Cass. soc. 11-1-2017 n° 15-20.040 FS-PB
Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, la
transaction rédigée en termes généraux interdit au salarié qui l’a signée de
demander ensuite l’indemnisation d’un préjudice, même reconnu par la
jurisprudence, après la signature.
Cour de cassation chambre sociale
Audience publique du mercredi 11 janvier 2017
N° de pourvoi : 15-20040
Publié au bulletin
M. Frouin (président), président
SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP
Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt
suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 2044 et 2052 du code civil dans leur
rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, 2048
et 2049 du même code ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué et les pièces de la
procédure, que M. X… a été engagé par la société Honeywell Aftermarket Europe
(la société) et occupait en dernier lieu les fonctions de responsable des
transports en France ; que la relation de travail a pris fin le 28 février
2002, à l’expiration de la période de préavis, après la signature d’un
protocole transactionnel le 30 novembre 2001 ; que par arrêté ministériel du 1er
août 2001, la société avait été inscrite pour son site d’Allonne sur la liste
des établissements ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée des
travailleurs de l’amiante (ACAATA) ; qu’invoquant un préjudice d’anxiété en
lien avec une exposition à l’amiante, M. X… a saisi la juridiction prud’homale
;
Attendu que pour accueillir la demande du salarié, l’arrêt
retient qu’il résulte de l’article 2048 du code civil que les termes de la
transaction doivent être interprétés de manière stricte, qu’en l’espèce la
transaction a porté sur la cessation anticipée d’activité professionnelle mise
en œuvre par le dispositif légal, que la demande est totalement indépendante et
distincte de cette dernière, qu’en tout état de cause, le protocole
transactionnel ne pouvait mentionner la renonciation à se prévaloir d’un
préjudice dont la reconnaissance est issue d’une création jurisprudentielle du
11 mai 2010, donc de plusieurs années postérieures à sa signature ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’aux termes de la
transaction, le salarié déclarait être rempli de tous ses droits et ne plus
avoir aucun chef de grief quelconque à l’encontre de la société du fait de l’exécution
ou de la rupture du contrat de travail, la cour d’appel a violé les textes
susvisés ;
PAR CES MOTIFS, sans qu’il soit nécessaire de statuer
sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt
rendu le 2 juin 2015, entre les parties, par la cour d’appel d'Amiens ; remet,
en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel
de Douai ;
Condamne M. X… aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre
sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze janvier
deux mille dix-sept.
Arrêt des plus logiques : Une transaction, c’est
une convention opposable, même au juge – à condition que les formes et règles
de d’ordre public (les vices de consentement notamment) soient respectées – qui
a été inventé pour mettre fin, définitivement, à des contentieux improbables,
quelle qu’en soit la nature (droit du travail, droit civil, droit commercial,
droit fiscal et douanier, etc.).
Et ça existe depuis bien avant la
rupture-conventionnelle inventée par « Bling-bling » pour le droit du
travail.
Ce dernier « OJNI » (Objet Juridique
Nouvellement Inventé), se rappelle-t-on, est une façon rapide de mettre fin à
un contrat de travail mais doit être visé par l’inspection du travail (DIRRECT).
Alors qu’une transaction a pour objet de mettre fin à
toute contestation née ou à naître résultant de l’exécution ou de la rupture du
contrat de travail, au moyen de concessions réciproques.
Encore faut-il qu’il y ait contestations ET
concessions réciproques.
Mais une foi signée, plus personne ne peut revenir
dessus.
Vous vous souvenez de l’arbitrage de « Nanar-Tapis-bas-la-carpette »
qui est une autre forme de justice – arbitrale en l’occurrence – qui débouche
sur un ersatz de transaction qui prend alors la dénomination de « compromis ».
C’est du pareil au même : On ne revient pas
dessus, sauf vice de consentement et/ou de procédure…
La transaction évite à l’employeur d’avoir ensuite à
faire face à un procès. Elle éteint donc définitivement les contestations qui
en font l’objet. En principe, les demandes ayant un objet différent restent
toutefois recevables.
Oui mais, quelle est la portée d’une transaction
rédigée en termes généraux, telle était la question juridique posée à travers
cet arrêt ?
Et en l’espèce, le salarié et l’employeur avaient
conclu le 30 novembre 2001 une transaction aux termes de laquelle le premier
déclarait être rempli de tous ses droits et ne plus avoir aucun grief à l’encontre
de la société du fait de l’exécution ou de la rupture de son contrat de
travail.
Mais, par la suite, il avait saisi le conseil de prud’hommes
d’une demande en réparation de son « préjudice d’anxiété » en lien
avec une exposition à l’amiante, le site où il travaillait étant inscrit sur la
liste des établissements ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée
des travailleurs de l’amiante.
Le salarié soutenait que la reconnaissance et l’indemnisation
du « préjudice d’anxiété » résultant d’une jurisprudence postérieure
à la signature de la transaction (Cass. soc. 11-5-2010 n° 09-42.241), celui-ci
ne pouvait donc être inclus dans son objet.
D’ailleurs les juges du fond, se fondant sur une
interprétation stricte de la transaction et retenant que le protocole
transactionnel ne pouvait pas mentionner la renonciation à se prévaloir d’un
préjudice dont la reconnaissance est issue d’une création jurisprudentielle du
11 mai 2010, donc de plusieurs années postérieure à sa signature, avaient
déclaré recevable la demande du salarié.
Et ce raisonnement est censuré par la chambre sociale
de la Cour de cassation : Étant donné les termes généraux de la transaction, le
salarié n’était plus recevable à saisir la juridiction prud’homale d’une
demande en lien avec l’exécution ou la rupture de son contrat de travail, une
évolution ou un changement de jurisprudence ne pouvant pas modifier l’objet de
la transaction.
Sa transaction aurait dû être plus précise pour ce
faire.
Car comment préciser quelle que chose qui n’existe pas
au moment de l’accord (transactionnel) ?
Rappelons que depuis 1997, l’assemblée plénière de la
Cour de cassation retient une interprétation extensive de l’objet de la transaction,
jugeant que lorsqu’un salarié et un employeur ont conclu une transaction aux
termes de laquelle le premier renonce à toute réclamation relative tant à l’exécution
qu’à la rupture du contrat de travail, la renonciation a une portée générale et
vise toutes les conséquences de la rupture du contrat (Cass. ass. plén.
4-7-1997 n° 93-43.375).
Mais la chambre sociale, faisant « chambre-à-part »
continuait, dans certains arrêts, à retenir une conception restrictive de la
portée de la transaction.
Ainsi, elle considérait que les obligations ayant
vocation à s’appliquer postérieurement à la rupture du contrat de travail n’étaient
pas comprises dans l’objet de la transaction, en l’absence de dispositions
expresses (Cass. soc. 1-3-2000 n° 97-43.471 pour une clause de non-concurrence
; Cass. soc. 8-12-2009 n° 08-41.554 pour des options sur titres).
D’autres décisions ont traduit toutefois un
infléchissement vers une approche de la portée d’une transaction conforme à ce
que juge l’assemblée plénière (Cass. soc. 5-11-2014 n° 13-18.984). L’arrêt du 11
janvier 2017 confirme donc l’abandon, par la chambre sociale, d’une conception
restrictive de l’objet d’une transaction et sa volonté de s’inscrire dans le
fil de ce que juge l’assemblée plénière de la Cour de cassation.
Autrement dit, c’était le dernier acte d’une
harmonisation de la jurisprudence de la Haute Cour : Désormais, toutes les
chambres couchent dans le même dortoir…
Vous, je ne sais pas, mais moi ça me rassure assez
bien, finalement : Les veaux à naître seront mieux gardés !
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