Affaires
britanniques
Avertissement : Vous l’aviez compris, ceci n’est qu’un
roman, une fiction, une « pure construction intellectuelle », sortie tout droit
de l’imaginaire de son auteur.
Toute ressemblance avec des personnages, des lieux, des
actions, des situations ayant existé ou existant par ailleurs dans la voie
lactée (et autres galaxies), y compris sur la planète Terre, y est donc
purement, totalement et parfaitement fortuite !
Le lendemain, Paul file faire une escale à Paris-Vème et part
pour Londres à l’appel de Lady Joan avec un passage obligé dans le cockpit.
Miss est chargée de mission pour la liquidation de la succession de Lord
McShiant.
Une occasion pour prolonger leur week-end raté au large de Saint-Florent ?
« J’ai plusieurs points à régler
avec toi, » commence-t-elle d’emblée dans son bureau de Londres, l’air,
sinon menaçante, pour le moins très « psycho-rigidifiée-préoccupée », en tenue
stricte mais follement sexy aux yeux de Paul.
« Je vais me marier ! »
Boum. Et avec qui ?
« Avec celui qui veut bien donner un
nom et une éducation de mon enfant. Si je te le dis, c’est qu’il se trouve que
je suis enceinte. Enceinte de toi. »
Pas possible !
« Si ! »
Comment a-t-elle pu faire une chose pareille. Il a pourtant pris bien des
précautions !
« Comment tu as pu faire ça ? »
Par les voies naturelles !
Excellent … « Non mais je veux dire,
sans m’en parler… avant ! »
Elle lui rappelle qu’elle avait déjà évoqué le sujet avant son départ avec
Shirley. Ce qui est vrai.
Et qu’elle voulait en décider ensemble à Saint-Florent, mais ils n’en ont
pas eu le temps…
C’est vrai que ce jour-là, on lui volait son hydravion, il se faisait
virer de la fondation de Fox, on le jetait comme un malpropre de la MAPEA, il
se retrouvait à la rue, sans sa moto et sans salaire, on lui a incendié les
locaux de CAP-Investigation, et on lui a coulé la péniche de Mylène : Une belle
série !
Pendant qu’elle filait en urgence à Glasgow pour enterrer McShiant…
On fait quoi maintenant ?
« Je ne te demande pas de m’épouser,
je t’en sais incapable. Cet enfant, je le veux, j’y tiens, je l’aime déjà, il
est à moi. Or, dans mon milieu, une mère-célibataire, c’est une ruine ! Soit on
se marie tous les deux et nous savons toi et moi que c’est pour divorcer
rapidement, ce que je ne veux pas non plus, soit je me marie avec un ami de feu
mon premier mari.
C’est toi qui décide. »
La laisser se marier avec un vieux con pas de son âge une fois de plus ?
Pas question.
Se laisser passer la bague au doigt et devoir déménager chez les rosbifs,
inimaginable !
« Tu ne te rends pas compte que
c’est complétement délirant ce que tu me proposes : J’ai des cinglés à mes
trousses, on veut me faire faire des choses pas possible où je vais encore
risquer ma peau. Si en plus je me trimbale avec une moitié, adorable certes, et
un marmot, mais je les mets en danger de vie ou de mort dans l’heure ! Tu es
complétement fêlée, Joan ! »
Bref, un « levier » que n’importe quelle puissance malfaisante pourrait
actionner n’importe quand pour l’obliger à faire n’importe quoi y compris des
choses qu’il réprouve : On y arrive assez bien comme ça sans ce fardeau
supplémentaire à gérer !
Elle confirme sa décision : « Ok !
J’entends bien et m’attendais un peu à ta réaction ! Je ne te vois pas en mari
aimant protégeant sa famille alors que tu n’arrêtes pas toi-même de te mettre
en danger, bien malgré toi je veux bien te le concéder, mais à tout moment.
»
Elle mariera Lord Martin-Aldous Loxbeare…
« Très bien, ça, que ton fils
devienne pair d’Angleterre, un jour ! »
Et si c’est une fille ?
« Ne t’en fais pas, si tu es capable
de garder le silence à jamais, Martin est parfaitement d’accord. Il est
suffisamment ruiné pour ne plus arriver à maintenir son train de vie dans sa
propriété du Devon et il ne fera aucun reproche à qui que ce soit si je passe
quelques moments d’intimité avec toi, pour te présenter ton gosse ! »
Incroyable, là : Paul en reste bouche bée !
Un mari, tout ce qu’il y a de plus fréquentable, tout en gardant son amant
dans la chambre d’à-côté…
Déchaînée du ciboulot !
Et elle enchaîne.
« Mon cher capitaine de frégate,
pour acheter ton silence, j’aimerai que tu acceptes la mission confidentielle
de superviser les affaires de succession de lord McShiant dont ma cabinet est
chargé. Je te détache un clerc. Fais gaffe à tes fesses, il est gay. Je veux
bien porter les cornes, mais seulement à cause d’une autre femme, pas à cause
d’un homme. »
Qu’est-ce qu’elle va chercher !
Encore un « truc » alambiqué, se dit Paul médusé.
« Voilà, les honoraires, c’est 5 %
des commissions de liquidations calculées sur l’ensemble des avoirs réalisés.
Tu sais que je suis actionnaire, à titre particulier, mais aussi pour quelques
clients de mes amis, des affaires de ma copine Lady Catherin. Alors tu me liquides
mes avoirs au mieux et tu règles la succession au meilleur des intérêts des
héritières.
Attention, McShiant a modifié son
testament avant d’avoir fait son entrée à l’hôpital et tu es désigné comme son
exécutaire-testamentaire. Il t’a d’ailleurs légué son laboratoire et tout ce
qu’il y a dedans en récompense des bons soins que tu y apporteras. Démerde-toi
et commence par me signer un mandat d’exécution, s’il te plaît ! »
Et s’il refuse ?
« Ce serait dommage ! » Ils ne
se reverraient plus jamais et il ne deviendrait pas son témoin de mariage ni
même le « veilleur [1] » de son gamin…
Diabolique.
« Tu me fais chier, la fille ! Tu es
une diabolique, dans ton genre. Je veux d’abord voir ledit testament. Pas envie
de m’emmerder pour des prunes, même pas pour tes beaux yeux ou tes orgasmes
somptueux et phénoménaux : Tu le sais bien ! »
Il est attendu à Glasgow.
Et hop, un nouveau plan de vol sur une ligne low-cost, sans le clerc, sans
même un petit câlin et sans la coupe de champagne du commandant de bord.
Pas croyable, enceinte et même pas la reconnaissance du ventre : Une «
intraitable » en affaire avait prévenu en son temps le directeur Almont [2] !
Heureusement, les deux ladies écossaises, Catherin et Margaret sont
nettement plus accueillantes.
Même si le dîner n’est pas vraiment gai, en présence de l’équivalent du
notaire local, dans une sombre atmosphère de deuil…
Paul se fait confirmer le mandat post-mortem de Lord McShiant, le
grand-père.
« Je pense qu’il a été heureux de
vous montrer ses machines et de vous voir à l’œuvre à Montréal. Hélas, il a
aussi compris d’où venait son rein. Ce qui l’a tué. À vous de poursuivre son
œuvre ! » fait le notaire local sur le ton morbide des croque-morts.
« Il est là pour régler les formalités
et rédiger les actes. Mais Joan m’a dit qu’elle mettrait à ta disposition un de
ses clercs assez au courant de ce type d’opérations successorales » précise
Lady Catherin.
Et il dit quoi, le testament ?
Globalement que le château restait dans la famille ainsi que tous les
meubles, sauf la partie des équipements de son laboratoire.
« Tu seras gentil d’évacuer tout ce
fatras avant qu’il ne me vienne l’idée de tout jeter à la mer ! » fait Lady
Catherin à Paul entre la poire et le fromage…
Et il va mettre tout ça où, lui ?
« Je t’arrête : Ce sont des
équipements qui appartiennent à l’Angleterre. Alors si tu veux les évacuer, tu
me loues un hangar surveillé et tu y colles tout ça. Je ne sors rien du pays
sans l’accord des services de ta majesté ! »
Non pas à l’Angleterre et ses rois ! Ils sont à l’Écosse et son
gouvernement local.
Il en sera fait ainsi, aux frais de Paul.
Et pour le reste ? « Qu’elles sont
vos intentions, les filles ? »
À part se faire un trio nocturne et sensuel, dans l’immédiat, il s’agit de
chiffrer combien les opérations de liquidations vont coûter.
Le plumitif local a déjà fait les comptes : Au bas mot, 4 à 5 millions de
Livres. Il conseille d’ailleurs quelques montages spécieux pour alléger la
facture des agents du fisc local, qui sont, comme partout ailleurs dans le
monde dans les mêmes circonstances, déjà aux aguets en se frottant les mains de
la mort d’autrui.
Ce ne sont pas souvent les seuls, d’ailleurs… mais toujours les premiers.
Paul coupe court : « Vous verrez ça
avec le clerc de Lady Thornner qu’elle met à notre disposition. Je rajoute que
ta copine » fait-il à l’adresse de Lady Catherin, « souhaite récupérer ses parts dans tes affaires. Je crois que c’est
naturel. Alors, soit tu envisages de céder des actifs pour la payer, soit tu
t’apprêtes à entrer en bourse ou à nouer un deal avec un investisseur. Parce
que j’imagine que tu n’as pas le premier sou ! »
Il imagine bien.
Quant à céder des « actifs », il faut en trouver en plus pour de 1 à 2
millions de Livres au total si Lady Joan sort.
Moins si l’opération se fait avant la clôture de la succession.
« Disons qu’elle sera gourmande et
espère bien une belle plus-value. C’est au double qu’elle compte en retirer.
Soit trois millions de Livres minimum, donc un total 7 à 8 millions. Tu as quoi
qui vaut ce prix-là ? »
La maison, l’usine, les terrains, les machines, les cuves… Ça ne fait même
pas ce total évalué entre 6 et peut-être 7 !
« Mais qu’est-ce qui lui prend tout
d’un coup ? »
Elle va se marier et compte emplir sa dot pour renflouer son futur.
« Se marier ? Tu es fou ! »
On peut vendre l’usine à puce à quelques-uns de ses « maîtres du monde ».
Mais il faudrait déménager les ateliers.
Lady Margaret proteste du haut de son fauteuil à roulettes. Elle n’a
certes plus les financements de la Fondation Risle pour ses prothèses et
orthèses « intelligentes » et adaptatives, mais alors sans les royalties des
puces RFID, elle sera obligée d’arrêter ses travaux de recherche.
« Et le stock. Tu as combien de
bouteilles qui sont en train de vieillir ? »
Lady Catherin ne sait pas. Plus de deux millions, trois, peut-être le
double. « Mais en fûts, pas en flacon.
»
Des Hogshead de 54 gallons. Valeur estimée 350 à 400 livres le fût.
Petits calculs mentaux : Une livre qui oscille à ce moment-là entre 1,16
et 1,17 euros, un fût qui fait 54 gallons, un gallon qui fait 4,558 litres, une
bouteille qui fait 75 cl, des taxes de circulation qui s’élève à 1.514 €
l’hectolitre sur le continent, sans compter la TVA locale et la vignette de
sécurité sociale de 26 % sur les alcools, ça donne…
D’un côté deux millions de bouteilles présumés, soit 10.800 fûts. Ou
encore 4 millions de livres sterling. Elle peut déjà payer ses droits si elle
vend une partie de l’ensemble.
Mais encore pour vendre, il faut trouver un acheteur qui va devoir
revendre.
Soit à deux livres la bouteille hors taxe hors droit.
Si on livre en France, ça fait du 2,34 euros la bouteille, auquel il faut
rajouter 2 euros de droit, plus 40 centimes de TVA et 1,23 de vignette SS, pour
un prix hors transport à 5,97 €. Avec la marge du distributeur, on se retrouve
avec un prix public TTC de l’ordre de 10 à 12 euros la bouteille sans
étiquette…
Le calcul de Paul, c’est de refourguer 1 million de bouteilles par lot de
cartons de 12 au minimum à chaque promo de l’X encore active, avec l’année de
la promo et son nom sur l’étiquette : à 150 € le carton, il a des chances d’en
écouler un bon millier par promo « active », soit environ 40.000 cartons et au
moins autant à sup-aéro.
Dans cette hypothèse, il lui restera sur les bras 3.000 cartons à stocker
pour des jours meilleurs, mais aura vendu pour 12 millions d’euros, payé son
fournisseur exclusif sur ce coup-là pour 3,4 millions d’euro, et aura 2,86
millions d’euro pour payer ses frais d’étiquetage et de transport.
Pour un type au chômage qui cherche désespérément un peu de menue-monnaie,
c’est jouable.
Et il monte le deal avec Lady Catherin, qui n’est pas très chaude de ne
plus avoir assez de stock pendant quelques années.
« Écoute, c’est ça rapidement, sous
six mois, ou c’est autre chose de plus emmerdant ! »
Oui mais la suite ? Lady Joan. Là, Paul ne voit rien d’autres que de
refourguer l’immobilier ou l’usine à puces à des investisseurs. « Au moins comme ça, tu gardes ton château,
soit les murs pour distiller ton whisky pendant quelques années, soit
l’inverse. Je ne sais pas. »
Et si au contraire on vendait la marque et la distillerie pour garder les
puces ?
« Ça vaut un an de vente. Tu vends combien
de whisky par an ? »
À peine 2 à 3 millions de Livres les bonnes années. « Et avec un stock en vieillissement amputé, ça ne vaut plus grand-chose
! »
À moins qu’elle ne cède une grosse part de ses actions. Ou celles de Lady
Joan. « Tu accepterais d’avoir une
substitution entre Lady Joan et un actionnaire comme Ricard ou un de ses
concurrents ? »
Ils n’attendent que ça. Et résignée elle finit par lâcher : « Mais on va dire que c’est le problème de
Lady Joan. Je ne veux pas savoir ! Elle se débrouille seule… »
Ça va être sportif, se dit Paul. En attendant, c’est la nuit qui suit qui
est « sportive ».
Aparté n° 25
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[1] Autrement dit le « God-father », le « parrain » chez les huguenots de
sa secte à elle…
[2] Cf. L’épisode des enquêtes de Charlotte : Chapitre
XXVI Opération « Juliette-Siéra », publié aux éditions I-Cube
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