Quel est l’intérêt de l’enfant ?
Dans cette espèce-là, on a affaire à un père brutal
qui est privé de son autorité parentale à la suite d’une condamnation pour des
violences envers sa compagne qu’il aura probablement engrossée au préalable.
Mais il demande à conserver un droit de visite de la gamine née de ses fougueux ébats sensuels.
Or, condamné pour des faits de violences et de harcèlement sur la mère, il a perdu son autorité parentale sur son enfant, ce qui a entraîné la perte de son droit de visite.
Peut-il, malgré tout obtenir le droit de visite au nom de la préservation des relations personnelles entre un parent et son enfant ?
La Cour de cassation vous répond :
1er octobre 2025
Pourvoi n° 24-10.369
Première chambre civile - Formation de section
Mme CHAMPALAUNE, présidente
Arrêt n° 604 FS-B
Pourvoi n° S 24-10.369
Aide juridictionnelle totale en demande au profit de
M. [Z] [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 novembre 2023.
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE
CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2025
M. [Z] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi
n° S 24-10.369 contre l'arrêt rendu le 2 mai 2023 par la cour d'appel de Metz
(chambre de la famille), dans le litige l'opposant à Mme [E] [H], domiciliée
[Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marilly, conseillère référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 1er juillet 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, Mme Marilly, conseillère référendaire rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, Mme Poinseaux, M. Fulchiron, Mme Dard, Mme Beauvois, Mme Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Marilly, Mme Lion, Mme Daniel, Mme Vanoni-Thiery, conseillers référendaires, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 2 mai 2023), des relations de Mme [H] et de M. [Y] est née [R] [Y], le 3 octobre 2014.
2. Le 19 juin 2020, Mme [H] a saisi un juge aux affaires familiales afin d'obtenir le retrait de l'autorité parentale de M. [Y] sur la mineure, la fixation de la résidence de celle-ci à son domicile sans droit de visite et d'hébergement du père et la condamnation de ce dernier à lui payer une pension alimentaire mensuelle de 200 euros pour l'enfant.
3. Le 15 octobre 2020, une juridiction pénale a condamné M. [Y] pour des faits de violences volontaires sur la personne de Mme [H] et de harcèlement à son égard et a ordonné le retrait total de l'autorité parentale de M. [Y] sur l'enfant.
Examen du moyen
Énoncé du moyen
4. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite à l'égard de l'enfant, alors :
« 1°/ que l'article 371-4 du code civil, qui dispose que l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants", ne distingue pas entre les ascendants de l'enfant et peut donc être invoqué par tous ses ascendants, y compris ses père et mère ; qu'il en résulte qu'un père, même privé de l'autorité parentale, peut toujours invoquer son lien d'ascendance directe pour demander, sur le fondement du texte susvisé, un droit de visite à l'égard de son enfant, dans l'intérêt de ce dernier ; qu'en refusant toutefois de faire application de ce texte, aux motifs erronés qu'il ne concernerait pas les père et mère de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 371-4 du code civil ;
2°/ que le lien de filiation entre un père et son enfant doit permettre l'octroi d'un droit de visite au père, même privé de l'autorité parentale, sous réserve de l'intérêt de l'enfant ; qu'ainsi, le retrait total de l'autorité parentale prononcé à l'encontre du père ne le prive pas automatiquement et nécessairement de tout droit de visite à l'égard de son enfant ; qu'il appartient alors au juge d'apprécier si un tel droit peut être aménagé dans l'intérêt de l'enfant ; qu'en jugeant au contraire par principe que le retrait total de l'autorité parentale qui avait été prononcé à l'encontre de M. [Y], empêcherait nécessairement de lui accorder tout droit de visite à l'égard de sa fille, la cour d'appel a violé les articles 378 et 379 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
5. Le moyen, pris en sa seconde branche, pose d'abord la question de savoir, dans le silence des textes, si le droit de visite des père et mère est inclus dans les attributs se rattachant à l'autorité parentale sur lesquels porte de plein droit le retrait total de l'autorité parentale prononcé en vertu des articles 378 et 378-1 du code civil, selon l'article 379, alinéa 1er, du même code.
6. En effet, l'article 378, alinéas 1 à 3, du code civil dispose :
« En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un crime ou d'une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d'un crime commis sur la personne de l'autre parent, la juridiction pénale ordonne le retrait total de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée.
En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de son enfant, autre qu'une agression sexuelle incestueuse, la juridiction pénale se prononce sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité.
En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de l'autre parent ou comme coauteur ou complice d'un crime ou d'un délit commis par son enfant, la juridiction pénale peut ordonner le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou le retrait de l'exercice de cette autorité. »
7. Selon l'article 378-1 du même code, le retrait total de l'autorité parentale peut également être prononcé, en dehors de toute condamnation pénale, d'une part, lorsque certains comportements déterminés des père et mère mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l'enfant et, d'autre part, quand une mesure d'assistance éducative avait été prise à l'égard de l'enfant, lorsque les père et mère, pendant plus de deux ans, se sont volontairement abstenus d'exercer les droits et de remplir les devoirs que leur laissait l'article 375-7.
8. Selon l'article 379, alinéa 1er, de ce code, le retrait total de l'autorité parentale prononcé en vertu des articles 378 et 378-1 porte de plein droit sur tous les attributs, tant patrimoniaux que personnels, se rattachant à l'autorité parentale.
9. Aux termes de l'article 381, alinéa 1er, du code civil, les père et mère qui ont fait l'objet d'un retrait total ou partiel de l'autorité parentale pour l'une des causes prévues aux articles 378 et 378-1, pourront, par requête, obtenir du tribunal judiciaire, en justifiant de circonstances nouvelles, que leur soient restitués, en tout ou partie, les droits dont ils avaient été privés, cette requête pouvant intervenir dans un délai d'un an après que le jugement prononçant le retrait est devenu irrévocable.
10. L'article 373-2 du code civil consacre le droit et le devoir des parents de maintenir des relations personnelles avec leur enfant, mais aussi le droit de l'enfant de conserver des liens avec eux, lequel procède du lien de filiation qui les unit. En cas de séparation des parents, ces droits prennent la forme d'un droit de visite qui peut être accordé, dans l'intérêt de l'enfant, à celui des parents qui ne dispose pas de la résidence habituelle de l'enfant, qu'ils exercent ou non l'autorité parentale en commun, conformément aux articles 373-2-1 et suivants du code civil, dispositions qui figurent dans le titre IX, chapitre 1er, intitulé « De l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant ».
11. À la différence des articles 373-2-1, alinéas 2 et 3, 373-2-8, 373-2-9 et 375-7 du code civil, respectivement relatifs à l'exercice de l'autorité parentale par un parent seul, aux modalités de son exercice en commun par les parents ou à son exercice en cas de placement de l'enfant, qui réservent tous expressément, dans l'intérêt de l'enfant, et sauf motifs graves pour le parent qui n'a plus l'exercice de l'autorité parentale, le principe du maintien du droit de visite, les articles relatifs au retrait de l'autorité parentale ne l'ont pas prévu.
12. De plus, il résulte des travaux parlementaires afférents aux lois n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, qu'au regard des circonstances exceptionnelles conduisant à un retrait total de l'autorité parentale, le législateur a estimé que les exigences de la protection de l'enfant rendaient nécessaire la rupture, au moins pour un an, des relations entre l'enfant et le parent qui a fait l'objet d'une telle mesure.
13. Il s'en déduit que la décision de retrait total de l'autorité parentale entraîne pour le parent concerné la perte automatique de son droit de visite, attribut de l'autorité parentale au sens de l'article 379 du code civil, le juge pouvant, s'il décide d'un retrait partiel, prévoir que, dans l'intérêt de l'enfant, un tel droit sera maintenu.
14. Le moyen pose ensuite la question de la conventionnalité de l'article 379 du code civil ainsi interprété.
15. L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie familiale.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
16. La Cour européenne des droits de l'homme juge de manière constante, que pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale, même si la relation entre les parents s'est rompue et que des mesures internes qui les en empêchent constituent une ingérence dans le droit protégé par l'article 8 de la Convention (CEDH, GC, arrêt du 13 juillet 2000, Elsholz c. Allemagne, n° 25735/94, § 43).
17. Il en résulte que les mesures qui privent totalement un requérant de sa vie familiale avec l'enfant ne devraient être appliquées que dans des circonstances exceptionnelles et ne peuvent se justifier que si elles sont motivées par une exigence impérieuse tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant (CEDH, arrêt Johansen c. Norvège, 7 août 1996, n° 17383/90, § 78). L'intérêt de l'enfant commande de tout mettre en œuvre pour préserver les relations personnelles et, le cas échéant, pour reconstruire la famille (CEDH, arrêt du 6 septembre 2018, Jansen c. Norvège, n° 2822/16, § 93).
18. Si la mesure de retrait total de l'autorité parentale, en ce qu'elle entraîne la suppression du droit de visite avec l'enfant, constitue une ingérence dans le droit au maintien des relations personnelles entre un parent et son enfant, elle poursuit un but légitime consistant à protéger l'enfant, victime directe ou indirecte de violences intrafamiliales ou mis en danger du fait de l'un ou l'autre de ses parents.
19. Il s'agit d'une mesure ultime qui ne peut être prononcée que dans l'intérêt de l'enfant apprécié concrètement par le juge, qui, lorsqu'elle est de droit dans les cas les plus graves, peut être écartée par décision spécialement motivée et qui, dans les autres cas, ne peut être ordonnée que dans des circonstances exceptionnelles devant être caractérisées par le juge, lequel dispose de la faculté d'ordonner toute autre mesure de protection qu'il estimerait plus adaptée à la situation dont il est saisi et préservant, le cas échéant, le droit de visite.
20. Elle est susceptible d'être révisée dans un délai d'un an après qu'elle est devenue irrévocable, ce qui permet d'envisager une reprise des relations au regard de l'évolution des circonstances.
21. Strictement encadrée par la loi, mise en œuvre par un juge et assortie de garanties suffisantes, elle n'est donc pas, en elle-même, contraire aux exigences de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
22. Le moyen, pris en sa première branche, pose par ailleurs la question de savoir si l'article 371-4, alinéa 1er, du code civil, selon lequel l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, seul l'intérêt de l'enfant pouvant faire obstacle à l'exercice de ce droit, peut être invoqué par les père et mère.
23. Il ressort des travaux parlementaires de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, dont est issu le texte précité, que seuls sont visés par celui-ci les ascendants autres que les parents, ces derniers bénéficiant de droits spécifiques.
24. D'une part, ayant relevé que le retrait total de l'autorité parentale sur l'enfant [R] avait été ordonné par une juridiction pénale, la cour d'appel en a exactement déduit que M. [Y] avait perdu les droits qui s'y rattachaient, notamment le droit de visite.
25. D'autre part, elle a retenu à bon droit que celui-ci ne pouvait se voir accorder un droit de visite sur le fondement de l'article 371-4, alinéa 1er, du code civil.
26. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le premier octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Un arrêt intéressant parce que la Cour indique explorer
diverses sources de droit, les traités internationaux, mais tout autant les travaux
parlementaires comme une « source de droit » valide pour interpréter
la portée d’un texte de loi.
Et dans cette affaire, c’est une fois encore le drame de ces vies de famille détruite par la violence d’un seul.
La mère, victime de violences et de harcèlement,
saisit le juge aux affaires familiales pour demander le retrait de l’autorité
parentale et fixer la résidence de sa fille à son domicile sans droit de visite
du père.
Condamné pénalement, le père se voit retirer totalement l’autorité parentale, et le droit de visite lui est refusé par la Cour d’appel.
Le père saisit la Cour de cassation pour dire droit, le coup de poing et la baston ne suffisant plus pour imposer sa volonté.
Et pour ce faire, il invoque le droit de l’enfant à « entretenir des relations personnelles avec ses ascendants » (article 371-4 du code civil) et le respect de sa vie familiale (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme).
Fortiche, et en muscle durci et en droit…
Mais heureusement, la Cour de cassation considère que
le retrait total de l’autorité parentale, prononcé par le juge pénal, entraîne
automatiquement la perte de tous les attributs liés à cette autorité, y compris
le droit de visite !
Elle estime même que le retrait de l’autorité parentale est justifié par la nécessité de protéger l’enfant, considéré alors comme une victime indirecte des violences familiales.
Or, les « exigences de protection » de l’enfant,
inscrites dans la loi de 2019 contre les violences au sein de la famille et
dans la loi de 2024 visant à mieux protéger les enfants de ces violences,
rendent nécessaire « la rupture, au moins pour un an, des relations entre
l'enfant et le parent », privé de son autorité parentale dans ce cadre.
Et la Cour rejette l’argument du père selon lequel « l’enfant
a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants » :
Ce texte du code civil ne visant que les ascendants autres que les parents.
Autrement dit, la Cour fait une leçon de vocabulaire, en tordant un peu ke cou des définitions communément admises du « francilien-natif » en s’appuyant sur les travaux préparatoires et débat du Parlement à l’origine de la loi.
Donc, un parent privé de son autorité parentale perd automatiquement son droit de visite et ne peut invoquer son lien d’ascendance avec son enfant pour demander un tel droit, aura tranché la Cour de cassation.
Les grands-parents, c’est une autre affaire…
Cette décision rendue récemment, le 1er octobre
2025, s’inscrit donc dans une logique de protection absolue de l’intérêt
supérieur de l’enfant.
Vous avez la réponse à votre question…
Mais à mon sens, celle-ci est comme les antibiotiques : Elle n’est pas automatique !
C’est au juge du fond de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant, et il peut être diamétralement différente dans d’autres circonstances…
Bonne continuation de week-end à toutes et à tous !
I3
Pour
mémoire (n’en déplaise à « Poux-tine ») : « LE PRÉSENT BILLET A ENCORE ÉTÉ
RÉDIGÉ PAR UNE PERSONNE « NON RUSSE » ET MIS EN LIGNE PAR UN MÉDIA DE MASSE «
NON RUSSE », REMPLISSANT DONC LES FONCTIONS D’UN AGENT « NON RUSSE » !
Post-scriptum : Alexeï Navalny est mort en détention pour ses opinions politiques. Les Russes se condamnent à perpétuité à en supporter toute la honte !
Постскриптум: Алексей Навальный умер в заключении за свои политические взгляды. Россияне обрекают себя на всю жизнь нести весь позор!
Parrainez Renommez la rue de l'ambassade de Russie à Paris en rue Alexeï Navalny (change.org)
Mais il demande à conserver un droit de visite de la gamine née de ses fougueux ébats sensuels.
Or, condamné pour des faits de violences et de harcèlement sur la mère, il a perdu son autorité parentale sur son enfant, ce qui a entraîné la perte de son droit de visite.
Peut-il, malgré tout obtenir le droit de visite au nom de la préservation des relations personnelles entre un parent et son enfant ?
La Cour de cassation vous répond :
Pourvoi n° 24-10.369
Première chambre civile - Formation de section
COUR DE
CASSATION
Arrêt n° 604 FS-B
Pourvoi n° S 24-10.369
Admission du bureau d'aide juridictionnelle près la Cour de cassation en date du 15 novembre 2023.
R É P U B L I
Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU
PEUPLE FRANÇAIS
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marilly, conseillère référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [Y], après débats en l'audience publique du 1er juillet 2025 où étaient présents Mme Champalaune, présidente, Mme Marilly, conseillère référendaire rapporteure, Mme Auroy, conseillère doyenne, Mme Poinseaux, M. Fulchiron, Mme Dard, Mme Beauvois, Mme Agostini, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, Mme Marilly, Mme Lion, Mme Daniel, Mme Vanoni-Thiery, conseillers référendaires, et Mme Tifratine, greffière de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 2 mai 2023), des relations de Mme [H] et de M. [Y] est née [R] [Y], le 3 octobre 2014.
2. Le 19 juin 2020, Mme [H] a saisi un juge aux affaires familiales afin d'obtenir le retrait de l'autorité parentale de M. [Y] sur la mineure, la fixation de la résidence de celle-ci à son domicile sans droit de visite et d'hébergement du père et la condamnation de ce dernier à lui payer une pension alimentaire mensuelle de 200 euros pour l'enfant.
3. Le 15 octobre 2020, une juridiction pénale a condamné M. [Y] pour des faits de violences volontaires sur la personne de Mme [H] et de harcèlement à son égard et a ordonné le retrait total de l'autorité parentale de M. [Y] sur l'enfant.
Énoncé du moyen
4. M. [Y] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de droit de visite à l'égard de l'enfant, alors :
« 1°/ que l'article 371-4 du code civil, qui dispose que l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants", ne distingue pas entre les ascendants de l'enfant et peut donc être invoqué par tous ses ascendants, y compris ses père et mère ; qu'il en résulte qu'un père, même privé de l'autorité parentale, peut toujours invoquer son lien d'ascendance directe pour demander, sur le fondement du texte susvisé, un droit de visite à l'égard de son enfant, dans l'intérêt de ce dernier ; qu'en refusant toutefois de faire application de ce texte, aux motifs erronés qu'il ne concernerait pas les père et mère de l'enfant, la cour d'appel a violé l'article 371-4 du code civil ;
2°/ que le lien de filiation entre un père et son enfant doit permettre l'octroi d'un droit de visite au père, même privé de l'autorité parentale, sous réserve de l'intérêt de l'enfant ; qu'ainsi, le retrait total de l'autorité parentale prononcé à l'encontre du père ne le prive pas automatiquement et nécessairement de tout droit de visite à l'égard de son enfant ; qu'il appartient alors au juge d'apprécier si un tel droit peut être aménagé dans l'intérêt de l'enfant ; qu'en jugeant au contraire par principe que le retrait total de l'autorité parentale qui avait été prononcé à l'encontre de M. [Y], empêcherait nécessairement de lui accorder tout droit de visite à l'égard de sa fille, la cour d'appel a violé les articles 378 et 379 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
5. Le moyen, pris en sa seconde branche, pose d'abord la question de savoir, dans le silence des textes, si le droit de visite des père et mère est inclus dans les attributs se rattachant à l'autorité parentale sur lesquels porte de plein droit le retrait total de l'autorité parentale prononcé en vertu des articles 378 et 378-1 du code civil, selon l'article 379, alinéa 1er, du même code.
6. En effet, l'article 378, alinéas 1 à 3, du code civil dispose :
« En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un crime ou d'une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d'un crime commis sur la personne de l'autre parent, la juridiction pénale ordonne le retrait total de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée.
En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de son enfant, autre qu'une agression sexuelle incestueuse, la juridiction pénale se prononce sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité.
En cas de condamnation d'un parent comme auteur, coauteur ou complice d'un délit commis sur la personne de l'autre parent ou comme coauteur ou complice d'un crime ou d'un délit commis par son enfant, la juridiction pénale peut ordonner le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou le retrait de l'exercice de cette autorité. »
7. Selon l'article 378-1 du même code, le retrait total de l'autorité parentale peut également être prononcé, en dehors de toute condamnation pénale, d'une part, lorsque certains comportements déterminés des père et mère mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la moralité de l'enfant et, d'autre part, quand une mesure d'assistance éducative avait été prise à l'égard de l'enfant, lorsque les père et mère, pendant plus de deux ans, se sont volontairement abstenus d'exercer les droits et de remplir les devoirs que leur laissait l'article 375-7.
8. Selon l'article 379, alinéa 1er, de ce code, le retrait total de l'autorité parentale prononcé en vertu des articles 378 et 378-1 porte de plein droit sur tous les attributs, tant patrimoniaux que personnels, se rattachant à l'autorité parentale.
9. Aux termes de l'article 381, alinéa 1er, du code civil, les père et mère qui ont fait l'objet d'un retrait total ou partiel de l'autorité parentale pour l'une des causes prévues aux articles 378 et 378-1, pourront, par requête, obtenir du tribunal judiciaire, en justifiant de circonstances nouvelles, que leur soient restitués, en tout ou partie, les droits dont ils avaient été privés, cette requête pouvant intervenir dans un délai d'un an après que le jugement prononçant le retrait est devenu irrévocable.
10. L'article 373-2 du code civil consacre le droit et le devoir des parents de maintenir des relations personnelles avec leur enfant, mais aussi le droit de l'enfant de conserver des liens avec eux, lequel procède du lien de filiation qui les unit. En cas de séparation des parents, ces droits prennent la forme d'un droit de visite qui peut être accordé, dans l'intérêt de l'enfant, à celui des parents qui ne dispose pas de la résidence habituelle de l'enfant, qu'ils exercent ou non l'autorité parentale en commun, conformément aux articles 373-2-1 et suivants du code civil, dispositions qui figurent dans le titre IX, chapitre 1er, intitulé « De l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant ».
11. À la différence des articles 373-2-1, alinéas 2 et 3, 373-2-8, 373-2-9 et 375-7 du code civil, respectivement relatifs à l'exercice de l'autorité parentale par un parent seul, aux modalités de son exercice en commun par les parents ou à son exercice en cas de placement de l'enfant, qui réservent tous expressément, dans l'intérêt de l'enfant, et sauf motifs graves pour le parent qui n'a plus l'exercice de l'autorité parentale, le principe du maintien du droit de visite, les articles relatifs au retrait de l'autorité parentale ne l'ont pas prévu.
12. De plus, il résulte des travaux parlementaires afférents aux lois n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille et n° 2024-233 du 18 mars 2024 visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales, qu'au regard des circonstances exceptionnelles conduisant à un retrait total de l'autorité parentale, le législateur a estimé que les exigences de la protection de l'enfant rendaient nécessaire la rupture, au moins pour un an, des relations entre l'enfant et le parent qui a fait l'objet d'une telle mesure.
13. Il s'en déduit que la décision de retrait total de l'autorité parentale entraîne pour le parent concerné la perte automatique de son droit de visite, attribut de l'autorité parentale au sens de l'article 379 du code civil, le juge pouvant, s'il décide d'un retrait partiel, prévoir que, dans l'intérêt de l'enfant, un tel droit sera maintenu.
14. Le moyen pose ensuite la question de la conventionnalité de l'article 379 du code civil ainsi interprété.
15. L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie familiale.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
16. La Cour européenne des droits de l'homme juge de manière constante, que pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale, même si la relation entre les parents s'est rompue et que des mesures internes qui les en empêchent constituent une ingérence dans le droit protégé par l'article 8 de la Convention (CEDH, GC, arrêt du 13 juillet 2000, Elsholz c. Allemagne, n° 25735/94, § 43).
17. Il en résulte que les mesures qui privent totalement un requérant de sa vie familiale avec l'enfant ne devraient être appliquées que dans des circonstances exceptionnelles et ne peuvent se justifier que si elles sont motivées par une exigence impérieuse tenant à l'intérêt supérieur de l'enfant (CEDH, arrêt Johansen c. Norvège, 7 août 1996, n° 17383/90, § 78). L'intérêt de l'enfant commande de tout mettre en œuvre pour préserver les relations personnelles et, le cas échéant, pour reconstruire la famille (CEDH, arrêt du 6 septembre 2018, Jansen c. Norvège, n° 2822/16, § 93).
18. Si la mesure de retrait total de l'autorité parentale, en ce qu'elle entraîne la suppression du droit de visite avec l'enfant, constitue une ingérence dans le droit au maintien des relations personnelles entre un parent et son enfant, elle poursuit un but légitime consistant à protéger l'enfant, victime directe ou indirecte de violences intrafamiliales ou mis en danger du fait de l'un ou l'autre de ses parents.
19. Il s'agit d'une mesure ultime qui ne peut être prononcée que dans l'intérêt de l'enfant apprécié concrètement par le juge, qui, lorsqu'elle est de droit dans les cas les plus graves, peut être écartée par décision spécialement motivée et qui, dans les autres cas, ne peut être ordonnée que dans des circonstances exceptionnelles devant être caractérisées par le juge, lequel dispose de la faculté d'ordonner toute autre mesure de protection qu'il estimerait plus adaptée à la situation dont il est saisi et préservant, le cas échéant, le droit de visite.
20. Elle est susceptible d'être révisée dans un délai d'un an après qu'elle est devenue irrévocable, ce qui permet d'envisager une reprise des relations au regard de l'évolution des circonstances.
21. Strictement encadrée par la loi, mise en œuvre par un juge et assortie de garanties suffisantes, elle n'est donc pas, en elle-même, contraire aux exigences de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
22. Le moyen, pris en sa première branche, pose par ailleurs la question de savoir si l'article 371-4, alinéa 1er, du code civil, selon lequel l'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, seul l'intérêt de l'enfant pouvant faire obstacle à l'exercice de ce droit, peut être invoqué par les père et mère.
23. Il ressort des travaux parlementaires de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, dont est issu le texte précité, que seuls sont visés par celui-ci les ascendants autres que les parents, ces derniers bénéficiant de droits spécifiques.
24. D'une part, ayant relevé que le retrait total de l'autorité parentale sur l'enfant [R] avait été ordonné par une juridiction pénale, la cour d'appel en a exactement déduit que M. [Y] avait perdu les droits qui s'y rattachaient, notamment le droit de visite.
25. D'autre part, elle a retenu à bon droit que celui-ci ne pouvait se voir accorder un droit de visite sur le fondement de l'article 371-4, alinéa 1er, du code civil.
26. Le moyen n'est donc pas fondé.
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le premier octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Et dans cette affaire, c’est une fois encore le drame de ces vies de famille détruite par la violence d’un seul.
Condamné pénalement, le père se voit retirer totalement l’autorité parentale, et le droit de visite lui est refusé par la Cour d’appel.
Le père saisit la Cour de cassation pour dire droit, le coup de poing et la baston ne suffisant plus pour imposer sa volonté.
Et pour ce faire, il invoque le droit de l’enfant à « entretenir des relations personnelles avec ses ascendants » (article 371-4 du code civil) et le respect de sa vie familiale (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme).
Fortiche, et en muscle durci et en droit…
Elle estime même que le retrait de l’autorité parentale est justifié par la nécessité de protéger l’enfant, considéré alors comme une victime indirecte des violences familiales.
Autrement dit, la Cour fait une leçon de vocabulaire, en tordant un peu ke cou des définitions communément admises du « francilien-natif » en s’appuyant sur les travaux préparatoires et débat du Parlement à l’origine de la loi.
Donc, un parent privé de son autorité parentale perd automatiquement son droit de visite et ne peut invoquer son lien d’ascendance avec son enfant pour demander un tel droit, aura tranché la Cour de cassation.
Les grands-parents, c’est une autre affaire…
Vous avez la réponse à votre question…
Mais à mon sens, celle-ci est comme les antibiotiques : Elle n’est pas automatique !
C’est au juge du fond de déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant, et il peut être diamétralement différente dans d’autres circonstances…
Post-scriptum : Alexeï Navalny est mort en détention pour ses opinions politiques. Les Russes se condamnent à perpétuité à en supporter toute la honte !
Постскриптум: Алексей Навальный умер в заключении за свои политические взгляды. Россияне обрекают себя на всю жизнь нести весь позор!
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