son passage chez les banquiers d’affaires.
« …Et Trempe
est milliardaire sans pourtant être sûr de se faire élire. Il n’a d’ailleurs
probablement aucune chance… »
Quand on est ministre, une signature suffit.
Par acquis de conscience, Gustave veut prendre l’avis
de Scorff qu’il met au courant de l’alerte « orange » (sanguine) qui
vient d’être lâchée dans la nature.
« Encore
une facétie de vos ordinateurs. Le sud du pays vous dites ? »
Oui.
« Il est
prévu pour la fin de semaine un déplacement privé du Président Landau dans une
ville du sud… »
Gustave coupe court : il ne s’occupe plus de la
protection du « pingouin » depuis ses déconvenues autour du tueur des
Champs-Élysées, même s’il a participé à l’opération de récupération du
« Nivelle 001 », en qualité de co-pilote de Paul de Bréveuil, qui
devait servir à un attentat le 14 juillet 2014 et transformer la tribune
officielle de la place de la Concorde en un gigantesque barbecue des convives
invités à en être les dindons de la farce du moment [1].
Ce n’est pas le problème : est-ce qu’il lâche
l’affaire et le logiciel pour cette montagne d’argent ? Parce que même
pour sa pomme personnelle, avec ses cinq petits pourcents ça représente quand
même une invraisemblable fortune : 50 millions de dollars, ce n’est pas
rien !
C’est mieux que le loto dans l’ordre…
« Vous
comptez en dollar, à votre âge ? Plus en ancien franc et pas encore en
euro ? »
En voilà une bonne idée qui se voulait
« rigolote »…
Gustave n’en dort pas de la nuit et évite d’en parler au
téléphone à son épouse Caroline restée dans le Gers.
La décision tombe le lendemain matin au téléphone avec
Anjo : « En euro et net de chez
net. Et accompagné d’une licence d’exploitation pour les seules activités CISA,
exclusivement. »
Pas sûr que ça fonctionne : ils veulent
manifestement « tuer » le logiciel.
Gustave n’en entendra plus parler pendant une
quinzaine de jours. C’est qu’entre-temps, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un
Tunisien domicilié à Nice, conduit un poids lourd sur la Promenade des anglais
sur près de deux kilomètres, prenant pour cible une foule de civils, à l’issue
du feu d’artifice donné pour la fête nationale. L’attaque cause la mort de 86
personnes et fait 458 blessés. L’attentat est revendiqué le surlendemain par l’organisation
terroriste État islamique dite « Daech ».
Le feu d’artifice se déroule de 22 h à 22 h 20 et
réunit près de 30.000 personnes.
Vers 22 h 30, le poids-lourd blanc de 19 tonnes (un
camion Renault Midlum de livraison) provenant du quartier Magnan débouche sur
la partie laissée libre à la circulation de la Promenade des Anglais, au niveau
de l’hôpital Lenval.
Le chauffeur, filmé par des caméras de surveillance,
est venu chercher son camion en vélo, avant de ranger ce dernier à l’arrière du
véhicule. Il s’engage sur la Promenade des Anglais, feux de circulation
éteints, à 22 h 32. Sur 400 mètres, il prend de la vitesse roulant à près de 90
km/h, afin de forcer, au niveau de l’intersection du boulevard Gambetta, le
barrage policier constitué d’une voiture de police, de barrières de foule et de
séparateurs de voies qui délimite la partie de la promenade traditionnellement
dévolue aux piétons le jour de la fête nationale, en montant sur le trottoir.
Une fois franchi ce barrage, le camion est filmé
effectuant plusieurs embardées de droite à gauche en percutant la foule massée
sur le trottoir sud, côté mer et les trois voies de la chaussée sud de la
promenade. Il essaie de rester le plus possible sur le trottoir afin d’y causer
le maximum de victimes avant d’être confronté à des obstacles, un auvent de bus
et une pergola tour à tour pulvérisés, puis de revenir sur la chaussée.
La course du véhicule est ralentie devant l’hôtel
Negresco : un homme en scooter lâche son deux-roues et s’accroche sur le marchepied
du camion pour tenter, en vain, d’entrer dans la cabine du chauffeur.
Le conducteur du camion tire à plusieurs reprises avec
un pistolet de calibre 7,65 mm sur des agents de la Police nationale qui
ripostent avec des Sig-Sauer 9 millimètres, le pourchassent et tentent de le
neutraliser. Le camion fait encore 300 mètres pour s’arrêter à 22 h 50 face au
palais de la Méditerranée, les pneus crevés et le pare-brise criblé de balles,
où deux policiers de la BST abattent le conducteur.
Mais ces derniers ne sont pas rassurés, redoutant une
explosion soudaine.
(1) Cf « Mains invisibles », chapitre
XXXIV.1 (et suivants), (http://flibustier20260.blogspot.fr/2014/09/chapitre-xxxiv1.html)
publiés aux éditions I3
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